1. Le site
Le complexe monastique de Fontevraud a été fondé en un site de pente et de fond de vallon où convergent plusieurs petits affluents de l'Arceau. Cette implantation est dominée à l'est d'un petit relief relativement escarpé et déjà boisé lorsque Robert d'Arbrissel s'y établit, mais elle ouvre aussi sur des clairières qui furent tôt mises en valeur (et déjà exploitées avant le XIIe siècle).
La disposition des bâtiments montre qu'afin d'échapper aux risques de débordement des ruisseaux, furent dès l'origine réalisés des travaux de terrassement, excavations ou remblais. De même, divers éléments encore visibles ou révélés par l'archéologie attestent de la précoce mise en place d'un système hydraulique (plusieurs fois remanié) de captage et d'évacuation des eaux pour répondre aux besoins de la communauté.
Le site de l'actuel Abbaye royale de Fontevraud ne correspond qu'au coeur de l'ancien ensemble monastique, autrefois bien plus vaste et dont ont été distraits, surtout au nord et à l'est, des parcelle qui correspondaient à des jardins, terres exploitées (Bas-Jardin au nord, Clos-Saint-Lazare à l'est), mais aussi des dépendances, bâtiments consacrés à des activités de stockage ou de production ou logements de convers, d'officiers et de serviteurs liés au fonctionnement de l'abbaye. Les murs de clôture de ces espaces sont encore nettement perceptibles dans le paysage, souvent conservés comme limites parcellaires (rue de la Boucherie ou terres du Courty). Par ailleurs, le couvent des frères de Saint-Jean-de-l'Habit, qui occupait la partie est du site, en rive droite des ruisseaux, hors de la Grande clôture encore en place, fut détruit au début du XIXe siècle : il n'en reste que les vestiges, parfois impressionnants et malheureusement peu préservés, de quelques-uns de ses murs d'enceinte ou de cloisonnements intérieurs (dans la proche forêt ou en partie conservés dans le mur de clôture du cimetière actuel), ainsi que des abris troglodytiques liés au stockage. De même, le site du Clos-Bourbon, aujourd'hui à nouveau rattaché à la gestion de l'Abbaye, en a été dissocié physiquement depuis la fin du XVIIIe siècle et n'est pas clairement identifiable comme ayant relevé de la Grande clôture de la fin du XVIe siècle à la Révolution. Au-delà des éléments architecturaux (Logis Bourbon, vestiges du Gros-Pavillon de Mme de Montespan, murs d'enceinte) ou archéologiques (notamment les vestiges de la chapelle Notre-Dame-de-Liesse), qui se situent dans le clos lui-même, on ne distingue que très ponctuellement les traces de l'arrachement de la voûte et des ponts qui reliaient ce parc aux jardins et aux éléments du palais abbatial.
2. L'Abbaye royale de Fontevraud
Dans sa configuration actuelle, l'abbaye de Fontevraud (hors Clos-Bourbon) se compose d'un ensemble principal, l'ancien couvent du Grand-Moûtier, de deux anciens prieurés, l'un au nord-est, Sainte-Marie-Madeleine (ou la Madeleine), l'autre, au sud-est, Saint-Lazare, ainsi que d'un ensemble de bâtiments d'époque monastique ou pénitentiaire, à l'ouest. Le tout, jardins et bâtiments, forme un complexe de près de 8 hectares, entouré d'une imposante clôture.
Les clôtures et les portes
Le mur d'enceinte qui enserre aujourd'hui l'abbaye hérite de la période pénitentiaire, mais comme la prison prit naturellement place dans le cadre de la Grande clôture monastique, une grande partie du tracé de celle-ci est encore conservée, notamment au nord-est, à l'est, au sud et au sud-ouest. Les murs sont ici essentiellement ceux du XVIe siècle, construits avec un parement en moyen appareil de tuffeau. Un mémoire des travaux, de 1504, renseigne sur ce mur haut de 6 mètres par près d'1 mètre d'épaisseur, édifié sur 1,3 kilomètre de long. On observe toutefois de très nombreuses reprises et réparations qui datent pour l'essentiel du début XIXe siècle, notamment en ce qui concerne les assises supérieures des murs. Au sud-ouest, où l'enceinte borde le cours du ruisseau de la Luzerne, on note également des reprises en pied de mur extérieur ainsi qu'une forte érosion des pierres de tuffeau. À l'est, dans le secteur de la Madeleine, c'est sans doute la destruction des assises supérieures de tout un tronçon, qui nécessita la réfection des parties hautes en moellons, sans doute lors des travaux d'aménagement de la prison.
Au nord, entre la Fannerie et la Madeleine, le mur correspond à l'enceinte extérieure du chemin de ronde mis en place vers 1808-1814 : il est ici intégralement en moellons de tuffeau, parfois raidi de contreforts en moyen appareil.
À l'ouest, entre la place des Plantagenêts et l'aplomb de la galerie (le long de l'actuelle rue du Logis-Bourbon), les assises hautes sont en moyen appareil, mais on note la présence d'un haut solin en moellons de roche dure (ou « perrons ») et de jambes de calcaire dur ; ce mur vient ici remplacer ponctuellement des pans de la clôture ancienne, mais aussi fermer l'enclos après la destruction de la voûte et des ponts qui mettaient en communication directe les jardins et des bâtiments du palais abbatial avec le Clos-Bourbon.
Ces murs, de l'abbaye ou de la prison, étaient percés de portes, peu nombreuses et souvent imposantes.
