Dossier d’aire d’étude IA53004287 | Réalisé par
Seure Marion (Contributeur)
Seure Marion

Chercheuse au pôle Inventaire du service du Patrimoine de la Région Pays de la Loire.

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Bureau Arnaud (Contributeur)
Bureau Arnaud

Chercheur à l'Inventaire général, au service du patrimoine du Conseil départemental de la Mayenne, et Conservateur des Antiquités et Objets d'art de la Mayenne.

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  • inventaire topographique, Canton de Lassay-les-Châteaux
Ancien canton de Lassay-les-Châteaux : présentation de l'aire d'étude
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Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Ancien canton de Lassay-les-Châteaux

L'ancien canton de Lassay-les-Châteaux est un espace rural. Peuplés d'à peine plus de 3500 habitants en 2014, ses 111 km² sont divisés en 6 communes, dont 5 de petite taille. La sixième, celle de Lassay-les-Châteaux, occupe environ la moitié du terrain d'étude et est née de la fusion de cinq anciennes communes (Lassay, Courberie, La Baroche-Gondouin, Niort-la-Fontaine et Melleray-la-Vallée), qui s'est opérée progressivement entre 1966 et 2014. La commune du Housseau-Brétignolle est issue du regroupement des communes du Housseau et de Brétignolles-le-Moulin en 1972.

I - Un territoire de confins

Situé à l'extrémité nord du département de la Mayenne, au contact de la Normandie et non loin de la Bretagne, le territoire de Lassay a longtemps été marqué par son caractère frontalier. Les nombreux châteaux qui s'y dressent sont les témoins d'une histoire mouvementée. Néanmoins, fluctuant au gré des évènements et des siècles, la limite entre Maine et Normandie, que matérialise aujourd'hui la rivière Mayenne, n'a jamais été une ligne fixe, ni franche. Le terme même de frontière semble peu approprié pour désigner un espace formant une large zone-tampon entre deux entités historiques marquées. De fait, bien que les six communes étudiées – Lassay-les-Châteaux, Rennes-en-Grenouilles, Sainte-Marie-du-Bois, Le Housseau-Brétignolles, Thuboeuf, Saint-Julien-du-Terroux -soient aujourd'hui pleinement rattachées au département de la Mayenne, elles ont tantôt été associées à la Normandie, tantôt au Maine.

Carte des provinces du Maine et du Perche, Guillaume de l'Isle, 1719.Carte des provinces du Maine et du Perche, Guillaume de l'Isle, 1719.

1. Les singularités d'un paysage

a) Géologie et matériaux de construction

Culminant à 260 mètres, le plateau de Lassay, à l'est du Massif armoricain, se dresse sur les derniers granits cadomiens avant que le substrat géologique ne devienne calcaire à l'approche du Bassin parisien. Les coteaux septentrionaux et orientaux du territoire, qui descendent en pente douce vers la Mayenne, se composent d'une couche de schistes briovériens. La diversité des matériaux employés dans l'architecture traduit la ligne de fracture géologique. Ainsi, les maisons implantées à Thuboeuf, Saint-Julien-du-Terroux, Sainte-Marie-du-Bois et La Baroche-Gondouin sont construites en schistes ou en grès, localement appelés « pierre d'argelette ». En fonction du banc exploité, les schistes sont plus ou moins fracturés, ce qui fait varier leur texture et leur couleur : les plus plissés sont d'un gris sombre tandis que les grès, plus compacts, disposent d'une palette nuancée, du blanc au rouge. Ces roches sont majoritairement mises en œuvre sous forme de maçonneries de moellon, la plupart du temps sans chaîne d'angle, sauf quand les édifices intègrent des encadrements de granit exogène. Dans l'ouest et le sud du territoire, les maisons sont édifiées avec le granit, qui affleure çà et là. Sa mise en œuvre varie du petit moellon brut, noyé dans du mortier de terre, à de la pierre de taille, grossièrement équarrie. Son grain fin et dur est propice à la sculpture. À l'instar des autres territoires à substrat granitique, encadrements de baies ou cheminées accueillent fréquemment accolades et figures. Les fronts de taille décelables sur les affleurements granitiques, ainsi que dans les caves de la ville de Lassay, apportent la preuve que les maisons ont été bâties sur ou à proximité des gisements de matériaux. Les carrières de schistes et de grès, aujourd'hui comblées, sont visuellement moins perceptibles. Au cours de la décennie 1830, des carrières de grès blanc, localement appelé "pierre de forêt", sont ouvertes dans la forêt d'Andaine (Orne). Ce matériau exogène est majoritairement employé dans la construction de maisons et de dépendances du nord de l'ancien canton de Lassay, plus proches du lieu de production. Pour les couvertures, des ardoisières, comme celle du Bourgeray, à Thuboeuf, sont exploitées dès le XVIIe siècle. Des gisements d'argile ont permis la confection de tuiles plates.

Portes encadrées de blocs de granit, à Montoger (Thuboeuf).Portes encadrées de blocs de granit, à Montoger (Thuboeuf).

Porte d'étable, entourée d'une maçonnerie de moellon de schiste et de grès, surmontée d'un linteau de bois, à la Conillère (La Baroche-Gondouin).Porte d'étable, entourée d'une maçonnerie de moellon de schiste et de grès, surmontée d'un linteau de bois, à la Conillère (La Baroche-Gondouin).

Grange-étable de la ferme des Loges, appareillage en grès blanc (Rennes-en-Grenouilles).Grange-étable de la ferme des Loges, appareillage en grès blanc (Rennes-en-Grenouilles).

b) Forêts, landes et bocages

La région de Lassay possède aujourd'hui un faible couvert forestier. Cette situation est établie au moins depuis la première moitié du XVIIe siècle, selon la carte de Cassini. Ce déboisement est mené de manière progressive. L'exploitation du fer et l'introduction du haut-fourneau pourraient avoir porté un coup important aux bois subsistants à la fin du Moyen Âge. Ainsi, en 1539, le seigneur du Bois-de-Maine met en coupe ses bois marmenteaux pour alimenter la forge de sa seigneurie1. Mais cette proto-industrie cesse rapidement, sans doute à défaut d'arbres en quantité suffisante. La construction, et en particulier la mise en œuvre des charpentes, requérait également de grandes quantités de bois. Les pièces des charpentes des édifices les plus prestigieux, souvent de grandes tailles, proviennent de chênes des hautes futaies seigneuriales, qui font l’objet d’une gestion stricte par leurs propriétaires. Ainsi, la forêt d’Hardanges, qui faisait partie du domaine de la châtellenie de Lassay, située au sud du territoire, est dite "en ruisne" en 1688, et "détruite" en 1756, date à laquelle elle est entièrement transformée en garennes et landes2.

