1. L'étude

1.1 Délimitation de l'aire d'étude

L'aire d'étude s'étend sur le territoire de six communes (Rennes-en-Grenouilles, Sainte-Marie-du-Bois, Saint-Julien-du-Terroux, Thuboeuf, Le Housseau-Brétignolles et Lassay-les-Châteaux), qui composent l'ancien canton de Lassay-les-Châteaux, avant sa fusion en 2014 avec le canton du Horps, et appartiennent aujourd'hui à l'intercommunalité « Mayenne Communauté », regroupant les anciennes communautés de communes du Pays de Mayenne et du Horps-Lassay.

L'ensemble des objets publics et des édifices conservés en élévation sont pris en compte, à l'exception des maisons et des bâtiments agricoles de la seconde moitié du XXe siècle, qui sont peu nombreux proportionnellement au reste du bâti et ne présentent pas assez de caractéristiques propres au territoire pour être étudiés sur une échelle géographique aussi réduite.

1.2 Contexte institutionnel et objectifs

L'étude a été menée dans le cadre d'une convention de coopération entre le Département de la Mayenne et la Région des Pays de la Loire. En 2007, le Département de la Mayenne a mis en place le Pays d'Art et d'Histoire (PAH) des Coëvrons-Mayenne. Cette labellisation avait alors suscité l'étude de l'ancienne communauté de communes d'Evre-et-Charnie, qui avait complété les opérations d'inventaire menées dans les anciens cantons d'Evron et de Montsûrs. Ces études fondent le socle du programme de médiation mis en place par le PAH, ainsi que le parcours permanent du Centre d'Interprétation de l'Architecture et du Patrimoine (CIAP), situé dans le château de Sainte-Suzanne. Le projet d'extension du PAH à l'ensemble des communes de Mayenne Communauté, envisagé en 2016 et formalisé en 2023, a donc contribué au choix de l'ancien canton de Lassay-les-Châteaux. La mise en avant du patrimoine lasséen a d'autant plus de sens que le bourg de Lassay, labellisé « Petite cité de caractère », attire chaque été de nombreux touristes et que son château du XVe siècle est l'édifice privé le plus visité du département.

Situé au nord des Pays de la Loire, frontalier avec la Normandie, cet ancien canton compte parmi les territoires les plus excentrés de la région. Étudier ce territoire entre donc en résonnance avec les engagements pris par la Région en 2016 dans le cadre du pacte régional sur la ruralité. En outre, le nord de la Mayenne n'avait jamais fait l'objet d'une étude d'inventaire, tandis que le centre et l'est du département étaient mieux connus. Plus globalement, les recherches scientifiques menées sur le patrimoine du territoire sont peu nombreuses. L'opération d'inventaire de l'ancien canton de Lassay-les-Châteaux constitue donc l'opportunité d'apporter une connaissance historique et architecturale sur un patrimoine méconnu et de sensibiliser ainsi ses habitants aux formes architecturales et aux modes de construction vernaculaires.

1.3 Enjeux scientifiques

1.3.1 Intérêt scientifique de l'opération

L'architecture vernaculaire du nord de la Mayenne n'a jamais fait l'objet d'une étude poussée. L'examen du bâti, notamment rural, de l'ancien canton de Lassay-les-Châteaux constitue donc un premier échantillon permettant de dégager des pistes de recherches, qui pourront être poursuivies par la suite. La comparaison avec d'autres territoires ruraux connus situés dans le département, à l'instar du territoire d'Evre-et-Charnie, fait ressortir les spécificités architecturales d'un territoire situé aux confins du Maine et de la Normandie. Le bâti ancien y étant relativement préservé, le pays lasséen offre l'opportunité d'étudier l'évolution de l'architecture rurale sur une large période, de la fin du Moyen Âge au XXe siècle. Des techniques d'archéologie du bâti, comme la dendrochronologie, ont été appliquées à des édifices choisis afin de fournir des référentiels chronologiques fiables, applicables à des ensembles de bâtiments.

La plupart des publications scientifiques sur le patrimoine du territoire concernent l'architecture castrale et datent du début du siècle dernier, à quelques exceptions près. De fait, les environs de Lassay conservent un intéressant corpus de châteaux complètement ou partiellement reconstruits au cours de la seconde moitié du XVe siècle, parmi lesquels le château de Lassay se distingue du fait de son homogénéité exceptionnelle et de la conservation d'un boulevard d'artillerie. Les données archéologiques du siècle dernier nécessitent donc une réactualisation, mais aussi une remise en contexte historique, sociale et architecturale à l'échelle du territoire lasséen comme régional. Il importe également de replacer ces châteaux dans leur environnement et de comprendre l'impact qu'ils ont eu sur le développement du territoire ainsi que sur le paysage.