La Grande-porte, à l'ouest, ouvrant sur la place des Plantagenêts et sur le bourg, occupe un emplacement attesté déjà dans les derniers siècles du Moyen Âge. Il s'agit de la porte ouest de la clôture simple qui enserrait bâtiments monastiques et ensembles de dépendances du complexe abbatial. Elle fut sans doute plusieurs fois remaniée et se présente aujourd'hui sous l'aspect qui lui est donné lors de sa reconstruction, dans les années qui précèdent la Révolution. C'est un pavillon de style néo-classique en moyen appareil de tuffeau, comprenant en partie haute le logement du portier et dont la travée axiale, qui accueille un haut passage couvert, est mise en valeur par un arc plein-cintre encadré de pilastres portant un entablement et se poursuivant plus haut par des bossages en table qui supportent un fronton triangulaire. Le toit, en pavillon, est couvert d'ardoise. Elle précédait la Cour-du-dehors, ancienne rue intérieure qui distribuait les couvents et les dépendances de l'abbaye et qui était fermée d'une autre porte, au nord-est, détruite peu avant 1638 (porte d'Alençon). Ces deux portes, gardées et soumises à des horaires d'ouverture diurne, barraient ainsi une voie secondaire de Montsoreau à Fontevraud (détournée au nord du site au début du XVIIIe siècle).
La Porte-d'En-bas donnait accès aux couvents féminins eux-mêmes. Érigée immédiatement au nord de l'abbatiale, c'était le seul accès par une chaussée aux espaces abrités par Grande clôture, qu'elle mettait en communication avec la Cour-du-dehors. Cette porte, préservée par les architectes de la maison centrale de détention, est élevée dans le même temps que la Grande clôture, peu après 1504, en moyen appareil de tuffeau. Elle est de style flamboyant, et présente une ornementation développée en façade extérieure, avec une accolade élancée à crochets feuillés et encadrée de pinacles, motif répété dans les niches des écoinçons. De ce même côté, au niveau de l'arc, de part et d'autre de la porte, se trouvaient deux lions sculptés, figures apotropaïques maintenant symboliquement le mal à distance des religieuses. Le bas du corps de l'un d'eux est encore visible, à droite, mais le second, à gauche manque, sans doute brisé lors de la Révolution : un fragment en a été identifié au cours de cette étude, en façade d'une maison du sud du village (93, rue des Potiers, voir notice).
La porte de la seconde enceinte de l'époque pénitentiaire (la première est la Grande-porte), est visible entre les anciens bâtiments du corps de garde et du greffe (au sud de l'actuel accueil de l'abbaye). Construite vers 1828, elle est constituée d'une grande porte cochère couverte d'un arc en plein-cintre à claveaux à bossages en table et est encadrée de deux petites portes piétonnes.
La porte de la troisième enceinte de l'époque pénitentiaire était la seule entrée de la prison stricto sensu dans les plans de l'architecte Charles-Marie Normand qui conçoit la maison de détention en 1804-1816. Il réalise une porte à deux vantaux, mais relativement étroite, encadrée de colonnes à bossages en table un-sur-deux, inspirées vraisemblablement des formules chères à Claude-Nicolas Ledoux. Ce n'est que plus tard, vers 1835-1850, que vient la flanquer au nord (à gauche) une première petite guérite aux encadrements à bossages en pointe-de-diamant et plus tard encore, certainement dans le dernier quart du XIXe siècle qu'une seconde est construite à l'identique du côté sud de la porte (à droite). L'ensemble formé par la porte et les deux guérites qui l'encadrent, très bien harmonisées malgré une construction en plusieurs temps, constitue l'un des éléments les plus élégants qui demeurent de l'ancienne prison.
Le Grand-Moûtier
Le Grand-Moûtier est constitué de l'abbatiale et des bâtiments où se déroulait la vie conventuelle des religieuses de choeur, autour du grand cloître. À l'ouest, un ensemble annexe le prolonge, formé autour de la chapelle Saint-Benoît, qui faisait fonction de chapelle funéraire, et de la cour qui la borde au sud, formant une sorte de second cloître fermé d'un bâtiment qui accueille les infirmeries, à l'ouest.
L'abbatiale
L'édifice
L'abbatiale Notre-Dame succède sans doute avant 1110 à un premier oratoire érigé par la communauté naissante et vraisemblablement inachevé (mis au jour lors de fouilles archéologiques en 1993-1994). Le plan de l'abbatiale, longue de près de 85 mètres, est conçu d'un trait et le chevet et le transept, ainsi que toute la partie basse de la nef, jusqu'à la façade occidentale, sont terminés vers 1120. Le choeur est doté d'un déambulatoire à trois absidioles rayonnantes et les bras du transept comptent chacun une chapelle orientée de plan semi-circulaire. Cette composition donne au chevet une forte gradation ascensionnelle. Selon un principe que l'on retrouve ailleurs en val de Loire au début du XIIe siècle, s'y manifeste un certain effacement des parois : la présence des murs est ainsi atténuée par l'accent mis sur les vides (hautes arcades à fines colonnes, arcs surhaussés et grandes baies), mais aussi par le jeu des arcatures aveugles et des niches. Une telle recherche plastique anime aussi bien l'intérieur que l'extérieur et caractérise tant le choeur que le chevet. La sculpture est ici assez peu présente : les chapiteaux se limitent à des feuilles lisses, voire à de sobres corbeilles géométriques. Les continuités verticales sont fortes et donnent à l'ensemble formé par le choeur et le transept un bel élancement. Si l'essentiel du bâtiment est en appareil de tuffeau, les très hautes colonnes du déambulatoire et les piliers de la croisée sont érigés en un calcaire coquillier plus résistant à la compression et proviennent de carrières situées en limite ouest de Fontevraud-l'Abbaye, dans le secteur des Perrières-l'Abbesse.