Charpente d'un manoir.Charpente d'un manoir.

Au XVIIIe siècle, de nombreuses terres sont encore en landes, en particulier à Thubœuf et Saint-Julien-du-Terroux, comme en témoignent les cartes anciennes et la permanence de toponymes, tels la Lande Soreau, la Lande de Melon ou encore la Lande d'Haleine. Les landes ne constituaient pas à proprement parler de l'inculte, mais remplissaient toutes sortes d’usages, comme le pacage des bêtes, et s'inscrivaient dans l'étape de jachère des rotations de culture. Toutefois, à la fin du XVIIIe siècle, les physiocrates recherchant la rentabilité des cultures, regrettaient leur nombre trop important, qui limitait selon eux les progrès de l'agriculture.

Le paysage de bocage, associé aux collines et aux vallons du nord de la Mayenne, s'est formé progressivement. De nombreux documents écrits de la fin du Moyen Âge mentionnent autour des villages des résidus de petits bois, des hais, des fossés et des cloisons, qui toutefois ne couvraient pas l’ensemble du territoire et n’étaient pas continus autour des parcelles, à l’instar des environs du village de la Beslinière au milieu du XVe siècle3. En 1451, la ferme des Hautes Rouves possède quatre parcelles (appelées "cloux"), "sans bourne ne devise, fors des hayes", qui les bordaient sur deux côtés4. La plantation de haies de bois vives, clôturant les parcelles, se répand au cours de la période moderne et devient systématique au XIXe siècle. Ce développement est à mettre en lien avec celui de l'élevage sur des sols trop pauvres pour y intensifier la culture céréalière.

Le paysage change brutalement avec la modernisation de l'agriculture dans la seconde moitié du XXe siècle. À partir des années 1960, la politique de remembrement impulsée à l'échelle nationale touche fortement le territoire. Les petites parcelles, qui formaient la trame bocagère, sont réunies pour constituer de grands champs ouverts où les haies n'entravent plus le passage de machines agricoles de plus en plus grandes. De nombreuses fermes isolées, des chapelles, comme celles du château du Bois-Thibault, ou d'anciens chemins creux, disparaissent à cette époque. Les parties planes du territoire sont plus fortement touchées, à l'instar des grands champs ouverts qui occupent les sols aux altitudes les plus basses de Thuboeuf ou de Saint-Julien-du-Terroux. En revanche, les vallons de Melleray-la-Vallée ou de Niort-la-Fontaine ont conservé une trame bocagère plus dense, ponctuée localement de vergers.

Le bourg de Melleray-la-Vallée et le bocage environnant.Le bourg de Melleray-la-Vallée et le bocage environnant.

c) L'eau

Bordés à l'ouest et au nord par la rivière Mayenne, les environs de Lassay se caractérisent par un réseau hydrographique dense et un paysage de bocage aujourd'hui semi-ouvert. Bien que peu riches, les terres y sont irriguées de multiples ruisseaux, prenant leur source sur le plateau ou émergeant à sa base et affluant de manière directe ou non dans la Mayenne. Les cours d'eau les plus importants, le Lassay, l'Anglaine, la Drouardière et le Glandsemé, comme les cours d'eau secondaires, ont fait l'objet d'aménagements, sous forme de retenues et d'étangs, qui ont durablement marqué le paysage. Tous ne sont pas conservés, mais leur localisation, possible grâce aux cartes anciennes, aux sources écrites et aux traces parcellaires lisibles sur le cadastre ancien, révèle une corrélation entre leur implantation et celles du centre des seigneuries qui ordonnent le territoire. Il est ainsi probable que la création du grand étang de Lassay, dont la digue et la chaussée coupent la vallée du Lassay, soit contemporaine de la fondation castrale du XIe siècle. De même, la digue qui barre le Lassay juste avant sa confluence avec la Mayenne, pour former l'étang du Boulay, peut être attribuée au lignage des Boulay, qui possède cette seigneurie au plus tard au XIIIe siècle, alors que le creusement des deux grands étangs de La Baroche-Gondouin, dont l'un est aujourd'hui asséché, doit être mis en lien avec la construction de la motte castrale du lieu, pouvant remonter au milieu du Moyen Âge.

Décuplant la force motrice des rivières, les chutes d'eau de ces réservoirs constituaient une force énergétique et une ressource économique de taille pour les seigneurs qui les possédaient. En plus d'abriter des pêcheries, importantes réserves vivrières, les étangs permettaient de faire tourner les roues des moulins à foulon, à tan ou à blé. Aujourd'hui, l'ampleur du phénomène n'est pas perceptible au premier regard dans la mesure où ces étangs se sont asséchés au fil des siècles, faute d'entretien quand ils n'étaient plus utilisés. Des traces peuvent néanmoins être retrouvées sous forme de maçonneries, de restes d'écluses ou d'empreintes parcellaires.

La rivière Mayenne, sinuant le long du château du Bois-de-Maine (Rennes-en-Grenouilles). La rivière Mayenne, sinuant le long du château du Bois-de-Maine (Rennes-en-Grenouilles).

L'étang du Boulay (Brétignolles-le-Moulin). L'étang du Boulay (Brétignolles-le-Moulin).

