Dossier d’œuvre architecture IA53004324 | Réalisé par
Seure Marion (Contributeur)
Seure Marion

Chercheuse au pôle Inventaire du service du Patrimoine de la Région Pays de la Loire.

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  • inventaire topographique, Canton de Lassay-les-Châteaux
Ville de Lassay
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ancien canton de Lassay-les-Châteaux - Lassay-les-Châteaux
  • Commune Lassay-les-Châteaux
  • Lieu-dit
  • Adresse
  • Cadastre
  • Dénominations
    ville

Depuis le Moyen Âge, la ville de Lassay concentre des activités de justice et un grand nombre de commerces, qui lui octroient le statut de centre administratif et économique. Elle accueille ainsi hommes de lois et commerçants, qui sont à l'origine de la construction de belles demeures, qui rivalisent avec les maisons au champ que certains d'entre eux possèdent. Au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, la population urbaine augmente, en même temps que le commerce de toiles se fait plus florissant. La ville entame alors une mutation qui se poursuit jusqu'à la fin du XIXe siècle.

a) Questions de vocabulaire : ville ou bourg ?

Selon le vocabulaire actuel des géographes, le "centre-bourg" de Lassay, agglomérant bien moins de 2000 habitants, répond davantage à la définition d'un village que d'une ville. Le lien fort que l'agglomération entretient avec son château permettrait même de l'assimiler à un "bourg castral", bien qu'aucune charte de franchise ne soit connue à son sujet. Lassay est toutefois dénommée "burgum" dans les documents du XIIIe siècle la mentionnant (AN, L 971). En outre, le procès du 26 mars 1492, reporté dans les remembrances de la châtellenie de Lassay et jugeant illégale l'implantation d'une croix dans la basse-cour du château, évoque le "droit de communauté aux bourgeois et autres habitans et demourans en la ville de ceans", impliquant une distinction entre deux catégories sociales, les "bourgeois" et les "autres", sans que la nature de cette différence ne soit spécifiée (AD Mayenne, 138 J 43).

À partir du XIVe siècle, la dénomination de "bourg" laisse la place, dans la documentation écrite, à celle de "ville" qui ne cesse ensuite d'être employée par les scripteurs locaux comme par les visiteurs de passage : "la ville de Laçay", 1351 (ANGOT, 1900-1910, article Lassay) ; "le marché en la ville de Laczay", XIVe siècle (BEAUCHESNE 1894). Ce changement de vocabulaire concorde avec la transition conceptuelle mise en évidence par Hélène Noizet au sujet du phénomène urbain. Elle établit une distinction nette entre "lieu réticulaire" et "lieu territorial" et situe ce glissement autour de 1350 (NOIZET 2014). Selon la chercheuse, à partir de la fin du Moyen Âge, la ville apparaît dans ses formes comme dans ses représentations, comme un lieu constitué d'un espace unique, continu et délimité, s'opposant à son dehors, auquel il est relié tout en en étant séparé, contrairement au premier Moyen Âge, où elle se définit avant tout comme un lieu polynucléaire, traversé de réseaux. L'appellation de "ville", que l'on retrouve dans la documentation écrite au sujet de Lassay, correspond donc sans doute davantage à une réalité vécue par les habitants de la fin du Moyen Âge et de l'époque moderne qu'à de quelconques données chiffrées ou à des considérations administratives inexistantes ou anachroniques. De fait, l'aspect de l'agglomération au bas Moyen Âge, close de murs et d'étangs protecteurs, à l'intérieur desquels se déploie un bâti dense, a sans doute contribué à forger cette image urbaine pendant toute la période moderne, reprise par les écrivains voyageurs contemporains.

Par ailleurs, le caractère urbain de Lassay se définit également par ses rapports avec son arrière-pays. De fait, dans un contexte d'éloignement de tout autre pôle urbain de plus grande ampleur (Mayenne se trouve à une vingtaine de kilomètres au sud, Alençon à une cinquantaine à l'est, Fougères à une soixantaine à l'ouest, Domfront à une vingtaine au nord…), la concentration d'activités et de pouvoirs lui confère une forme de centralité par rapport à la campagne environnante. La tenue de foires importantes, dont l'une au moins est mentionnée à partir de 1270, la présence d'une halle centrale, de commerces variés, mais aussi de lieux de justice et d'imposition, et donc d'officiers de loi et de finances, en font une destination pour les populations des campagnes alentours, comme pour les commerçants ou voyageurs au plus long cours.

