Dossier thématique IA49011119 | Réalisé par
Durandière Ronan (Contributeur)
Durandière Ronan

Chercheur auprès du Conseil départemental de Maine-et-Loire.

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  • enquête thématique départementale, Confluence Maine-Loire
Des lieux à voir : les sites pittoresques de la confluence Maine-Loire
Auteur (reproduction)
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  • (c) Archives départementales de Maine-et-Loire
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
  • (c) Conseil départemental de Maine-et-Loire - Conservation départementale du patrimoine

Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Confluence Maine-Loire

1. L'invention d'un paysage pittoresque

La ville d'Angers apparaît dès le milieu du XVIIIe siècle dans les premiers guides de voyage anglais comme The Grand Tour. Containing an exact description of most of the cities, towns and remarkable places of Europe de Thomas Nugent, dont la première édition est imprimée à Londres en 1749. On sait par ailleurs que des Anglais, élèves de l'Académie royale d'équitation d'Angers, vinrent très tôt, dans le cadre de leur Tour, étudier en Anjou, visiter Fontevraud et Saumur à la recherche de leurs ancêtres Plantagenêt, ou "fouiller à plaisir" le site de Frémur à Sainte-Gemmes-sur-Loire, selon Célestin Port.

 À la fin du XVIIIe siècle, la plus grande partie du territoire angevin reste pourtant à l'écart des routes empruntées par les voyageurs et les artistes. Il faut attendre la décennie 1820 pour voir apparaître les prémices d'un "tourisme" de Loire, impulsées par quelques grandes figures artistiques et intellectuelles locales puis par le développement de nouveaux moyens de transport : le bateau à vapeur et le chemin de fer.

Le regard nouveau des artistes et des intellectuels a joué un rôle décisif dans la construction des représentations sociales du paysage et des monuments qui le composent. Au début du XIXe siècle, la libre circulation des hommes et des idées se traduit, dans le sillage des écrits de Rousseau puis de la naissance du courant romantique, par une effervescence culturelle et intellectuelle propice à la redécouverte de la nature sauvage et des paysages pittoresques de la Loire angevine. Facilement accessible depuis la ville en coche d'eau, à pied ou à cheval, malgré des routes dégradées, la confluence profite au premier chef de cet engouement.

Parmi les nouveaux "inventeurs" du territoire, le peintre Jean-Jacques Delusse (1758-1833) et l'érudit Jean-François Bodin (1766-1829) apparaissent comme des pionniers.

Élève de Joseph-Marie Vien à Paris puis professeur de dessin à Saintes (Charente-Maritime), Jean-Jacques-Théréza Delusse obtient en 1804 le poste de conservateur du musée d'Angers. Fasciné par les bords de Loire, l'artiste parcourt le fleuve pendant plus de vingt-cinq ans entre Tours et Paimbœuf et exécute une centaine de dessins de la Loire ; une dizaine d'entre-eux au moins évoquent directement la confluence et ses principaux sites. Les dessins de Delusse traduisent bien le goût de l'époque pour le pittoresque, celui de "traquer le tableau par surprise", au détour d'un chemin ou depuis un point de vue dominant. Bien que restés confidentiels, car non publiés, ils préfigurent surtout l'attrait pour des sites qui deviendront incontournables pour le promeneur dans les décennies suivantes : les hauteurs de Pruniers et le village de la Pointe, la pierre Bécherelle (voir infra), le site de la Roche-aux-Moines, la Coulée-de-Serrant ou encore l'île de Béhuard.

"Vüe prise sur la Loire des isles lanbardières et de beuyart près de Rochefort allant à Nantes",  (titre inscrit). (Musée de la marine de Loire de Châteauneuf-sur-Loire)."Vüe prise sur la Loire des isles lanbardières et de beuyart près de Rochefort allant à Nantes", (titre inscrit). (Musée de la marine de Loire de Châteauneuf-sur-Loire).

L'autre grand personnage de la décennie 1820 est incontestablement Jean-François Bodin. Architecte de formation, Bodin a d'abord voulu embrasser une carrière politique – il fut conseiller municipal de Saumur, puis député – avant de se consacrer à l'histoire et aux monuments. Membre correspondant de l'Académie celtique, il centre en premier lieu ses recherches sur le Saumurois ; elles seront consignées dans un ouvrage en deux volumes, publiés chez Degouy en 1812 et 1814, Recherches historiques sur la ville de Saumur, ses monuments et ceux de son arrondissement. Après le succès de ce premier opus, Jean-François Bodin en fait paraître une suite très attendue, Recherches sur Angers et le Bas-Anjou, en deux volumes parus chez Cosnier et Lachèse en 1821 et 1823.