2. Une histoire médiévale marquée par la frontière

La présence de mégalithes à proximité des hameaux de Bignon et de la Guichardière, dans les environs du bourg de Niort-la-Fontaine, ainsi que les quelques artefacts, hache et monnaies, retrouvés sur le territoire, attestent un peuplement ancien. Mais, à défaut de pouvoir les replacer dans un contexte archéologique, il faut considérer la frange occidentale du territoire comme un lieu de passage à l'époque antique. En effet, bien que la cartographie précise et complète des voies romaines de Mayenne demeure sujette à discussion, la route reliant les cités de Jublains et de Vieux, respectivement dans les départements de la Mayenne et du Calvados, semble bien attestée. Elle franchissait la Mayenne au niveau d'un gué, communément appelé le Gué de Loré, situé dans l'ancienne commune de Melleray-la-Vallée.

a) Lassay avant Lassay, le premier Moyen Âge

Les récits de vies d'ermites et les textes médiévaux postérieurs ont brossé du nord de la Mayenne aux premiers temps du Moyen Âge le tableau d'un désert forestier. Or, l'examen des sources et des vestiges archéologiques, bien que maigres, nuance fortement cette image. Vers la fin du IVe et le début du Ve siècle, la limite septentrionale du Maine fut rattachée à la cité épiscopale du Mans, dont elle constituait l'une des zones d'influence les plus éloignées. Cette position de confins lui conféra une place stratégique au sein du royaume des Francs. De fait, au cours de l’époque mérovingienne, la région faisait office de zone-tampon face aux Bretons. Le pouvoir royal eut donc intérêt d’en stimuler la pénétration, par le biais de concessions faites aux laïcs et à l'Église du Mans5. C'est dans ce contexte qu'il faut placer le mouvement érémitique du VIe siècle, localement incarné par Fraimbault. Ce dernier, originaire d'une famille noble, aurait quitté la cour pour mener une vie pénitente et contemplative. Après s'être rendu à l'abbaye de Micy, près d'Orléans, où il reçoit le sacerdoce, il se serait retiré dans le Passais. Rejoint par des disciples, il y fonde un monastère, approuvé par Innocent, évêque du Mans. Le rapprochement effectué par des érudits à la fin du XIXe siècle entre la communauté monastique de Fraimbault et le village de Saint-Fraimbault de Lassay doit être traité avec une très grande prudence. Bien que l'existence d'une abbaye à proximité de l'église portant la dédicace de saint Fraimbault soit attestée, au sein de la condita de Javron, au moins du IXe siècle au XIIe siècle, le défaut de vestiges bien datés empêche d'affirmer que celle-ci se situait à Lassay. Par ailleurs, la date et le contexte de rédaction de la vie du saint, trois siècles après sa mort dans l'entourage de l'évêque du Mans, ainsi que l'aspect souvent stéréotypé de ce type de récit hagiographique, invitent à la plus grande prudence sur l'interprétation des faits et des lieux. Le peuplement des environs de Lassay reste donc mal connu au premier Moyen Âge. L'inscription Lacciaco vi[co], relevée au XIXe siècle sur une monnaie mérovingienne, semble une information bien faible au regard des apports récents de l'archéologie. Bien qu'anciennes, les découvertes de sarcophages en calcaire coquillier de forme trapézoïdale à proximité des églises de la Baroche-Gondouin, de Niort-la-Fontaine et de Saint-Fraimbault attestent plus certainement de l'implantation précoce de communautés chrétiennes. Des nécropoles se sont constituées autour des édifices de culte et laissent entrevoir l'existence d'habitats associés.

À l'époque carolingienne, le Maine conserve une position centrale sur les plans économique, politique et stratégique. Il constitue à la fois un rempart contre les invasions bretonnes, une base arrière pour les expéditions en direction de l'Aquitaine, en perpétuelle dissidence, puis un pôle de résistance face aux Normands. Les textes produits dans l'entourage d'Aldric, évêque du Mans de 832 à 856 et proche du roi Louis le Pieux, relatent la politique de conquête économique du nord du Bas-Maine, par le biais de défrichements et de créations d'établissements à vocation pastorale. C'est à l'initiative l'Aldric que fut créé au IXe siècle le « mansolinium », ou établissement agricole, de Melleray. Mais la mise en valeur des terres était sans doute déjà entamée. Les analyses de pollens menées par Delphine Barbier-Pain dans une tourbière de la lande de Malingue, située deux kilomètres au sud du bourg de Melleray, révèlent en effet que le paysage des dernières années du Xe siècle et du début du XIe siècle était alors en grande partie déboisé et que la chênaie primitive ne demeurait qu'à l'état de vestiges6. La présence de céréales en quantité non négligeable, mais également de traces de lin, témoignent d'une anthropisation marquée du secteur dès cette époque. Dès lors, il apparaît que les seuls textes produits par l'Église du Mans ne peuvent suffire à dresser un tableau complet de l'implantation humaine. En effet, ils tendent à minorer le rôle des puissances laïques et passent sous silence les communautés de paysans libres qui ont pu s'épanouir dans cette zone de frontière. Ainsi, contrairement à ce que laissent penser les rares sources écrites conservées, il semblerait que le territoire ait été densément et précocement occupé et que sa mise en valeur était déjà acquise à l'époque mérovingienne.

Toile marouflée sur le mur du choeur de l'église de Lassay, représentant saint Fraimbault et ses disciples, réalisée par Arsène Lefeuvre, en 1893.Toile marouflée sur le mur du choeur de l'église de Lassay, représentant saint Fraimbault et ses disciples, réalisée par Arsène Lefeuvre, en 1893.

b) La structuration d'une zone de frontière au milieu du Moyen Âge

À partir du milieu du XIe siècle, le territoire apparaît sous l’autorité de la puissante famille de Mayenne. Centre de pouvoir carolingien dès le IXe siècle, le castrum de Mayenne a été cédé au Xe siècle par les comtes du Maine à l'un de leurs fidèles, Hamon, pour s'opposer aux velléités d'expansion croissantes des ducs de Normandie7. Les premiers seigneurs de Mayenne ont d'abord dû affronter le sire de Bellême, possessionné dans le Perche, aux marches de la Normandie et du Maine, puis le duc de Normandie lui-même, Guillaume le Conquérant. Vers 1050, celui-ci s'empare du Domfrontais et du Passais normand, situés initialement dans la mouvance du seigneur de Mayenne. La complexité administrative du territoire trouve son origine dans ce conflit : alors que le Passais dépendait auparavant entièrement du diocèse du Mans, sa partie septentrionale est rattachée à la Normandie après cette date. Dès lors, plusieurs places fortes sont établies dans la région qui est sise aux confins du duché de Normandie et du comté du Maine : du côté normand Ambrières, Mortain, Châtillon et Gorron ; du côté du Maine, Couptrain, Saint-Céneri, Ernée, Villaines et vraisemblablement Lassay, dans le sillage de laquelle sont vraisemblablement fondées d'autre seigneuries. Certaines de ces forteresses, telles Gorron et Ambrières, changent de camp à diverses reprises entre leur création et le début du XIIIe siècle.