De plus, la structure et le parcellaire de Lassay varient fondamentalement des autres villages de l'ancien canton. Les formes de son habitat, qu'il soit de nature élitaire ou non, se rapprochent de celles qui peuvent être observées dans le cadre de villes de plus grande dimension. Des hôtels particuliers construits entre cour et jardin, ainsi que des maisons se déployant sur la longueur des parcelles ou bien en doubles corps de logis à gouttereaux sur rue, reliés par des galeries, y ont en effet été repérés. C'est donc bien le terme de "ville" qui semble le plus à même de désigner cette agglomération.

b) Morphogenèse de Lassay

Lassay se situe sur un éperon rocheux, à la confluence de deux cours d'eau, le Lassay et un ruisseau de dimensions plus modestes provenant du nord. La morphologie actuelle de la ville reflète son histoire défensive. Le parcellaire lisible sur le plan cadastral dressé en 1813 s'organise à partir du château. L'axe principal de Lassay s'étend depuis celui-ci et jusqu'à la limite orientale de la ville. Dans sa partie orientale, il s'ouvre en fuseau, ménageant un espace qui accueille d'ouest en est : une première place, un ilot bâti, des halles, détruites en 1877, et une seconde place. Le long de cet axe, le parcellaire est découpé en lanières. Celles-ci témoignent de lotissements médiévaux pouvant remonter à la construction du château primitif (XIe siècle ?) ou aux deux siècles qui suivirent.

Un axe secondaire traverse la ville du nord au sud : il s'agit de la rue Cébaudière au nord de l'axe principal, qui se prolonge dans la ruelle du Croton au sud de l'axe principal. Celle-ci donne accès au Grand Étang. D'autres passages permettent de relier l'axe principal au Grand Étang et dans la moitié nord de la ville, à la rue Dorée. Partant de la rue principale, des faubourgs se déploient à l'est et à l'ouest de la ville.

Différents enclos se lisent dans le cadastre. Autour du château, la régularité du parcellaire est troublée par ce qui semble être la trace fossile du castrum primitif : celui-ci engloberait le château ainsi que la chapelle castrale et se terminerait à l'est par un axe de forme arrondie. Une seconde clôture semble entourer la ville. L'espace compris entre la rue Dorée et la rue des Fossés constitue en effet la trace fossile d'une enceinte nord, tandis que les murs fermant les jardins en terrasse du flanc sud de la ville sont les vestiges de la clôture sud, qui dominait la vallée du Lassay et le Grand Étang, retenu par une digue située face au château.

Si l'aspect de la ville à la fin du Moyen Âge peut être restitué dans une large mesure grâce aux sources écrites, la datation des différents enclos et leur contemporanéité avec la fondation castrale demeure sujette à questionnements. La trace fossile d'une enceinte munie de son fossé, nettement visible autour de la ville, notamment au nord et à l'est, est-elle contemporaine du château primitif ? Ou s'agit-il des vestiges d'une fortification urbaine du bas Moyen-Âge ? La morphologie spécifique de cet enclos irrégulier qui semble emboîté au front oriental de la basse-cour d'une motte castrale primitive, la rapprocherait plutôt de modèle de castrum des XIe et XIIe siècles connus par ailleurs. Mais en l'absence de fouille archéologique urbaine, rien n'interdit de l'attribuer à une période plus récente.

Plan cadastral de la ville de Lassay, vers 1840.Plan cadastral de la ville de Lassay, vers 1840.

