Dossier collectif IA53004332 | Réalisé par
Seure Marion (Contributeur)
Seure Marion

Chercheuse au pôle Inventaire du service du Patrimoine de la Région Pays de la Loire.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
  • inventaire topographique, Canton de Lassay-les-Châteaux
Les hameaux de l'ancien canton de Lassay-les-Châteaux
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    écart, village
  • Aires d'études
    Ancien canton de Lassay-les-Châteaux

1. Généralités

a) Définition

Dans la Description et vocabulaire méthodiques de l'architecture, un hameau est défini comme une agglomération rurale de quelques maisons sans autonomie administrative. Contrairement aux fermes isolées, ils regroupent plusieurs exploitations agricoles.

De la même manière, les édifices qui composent les exploitations (nommées closeries ou bordages) - logis, étables, granges et remises - ne sont pas regroupés mais dispersés, rendant difficile l'identification d'une « ferme » au premier regard. Ces hameaux sont ainsi composés de rangées, que nous avons également nommées "alignements" et qui regroupent sous un même toit des unités d'habitation et/ou d'exploitation, appartenant à des propriétaires variés. Aujourd'hui, beaucoup de ces bâtiments ont perdu leur usage initial ou, pour certains, sont abandonnés, mais l'organisation des écarts du territoire demeure remarquable. Dans les hameaux où les fermes sont les plus éclatées, seul un travail documentaire systématique – dépouillement des états de section du cadastre ancien – aurait permis de définir le contour précis des différentes fermes, mais ce uniquement à la date de l'établissement de ce document financier, les propriétés pouvant rapidement muter. Toutefois, certains hameaux comportent des "fermes cohérentes", facilement reconnaissables.

Aux villages les plus peuplés est associé un parcellaire dense et morcelé, lisible sur les plans des cadastres dressés vers 1810. Les terres agricoles situées autour de ces agglomérations se composent d'une multitude de champs non attenants, fruit de la division progressive des parcelles. Les exploitations, appelées le plus souvent closeries, parfois bordages, n'excédent généralement pas sept hectares. Elles sont la propriété de paysans, qui bien souvent les exploitent également – contrairement aux grandes fermes constituées de larges parcelles, qui appartiennent souvent à de grands propriétaires qui les font exploiter en métayage.

b) Dénombrement

337 lieux-dits ont été repérés dans l'ancien canton de Lassay. Les villages, localement nommés bourgs, sont exclus de ce compte. 152 de ces lieux-dits sont des fermes, 161 sont des hameaux. Bien que ces deux chiffres soient proches, les hameaux regroupaient la majorité de la population, en raison de leur taille, par endroit très développée. Une des spécificités de l'ancien canton de Lassay réside dans le fait que les hameaux sont très densément peuplés, dans certaines communes bien plus que les bourgs – Rennes-en-Grenouilles sont de ce point de vue les exemples les plus significatifs.

c) Répartition géographique

Les hameaux qui étaient les plus peuplés se situent aux confins des paroisses1.

Parmi les exemples les plus remarquables par leur taille se trouvent le hameau de Bignon (Niort-la-Fontaine) ou celui des Chesnaies (Saint-Julien-du-Terroux). Les environs immédiats de la ville de Lassay ne comptent que peu de hameaux, qui sont peu peuplés, sans doute en raison de l'attraction que la vite a exercé sur la population. Le même constat peut être établi autour des grands domaines (le Bois-de-Maine, Chantepie, Torcé, le Bois-Thibault). L'exemple des ruisseaux du Glandsemé et de la Drouardière est à ce titre parlant : au sein de la commune de Thuboeuf, 6 des hameaux sont implantés le long de leur cours.

2. Organisation des hameaux

a) Essai de typologie

La taille et l'histoire variant énormément d'un hameau à l'autre, il est paru complexe d'établir des typologies précises. Toutefois, on peut distinguer les hameaux qui ne possèdent qu'un seul noyau (environ les 2/3) de ceux qui en possèdent plusieurs (environ 25 % se composent de deux ensembles ; environ 6 % de 3).

Parmi le premier type (hameau à un seul noyau), plusieurs principes d'organisation du bâti s'observent : tout ou partie des bâtiments peuvent être édifiés le long d'une route ou du moins d'un axe (exemple de la Truchère à Sainte-Marie-du-Bois) ; autour d'un espace laissé libre (cour ou commun) ou bien ne comporter aucune logique apparente d'implantation. Des rangées à fonction unique ou mêlant logis et dépendances et/ou des logis non mitoyens sont répartis dans l'espace de manière aléatoire. Bien souvent, les rangées comportant un ou des logis sont orientées est-ouest et ouvertes vers le sud. La Biardière (Sainte-Marie-du-Bois) est un exemple de hameau composé de plusieurs rangées parallèles entre lesquelles les chemins se dissolvent (image).