Le premier volume consacre un important paragraphe à l'église de Savennières. Malgré une erreur de datation de l'édifice, qu'il attribue à l'époque romaine, Bodin en donne une lecture scrupuleuse qui s'attache à décrire l'architecture et la mise en œuvre des matériaux. Il présente surtout l'église comme la plus ancienne d'Anjou, expression que l'on retrouve aujourd'hui encore dans la littérature touristique. Mais sa contribution la plus remarquable est sans doute celle qui a permis de redécouvrir l'île de Béhuard. "Rien n'est plus pittoresque, ni plus agréable, que la situation de ce petit monument, écrit-il au sujet de son église. La chapelle Notre-Dame de Béhuard.La chapelle Notre-Dame de Béhuard.Au milieu du fleuve, sur un sol uni, sablonneux, planté d'une multitude d'arbres de différentes espèces, offrant partout la plus riche culture, s'élève une seule roche de schiste de vingt-cinq à trente pieds de hauteur, sur laquelle est placée cette chapelle." Bodin replace au centre de l'histoire de l'île la figure de Louis XI, personnage qui fascine la génération romantique, de Walter Scott à Alexandre Dumas en passant par Honoré de Balzac et Victor Hugo. Dans son compte rendu de Quentin Durward, publié dans la revue littéraire Le Mercure du XIXe siècle, son fils, Félix Bodin, reprochera d'ailleurs dès 1823 à Walter Scott de s'être borné à la Touraine et de ne pas avoir visité l'Anjou : "Il aurait remarqué entre autres la petite chapelle si pittoresque de Béhuard, assise sur un pic de schiste noirci par les siècles, et suspendue sur la Loire dont on entend les eaux mêler leur bruissement aux chants du lutrin."

La correspondance que Bodin entretient avec Louise de Vaudreuil (1770-1831), comtesse de Serrant, grande amatrice d'art, témoigne du goût du temps pour le monument et son site dans le contexte naissant du tourisme : "Cet été, j'avais beaucoup de monde de Paris, votre ouvrage était toujours sur la table de ma bibliothèque, relu et admiré ; le but de nos promenades se dirigeait vers les endroits que vous aviez rendus intéressants par vos narrations, et vos dessins étaient copiés journellement."

À la suite des écrits de Bodin, Béhuard et Savennières deviennent des passages obligés pour les historiens, les archéologues et les pionniers du patrimoine voyageant en Anjou. Fondateur de la Société des antiquaires de Normandie, Arcisse de Caumont s'y rend en 1829, incité par Bodin, comme lui membre correspondant de la Société des antiquaires de France. S'il ne débarque pas à Béhuard, Prosper Mérimée, qui vient de succéder à Ludovic Vitet comme inspecteur des monuments historiques, s'arrête à Savennières dans les années 1830, de même que son successeur, Ernest Grille de Beuzelin, quelques années plus tard.

Plus localement, le succès des éditions illustrées sur les monuments de l'Anjou, renforcé par un goût prononcé pour le Moyen Âge, finit de consacrer ces deux monuments. L'église de Savennières fait ainsi l'objet d'une importante notice dans l'ouvrage de référence de Victor Godard-Faultrier, L'Anjou et ses monuments, publié en 1839, illustré de gravures par Peter Hawke. L'église de Savennières. Dessin de Peter Hawke. 1838.L'église de Savennières. Dessin de Peter Hawke. 1838.L'église figure par ailleurs sur la première liste des monuments historiques, établie en 1840. Offrant à la fois un édifice religieux empreint d'histoire nationale et un cadre bucolique, l'île de Béhuard devient également un décor privilégié pour les dessinateurs et les lithographes : La Pylaie, Berthe et Hawke y débarquent dans les années 1830. À leur suite s'y succèdent parmi tant d'autres Mercier, Ponceau, Vidal et Recouvreur.La chapelle de Béhuard. Dessin de Paul-Florent Ponceau, 1844.La chapelle de Béhuard. Dessin de Paul-Florent Ponceau, 1844. Le curé de la paroisse de Béhuard l'évoque en 1841 dans une lettre adressée au roi : "Cette église fait, par sa construction et son antiquité, l’admiration de toutes les personnes qui voyagent sur la Loire, et des gens amis des beaux-arts qui viennent de fort loin la visiter." La singularité du petit sanctuaire et sa valeur historique sont reconnues définitivement en 1862 par son classement au titre des monuments historiques.