c) Les sources écrites

En raison de la bonne conservation du chartrier, les sources écrites concernant la ville de Lassay sont relativement nombreuses concernant la fin du Moyen Âge et l'époque moderne. Des procès entre bourgeois et seigneurs, concernant les cens ou les usages d'espaces de la ville, sont retranscrits dans les remembrances de la châtellenie, conservées à partir de la deuxième moitié du XVe siècle (AD Mayenne, 138 J 41-43). Le détail des cens payés par les habitants de la ville sont reportés dans les recettes des comptes des seigneurs (AD Mayenne, 138 J 36). Par ailleurs, l'inventaire des titres de la ville dressé en 1765 décrit chacune des parcelles d'un plan terrier, aujourd'hui disparu (AD Mayenne, 138 J 47-49). Cet inventaire a néanmoins été réalisé de manière méthodique, portion de rue par portion de rue, ce qui permet dans presque tous les cas d'associer les différents numéros de l'inventaire aux parcelles correspondantes. Ce document est donc précieux en renseignements sur l'aspect de la ville au XVIIIe siècle. En outre, les titres antérieurs ont été recopiés pour chaque parcelle lorsqu'ils étaient conservés dans le chartrier ; certains remontent au XVe siècle. Il est toutefois par endroits douteux que les titres les plus anciens aient été recopiés à la bonne page : un certain flou et un manque de logique dans le voisinage des propriétaires se dégage à la lecture. De plus, toutes les maisons de la ville ne dépendaient pas des seigneurs de Lassay : les seigneurs de Bois-Thibault, ainsi que ceux de Quittay ou de la Drouardière possédaient quelques biens dans le bourg, qui ne sont alors pas décrits dans l'inventaire des titres. C'est également le cas de l'abbaye de Savigny dont dépendait une partie du faubourg de la Croisette, ainsi qu'une maison au centre de la ville.

1. Aux origines du bourg (XIe ? – XIVe siècle)

Le bourg de Lassay n'accueille aucune église paroissiale avant le XIXe siècle, le siège de la paroisse se trouvant dans le hameau de Saint-Fraimbault, éloigné de près de deux km. Le bourg doit donc vraisemblablement son existence à la présence du château, implanté à l'ouest de l'éperon rocheux sans doute dès le XIe siècle. Le fait que le seigneur de Lassay possédait de nombreux droits dans la ville (droit de foires, marchés, coutumes, trépas, branches et péages ; AN, P345/2) au moins à la fin du Moyen Âge et pendant toute l'époque moderne tend à confirmer cette hypothèse. De même, les bourgeois de la ville devaient lui payer le cens, ainsi que la taille, qui s'élevait à 20 l. t. et était distribuée tous les ans par trois ou quatre personnes de la ville, jurés et commis. De lui dépendait également la prévôté de la ville, ainsi que les échoppes des halles.

Bien que la morphologie du bourg, et notamment les parcelles en lanières qui se déploient de part et d'autre de l'axe principal, évoquent une forme de lotissement médiéval, qui pourrait remonter à la fondation du château (XIe siècle), les premières mentions écrites datent du XIIIe siècle. En effet, entre 1233 et 1270, les seigneurs de Lassay et divers habitants du bourg cèdent aux moines de l'abbaye normande de Savigny des emplacements de maisons "in burgo de Laceio", dont les titres sont conservés aux archives nationales (AN, L971). Les maisons concernées par ces donations n'ont pu être localisées avec précision à partir de ces documents, relativement pauvres en éléments descriptifs. Des murs sont toutefois mentionnés dans un document datant de 1243 ("Et de duabus placeis sitis extra muros Laceoio supra ducertum aque ubi sita sunt grangia Roberti Guimar que supra scripta vendidit"), ainsi qu'un "lac", en 1249. Ce dernier correspond sans doute au Grand Étang, qui devait déjà être en eau. En outre, le positionnement des maisons les unes par rapport aux autres suggère que le bâti était alors déjà relativement dense.

Vue aérienne du bourg de Lassay, château et Grand Etang.Vue aérienne du bourg de Lassay, château et Grand Etang.

2. Extension et rénovation de la ville (seconde moitié du XVe siècle – XVIe siècle)

Les analyses de terrain et des sources écrites permettent de restituer l'apparence de Lassay à la fin du Moyen Âge. Son front sud était bordé d'un étang, dit le "Grand Étang", alimenté par le Lassay et d'une longueur d'environ 300 mètres. Sa rive occidentale était fermée par une digue de terre, barrant la vallée et retenant aujourd'hui encore l'étang du château, de dimensions plus réduites et dissocié du cours d'eau. La dénivellation entre le niveau du sol de la ville et le Grand Étang est marquée par une série de murs et de terrasses, tournées vers la vallée du Lassay. Ces clôtures, attestées par les textes dès 1450, complètent la protection formée par l'étang et délimitent des parcelles de jardins vivriers, dont certains sont encore exploités. Au nord, la ville était close par un fossé et des murs. L'absence de vestiges de ces fortifications permet de douter de l'existence d'une véritable enceinte de pierre et invite à préférer l'hypothèse d'une palissade de bois. L'axe est-ouest, partant en direction du Mans, était barré d'une "porte au costé de laquelle sont deux tourelles", selon une description de 1644 (AD Mayenne, 138 J 21). Une seconde s'élevait au croisement de la rue Cébaudière et de la rue des Fossés. Au nord-est de la ville se trouvaient les jardins vivriers de la sous-grâce, ainsi qu'un champ commun, divisé en plusieurs parcelles au cours de l'époque moderne.