1.3.2 Problématiques

Cette opération s'est déroulée selon les normes d'un inventaire topographique, en prenant en compte les objets et le bâti de l'ensemble du territoire du Moyen Âge à nos jours. Quatre axes ont guidé notre réflexion et nos recherches.

- Une zone de marche et de frontière

Le territoire de Lassay se situe sur une frontière administrative, comme naturelle. Le plateau de Lassay constitue un des confins de la langue granitique bretonne, qui est bordée de couches géologiques précambriennes. La frontière entre Maine et Normandie, longtemps restée mouvante mais aujourd'hui en partie incarnée par la rivière Mayenne, a également constitué un enjeu stratégique majeur, qui a marqué l'architecture, notamment castrale. Au XIe siècle, il est disputé par les Anglo-Normands, les comtes du Maine et les ducs de Mayenne, avant d'être rattaché au domaine royal dans les toutes premières années du XIIIe siècle. Français et Anglais ne cessent de se le disputer au cours de la Guerre de cent ans. A partir des années 1470, il revêt de nouveau un intérêt militaire dans le contexte des guerres bretonnes. La position de confins du territoire a en outre eu une incidence sur le développement des activités économiques. Le contexte frontalier, qu'il soit d'ordre géologique comme historique, a donc eu une incidence sur l'architecture rurale comme castrale, qu'il s'agit de faire ressortir.

- Les structures du peuplement et leur matérialisation architecturale

L'habitat apparaît particulièrement dense dans la région lasséenne, en comparaison de l'est ou du sud du département. Les hameaux y sont très peuplés, parfois plus que les bourgs, et les fermes isolées peu nombreuses. Pour tenter d'apporter une explication à ces particularités, les modes de faire-valoir des terres (métairies, tenures, closeries…), la structuration des villages (communs, places communes, division de l'habitat, voies d'accès) et du paysage (bocage, aménagements hydrauliques), et les activités rurales (filage, élevage) ont été examinés sur une large période, dans la mesure des sources disponibles. La ville de Lassay est traitée à part en raison de la singularité de son développement par rapport aux bourgs ruraux du territoire.

- L'évolution du bâti rural

Le repérage systématique, l'étude des sources anciennes, notamment celle décrivant des édifices à des époques données, ainsi que l'analyse de certains édifices comportant des fragments structurels provenant de maisons ou de granges antérieures permettent de montrer l'évolution de la maison vernaculaire, de la seconde moitié du XVe siècle environ jusqu'au XXe siècle, mais aussi celle de son rapport aux dépendances agricoles, qu'elles aient été comprises dans un même bâtiment ou construites indépendamment. Une attention particulière a été portée sur l'évolution des matériaux de construction et de leur mise en œuvre.

- Inventaire et étude des objets (Arnaud Bureau, Département de la Mayenne)

1.3.3 Partenariats scientifiques

- Université de Rennes 2

Des liens ont été établis avec le département d'Histoire de l'Art et d'Archéologie de l'Université Rennes 2. Ils se sont concrétisés par l'accueil de stagiaires, la co-direction d'un mémoire de Master 2 portant sur l'étude et l'analyse du bâti de deux manoirs ainsi que deux interventions dans des séminaires.

- SRA Pays de la Loire : étude du château de Lassay

Un projet de recherche spécifique a été monté pour étudier le château de Lassay, en raison de son intérêt architectural à l'échelle nationale, de la nécessité d'actualiser des études anciennes et de l'ampleur du sujet. Il s'est intégré à la restauration portée par les propriétaires et supervisée par la DRAC. La prospection thématique, en partie financée par le Service Régional de l'Archéologie (DRAC) a été pilotée par Jocelyn Martineau (SRA, DRAC Pays de la Loire) et Marion Seure (Service Patrimoine, Région Pays de la Loire). Elle a permis de renouveler les données graphiques sur le château et ses abords grâce à un scanner complet de l'édifice, une modélisation 3D (Yann Bernard, Virtual Archéo), à un relevé topographique (Ville de Laval, Université Rennes 2) et à des relevés de précision (Service Patrimoine, Région Pays de la Loire). Une étude documentaire, une prospection géophysique (AGC) ainsi que des campagnes dendrochronologiques dans les charpentes du château comme dans celles de maisons du bourg (Dendrotech) ont complété les connaissances historiques sur le château, ainsi que sur ses liens avec son environnement naturel comme urbain. L'expertise de chercheurs extérieurs a également été sollicitée (Emmanuel de Crouy-Channel, Nicolas Faucherre, Emmanuel Litoux, Jean Mesqui, Alain Salamagne). Ce travail a abouti à la rédaction d'un rapport par an, de 2019 à 2021, à la présentation annuelle des recherches auprès de l'association des Amis du château de Lassay, à la réalisation d'une maquette restituant le bourg et le château de Lassay à l'orée du XVIe siècle et à la rédaction d'un article à la suite d'une intervention au colloque de Bellecroix (oct. 2021).