Places fortes dépendant du duché de Normandie à la fin du XIe siècle.Places fortes dépendant du duché de Normandie à la fin du XIe siècle.

c) Au temps de la guerre de Cent Ans

Ce n'est que dans le troisième quart du XIVe siècle que le Maine subit les effets de la guerre de Cent Ans. Vers 1360, une armée anglaise pénètre dans le territoire, avant de se retirer et d'abandonner le pays aux mains des pillards. Le château du Bois-de-Maine est occupé par une garnison anglaise, commandée par Pierre d'Aigremont, et celui de Domfront, dans la Normandie voisine, est pris entre 1356 et 1363 environ. Les dommages que subissent ces châteaux restent inconnus. En raison de leur volonté de conquête territoriale, les Anglais y font des incursions régulières depuis la Normandie. Argentan et Alençon passent ainsi entre leurs mains en 1417, à la suite de la bataille d'Azincourt. En 1424, la défaite française de Verneuil-du-Perche leur ouvre plus largement les portes de la région.

Des sources d'origine seigneuriale mentionnent le pays dans un état d'occupation et de guerre au cours de la première moitié du XVe siècle. Dans une plaidoirie de 1455, le seigneur du Bois-Frou déplore que les moulins sis sur le Lassay soient en ruine et abandonnés, ce qu'il impute à la présence anglaise trente ou quarante ans plus tôt8. S'il est difficile de faire la part entre vérité et exagération dans ces documents, qui rapportent le point de vue de seigneurs qui ont un intérêt financier à exagérer les dégâts, du moins peut-on affirmer que la présence anglaise dans cette zone de frontière a été perçue comme destructrice par les habitants. La rareté des édifices civils antérieurs au milieu du XVe siècle conservés en élévation tend à confirmer ce constat et laisse penser que la guerre de Cent Ans a été plus destructrice autour de Lassay que dans d'autres endroits du Maine.

3. Limites administratives, réseaux et démographie à l'époque moderne et contemporaine

Malgré la pacification qui fait suite aux combats de la guerre de Cent Ans, l'économie, la démographie et les découpages administratifs du territoire de Lassay restent longtemps soumis à son histoire et à son positionnement géographique.

a) Les divisions religieuses et administratives

La frontière entre Maine et Normandie est longtemps restée différente, en fonction de si l'on se plaçait du point de vue des circonscriptions ecclésiastiques ou juridiques. Au XVIIe siècle, l'évêque du Mans détache 13 paroisses du doyenné de Javron pour constituer le doyenné de Lassay. Celui-ci était rattaché à l'archidiaconé du Passais, qui s'étendait de part et d'autre de la Mayenne. Les paroisses de Sainte-Marie-du-Bois, du Housseau, de Brétignolles-le-Moulin, de Melleray-la-Vallée et de Rennes-en-Grenouilles dépendaient de la Normandie pour les affaires civiles et du Maine pour les affaires religieuses, ce qui a fait dire à ses habitants qu'ils étaient "du Bon-Dieu du Maine et du diable en Normandie". Si la création du département de la Mayenne à la Révolutions a clarifié la ligne de frontière, les communes du Housseau, de Brétignolles-le-Moulin, de Melleray-la-Vallée et de Rennes-en-Grenouilles ont conservé des enclaves normandes jusqu'en 1832.

b) Territoire isolé ou de passage ?

Lassay et sa campagne connaissent une période de reprise importante aux lendemains de la guerre de Cent Ans. Le réseau routier et commercial, dans lequel est intégré le territoire, a sans doute favorisé ce rebond économique et assoie une prospérité pendant toute la période moderne. La ville se trouve en effet en position de carrefour. Des voies conduisent vers la Normandie, franchissant la Mayenne au pont de Sept-Forges, au pont du Hazay, et au pont de Couterne. L'axe autour duquel la ville de Lassay se structure se dirige vers Le Mans, tandis que deux autres routes mènent vers Mayenne et Ambrières. Malgré son éloignement du pouvoir royal et de ses institutions – le territoire de Lassay constitue le pays le plus reculé de l'élection du Mans –, il semble néanmoins qu'il faille nuancer le qualificatif de "désert", inscrit sur la zone de Passais par Guillaume de l'Isle, premier géographe du roi, sur la carte des provinces du Maine et du Perche, dressée en 1719.

Si les routes principales sont antérieures à la Révolution, bien que leur tracé soit revu par la suite, le réseau de chemins secondaires se structure progressivement à la fin du XIXe siècle, sous l'impulsion des communes, pour devenir progressivement carrossable. La mise en place de la ligne de chemin de fer Domfront-Mayenne en 1871, desservant Ambrières, et l'arrivée du train à Couterne en 1881, grâce à la prolongation de la ligne reliant Briouze à La Ferté-Macé, désenclavent la région, sans pour autant desservir Lassay, qui se trouve désormais à l'écart des principaux axes de circulation.

c) Une densité de population importante, caractéristique du nord de la Mayenne

Le dynamisme de la démographie se constate à travers les dénombrements de feux dès le XVIIIe siècle. Alors que la paroisse de Thuboeuf compte 740 habitants en 1726, elle en réunit 1143 en 1803. Il en va de même pour la paroisse de La Baroche-Gondouin qui compte aux mêmes dates 525, puis 854 habitants. Si l’augmentation de la population à cette époque est commune à la majorité des régions du royaume, le nombre d’habitants apparaît dès ce moment particulièrement dense dans le territoire étudié et transparaît dans le bâti rural, entraînant nouvelles constructions et reconversions de bâtiments agricoles en logis.

À la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, le nord de la Mayenne accueille ainsi une population plus dense que dans le reste du département, ce qui peut apparaître paradoxal si l'on considère la qualité des terres agricoles. C'est en tout cas ce que souligne l'auteur anonyme d'un rapport descriptif du département de la Mayenne en 1815, qui suggère que "la population, que l'on regarde habituellement comme une preuve de fertilité des terres, serait dans ce département la preuve du contraire"9. Il l'explique par la plus grande division de la propriété et par "la facilité qu'ont les hommes de la classe la plus indigente de se créer une habitation dans les landes où on leur laisse la possibilité de se construire des huttes où s'élèvent leurs familles que j'ai souvent remarquées être plus nombreuses que dans les bourgs eux-mêmes".