Flanc sud du bourg, murs des jardins surmontant le Lassay, sous la maison du 20 place du 8-Mai-1945.Flanc sud du bourg, murs des jardins surmontant le Lassay, sous la maison du 20 place du 8-Mai-1945.

Un bâti dense se déployait déjà à la fin du XVe siècle à l'intérieur de ces limites. Dans les comptes des seigneurs de Lassay comme dans les remembrances, la plupart des maisons sont en effet décrites comme "jouxtant" d'autres habitations. Aucune façade de la fin du Moyen Âge n'est toutefois conservée, mais des baies chanfreinées dans les murs intérieurs ou sur les façades postérieures, ainsi que des charpentes anciennes, témoignent de la permanence de l'implantation des maisons, depuis la fin de l'époque médiévale au moins. La croissance de la ville peut être appréhendée entre 1485 et 1498, grâce au paiement des cens au seigneur de Lassay (AD Mayenne, 138 J 36). Le décompte des bourgeois imposables montre que le nombre d'habitants qui se trouvaient sous l'autorité du seigneur a progressivement augmenté. En 1485, 51 maisons sont répertoriées ; 53 en 1492-1493 et 63 en 1497-1498. Il est possible que Lassay soit sortie de ses murs dès cette époque, le long de l'axe menant au Mans. En effet, l'inventaire des titres de la ville, dressé en 1765, montre que la rue Saint-Sauveur était entièrement bâtie en 1525. Cela est corroboré par l'apparence des maisons s'élevant du numéro 2 au 6, dont l'unique étage carré et la haute toiture permettent d'envisager une datation antérieure au XVIIe siècle. Vers 1500, il semblerait ainsi que la ville se soit déjà inscrite dans ses dimensions actuelles, exception faite des faubourgs nord, sud et ouest. La maison du 26, Grande-Rue est vraisemblablement édifiée au cours de la seconde moitié du XVIe siècle à l'emplacement des anciens fossés.

Une quinzaine de maisons conservent la trace de leur passé médiéval. Aux 15 et 17, Grande-Rue, la charpente est faite d'arbres abattus au printemps 1492 et à l'automne-hiver suivant. Elle couvre deux logis distincts, dotés d'une cave et d'un étage carré, dont les façades de pierre sont relevées à la fin du XVIIIe siècle. Les baies chanfreinées, conservées à l'intérieur et à l'arrière des maisons, témoignent de la permanence de l'implantation des logis, malgré les reconstructions successives. La petite fenêtre se trouvant à l'arrière du 16, rue du château, dont la façade principale a été rhabillée au XXe siècle, constitue un exemple caractéristique. La cheminée monumentale, associée à deux portes chanfreinées, située contre l'ancien mur-pignon du 2-4, place du 8-Mai-1945, représente le cas le plus complet.

Les habitations des notables de la ville, dans la plupart des cas des hommes de loi ou de petits seigneurs locaux, s'affranchissent de l'étroitesse du parcellaire, pour s'étendre plus largement derrière des cours qui s'ouvrent sur la rue principale. Les deux exemples datant du début du XVIe siècle, le 31-33, rue Dorée et le 12-14, rue d'Ambrières, arborent une tour d'escalier contre leur façade principale, selon un modèle commun aux manoirs ruraux de cette période.