La césure est nette avec la nef, dont les parties hautes et l'habillage intérieur sont réalisés dans le second quart du XIIe siècle et témoignent d'un changement de parti majeur, alors même que l'élévation en était déjà très avancée. Une porte romane, au nord, dite « porte papale » pourrait d'ailleurs dater du programme initial de la nef. La question du couvrement de ce vaisseau unique se posa alors sans doute, du fait de sa largeur, et il est très probable que dans un premier temps on ait penché pour une simple charpente. Ce sont sans doute les liens entretenus avec l'évêque d'Angoulême, Girard II, qui orientent les constructeurs vers le choix très méridional d'une file de coupoles et d'un traitement architectural et ornemental de la nef inspiré de la cathédrale Saint-Pierre que cet évêque est en train de faire construire. Les coupoles sur pendentifs reposent sur de puissants piliers, construits en légère avancée par rapport aux murs de la nef afin d'en rétrécir la portée et qui scandent la progression dans l'édifice.
Par leur composition claire et rythmée, les chapiteaux qui ornent les arcatures de la nef relèvent de modèles angevins, mais ceux qui décorent en frise les piliers à grandes colonnes engagées puisent dans un répertoire de motifs plus exubérants, d'influence surtout angoumoise. Si la plupart d'entre eux sont ornés de foisonnants rinceaux habités, quelques-uns sont historiés. Se distingue en particulier, sur la pile sud qui sépare les deux premières coupoles, la frise consacrée à la mort de la Vierge, thème important de la spiritualité fontevriste. Là tout est rythme, opposition et convergence. Le cortège funèbre des Apôtres, éplorés, s'articule sur deux faces affrontées. Puis, au mouvement descendant de la mise au tombeau de la Vierge répond l'élévation de son Assomption où elle apparaît couronnée. Cette même figure résonne enfin, par le jeu des mandorles, avec celle du Christ en majesté qui l'accueille.
L'abbatiale est achevée sans doute avant 1150 et sa structure n'est pas modifiée par la suite, à l'exception de la réalisation du clocher gothique (terminé au milieu du XIIIe siècle) et de la réfection du haut du pignon de la façade principale (repris en style flamboyant à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle). Dans ce même style est également édifié, vraisemblablement aussi vers 1500, le portail de l'avant corps flanquant le transept, au nord de la nef, avec porte à pilier central à couvrements en arc segmentaires et décor d'accolades élancées, de crochets gothiques et de remplages à mouchettes, qui correspond à l'accès réservé aux frères de Saint-Jean-de-l'Habit chargés de célébrer les offices dans les choeurs de l'abbatiale et de la chapelle Saint-Benoît.
Le décor, les gisants
Outre la sculpture monumentale, il ne reste que peu d'éléments du décor intérieur de l'abbatial, détruit ou dispersé durant la Révolution et lors de l'aménagement de la prison. Il devait être déjà notable à l'époque médiévale : on en conserve quelques fragments de peinture murale et l'on estime que c'est dans l'abbatiale que prenait place le Jugement dernier sculpté dont des éléments furent mis au jour lors de fouilles archéologiques en 1984. Toutefois, la plupart de ces éléments furent détruits au fil du temps lors de renouvellements, notamment aux XVIIe et XVIIIe siècles, où le décor fut particulièrement fastueux, composé de nombreux autels et retables architecturés (certains ont été déplacés dans l'église paroissiale de Fontevraud-l'Abbaye) ornés de sculptures, mais aussi de longs alignements de stalles et lambris de bois et de clôtures de ferronnerie.
Seuls demeurent en place le décor architectural du XVIIe siècle qui entourait l'autel de la chapelle du bras nord du transept et, déplacés, des éléments de clôture de pierre disposés dans le déambulatoire.
Dans la nef de l'abbatiale, où ils occupent une position désormais centrale après avoir été déplacés à de multiples reprises dans le Grand-Moûtier, l'on peut enfin admirer quatre gisants de membres de la maison Plantagenêt : ceux du roi Henri II d'Angleterre (1133-1189), de son épouse Aliénor d'Aquitaine (vers 1122-1204), de leur fils le roi Richard Coeur de Lion (1157-1199), et de leur bru Isabelle d'Angoulême (vers 1188-1246), épouse de Jean Sans Terre. Les trois premiers de ces gisants, sculptés dans un tuffeau local, témoignent d'un style qui émerge vers 1200, époque de leur réalisation, où l'attention se tourne vers le corps, étroitement souligné de drapés souples. Le quatrième, réalisé au milieu du XIIIe siècle, est en bois et montre une évolution plus affirmée vers ces tendances stylistiques. Ces gisants furent tous assez lourdement restaurés au XIXe siècle, avec réfection de certains éléments et nouvelle polychromie.
Le cloître et les bâtiments adjacents
Le cloître du Grand-Moûtier est situé au sud de l'abbatiale. Dans son état actuel, il résulte pour l'essentiel de remaniements du XVIe siècle, mais il reprend les dimensions du cloître roman, qui était très vaste (56 x 59 mètres).