La diminution du nombre des habitants est entamée dès les années 1830 et s'accélère au tournant des années 1890, tant en raison de l'exode rural que d'une réduction du nombre de naissances. La concentration et la taille réduite des exploitations agricoles, qui ne sont plus assez rentables pour nourrir tous les membres d'une famille, poussent les petits propriétaires et certains enfants d'agriculteurs à quitter la campagne. Ainsi, la population passe d'environ 11 000 habitants en 1836 à environ 5 000 un siècle plus tard. En 2014, elles étaient peuplées d'à peine plus de 3500 habitants.

Alignement de maisons et de dépendances agricoles au hameau des Hauts-Buats (Thuboeuf).Alignement de maisons et de dépendances agricoles au hameau des Hauts-Buats (Thuboeuf).

Alignement de deux logis et de bâtiments agricoles à l'Aubergement (Lassay).Alignement de deux logis et de bâtiments agricoles à l'Aubergement (Lassay).

II - Un pays d'habitat éclaté

1. Communes et intercommunalités

Les lois révolutionnaires de 1789 instituent les 11 communes de l'ancien canton de Lassay, qui reprennent les cadres paroissiaux de l'Ancien Régime. Le rattachement de certaines enclaves normandes aux communes mayennaises en 1832 permet l'agrandissement de la surface de Melleray-la-Vallée, Sainte-Marie du Bois et Rennes-en-Grenouilles. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, des regroupements sont opérés. La commune de Lassay grandit en englobant quatre de ces voisines : elle fusionne en 1965 avec Courberie et s'associe avec La Baroche-Gondouin et Melleray-la-Vallée en 1972. L'ensemble est renommé "Lassay-les-Châteaux" en 1973 et absorbe en 1975 Niort-la-Fontaine. Un regroupement s'opère également entre les communes du Housseau et de Brétignolles-le-Moulin, réunies en 1972. Les six communes qui délimitent le cadre de cette présente étude sont intégrées en 1993 à la communauté de communes du Horps-Lassay, avant de se regrouper avec celle du Pays de Mayenne pour former en 2016 Mayenne Communauté.

A partir de cette date, les aires communales varient entre 7,86 km² pour Rennes-en-Grenouilles, la plus réduite, et 57,63 km² pour Lassay-les-Châteaux, la plus étendue. Cet écart de superficie et donc de bâti présent a donc conduit à découper le repérage et donc l'étude selon les anciennes communes et non les communes actuelles.

2. Ville, bourgs, villages, hameaux : dénomination des regroupements de population

A l'instar de nombreux territoires de l'ouest de la France, la majorité de la population de l'ancien canton de Lassay n'était pas réunie dans les villages – entendus ici comme chefs-lieux de communes –, qui sont par endroits de dimensions très réduite, mais dans des hameaux parfois extrêmement peuplés. La confusion pouvant découler de la différence entre le vocabulaire employé localement et les définitions normées de l'Inventaire imposent une mise au point terminologique.

La "ville", "bourg" ou encore "bourg castral de Lassay" soulève de ce point de vue d'importantes questions. Le lien fort que l'agglomération entretient avec son château pourrait justifier la dénomination de "bourg", utilisée jusqu'au XIIIe siècle dans les sources écrites, notamment d'origine monastique, voire de "bourg castral". Mais dès le XIVe siècle, celle-ci cède place au terme de "ville", qui ne cesse ensuite d'être employé par les écrits émanant de sources locales comme par les visiteurs de passage. La densité du bâti et l'existence d'une clôture, matérialisée par murs et portes, ont vraisemblablement contribué à donner une image urbaine et ont affirmé ce caractère face au territoire environnant. Dans un contexte d'éloignement de pôle urbain de plus grande ampleur, la concentration d'activités et de pouvoirs lui confère une attractivité importante par rapport à sa campagne.Voir : La ville de Lassay

Les chefs-lieux de communes, localement appelés bourgs, sont ici dénommés villages. Ils se caractérisent par le fait qu'ils réunissent les activités administratives, économiques et religieuses. Autour de Lassay, cela devient plus prégnant à partir du XIXe siècle. En effet, les recensements, établis à partir de 1836, montrent que la population se concentre de plus en plus dans les villages. Par exemple, en 1846, celui de Niort-la-Fontaine rassemble environ 13 % de la population totale de la commune, tandis qu'en 1906, 20 % y habitent. Les aménagements routiers et urbains effectués dès les années 1830 contribuent à doter les agglomérations d'une monumentalité nouvelle et d'accès facilités à la campagne environnante.

Les hameaux, localement appelés villages, désignent des lieux-dits ou écarts regroupant au moins deux exploitations agricoles. Voir : Les hameaux de l'ancien canton de Lassay-les-Châteaux

3. Hameaux et fermes isolées

Parmi les 300 écarts repérés, le nombre de fermes et de hameaux est à peu près équivalent. Ces derniers regroupaient en revanche une population plus nombreuse. La taille de certains d'entre eux atteint parfois des proportions conséquentes, à l'instar de ceux de Bignon, à Niort-la-Fontaine, ou des Chesnaies, à Saint-Julien-du-Terroux. Les hameaux réunissent ainsi 60 % des édifices comprenant au moins un logis repérés sur le territoire (hors bourg de Lassay).

La distribution géographique des hameaux ne semble pas le fait du hasard. Alors que les confins des paroisses en comptent de très peuplés, autour de Lassay ne sont installées quasiment que des fermes, sans doute en raison de l'attraction qu'a exercée la ville sur la population environnante. De même, les proches alentours des seigneuries possédant d'importantes propriétés foncières, comme celles du Bois-de-Maine, de Chantepie et de Torcé (Ambrières-les-Vallées), comprennent essentiellement des fermes isolées, qui dépendent du domaine et exploitent des champs de grande taille.