3. La prospérité (milieu du XVIe-XVIIIe siècle)

Tout au long de l'époque moderne, Lassay jouit d'une prospérité due au commerce, notamment de la toile, et de l'implantation d'offices de finances et de justice, qui attiraient dans la ville homme de loi et financiers. Le ressort de son grenier à sel, qui perçoit l'impôt de la gabelle, s'étend ainsi sur 43 paroisses. L'édifice, situé dans l'ancienne basse-cour du château, était d'abord attenant à la chapelle castrale, avant qu'Armand de Madaillan ne le fasse réédifier sur la place du Boële, en 1727. Des foires, dont l'une au moins existe depuis 1270, se tiennent à Lassay quatre fois par an. Elles attirent des marchands de bestiaux, qui alimentent Paris et Le Mans. Du lin en provenance de Picardie et de Flandre y est vendu, avant d'être filé par les habitants des campagnes. La renommée des toiles produites localement amène des commerçants d'Alençon, Laval, Mayenne ou venant d'horizons plus lointains. Les vastes halles de la ville, dont l'envergure font la fierté des Lasséens, concentrent les fonctions judiciaires et économiques. Tandis que les baillis du seigneur y tiennent leurs audiences, bourgeois, villageois et marchands de passage s'y retrouvent pour les marchés aux grains, aux denrées et aux fils. Le reste de l'espace était divisé en une centaine de boutiques. C'est cet environnement favorable qui pousse, en 1644, le seigneur de Lassay à déplacer la foire du Gast dans la ville (AD Mayenne, 138 J 21). En 1779, la densité de commerçants est telle au cours des marchés qui se tiennent devant les halles que le bailli publie un règlement, visant à mieux répartir les étals (B 1973). Le marché aux grains et aux fils reste sur la place des halles, tandis que le marché où se vendent beurres, volailles, œufs et autres menues denrées est déplacé sur la place de la pointe et celui pour la poterie et la vaisselle sur la place du boile.

L'architecture est le reflet de cette prospérité. Au cours de la seconde moitié du XVIe siècle et au XVIIe siècle, de somptueuses demeures, dotées de pavillons d'habitation, sont édifiées et se concentrent majoritairement le long de la Grande-Rue ou en lisière de ville, à l'instar du 5, rue Saint-Sauveur et du 26, Grande-Rue. Le portail d’entrée de cette dernière, la cheminée du premier étage de la maison du 7, Grande-Rue et la baie du premier étage du manoir du 12-14, rue d'Ambrières revêtent tous un décor à l'antique qui témoigne de la culture des élites urbaines de Lassay. Dans la campagne environnante, seul le château du Bois-Frou est habillé de tels ornements. Le procès-verbal de la translation de la foire du Gast à Lassay, rédigé en 1644, fait état de l'admiration que suscite alors l'architecture de la ville (AD Mayenne, 138 J 21). La Grande-Rue y est décrite comme "assez spacieuze, le long de laquelle des deux costez y a de beaux bastiments et édiffices, plusieurs boutiques, sa et là, de divers marchands habitants de lad. ville, plusieurs hostelleries […] la plus part desquelles […] sont couverts d'ardoize, plusieurs bastyes en pavillon et aultres structures assez magnifiques". La lecture de l'inventaire des titres de la ville de Lassay confirme le fait que les plus beaux édifices se concentrent alors le long de la Grande-Rue et témoigne de l'existence de prestigieux édifices aujourd'hui détruits ou réédifiés. Ainsi, au milieu du XVIIe siècle, plusieurs hôtels particuliers étaient construits derrière une cour, séparée de la Grande-Rue par un porche sur lequel était implanté une chambre, à l'instar de la maison qui se trouvait à l'emplacement de l'actuelle mairie et dont le porche est mentionné dès 1566 (il s'agit à cette date et au XVIIIe siècle de la maison du bailli ; elle est possédée en 1688 par Marie Le Goué, vicomtesse de Jupillé, dame de Moulins et Oisseau), ou de l'hôtel particulier des 30-33 rue Dorée. La cour de ces deux exemples était bordée d'une écurie, surmontée d'appartements. Une autre grande maison, positionnée en arrière de parcelle, se dressait aux environs du 23, Grande-Rue. Sur le côté de sa cour se développait une galerie. Elle appartenait à la famille Chesneau, seigneurs de Vieux-Mont.

Une dizaine d'auberges, dont la moitié au moins se situe le long de la voie principale, accueillent les commerçants de passage. La plupart des maisons possèdent la double fonction d'habitation et de boutique, en particulier le long de la Grande-Rue. Tandis que l'espace de vente se situe dans la pièce sur rue du rez-de-chaussée, les caves forment des espaces de stockage, accessibles par les cours arrière ou, quand cela n'est pas possible à cause d'un bâti trop dense, par une porte semi-enterrée ouvrant sur la rue. Les maisons du 1 au 7, rue Cébaudière, construites entre le milieu du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, présentent ce type de disposition.