Les cuisines
Parmi les bâtiments du premier couvent qui environnaient ce cloître sont conservées les cuisines médiévales qui, vraisemblablement servaient aussi de fumoir. Construit dans au XIIe siècle à l'ouest de ce qui devait déjà être le réfectoire, cet édifice a depuis longtemps perdu son usage, au point qu'au XIXe siècle son identification était incertaine. Certains y voyaient une tour qui, avant que n'arrive Robert d'Arbrissel, aurait servi au légendaire bandit Évrault pour, tel un fanal, attirer les voyageurs et les déposséder. D'autres pensèrent qu'il s'agissait de la nécropole royale des Plantagenêt qui devait accueillir leurs gisants. On s'accorde désormais à y reconnaître un bâtiment lié à la préparation des aliments. Il s'agit d'un édifice de plan centré, constitué en partie haute d'une flèche pyramidale en tas de charge, dont la partie basse est d'absidioles semi-circulaires séparées par des colonnes engagées. L'agrandissement du réfectoire à l'est et l'aménagement d'une porte au sud-est se traduisirent par la destruction de trois des huit absidioles initiales, n'en laissant aujourd'hui que cinq. Le plan du bâtiment est de conception très géométrique : du haut vers le bas, la structure est ainsi marquée par l'inscription successive d'un octogone (la flèche), dans un carré (la travée principale), lui-même inscrit dans un octogone (duquel rayonnent les absidioles). Cette succession se fait à l'intérieur par le jeu d'une gradation d'arcs légèrement brisés, portés par de puissants piliers à colonnes engagées dotées de chapiteaux à feuilles lisses ou volutes. Les couvrements voûtés sont à extrados en couverture et orné extérieurement d'un décor en écailles. Des cheminées amortissent la flèche, les absidioles et leurs articulations. Il est à noter que les souches de ces cheminées (à part celle sommitale qui existait encore) et le décor d'écailles furent restitués à partir de vestiges attestés lors des restaurations conduites au début du XXe siècle par Lucien Magne, qui modifia aussi la couverture des absidioles, leur donnant une forme conique.
L'ensemble est donc conçu comme un immense conduit de cheminée, avec de nombreuses prises d'air latérales et un cône central d'évacuation des fumées. Cette configuration, conjuguée à l'absence d'un autre site où prendraient place les activités culinaires, permet de penser que la destination de cet édifice pouvait être double, servant à la fois de cuisines (avec de larges espaces de travail) et de fumoir (pour réaliser les fumaisons nécessaires à la bonne conservation de la viande et surtout du poisson que devaient consommer les religieuses).
Le réfectoire
Des éléments du réfectoire médiéval sont conservés en élévation (comme la porte du XIIe siècle qui ouvre dans la galerie du cloître), mais il fut très largement reconstruit vers 1515-1520, par Renée de Bourbon, en une longue et haute salle couverte de grandes voûtes d'ogives bombées. La large portée de celles-ci rendit nécessaire l'édification des puissants contreforts de la façade sud. En façade septentrionale, leur contrebutement est assuré par la galerie sud du cloître où une galerie haute (ajout d'époque pénitentiaire) dissimule des arcs-boutants, retombant eux-mêmes sur d'imposantes culées qui rythment ici l'élévation du cloître. Au-dessus de ce nouveau réfectoire, l'étage de comble sous charpente lambrissée abrite un dortoir.
Les galeries du cloître
Dans le temps même où est reconstruit le réfectoire, cette galerie sud est donc refaite, première étape de la rénovation de l'ensemble du cloître. Construite à partir de 1519 en style gothique flamboyant (couvrement, remplage des baies), la galerie sud intègre des motifs relevant de la Première Renaissance, d'influence italienne, à travers les pilastres à disques fleuronnés qui séparent les deux arcades comprises entre chaque culée.
Les autres galeries sont reconstruites sous l'abbatiat de Louise de Bourbon (1534-1575). À l'ouest et à l'est, elles sont sans doute achevées au milieu du XVIe siècle et au nord, en 1561. Toutes trois sont harmonisées par un même traitement, avec un couvrement encore flamboyant, mais des arcades caractéristiques d'une Seconde Renaissance nourrie d'emprunts antiques et qui propose aussi des formules originales et maniéristes, comme des colonnes jumelées couvertes d'un même chapiteau ionique. Au nord, on note contre le mur de l'abbatiale un alignement de niches caractéristiques de ce style antiquisant, avec couvrement en étroit berceau plein-cintre à caissons et encadrement de pilastres cannelés portant un entablement à frise de triglyphes et métopes couronné d'un fronton triangulaire (un seul est curviligne).
La salle du chapitre
La galerie orientale du cloître longe une aile remaniée dans le second quart du XVIe siècle. Au rez-de-chaussée, la galerie distribue plusieurs salles dont celle du chapitre, dont l'entrée est matérialisée par un grand portail (date portée : 1543) aux voussures et piédroits couverts de reliefs sculptés et caractéristique d'une tendance à l'ornementation foisonnante que développe alors la Renaissance française. De chaque côté de la porte, deux petites baies géminées sont tout aussi ornées, avec notamment un couvrement en berceau avec caissons décorés de bas-reliefs (date portée : 1541). L'iconographie de ces ensembles est principalement consacrée à la Passion, mais comporte aussi une multitude de motifs macabres et grotesques, ainsi que des putti, anges, saints et religieuses ou encore initiales (L de Louise, F de François Ier) qui alternent avec rinceaux, guirlandes et décors architecturaux.