2. Les nouveaux sites "à voir"

2.1. La pierre Bécherelle

Éminence rocheuse insolite, culminant à une quinzaine de mètres au-dessus de la Loire, la Pierre Bécherelle est le résultat d'une alternance de roches schisto-gréseuses datées du Paléozoïque (- 570 millions à - 280 millions d'années) formant les derniers contreforts du Massif armoricain. La "roche que l'on appelle Bécherelle" (rupes illa quae dicitur Becherella) est mentionnée dès le début du XIe siècle dans le cartulaire du chapitre Saint-Laud d'Angers. Bien connue des bateliers de Loire, elle a servi jusqu'à la fin du XVIe siècle de lieu de perception du péage pour les puissants seigneurs de Serrant et d'amer pour les navigateurs.

Redécouvert dans les années 1820 par les artistes et les érudits angevins, ce site pittoresque fait l'objet à partir des années 1840 d'une importante campagne de presse destinée à le protéger des entreprises de carriers en charge de l'aménagement du chemin de halage. En 1847, le rocher est néanmoins entaillé par le percement d'une profonde tranchée destinée à faciliter le passage du train. Les travaux du chemin de halage puis ceux de la Société de la Loire navigable finissent de lui donner son allure actuelle de haut "menhir" isolé. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la Pierre Bécherelle reste pourtant l'un des sujets favoris des peintres et des dessinateurs. L'invention de la photographie et la diffusion de la carte postale concourent à sa renommée. En 1912, à l'initiative du Touring Club de France, la Pierre Bécherelle devient le premier site classé du Maine-et-Loire. Elle est aujourd'hui encore un symbole pour le promeneur ligérien.

"Vüê du rocher dit de la pierre bécherel à un quart de lieue de la pointe / bord de la Loire 2 lieues d'Angers" (titre inscrit). (Musée de la marine de Loire de Châteauneuf-sur-Loire)."Vüê du rocher dit de la pierre bécherel à un quart de lieue de la pointe / bord de la Loire 2 lieues d'Angers" (titre inscrit). (Musée de la marine de Loire de Châteauneuf-sur-Loire).

La pierre Bécherelle. Carte postale, 1er quart XXe siècle.La pierre Bécherelle. Carte postale, 1er quart XXe siècle.Vue de la pierre Bécherelle depuis la rive gauche de la Loire.Vue de la pierre Bécherelle depuis la rive gauche de la Loire.La pierre Bécherelle, vue aérienne depuis le nord.La pierre Bécherelle, vue aérienne depuis le nord.

2.2. Le village de la Pointe à Bouchemaine

2.3. L'église Saint-Pierre et Saint-Romain à Savennières

2.4. La chapelle Notre-Dame de Béhuard

Image non communicable

Bibliographie

  • CHARON, abbé. La Pierre Bécherelle. Le site & l'histoire, Extrait du journal paroissial : Savennières-Épiré, mars 1972, 5 p.

  • DURANDIÈRE, Ronan. Béhuard ou l'attrait pittoresque d'une île. Une île, des îles. Hors-série n° 149. Nantes, Éditions 303, 2017.

  • DURANDIÈRE, Ronan. La pierre Bécherelle à Savennières. Atlas des curiosités. Hors-série n° 161. Nantes, Éditions 303, 2020, p. 66-71.

  • DURANDIÈRE, Ronan. La confluence Maine-Loire. Territoire de villégiature. Images Patrimoines en région, Nantes, Éditions 303, 2021, 136 p.

  • GIRAUD-LABALTE, Claire. Les Angevins et leurs monuments 1800-1840. Angers, Société d'Études angevines, 1996, 361 p.

  • MARAIS, Jean-Luc, BERGÈRE, Marc. Le Maine-et-Loire aux XIXe et XXe siècles. Paris, Picard, 2009, 394 p.

Date(s) d'enquête : 2022; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Conseil départemental de Maine-et-Loire - Conservation départementale du patrimoine
Durandière Ronan
Durandière Ronan

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