Rénovations et constructions sont particulièrement nombreuses au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, alors que le commerce des toiles connaît son apogée et la croissance de population une forte augmentation. Des maisons anciennes sont rénovées, tandis que d'autres sont bâties ex nihilo, en particulier à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. Un témoin contemporain, Julien Mars, dénombre ainsi 80 nouvelles constructions ou reconstructions, de logements comme de dépendances. Celles-ci sont parées de façades de pierre de taille, s'élèvent d'un étage supplémentaire par rapport aux édifices des périodes précédentes et arborent la date des travaux. Ainsi, on ne compte pas moins de quatorze millésimes portés sur les façades, allant de 1753 à 1792, dont neuf concernent la décennie 1760. La maison et boutique du 4, rue Cébaudière est bâtie ex nihilo en 1782, à l'emplacement de la cour qui dépendait de la maison construite le long de la rue principale. Sa façade sur rue, à la maçonnerie régulière et percée de baies à arcs segmentaires, témoigne de l'aisance de son commanditaire.

Lassay s'étale alors plus largement hors de ses murs. Le cimetière est créé à son emplacement actuel en 1719. Le champ de foire, qui se trouvait auparavant à l'ouest de la ville, est déplacé en 1756 sur le champ des Gilberts, à l'emplacement de l'actuelle place du Champ de Foire. Cela stimule la densification et le prolongement de la rue Cébaudière, dont la majorité des maisons de la portion nord datent de la seconde moitié du XVIIIe siècle, jusqu'au nouveau champ de foire. Trois maisons dont une auberge (39 rue du Champ-de-Foire) sont alors édifiées sur son flanc sud. Tandis que les maisons du faubourg de la Croisette, à l'angle de la rue de Javron et de la route de Mayenne, sont reconstruites entre 1717 et 1762, la rue Saint-Sauveur s'étend vers l'est. Le constat est le même pour les rues Migoret Lamberdières et de Domfront.

3 rue Cébaudière.3 rue Cébaudière.

Maisons du faubourg de la Croisette, rue de Javron (1717 ; 1762).Maisons du faubourg de la Croisette, rue de Javron (1717 ; 1762).

4. Les transformations urbaines (XIXe-XXe siècle)

Bien que la ville continue de s'étendre et de se densifier au début du XIXe siècle, les changements majeurs interviennent au cours de l'année 1830. Deux axes majeurs sont percés – en 1837, la rue du Champ de Foire et en 1845, la rue d'Ambrières –, créant une traversée nord-sud. Pour mettre en place ce nouvel axe, trois champs sont successivement découpés et lotis du côté nord – le champ des fossés, une partie du champ de foire et le champ du calvaire. Le parcellaire, plus lâche que dans le cœur du bourg, attire les notables de la ville, qui se font construire de grandes demeures, entourées de jardins. Malgré leur retrait par rapport à la voie, celles-ci restent visibles à ceux qui empruntent ce nouvel axe, qui devient la route principale pour se rendre vers la Normandie, tout en desservant le champ de foire et le cimetière. Les maisons situées au croisement de cette nouvelle traverse et de la Grande-Rue sont également frappées d'alignement. Leurs façades sont refaites de sorte que ces maisons cornières se distinguent au sein du paysage urbain, à l'instar du 2, bis rue du château, doté de deux étages surmontés de fronton. Ainsi, le traitement de la place de la Pointe, qui devient le principal carrefour, marque la hiérarchie des voies de circulation. Du côté ouest de la ville, les rues Migoret Lamberdière et de Domfront sont élargies en 1842, tandis qu'à l'est, la rue de Javron est agrandie l'année suivante. Les maisons construites le long de ces nouveaux axes apparaissent relativement standardisées. Dotées d'une ou deux travées et d'un étage, elles sont pour la plupart construites le long de la voie. Leurs baies sont encadrées de matériaux nouvellement mis en œuvre sur le territoire, comme la brique ou le granit gris.

Plan d'alignement de la traverse de Lassay, 1842.Plan d'alignement de la traverse de Lassay, 1842.