Les hameaux qui possèdent plusieurs noyaux sont généralement composés d'au moins une ferme clairement identifiable, le second et/ou le troisième ensemble bâti pouvant l'être également ou composé de fermes éclatées. La présence d'une ferme cohérente à côté d'un hameau composé de multiples fermes éclatées s'explique bien souvent par l'établissement postérieur de la ferme cohérente, qui a de ce fait été moins divisée. Le hameau du Hameau (La Baroche-Gondouin) est ainsi composé d'une ferme à l'est (maison et grange-étable sous le même faîte, construites au XVIIe siècle) et d'une seconde ferme à l'ouest, réédifiée vers 1860 à partir d'une base plus ancienne.

b) Des "fermes éclatées" composées d' "alignements"

Le regroupement de la population dans des hameaux va de pair avec un parcellaire morcelé et une organisation des logis et des dépendances agricoles sous forme d'alignements. En effet, les 2/3 des édifices repérés dans les hameaux sont des alignements, tandis qu'ils ne sont qu'un peu plus de la moitié dans les fermes isolées. C'est également dans les hameaux que se trouvent les plus longs alignements. Ceux-ci peuvent comprendre jusqu'à quatre unités d'habitations et plusieurs dépendances, à l'instar de la rangée de Rudeson. La tendance au regroupement des habitations et des dépendances et/ou à leur subdivision est donc plus importante dans les hameaux.

Certains de ces alignements ne comportent que des habitations (type A), d'autres mêlent habitations et dépendances agricoles (type B).

68 alignements du type A ont été dénombrés (dont les ¾ sont composés de deux logis). Ainsi, par endroits, comme dans la partie nord du village de Remieu, logis et dépendances agricoles antérieurs à 1813 sont regroupés dans des bâtiments distincts. Tandis que les habitations sont mitoyennes, étables, porcheries et fenils sont réunis sous le faîte d'un autre édifice, perpendiculaire au premier.

384 du type B ont été dénombrés : 70 % ne comportent qu'un seul logis, 22 % en comportent deux et les 8 % restant en comportent 3 ou 4.

Les alignements sont majoritaires parmi le bâti ancien. En effet, dans les hameaux, les 4/5e du bâti repéré antérieur au XIXe siècle sont constitués de rangées. La structure logis-étable semble dans la plupart des cas constituer le noyau originel de ces alignements. Cela s'observe dans le bâti et est confirmé par les textes du XVe et du XVIe siècle, qui décrivent souvent une maison unique, à laquelle est accolé une dépendance grange et/ou étable. A ce noyau originel, un ou plusieurs autres logis et/ou dépendances agricoles ont souvent été adjoints, formant des ensembles pouvant aller jusqu'à une dizaine d'unités différentes. La plupart de ces allongements ont été effectués à partir du XVIIe siècle, et sont très nombreux au XVIIIe siècle, période de forte croissance de la population. A ce processus d'allongement des alignements s'ajoute celui de la subdivision, notable à partir du XVIIIe siècle. Des pièces à feu sont aménagées dans des celliers ou d'anciennes étables, augmentant le nombre de logis dans les alignements (voir les exemples de la Grivellière et de la Guilbardière). Cela est dû à la pression démographique comme à la coutume du Maine, qui implique un partage égal des biens entre les héritiers, engendrant de ce fait une division importante des propriétés. Ce morcellement donne lieu à la naissance de parcelles communes, également appelées "communs", constituées des cours et des voies situées devant et entre ces bâtiments, comme à la Maillardière ou à la Bouchardière.

Le village de la Bouchardière, bien documenté, permet d'éclairer le destin de ces alignements. Il est composé de trois rangées de logis et de dépendances, réparties autour d'une cour commune. Au moins deux d'entre elles, situées au nord et à l'est, étaient déjà bâties vers 1500. S'il est possible qu'au début de son histoire chacun de ces édifices ait constitué un ensemble autonome, composé d'une maison adossée à une étable, chaque rangée est par la suite divisée entre différents propriétaires. Ce processus était amorcé en 1564 et consommé en 1635. À cette date, le village accueillait neuf feux : l'un possédait un logis joignant celui de son voisin et la place de fumier se situant devant l'étable de ce dernier, l'autre la chambre se trouvant sur la cave d'un troisième… La propriété commune de la cour centrale en 1813 s'explique ainsi par une indivision entre les habitants.