La salle du chapitre elle-même est constituée de deux vaisseaux de trois travées couvertes de voûtes. Celles-ci retombent au centre sur deux fines colonnes et contre les murs sur des culots ; les formerets plein-cintre délimitent des tympans semi-circulaires, ornés de dix grandes peintures réalisées vers 1563-1567 par l'artiste angevin Thomas Pot et plusieurs fois reprises et restaurées depuis. L'ensemble constitue un cycle consacré à la Passion du Christ, complété de la Pentecôte et d'une ultime scène mêlant la Dormition et l'Assomption de la Vierge. En partie basse de ces peintures, Louise de Bourbon fit représenter en une sorte de mémorial dynastique et sous des traits assez impersonnels, les anciennes abbesses et religieuses réformatrices de sa famille, de Fontevraud ou d'autres couvents féminins, identifiées par des cartels. Ce programme fut poursuivi et d'autres portraits, cette fois-ci plus fidèles, furent ajoutés jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, y compris d'abbesses fontevristes qui n'étaient pas de la maison de Bourbon. De même, est représentée Mademoiselle de Blois (1677-1749), fille légitimée de Louis XIV et de Madame de Montespan, peinte alors qu'elle était déjà adulte, mais figurée ici à l'âge où, enfant, elle séjournait à l'abbaye, avant son mariage en 1692 avec le duc d'Orléans, futur Régent. Les parties basses des murs, aujourd'hui nues, accueillaient des lambris et les stalles des religieuses.
L'escalier monumental, les dortoirs et le noviciat
La même galerie orientale du cloître distribue également un escalier monumental, construit sous Louise de Bourbon, entre 1542 et 1546, pour desservir le dortoir des religieuses établi à l'étage-carré de cette aile est et remanié dans ces mêmes années. De la porte d'entrée établie dans la galerie du cloître au tambour de l'étage-carré, le décor de cet escalier puise avec un certain maniérisme dans le vocabulaire antiquisant de la Renaissance, avec de savants jeux ornementaux qui déclinent tout un répertoire de motifs et de styles architecturaux, frontons, colonnes et pilastres, cannelés voire bagués, chapiteaux corinthiens ou doriques à oves, etc. La volée droite (autrefois à palier intermédiaire) est couverte d'une belle voûte rampante en berceau plein-cintre ornée de caissons, à bossages en table et fleurons. Commande d'une abbesse de la puissante maison de Bourbon, l'ensemble paraît ainsi plus propre à une architecture palatiale qu'à un dortoir de moniales.
Le dortoir principal qui occupe l'étage de comble se présente aujourd'hui comme un immense vaisseau sous charpente, mais dans son état du XVIe siècle, il était doté de cloisonnements intérieurs légers. Les maçonneries du mur nord de ce dortoir (qui sont celles du bras sud du transept de l'abbatiale) conservent des vestiges de l'ancien dortoir médiéval, dont le toit était plus bas, moins pentu et couvert de tuiles. Ce mur présente aussi les vestiges d'une ancienne porte au décor Renaissance (visible tant du côté du dortoir que du bras du transept) : elle donnait là sur un escalier (disparu) qui permettait pour les offices nocturnes d'accéder directement du dortoir au choeur des religieuses via le bras sud du transept.
Ce dortoir fut prolongé au sud par un noviciat, d'un volume un peu différent, édifié en 1684-1685.
La chapelle Saint-Benoît
Accotée à l'aile du dortoir, au niveau de la salle du chapitre, Saint-Benoît est mentionnée comme chapelle de l'infirmerie dès 1115 et c'est là que se déroulaient les cérémonies funéraires. De la chapelle romane ne subsiste que la courte nef, charpentée, qui fut partiellement divisée dans sa hauteur par un plancher et rehaussée d'un niveau au XVIe siècle, sous Louise de Bourbon, et pour y accueillir les appartements de la grande prieure. Ce logement était accessible depuis le dortoir principal du Grand-Moûtier et il présente aujourd'hui un décor intérieur du XVIIIe siècle (restauré en 2012).
Dans les dernières décennies du XII siècle, le choeur originel fut remanié. Il est alors allongé d'une travée couverte d'une voûte d'ogives bombée, caractéristique du gothique angevin, avec ici des ogives épaisses et l'amorce d'un décor à la clef. Dans l'abside, semi-circulaire, les branches d'ogives sont plus fines et retombent bas sur des colonnettes engagées montant de fond. Les baies couvertes en plein-cintre qu'elles encadrent n'étaient sans doute pas aveugles à l'origine.
Les infirmeries et la cour Saint-Benoît ou « second cloître »
Un bâtiment abritant les infirmeries existait à l'est du Grand-Moûtier dès le Moyen Âge, mais fut détruit à la suite des inondations catastrophiques de 1558. Le bâtiment est reconstruit, à partir de 1580, sous l'abbatiat d'Éléonore de Bourbon (1576-1611). Il s'agit là d'un édifice à plan en U avec un long corps principal d'axe nord-sud avec chapelle centrale dans-oeuvre, deux gros pavillons d'angle et deux courtes ailes en retour d'équerre vers le Grand-Moûtier. À l'articulation de ces petites ailes et des gros pavillons sont établis des escaliers tournants rampe sur rampe, qui assurent au nord et au sud la distribution verticale de l'ensemble. Un soubassement permet de récupérer la légère inclinaison ouest-est du site. Les ailes de l'édifice comptent un rez-de-chaussée surélevé, un étage-carré et un comble ; les pavillons, plus amples, ont un second étage-carré. Le corps principal était un peu plus haut que les ailes latérales, mais il fut encore rehaussé à l'époque pénitentiaire (dans les années 1820) avec création d'un étage-carré supplémentaire et suppression des lucarnes qui rythmaient le toit ; les surhaussements des escaliers qui accompagnèrent cette transformation furent couverts en pavillon lors des restaurations du dernier tiers du XXe siècle.