Villages et fermes sont majoritairement établis le long des cours d'eau. Ainsi, dans la commune de Thuboeuf, l'habitat se concentre le long de ruisseaux structurants, le Glandsemé et la Drouardière, exception faite de quatre lieux-dits sur la quarantaine qui compose la commune.

Sur les fermes, voir : Les fermes de l'ancien canton de Lassay-les-Châteaux

Répartition des villages et des fermes.Répartition des villages et des fermes.

Vue aérienne du hameau de Bignon (Niort-la-Fontaine).Vue aérienne du hameau de Bignon (Niort-la-Fontaine).

III - Les activités

1. L'agriculture

L'agriculture a longtemps constitué l'activité principale autour de Lassay. Celle-ci a d'abord pris la forme d'une polyculture vivrière. Les prélèvements palynologiques effectués par Delphine Barbier-Pain dans la lande de Malingue révèlent l'existence de cultures de céréales en quantité non négligeable, de lin, de chanvre, de sarrasin, ainsi que de zones de friche, présentes antérieurement au XIe siècle10. La culture du chanvre semble avoir augmenté au XIe siècle, aux abords de la cuvette, qui a peut-être servi au rouissage. Après avoir baissé au XIVe et au cours de la première moitié du XVe siècle, les pratiques agro-pastorales repartent à la hausse dans la seconde moitié du siècle. Sont alors cultivés céréales, chanvre et sarrasin, avec une affirmation de ce dernier dans la structure agraire. Des jachères de longue durée sont mises en place pour tirer davantage de bénéfices de la terre et les landes employées pour le pacage des bêtes.

Comme dans l'ensemble du Bas-Maine, la dénomination des exploitations, métairie ou closerie, dépendait davantage de la superficie des terres cultivées que de leur mode de faire-valoir. Le terme de métairie désigne une ferme de grande taille, pouvant être exploitée en faire valoir direct, en bail à moitié ou à ferme11. La closerie se réfère quant à elle à un ensemble plus réduit, qui n'excédait presque jamais 7 hectares autour de Lassay et était bien souvent encore plus petit. Les terres étaient majoritairement possédées directement par des paysans propriétaires, qui les exploitaient en faire-valoir direct. Leur faible rendement et la petite taille des exploitations ont poussé les familles à exercer des activités complémentaires, notamment le filage à la ferme, documenté dès le XVIIIe siècle.

En outre, la coutume du Maine, qui dote chacun des héritiers d'une part égale de patrimoine, a conduit à un morcellement progressif et important des édifices comme des terres. Un même propriétaire possède souvent un domaine éclaté, comprenant des bâtiments au centre du hameau, des portions de parcelles maraîchères situées à proximité des habitations – systématiquement nommées jardins à "filasse" et à choux dans les aveux et les baux à ferme du XVe au XVIIIe siècle –, ainsi que des prés, plus étendus, entourant les villages. Cette division du parcellaire agricole, qui atteint son apogée au milieu du XIXe siècle, ainsi que sa clôture progressive par des haies, ont contribué à l'aspect tortueux des chemins et du paysage, qui étonnait les personnes de passage, en témoigne la description que fait l'instituteur de Courberie de sa commune en 1900 :

"La commune de Courberie est divisée en une infinité de petites propriétés, toutes bordées de haies, aussi de loin le pays semble être une forêt entremêlée de clairières. Chacun ici est le maître chez lui car il n'existe point de fermes à proprement parler. Tout le monde est fier de son petit patrimoine et le cultive à sa façon.12"

Ce régime de petite propriété, ainsi que la structure morcelée des exploitations, ont été critiqués dès la seconde moitié du XVIIIe siècle par les propriétaires bourgeois ou leurs régisseurs aux idées physiocratiques (et soucieux des revenus de leurs terres), qui dénonçaient le maintien des méthodes d'assolement traditionnelles et y voyaient un frein à l'innovation agricole13. Ceux-ci sont les premiers à chercher à insuffler des changements de pratiques. Ainsi, au printemps 1797, le régisseur du domaine de Lassay exhorte ses fermiers à labourer au moins les deux tiers des terres jusque-là laissées en herbage. Il dénonce également le morcellement des terres, parfois en 40 pièces de terres pour 40 journaux, et leur clôture par des doubles fossés et des haies, qui réduit la part de surface exploitable. Dans un premier temps, ces préconisations sont peu suivies par les agriculteurs locaux. Mais les revenus complémentaires des paysans diminuant drastiquement, en raison du caractère de moins en moins lucratif du filage à la ferme, puis à la disparation complète de ce dernier, une plus grande rentabilité des terres est recherchée. À partir du milieu du XIXe siècle, celles-ci sont progressivement amendées, grâce à l'introduction de la chaux. En 1896, Ardouin-Dumazet, de passage dans le nord de la Mayenne, constate que : "Dans ce pays granitique, où le sol donnait à grand peine du seigle et du blé noir, le chaulage a produit des résultats extraordinaires : les terres où les matières organiques abondaient […] mais restaient inertes se sont soudain couvertes de moissons et de prairies artificielles". L'éloignement des fours à chaux, nombreux dans les environs d'Évron, de Louverné et de Saint-Pierre-la-Cour, augmente néanmoins le coût du transport et ralentit l'introduction de cette nouvelle méthode d'amendement. Vers 1900, les monographies communales, rédigées par les instituteurs en réponse à la directive du ministère de l'Instruction publique, soulignent toutes que les paysans n'ont pas modernisé leur outillage, faute de moyens, et continuent d'utiliser le fumier de ferme comme seul engrais.

Le pays de Lassay était réputé pour la qualité de ses bestiaux, vendus à des marchands venus d'horizons variés (Le Mans, Paris…). À la fin du XIXe siècle, le commerce de bestiaux est au faîte de sa prospérité et enrichit une frange importante de paysans qui se spécialisent dans cet élevage destiné à la vente, en complément de l'exploitation de leurs sols. Les éleveurs achètent de jeunes génisses, les font saillir et les revendent comme vaches laitières.

Marché aux bestiaux, sur le champ de foire de Lassay, carte postale, vers 1900.Marché aux bestiaux, sur le champ de foire de Lassay, carte postale, vers 1900.