Cette habitude constructive en alignements se perpétue toutefois au XIXe siècle. Des alignements anciens sont rénovés ou allongés et environ 140 nouveaux alignements de logis et dépendances sont édifiés.

c) Facteurs d’explications de l'organisation des hameaux

Les raisons de cette organisation sont difficiles à avancer. L'hypothèse de la division de grandes tenures entre divers cohéritiers d'un même aïeul, au milieu du Moyen Âge, peut toutefois être émise. En effet, les villages documentés au milieu du XVe siècle comprenaient à la fois des biens individuels et des biens communs, ainsi que des devoirs collectifs – impôt seigneurial commun et corvées -, vraisemblablement basés sur la tenure originelle. Les aveux rendus à la fin du Moyen Âge reflètent cette structure. Des villages comme la Bouchardière à Thubœuf, la Guiberdière à Rennes-en-Grenouilles ou encore la Beslinière à Sainte-Marie-du-Bois, appelés "fiefs" dans les textes, forment des "frérèches". Les "cofraraicheurs" sont solidaires de l'impôt seigneurial qui est versé d'un bloc, facilitant sa perception, bien que la propriété des terres soit répartie entre les différents tenanciers. Des parcelles - landes, pâtis, mares ou champs clos - situées à proximité de ce type de village, sont possédées en commun, ce qui laisse penser qu'à certaines époques, des pratiques culturales collectives ont existé. Par exemple, à la Guiberdière, une "commune", vraisemblablement une terre à usage communautaire, est mentionnée dès 1547.

Force est de constater que les hameaux les plus peuplés se trouvent aux confins des paroisses et éloignés des plus grands domaines nobles. Cet éloignement du pouvoir seigneurial a peut-être facilité les installations, à moins que ce ne soit ce premier qui, en cédant des terres, a cherché à stimuler l'implantation de paysans. En l'absence de toute source, ces hypothèses demeurent hasardeuses. Le régime de petite propriété paysanne a également favorisé la division des parcelles, et donc l'installation d'agriculteurs plus nombreux.

Le lien entre la relative pauvreté des terres et une population nombreuse a également été fait par les commentateurs du début du XIXe siècle. Dans la plupart des enquêtes agricoles de la première moitié du XIXe siècle, l'arrondissement de Mayenne est présenté comme ayant sol plus ingrat que Laval, or le nombre de feu par km² y est presque aussi élevé2. L'auteur anonyme d'une description du département en 1815 écrit ainsi : "La population que l'on regarde habituellement comme une preuve de fertilité des terres serait dans ce département la preuve du contraire. Dans l'arrondissement de Mayenne où elle se trouve être dans une proportion plus forte que dans les deux autres arrondissements, elle provient de la plus grande division des propriétés qui ne doit pas non plus être considérée comme un indice de la bonté du sol ; par le fait, les propriétés sont moins divisées là où le fond est meilleur, et le sont davantage là où le fond est mauvais" ; "La plus grande population provient aussi de la facilité qu'ont les hommes de la classe la plus indigente de se créer une habitation dans les landes où on leur laisse la possibilité de se construire des huttes où s'élèvent leurs familles que j'ai souvent remarquées être plus nombreuses que dans les bourgs eux-mêmes3". Ce type d'organisation, aussi singulier qu'il semble, se retrouve donc dans la majeure partie du nord de la Mayenne, mais aussi en Haute-Bretagne, où le seigle domine sur le froment et où les landes restent nombreuses jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Autour de Châteaubriant, les alignements sont nommés "barres". L'étude de la communauté de communes d'Evre-et-Charnie, autour de Sainte-Suzanne, a en outre montré que les fermes et les hameaux étaient en nombre comparable au nord du territoire, couvert de landes et de forêts, tandis que les fermes constituent 80 % des lieux-dits du sud du territoire, qui était considéré comme "de bonne terre".

1Par manque de temps, les recensements de population n’ont pu être systématiquement dépouilles. Les estimations de densité d’habitants s’appuient donc sur le nombre de logis repérés dans un lieu-dit, qui témoigne peu ou prou du nombre maximum de foyers qui ont été regroupés dans un hameau. Ces chiffres sont une estimation, les logis détruits n’étant pas comptabilisés lorsqu’aucun vestige architectural ne demeure.2ANTOINE Annie, Fiefs et villages du Bas-Maine au XVIIIe siècle, ..., 1994, p. 142.3Arch. dép. Mayenne, 1 Mi 142 R6/17.

Bibliographie

  • ANTOINE, Annie. Fiefs et villages du Bas-Maine au XVIIIe siècle. Mayenne : Éditions régionales de l'Ouest, 1994.

  • DAVY, Christian, FOISNEAU, Nicolas. Sainte-Suzanne, Un territoire remarquable en Mayenne. Cahiers du patrimoine n° 106. Ed. 303, Région Pays de la Loire, 2014.

  • BARDEL, Stéphanie, DEAN, Frédéric, et al. Architecture rurale en Bretagne, 50 ans d'Inventaire du patrimoine, Lieux-Dits, Région Bretagne, 2014.

    p. 43
Date(s) d'enquête : 2017; Date(s) de rédaction : 2020
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Seure Marion
Seure Marion

Chercheuse au pôle Inventaire du service du Patrimoine de la Région Pays de la Loire.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.