2. Méthode et calendrier

Cette étude a débuté en septembre 2017 et s’est achevée en août 2023.

2.1 Méthodologie et calendrier de l'étude de bâti

2.1.1 Etat des lieux des connaissances et mise en place de la méthode de recherche

Septembre 2017 – Novembre 2017

- Constitution et analyse de la bibliographie spécifique au terrain d’étude

- Constitution de la bibliographie générale

- Dépouillement des fonds généraux des Archives départementales de la Mayenne (Fi, matrices cadastrales)

- Inventaire des sources archivistiques à exploiter dans le cadre de l’étude

- Mise en place du SIG : sélection des cartes, superposition des cadastres…

- Élaboration d’une méthode de repérage adaptée aux caractéristiques du terrain (fermes éclatées, villages très peuplés…)

2.1.2 Enquête de terrain et traitement des données du repérage

Novembre 2017 – Novembre 2020

Le repérage s'est effectué de manière systématique, dans tous les hameaux, fermes et bourgs du territoire, en prenant en compte l'ensemble du bâti conservé en élévation, maisons, bâtiments agricoles ou édifice mixte, antérieurs à la seconde moitié du XXe siècle.

Celui-ci s'est effectué à deux échelles. La première, celle du lieu-dit, a permis de définir le type d'écart (ferme, hameau – agglomération regroupant plusieurs exploitations agricoles – et bourg) et de le caractériser (taille, emplacement géographique, disposition des bâtiments les uns par rapport aux autres…). La seconde, celle du bâtiment, a permis d'apporter des précisions sur l'évolution architecturale. Le travail à la parcelle a été exclu en raison du fait que, depuis le remembrement, une parcelle compte trop de bâtiments de nature, d'époque et de fonctions différentes pour obtenir des résultats probants. Le repérage à la ferme a été rendu impossible en raison du caractère mouvant des contours des exploitations agricoles. Analyser les bâtiments individuellement permet de saisir les phénomènes de reconversion, transformation, reconstruction ou juxtaposition propre au bâti rural modeste, dense et dispersé.

Dans un premier temps, l'enregistrement des données de terrain s'est fait grâce à l'outil de recensement mis en place par la Région Bretagne. Les données saisies et les photographies de repérage ont été reversées au fur et à mesure sur la base de données du SIG de terrain (projet QGIS). Dans un second temps, les données ont directement été saisies sur QGIS. Cet outil cartographique a permis l'analyse quantitative et géographique des édifices repérés. L'ensemble des données de repérage, présentées dans les dossiers collectifs, sont consultables au service patrimoine de la Région des Pays de la Loire.

Il était prévu d'effectuer le repérage de l'ensemble du bâti des communes étudiées à la suite, en détachant la ville de Lassay, dont les maisons bénéficiaient de critères de repérage différents, afin de pouvoir opérer une sélection plus fine et dans l'optique de créer des dossiers collectifs à l'échelle de l'aire d'étude et non de la commune. Certaines recherches ont toutefois été menées avant la fin du repérage, qui a été provisoirement interrompu au printemps 2020.

Environ 1550 édifices, répartis dans 345 lieux-dits ou bourgs, ont été repérés.

2.1.3 Étude et rédaction des dossiers électroniques

Octobre 2019 – Août 2023

Les écarts et édifices sélectionnés pour étude ont fait l'objet de recherches documentaires comme d'analyse urbanistique ou de bâti, qui ont permis d'en retracer l'évolution et d'en identifier les usages.

Les principales sources exploitées pour comprendre l'architecture antérieure à la Révolution sont d'origine seigneuriale. Les chartriers des seigneuries de Lassay, du Bois-Thibault et du Bois-de-Maine ont permis de mettre au jour un important corpus d'aveux et de baux, comprenant des éléments de description de maisons et de villages, du milieu du XVe siècle à la fin du XVIIIe siècle. Le terrier de la ville de Lassay, dont le plan a disparu, a permis une étude régressive des parcelles de la ville à partir de 1760. Le cadastre de l'ancien canton de Lassay ayant été dressé précocement (1813), ses états de section permettent de déterminer les fonctions des édifices et de repérer le processus de division parcellaire, à l'œuvre de la fin du XVIIIe siècle jusqu'à l'exode rural. Les matrices cadastrales ainsi que la série O ont fait l'objet d'un dépouillement exhaustif.