De nombreux vergers émaillaient également le territoire depuis l'Ancien Régime. Dans les descriptions écrites de fermes à partir du XVe siècle, il est régulièrement fait mention de "jardins à porée". À l'image du Domfrontais, la culture des poiriers dominait. Le cidre de poire, ou poiré, produit localement, était très réputé au XVIIIe siècle. Les pépinières du château du Bois-Frou sont par exemple plantées de plus de 1800 pieds de jeunes poiriers en 1765, qui font ensuite l'objet de soins permanents14. À partir du milieu du XIXe siècle, des pommiers de haute-tige sont plus largement introduits et la consommation de cidre de pomme se répand. Si la culture de la poire perdure sur le territoire (une famille de producteurs-transformateurs perpétue l'activité à Melleray-la-Vallée et dispose de l'appellation d'origine protégée "Poiré Domfrontais"), de nombreux poiriers situés le long des haies, dans des jardins ou dans des vergers ont disparu, à la suite du remembrement. Lorsque des vergers ont été replantés, les pommiers ont souvent été préférés aux poiriers, qui n'atteignent leur pleine production qu'après une centaine d'années. Un autre facteur explicatif de ce phénomène réside dans le caractère plus fragile de la poire.

Le remembrement de 1981 a contribué à la réduction du nombre des structures d'exploitation agricole, qui sont aujourd'hui majoritairement tournées vers l'élevage, en particulier laitier.

Récolte des pommes à Niort-la-Fontaine.Récolte des pommes à Niort-la-Fontaine.

Mise en bouteille du cidre, hameau de Bignon (Niort-la-Fontaine)Mise en bouteille du cidre, hameau de Bignon (Niort-la-Fontaine)

2. Artisanat et industrie

L'importance des activités textiles est avérée dans le pays lasséen, de l'époque moderne au moins, jusqu'à la fin du XIXe siècle. Du chanvre et du lin étaient cultivés dans des jardins situés à proximité des habitations et étaient employés aux besoins de la ferme ou revendus. Par endroits, les fournils ont revêtu la fonction de séchoir à lin et à chanvre. Ainsi, en 1773, lors du partage des biens de Guillaume Morice sis au Housseau, parmi lesquels est compris un fournil, tous les héritiers conservent le droit de faire cuire leur pain dans le four, d'y faire sécher lin et chanvre, ainsi que de broyer les fibres dans le fournil15. La pièce principale du fournil, presque systématiquement indépendant des logis et des autres dépendances agricoles, pouvait simplement servir de séchoir. Néanmoins, certains fournils présentent une disposition particulière : le massif du four, englobé par les murs extérieurs, est surmonté d’un plancher, accessible par l’extérieur, sur lequel on pouvait faire sécher les fibres, à l’image du four à pain de la ferme du Haut-Guéné.

Le dynamisme commercial de la ville de Lassay, qui accueillait quatre foires par an, dont l’une au moins existait depuis 1270, stimule l’activité du filage à la ferme, qui atteint son apogée au XVIIIe siècle. Les marchands de Picardie qui viennent acheter des bestiaux du Bas-Maine y apportent des fils qui sont travaillés localement puis réexportés vers les fabriques de Bretagne, d’Alençon, de Laval, de Mayenne, du Mans et de Beaumont16. La production de fil et de toile apporte en effet un complément de revenu important pour des familles qui ne possèdent souvent que des parcelles de terre de faible étendue. Les recensements de population effectués au cours de la décennie 1840 mentionnent encore la présence de nombreuses fileuses parmi les foyers paysans. Par exemple, en 1841, un hameau comme celui de la Guiberdière, situé à Rennes-en-Grenouilles, accueille 52 habitants, dont 12 cultivateurs et 18 fileuses, ou comme celui de la Vieille-Pellière, également situé à Rennes-en-Grenouilles, accueille 88 habitants, dont 25 fileuses et 15 cultivateurs. Toutefois, le changement d'habitude des recenseurs, qui, une décennie plus tard, ne précisent plus que la profession du chef de feu, empêche de quantifier l'évolution de cette pratique, en dehors du cas des veuves et des femmes seules.

La mécanisation accrue de l'industrie toilière au tournant des années 1860 a privé tout un pan de la population de ses importants compléments de revenu. Les industries textiles de La Ferté-Macé (Orne), premières pourvoyeuses d'ouvrage autour de Lassay, souffrent par ailleurs de l'ouverture du marché et de la concurrence des cotonnades anglaises. L'absence de desserte par le chemin de fer les rend en effet moins concurrentielles que les usines des grands bassins industriels, comme la vallée de la Seine. Aux tisserands et aux fileuses des campagnes ne restent donc que les tâches les moins rémunératrices, telle la confection de calicots ou de mouchoirs. Ce système de proto-industrie à la ferme cesse autour de 1900.

Par la suite, aucune autre activité industrielle n'a autant d'impact. En effet, les gares les plus proches, Ambrières et Couterne, sont trop éloignées pour stimuler l'industrie. En 1900, une scierie mécanique alimentée par la chute d'eau du Lassay, des ateliers de construction, produisant voitures et machines agricoles, et une tannerie-corroierie, qui emploie une soixantaine d'ouvriers, sont toutefois implantés à Lassay.

Ferme du Haut-Guené, four à pain surmonté d'un séchoir, contre le pignon d'une des maisonsFerme du Haut-Guené, four à pain surmonté d'un séchoir, contre le pignon d'une des maisons