L'aile en retour, au nord, est bâtie dans l'axe de la chapelle Saint-Benoît dont elle était séparée par une voie. L'ensemble constitue ainsi une sorte de cour intérieure quadrangulaire. Les façades des infirmeries donnant sur cette cour sont bordées d'une galerie haute sur portique (onze le long de l'aile principale, cinq le long de chaque aile en retour) qui permettent d'assurer la distribution des salles.
L'ornementation des façades et baies (portes et lucarnes essentiellement) relève d'un répertoire issu de la Seconde Renaissance, mais décliné avec un certain maniérisme : frontons à bases interrompues, modillons cannelés, volutes, bandeaux et pilastres quadrillant les élévations.
C'est sans doute au XVIIe qu'est assurée la jonction entre l'aile nord et le chevet de Saint-Benoît au moyen d'une travée formant passage carrossable couvert doté, du côté du chevet de l'abbatiale, d'une porte monumentale avec encadrement saillant à colonnes portant un entablement et un fronton triangulaire.
Dans les premières décennies du XVIIIe siècle (entre 1700 et 1740), la galerie de l'aile sud des infirmeries est prolongée à l'identique de onze travées jusqu'aux abords du Grand-Moûtier, homogénéisant ainsi le traitement en façade des bâtiments disparates qui fermaient la cour au sud. Afin de disposer dès lors d'un cheminement couvert du couvent principal à Saint-Benoît et aux infirmeries, une galerie, plus basse, vient aussi border l'aile est du Grand-Moûtier. La cour Saint-Benoît constitue ainsi une sorte de second cloître. C'est après 1816 que l'aile sud (désormais quartier de détention des femmes) est achevée en profondeur pour correspondre, derrière la galerie sur cour, au volume des premières travées de l'aile en retour d'équerre des infirmeries.
Saint-Lazare
Fondé dès le début du XIIe siècle par Robert d'Arbrissel pour la communauté chargée des soins aux lépreux et malades, le prieuré Saint-Lazare a été reconstruit vers 1160, à la suite d'un don d'Henri II Plantagenêt. Il fut encore remanié plusieurs fois par la suite et se présente aujourd'hui sous la forme d'un ensemble quadrangulaire de bâtiments entourant un cloître et dont l'aile sud est prolongée vers l'ouest.
L'église, à nef unique, traduit les hésitations qui marquent la transition entre les traditions constructives romanes et les premières expérimentations du gothique que connut Fontevraud. Une première travée de choeur, courte et à chevet plat, est couverte d'une voûte en berceau brisé, solution romane qui, pour la seconde travée de choeur et les deux travées de la nef qui suivent, laisse place à des voûtes d'ogives bombées. C'est là l'une des utilisations les plus anciennes de ce type de couvrement, qui dispense d'arc-boutant et caractérise le style gothique angevin diffusé à partir du chantier de la cathédrale d'Angers. À Saint-Lazare, les ogives sont encore très épaisses avec un profil constitué d'un large bandeau encadré de moulurations toriques ; la clef n'y reçoit encore aucune décoration. Les chapiteaux des colonnes engagées qui supportent les doubleaux et ogives présentent le plus souvent un simple décor de feuilles lisses.
Peut-être du fait de ces changements de parti, le volume intérieur de l'église traduit une accentuation des perspectives à mesure que l'on progresse de la nef vers le choeur, avec un rétrécissement des murs, une descente des voûtes et une montée du sol (désormais non perceptible du fait de décaissements des niveaux de sol), concentrant les regards vers l'autel (aujourd'hui disparu). L'aile ouest du prieuré est également reprise dans les années 1160 et l'on en conserve la salle du chapitre, au rez-de-chaussée, et le dortoir en salle haute sous charpente (restaurée) où sont conservés des fragments de peinture murale.
Vers 1500, une chapelle latérale de style gothique flamboyant, consacrée à saint Jérôme, est venue flanquer la nef, au nord. Le haut de l'élévation et la couverture de cette chapelle, en partie disparus, furent restitués lors de restaurations vers 1960, sans que l'on n'en connaisse le profil originel.
Alors que Saint-Lazare devient principalement une maison de convalescence pour les religieuses, les bâtiments conventuels sont profondément remaniés, vers 1625, où est notamment reconstruite l'aile sud, avec un grand réfectoire voûté au rez-de-chaussée surmonté d'un étage-carré divisé en cellules individuelles. Le cloître est refait dans la première moitié du XVIIIe siècle et dans cette même période est aussi érigé dans l'aile ouest un escalier monumental qui se distingue par ses volées tournantes entièrement en porte-à-faux. Durant la période carcérale, l'ancien prieuré devient l'hôpital de la prison prolongé à l'ouest d'une aile, achevée en 1826, et construite dans un sobre néoclassicisme qui s'allie aux autres bâtiments (ce qui lui vaudra d'être conservée lors des restaurations entamées là dès 1958-1960).