2 bis rue du Château.2 bis rue du Château.

Le recensement de population effectué en 1846 permet d'appréhender la répartition topographique des différentes professions au sein de la ville de Lassay. A cette date, les marchands de lin semblent par exemple se concentrer le long de la rue du château, alors que des artisans (tisserands, chiffonniers et teinturiers) se répartissent le long du faubourg de la Croisette (rue Saint-Sauveur et rue de Javron). La rue du Champ de foire accueille, entre autres, des fileuses et des marchands de porcs et la rue Cébaudière des propriétaires comme des tisseuses, tisserands et filassiers. La Grande-Rue demeure l'apanage de la bourgeoisie de loi, commerçante, ainsi que des cabaretiers. Aucun tisserand ni fileuse n'y demeure.

La rénovation urbaine se poursuit au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. La construction de l'église paroissiale Saint-Fraimbault au sud-est du bourg, débutée en 1863, entraine le percement de la rue de l'église, reliant la rue Saint-Sauveur à l'ancien couvent de bénédictines. Le presbytère, dont la parcelle est mitoyenne de l'église, est édifié au cours de la même décennie. Dans un souci de faciliter les circulations, les halles (médiévales ?) sont détruites en 1877. A la limite entre le XIXe et le XXe siècle, la rue Migoret Lamberdière est prolongée par la rue de Domfront, dont les maisons sont dotées de caves semi-enterrées ouvertes sur la rue.

Bloc de maisons de la rue de Domfront.Bloc de maisons de la rue de Domfront.

La dernière phase de lotissement date de la seconde moitié du XXe siècle. Aux entrées de la ville de Lassay, des terrains sont lotis pour la construction de pavillons, entourés de jardins. Le premier lotissement, le "Housse", est aménagé à partir de 1967 au sud de la ville, à l'ouest de la route de Mayenne. Suit à partir de 1973 le lotissement de la Source, entre la route de Javron et la route de Couterne.

Au cours des années 1970, des travaux d'embellissement portés par la municipalité offrent un nouveau visage à Lassay. Des maisons sont restaurées, mettant en valeur l'architecture de pierre. Le parc de la roseraie est aménagé entre le front bâti sud de la ville et l'ancien couvent des bénédictines, créant un écrin paysager à la rivière du Lassay et au bâti ancien. L'obtention du label Petites Cités de Caractère en 1992 couronne deux décennies de rénovation urbaine. En parallèle, un spectacle son et lumière, porté par les habitants, est créé autour du château en juin 1978. L'étang aval du Grand Étang est aménagé à cette occasion.

  • Période(s)
    • Principale : Moyen Age
    • Principale : Temps modernes
    • Principale : Epoque contemporaine
  • Dates
    • 1614, porte la date
    • 1684, porte la date
    • 1700, porte la date
    • 1707, porte la date
    • 1717, porte la date
    • 1722, porte la date
    • 1738, porte la date
    • 1753, porte la date
    • 1759, porte la date
    • 1762, porte la date
    • 1762, porte la date
    • 1764, porte la date
    • 1765, porte la date
    • 1766, porte la date
    • 1766, porte la date
    • 1768, porte la date
    • 1780, porte la date
    • 1782, porte la date
    • 1790, porte la date
    • 1790, porte la date
    • 1792, porte la date
    • 1809, porte la date
    • 1809, porte la date
    • 1816, porte la date
    • 1818, porte la date

Lassay est fondée sur le rebord d'un plateau granitique, modelé par la confluence de deux cours d'eau, à une altitude d'environ 200 mètres. La ville s'inscrit aujourd'hui dans un carré d'environ un kilomètre de côté. Son axe est-ouest, partant du château et débouchant sur la place du 8 mai, la structure. Dans sa partie orientale, il s'élargit en fuseau pour accueillir de grandes halles, détruites en 1877 pour élargir la voie publique. Avant les grandes percées du XIXe siècle, l'axe secondaire, nord-sud, était constitué par la rue Cébaudière et la ruelle du Crotton. Un groupe de jardins vivriers est exploité à l'ouest de la rue Cébaudière. Ils procèdent de la division progressive, au cours de la période moderne, d'un champ commun, dit "de la sous-grasse".