1La métallurgie du Maine : de l'âge du fer au milieu du XXe siècle, sous la dir. de BELHOSTE, Jean-François et ROBINEAU, Evelyne. Paris : Monum, éditions du patrimoine, 2003, p. 65.2AD Mayenne, 138 J 26 ; 138 J 52.3AD Mayenne, 2 J 139.4AD Mayenne, 138 J 117.5RENOUX, Annie. Vici, villae, villulae, colonicae et mansionilia. Remarques sur la dispersion de l'habitat aux confins nord-ouest du comté du Maine (VI-IXe siècle). In ANTOINE (A.), La maison rurale en pays d'habitat dispersé de l'Antiquité au XXe siècle, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2005, p. 243-260. 6BARBIER Delphine : Histoire de la végétation du nord-mayennais de la fin du Weichsélien à l'aube du XXIe siècle. Mise en évidence d'un Tardiglaciaire armoricain. Interactions Homme-Milieu / Thèse de doctorat, Université de Nantes, 1999, p. 212-229.7RENOUX, Annie. Aux sources du pouvoir châtelain de Geoffroy, "seigneur de Mayenne, le fort homme du Maine" (1040-1098). In BARTHELEMY D., BRUAND O., Les pouvoirs locaux dans la France du centre et de l'ouest (VIIIe-XIe siècle), Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 61-89.8AD Mayenne, 138 J 61. Chartrier de Lassay. Offre du seigneur du Bois-Frou de participer à la réédification des moulins blavets et foulerets situés sous le château de Lassay, 1455.9ANTOINE, Annie. Fiefs et villages du Bas-Maine au XVIIIe siècle. Mayenne : Éditions régionales de l'Ouest, 1994, p. 142.10BARBIER Delphine : Histoire de la végétation du nord-mayennais de la fin du Weichsélien à l'aube du XXIe siècle. Mise en évidence d'un Tardiglaciaire armoricain. Interactions Homme-Milieu / Thèse de doctorat, Université de Nantes, 1999, p. 223.11ANTOINE, Annie. Fiefs et villages du Bas-Maine au XVIIIe siècle. Mayenne : Éditions régionales de l'Ouest, 1994, p. 210.12AD Mayenne ; MS 80/15-4. Monographie communale de Courberie, 1900.13AD Mayenne, 138 J 66. Chartrier de Lassay, régie du château de Lassay (1747 – an V), papiers du régisseur.14AD Mayenne, 138 J 66. Chartrier de Lassay, régie du château de Lassay (1747 – an V), papiers du régisseur.15AD Mayenne ; 561 J 4. Chartrier du Bois-de-Maine. Partage des biens de Guillaume Morice, 1773.16LE PAIGE, André-René. Dictionnaire topographique, historique, généalogique et bibliographique de la province et du diocèse du Maine. Le Mans : Toutain, 1777, t. 1, p. 463 ; ANTOINE, Annie. Fiefs et villages du Bas-Maine au XVIIIe siècle. Mayenne : Éditions régionales de l'Ouest, 1994, p. 343.

Documents d'archives

  • AD Mayenne, 138 J 61. Chartrier de Lassay. Offre du seigneur du Bois-Frou de participer à la réédification des moulins blavets et foulerets situés sous le château de Lassay, 1455.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 138 J 117. Chartrier de Lassay, registre des aveux et déclarations des seigneuries du Bois-Frou, de la Fosse, du Coudray, milieu XVe siècle.

    Déclaration de la ferme des Hautes Rouves, 1451.
  • Archives départementales de la Mayenne ; 138 J 26. Chartrier de Lassay : brouillon d'aveu rendu au roi (XVIIe siècle), vérification de l'aveu de 1689, aveu de 1769.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 138 J 52. Chartrier de Lassay, titre de la rente par les usagers de la forêt et des landes d'Hardanges, XVIe-1763.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 2 J 139. Chartrier de la seigneurie de Bois-Thibault, fief de la Beslinière.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 561 J 4. Chartrier du Bois-de-Maine.

    Partage des biens de Guillaume Morice, 1773.
  • Archives départementales de la Mayenne ; 138 J 66. Chartrier de Lassay, régie du château de Lassay (1747 – an V), papiers du régisseur, correspondance de Guesdon de Beauchêne avec ses enfants.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 6 M 349. Recensement de la population de Rennes-en-Grenouilles, 1861-1936.

  • Archives départementales de la Mayenne ; MS 80/15-4. Monographie communale de Courberie, 1900.

Bibliographie

  • ANGOT, Alphonse, GAUGAIN, Ferdinand. Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne.

  • ARDOIN-DUMAZET, Victor-Eugène. Voyage en France. 2e série : Beauce, Perche et Maine. Beauce Pouilleuse. Paris/Nancy : Berger-Levrault et Cie éditeurs, 3e éd. 1910 (1e éd. vers 1891).

  • ANTOINE, Annie. Fiefs et villages du Bas-Maine au XVIIIe siècle. Mayenne : Éditions régionales de l'Ouest, 1994.

  • BARBIER, Delphine. Histoire de la végétation du nord-mayennais de la fin du Weichsélien à l'aube du XXIe siècle. Mise en évidence d'un Tardiglaciaire armoricain. Interactions Homme-Milieu / Thèse de doctorat, Université de Nantes, 1999.

    p. 127-148
  • La métallurgie du Maine : de l'âge du fer au milieu du XXe siècle, sous la dir. de BELHOSTE, Jean-François et ROBINEAU, Evelyne. Paris : Monum, éditions du patrimoine, 2003, 408 p., accompagné d'un cédérom. (cahiers du Patrimoine ; 64).

  • LE PAIGE, André-René. Dictionnaire topographique, historique, généalogique et bibliographique de la province et du diocèse du Maine. Le Mans : Toutain, 1777.

  • RENOUX, Annie. Aux sources du pouvoir châtelain de Geoffroy, "seigneur de Mayenne, le fort homme du Maine" (1040-1098). In BARTHELEMY D., BRUAND O., Les pouvoirs locaux dans la France du centre et de l'ouest (VIIIe-XIe siècle), Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2004.

    p. 61-89
  • RENOUX, Annie. Vici, villae, villulae, colonicae et mansionilia. Remarques sur la dispersion de l'habitat aux confins nord-ouest du comté du Maine (VI-IXe siècle). In ANTOINE (A.), La maison rurale en pays d'habitat dispersé de l'Antiquité au XXe siècle, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2005.

    p. 243-260

Documents figurés

  • Carte des provinces du Maine, Guillaume Delisle, 1719. (Archives départementales de la Sarthe ; 1 Fi 15).

  • CASSINI DE THURY, César-François (de). Carte générale de la France, n° 96, feuille 90, 1767-1772. (Gallica/BnF ; Cartes et plans, GE FF-18595 (96).

Date(s) d'enquête : 2017; Date(s) de rédaction : 2023
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Seure Marion
Seure Marion

Chercheuse au pôle Inventaire du service du Patrimoine de la Région Pays de la Loire.

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Bureau Arnaud
Bureau Arnaud

Chercheur à l'Inventaire général, au service du patrimoine du Conseil départemental de la Mayenne, et Conservateur des Antiquités et Objets d'art de la Mayenne.

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