La Madeleine
Le prieuré Sainte-Marie-Madeleine fut fondé dès le début du XIIe siècle par Robert d'Arbrissel pour la communauté de moniales constituée des filles repenties voire des non vierges. Rapidement, sans doute, ce couvent ne dut plus accueillir que des soeurs de moindre extraction sociale que les religieuses du Grand-Moûtier et peut-être aussi des laïques retirées du monde sans pour autant prendre le voile. La communauté de la Madeleine semble ainsi reléguée à certaines tâches subalternes, comme le laisse à penser l'installation des lavoirs en partie sud du prieuré. À l'époque monastique, ce dernier était constitué de trois ailes principales et que bordait à l'ouest un petit cloître quadrangulaire. Constitué dès les premiers temps de l'abbaye, ce couvent fut plusieurs fois remanié, notamment au XVIe siècle. Les vestiges et la documentation (en particulier le plan dit de 1762) permettent d'en connaître l'organisation ancienne. L'église occupait l'aile nord. L'aile orientale accueillait la salle du chapitre et les logements des religieuses et était prolongée au sud par une buanderie articulée autour des lavoirs alimentés par les eaux de la « Fontaine du bienheureux Robert ». L'aile sud abritait le réfectoire doté de cuisines à l'extrémité occidentale. Cet ensemble de bâtiments fut profondément transformé au cours de la période carcérale, où destructions et constructions supplémentaires affectèrent le site dédié à des fonctions utilitaires (buanderie, boulangerie), puis devenu quartier de détention après 1963. Pour l'essentiel, la Madeleine se présente aujourd'hui sous la forme dans laquelle elle fut laissée en 1985 lors de la fermeture définitive de la maison de détention.
Contrairement au destin des autres bâtiments pénitentiaires, peu d'entre eux furent alors détruits dans ce secteur, car plusieurs furent réutilisés (comme dépôt lapidaire, notamment), mais aussi car ils conservent dans leur élévation un grand nombre d'éléments des édifices de l'ancien prieuré.
De la petite église Sainte-Marie-Madeleine à vaisseau unique, en grande partie détruite lors de l'établissement du mur d'enceinte de la prison au début du XIXe siècle, on peut ainsi encore voir les deux murs latéraux de la nef et de la travée de choeur. Des fouilles archéologiques récentes (2013) ont par ailleurs permis de mettre au jour différents niveaux de sol jusqu'à ceux de l'édifice roman originel. Le rez-de-chaussée médiéval de l'aile orientale du prieuré est également conservé, avec la salle capitulaire, ses baies donnant dans l'ancien cloître et son couvrement voûté ; plus au sud sont également encore visibles les bassins des lavoirs, sous voûte. Des éléments sont enfin perceptibles du réfectoire de l'ancienne aile sud.
Ce secteur conserve par ailleurs des éléments notables de la période pénitentiaire, telle l'aile ouest, érigée dans un style néoclassique, le transformateur électrique ou encore un tronçon du chemin de ronde de la courtine et un mirador à couverture en dôme à amortissement, édifié sans doute dans le premier quart du XIXe siècle sur le mur de l'ancienne clôture monastique.
Bâtiments du secteur ouest
Le secteur ouest de l'ancienne abbaye a été fortement transformé après la Révolution, d'une part du fait de la dispersion en mains privées de certains des édifices qui s'y trouvaient, cédés lors des ventes de biens nationaux, d'autre part lors de l'installation de la maison de détention, qui s'accompagna de rachat de certains d'entre eux, mais aussi de démolitions. Ce secteur se caractérise par le fait que s'y trouvaient juxtaposés des bâtiments de statuts divers. En effet, une fois passée la Grande porte, l'on entrait dans la Cour-du-dehors qui, à l'époque monastique, était d'accès public tout en étant contrôlée et déjà à l'abri d'une première clôture. Cette cour était une voie élargie qui formait dès lors un espace de transition entre les secteurs liés au fonctionnement de l'abbaye (au nord et à l'ouest) et ceux qui, à l'abri de la Grande clôture, étaient consacrés à la vie conventuelle (au sud).
Cette cour fut ramenée à de plus petites dimensions à l'époque pénitentiaire, où elle devint la place d'armes, mais son statut d'espace de transition perdura tout de même : elle était environnée des bâtiments administratifs (logements de fonction, greffe, etc.) ou liés au fonctionnement de la prison (caserne, boulangerie, fannerie, etc.) et ouvrait sur la porte de la deuxième enceinte conduisant aux espaces de détention.
Elle assure toujours ce rôle de transition, entre le village et les espaces d'accueil de l'actuel site culturel et touristique de l'Abbaye royale de Fontevraud.
Le palais abbatial et les dépendances ouest
Le palais abbatial, dans son état antérieur à la Révolution, est l'élément principal du secteur occidental de l'abbaye. Il constitue le réel lieu d'articulation entre extérieur et intérieur de l'ensemble monastique. Alors que la Grande clôture manifeste ailleurs très nettement dans le paysage la rupture entre ces deux univers, elle disparaît là pour laisser place à une transition bien plus complexe qui s'opère progressivement à travers cet édifice et qui traduit spatialement le rôle de l'abbesse, à l'interface de l'ordre fontevriste et du monde extérieur.