L'éperon granitique sur lequel la ville est implantée représente un gisement de matériau. De fait, toutes les maisons sont en pierre, exception faite de quatre pièces en encorbellement, deux surplombant la rue Dorée et deux les passages de la rue Cébaudière et de la ruelle du Crotton, qui sont édifiés en pan de bois. Entre les maisons du 27 et du 29, Grande-Rue se trouve une chaîne d'angle en pierre de taille, par endroits rubéfiée, présentant au premier niveau une trace d'arrachement, qui pourrait constituer le vestige d'un support de pan de bois. Plus des trois-quarts des habitations sont fondées sur une cave, creusée dans le banc rocheux. Les fronts de taille visibles dans environ deux tiers des sous-sols laissent penser que les murs s'élèvent au-dessus des carrières utilisées pour leur construction. Certaines caves sont dotées de puits, creusés dans le granit. Trois vestiges de portes montrent qu'elles communiquaient entre elles, sans doute en raison de servitudes liées à l'eau. Toutes les caves sont planchéiées. Alors que les caves des maisons situées le long de la Grande-Rue et de la rue du château sont enterrées, celles de la rue Cébaudière et de la rue Migoret Lamberdière sont semi-enterrées et accessibles depuis la rue.

Les maisons dont le mur gouttereau borde la rue et antérieures au XVIIIe siècle étaient distribuées par des tours d'escaliers situées à l'arrière des logis, à l'instar de celle qui fait saillie à l'arrière du 7, Grande-Rue. Bien que les autres tours aient disparu, elles peuvent être restituées grâce à la présence d'élévations courbes qui demeurent dans les maçonneries (20, rue du château ; 6-8, rue du château) et à l'observation du cadastre ancien (29, Grande-Rue).

L'arrière des parcelles est souvent occupé par des cours, pouvant desservir plusieurs habitations et le long desquelles prennent place étables, fournils ou seconds corps de logis.

  • Murs
    • granite moellon
    • granite pierre de taille
  • Toits
    ardoise
  • Statut de la propriété
    propriété publique
  • Sites de protection
    zone de protection du patrimoine architectural et urbain
  • Protections

Documents d'archives

  • Archives nationales ; L 971. Cartulaire de l'abbaye de Savigny (Manche), chartes de donations dans le bourg de Lassay (XIIIe siècle).

  • Archives nationales ; P 345/2. Aveux rendus par les seigneurs de Lassay aux ducs d'Anjou, 1404, 1452, f.61v-f.67v ; f.92-f.97.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 138 J 36. Chartrier de Lassay. Comptes de la seigneurie, 1485-1498.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 138 J 41. Remembrances de la châtellenie de Lassay, 1448-1466.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 138 J 42. Chartrier de Lassay, remembrances, 1467-1482.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 138 J 21. Chartrier de Lassay, procès au sujet de la translation de la foire du Gast à Lassay, 1644.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 138 J 47. Chartrier de Lassay. Inventaire des titres de la ville de Lassay, 1765.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 138 J 48. Chartrier de Lassay. Inventaire des titres de la ville de Lassay, 1765, vol. 2.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 138 J 49. Chartrier de Lassay. Inventaire des titres de la ville de Lassay, 1765, vol. 3.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 138 J 63. Chartrier de Lassay. Baux et réparations aux boutiques des halles de Lassay, 1787.

  • Archives départementales de la Mayenne ; B 1973. Bailliage du marquisat de Lassay, 1787.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 6 M 399. Recensement de la population de Saint-Julien-du-Terroux.

Bibliographie

  • ANGOT, Alphonse, GAUGAIN, Ferdinand. Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne.

Périodiques

  • GUESDON de BEAUCHÊNE, René-Adelstan. La vie au Bas-Maine au XIVe siècle (d'après un document inédit). Bulletin historique de la Mayenne, 1894.

  • NOIZET, Hélène. La ville au Moyen Âge et à l’époque moderne : du lieu réticulaire au lieu territorial. EspaceTemps.net, 2014.

Annexes

  • AD Mayenne. 138 J 21. PV de visite du bourg de Lassay à l'occasion de la translation de la foire du Gast, 1644.
Date(s) d'enquête : 2017; Date(s) de rédaction : 2020
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Seure Marion
Seure Marion

Chercheuse au pôle Inventaire du service du Patrimoine de la Région Pays de la Loire.

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