Les bâtiments sélectionnés ont également fait l'objet d'une analyse architecturale poussée, parfois appuyée de relevés d'architecture ou de prélèvements dendrochronologiques, dans les cas où la charpente présentait un degré d'authenticité, ainsi qu'un caractère exceptionnel ou représentatif suffisant.

Pour des raisons d'équilibre entre Lassay-les-Châteaux et les autres communes du territoire, les dossiers électroniques ont été regroupés par anciennes communes.

2.2 Méthodologie de l'étude des objets mobiliers

L'ensemble des objets mobiliers a été repéré. Les plus représentatifs font l'objet d'un dossier électronique.

2.3 Restitution des connaissances et valorisation

L'essentiel des actions de valorisation portées par la Région et le Département s'est concentrée sur l'année 2022. L'inventaire s'est conclu par la publication en juin 2022 d'un volume de la collection "Images. Patrimoines en région", Lassay aux confins du Maine, de châteaux en pressoirs et par l'organisation d'une exposition au CIAP de Sainte-Suzanne, De châteaux en pressoirs, le patrimoine dévoilé du pays de Lassay, qui s'est tenue du 24 juin 2022 au 31 mars 2023. Des conférences de restitution, initialement prévues au printemps 2020, ont été organisées dans chacune des communes inventoriées à l'automne 2022 et au cours du premier semestre de l'année 2023.

Au cours de l'été 2019, une exposition photographique itinérante a été présentée en extérieur. Les photographies présentées montraient des détails d'objet et d'architecture, afin de sensibiliser au travail d'inventaire.

Autres actions menées :

En partenariat avec le Musée du Château de Mayenne (Mayenne Communauté) :

- Dans le cadre de l'exposition de reconduction photographique « Superpositions, regards sur un territoire » (juin-novembre 2018), présentant de nombreux hors-les-murs, dont un au Housseau Brétignolles, visite guidée du bourg de Brétignolles (octobre 2019).

- Atelier inventaire dans le cadre d'un « déjeuner médiéval » au château (février 2020)

En partenariat avec l'Association des Amis du château : présentation des travaux en cours, sur le canton et le château, lors de l'Assemblée générale annuelle ou de conférences exceptionnelles (juin 2018 ; juin 2019 ; sept. 2020 ; juin 2021 ; mars 2023).

En partenariat avec la Société d'Histoire et d'Archéologie de la Mayenne : conférence sur le patrimoine rural du territoire lasséen (nov. 2021).

Journées Européennes du Patrimoine :

- Septembre 2018 : organisation d'un atelier au hameau de Bignon (Niort-la-Fontaine), pour présenter de manière ludique la méthodologie de l'inventaire et ses différents métiers.

- Septembre 2019 : ouverture exceptionnelle et visite guidée du château du Bois-de-Maine.

- Septembre 2022 : visite guidée de la ville de Lassay.

Les données de cet inventaire, alimentent les documents d'urbanisme. Dans le cadre de l'écriture de son PLUI, Mayenne Communauté a pris en compte les édifices intéressants pointés dans les communes ayant déjà fait l'objet d'un repérage (février 2019). De même, la chercheuse siège à la commission de révision du Site Patrimonial Remarquable de Lassay.

3. Moyens scientifiques et techniques

- Contrôle scientifique et technique (suivi, évaluation et validation scientifiques, accompagnement et arbitrage technique) : Frédéric Fournis, Région PDL

- Pilotage scientifique de l'opération (planification, information) : Marion Seure, Région PDL

- Recherche objets (recherche documentaire ; enquête de terrain, production et traitement des données ; restitution, diffusion et valorisation des résultats) : Arnaud Bureau, Dpt Mayenne.

- Recherche architecture (recherche documentaire ; enquête de terrain, production et traitement des données ; restitution, diffusion et valorisation des résultats) : Marion Seure, Région PDL

- Photographie (prises de vue) : Yves Guillotin, Région PDL

- Numérisations des documents d'archives : Morgane Acou-Le Noan, Allisson Haugmard, Dpt Mayenne

- Dessin et infographie (relevés et mise au propre des relevés d'architecture) : Virginie Desvigne, puis Théo Ben Makhad, Région PDL

- Cartographie (administration du SIG, restitution cartographique des données de l'opération) : Virginie Desvigne, puis Théo Ben Makhad, Région PDL

- Dossiers électroniques (relecture, validation technique, publication des dossiers, reprise de données antérieures) : Régine Faugeras, Région PDL