À défaut de documents d'archives et d'études archéologiques menées dans ce secteur de l'abbaye, il est difficile de connaître la nature et la date de construction des premiers bâtiments qui furent édifiés là. Il semblerait que dans la première moitié du XVIe siècle, l'abbesse occupe encore une cellule dans le dortoir des religieuses, mais un logis abbatial clairement indépendant, situé à l'ouest du Grand-Moûtier est attesté dans le dernier quart du XVIe siècle. Il paraît associé à d'autres constructions déjà mentionnées là, comme le parloir de l'abbesse. À cette même période, est également évoquée une galerie qui, en 1580, peut être empruntée depuis le logis pour se rendre au Clos-Bourbon désormais accessible par un pont. Au XVIIe siècle, de nouveaux corps de bâtiment sont construits dans ce secteur. Les plans dont on dispose à partir du second quart du XVIIIe siècle montrent un palais abbatial dont la partie centrale (disparue), constituée d'un logis à tourelles quadrangulaires, se situait à l'ouest des cuisines médiévales. Diverses ailes et appendices étaient greffés sur ce corps principal, qui était par ailleurs séparé de la Cour-du-dehors par divers petits bâtiments utilitaires (celliers, bûchers, lingerie, entrepôts divers) ou liés au logement du personnel au service de l'abbesse ; on y trouve aussi plusieurs parloirs. Les axes parfois très différents des maçonneries de ces corps de bâtiments imbriqués témoignent de ce que l’on est en présence d’un ensemble maintes fois remanié et dont certaines parties pourraient reprendre des orientations d’un bâti peut-être ancien. Au nord, au plus près de la Cour-du-dehors, afin de faciliter le ravitaillement et la distribution, se trouvaient les fours des boulangeries où étaient préparés les pains notamment distribués aux mendiants. À la veille de la Révolution y avait aussi été installé un moulin actionné par un manège à chevaux (démonté peu après).
À l'ouest, un jardin en terrasses avec escalier en fer-à-cheval était encadré de deux des ailes qui donnaient sur des ponts enjambant la chaussée pour mener au Clos-Bourbon. Cet ensemble fut fortement repris lors de l'installation des filles de Louis XV, avec prolongement de l'une de ces deux ailes pour installer les princesses et liaison par une voûte entre le jardin de l'abbesse et le parc du Clos-Bourbon. De nouveaux remaniements intervinrent entre le milieu du XVIIIe siècle et la fin de l'Ancien Régime et plus tard encore, après la Révolution, lors de la transformation du site en maison de détention.
De ce palais abbatial, presque rien ne subsiste de l’ancien corps principal du logis et ne demeurent deux ailes qui en furent des prolongements tardifs. L'une, d'axe est-ouest, date du XVIIe siècle et correspond à celle qui bordait le jardin abbatial au nord et qui avait été prolongée pour former le logis de Mesdames de France ; elle fut tronquée au début du XIXe siècle et ne présente plus à l'ouest que quelques travées. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, son extrémité orientale, qui accueillait au rez-de-chaussée le parloir de l'abbesse, fut largement remaniée et augmentée en partie antérieure (façade nord) pour prendre l'apparence d'un pavillon ; au début du XIXe siècle, à la suite d’un effondrement, il fut encore ponctuellement repris (en façade postérieure, au sud) et abrita la direction de la prison.
Perpendiculaire à cette aile, la seconde fut constituée en deux temps : en partie sud, ses cinq premières travées (dont un passage couvert) sont du XVIIe siècle (avec là encore des remaniements du XVIIIe siècle), mais les onze travées plus au nord ont été construites dans les dernières décennies de l'Ancien Régime. Malgré ces écarts chronologiques, le sobre classicisme qui les caractérise (bandeaux, travées en léger ressaut, jambes et chaînes à bossages en table, toit à longs pans brisé et à croupes) différencie assez peu ces ajouts successifs.
Désormais dissocié de cet ensemble, un autre bâtiment, plus au sud, correspond à l'aile méridionale du palais abbatial qui menait au Clos-Bourbon. Il s'agit d'une galerie haute sur portique, dite « l’Orangerie », mais dont l’étage carré servait de galerie (meublée de tableaux à la fin de l’Ancien Régime) reliant le logis de l’abbesse à un petit salon par lequel on accédait à une chapelle et une bibliothèque, ces deux dernières pièces étant construite sur un pont enjambant l’actuelle rue Saint-Lazare pour ouvrir à l’ouest sur les jardins du Clos-Bourbon. Cette galerie est couverte d'une charpente datée par dendrochronologie des années 1676-1680. La destruction de la voûte sur rue en 1796 s’accompagna de celle des pièces qui la surmontaient, puis à l'époque pénitentiaire, cette aile connut plusieurs affectations : elle servit notamment de quartiers des détenus politiques dans la première moitié du XIXe siècle, ce qui nécessita vers 1830 la construction en lieu et place de l’ancien petit salon, d'une aile supplémentaire (conservée), en retour d'équerre au sud le long de l'enceinte.
Entre cette galerie et les vestiges du palais abbatial se trouvent des entrées de caves initialement accessibles intérieurement depuis le rez-de-chaussée du palais abbatial, au niveau de la tour d’escalier en vis. Les plus anciens tronçons de ces caves sont médiévaux et elles étaient destinées au stockage.
La Fannerie et les logements d'entrée
La Grande-porte de l'abbaye fut reconstruite dans les années qui précédèrent la Révolution et les ailes qui l'encadrent ont été esquissées dans ce même temps, même si certains corps furent édifiés plus tard. Vendus comme biens nationaux, puis rachetées par l'État lors de l'installation de la prison, ces bâtiments connurent des réaménagements dans les décennies suivantes pour en faire des logements de fonction de personnels liés au fonctionnement pénitentiaire. Le même style néoclassique adopté pour ces chantiers de construction, antérieurs ou postérieurs à la Révolution, confère une belle uniformité à cet ensemble auquel il convient d’ajouter, au nord de la cour, la Fannerie.
Une « fannerie », grange et grand fenil à proximité des écuries, était implanté en partie septentrionale de la Cour-du-dehors. Visible sur une vue de la collection Gaignières, il s'agissait d'un grand bâtiment à usage de stockage sans doute du XIIe ou du XIIIe siècle, de 40x20 m, à toit à longs pans et avec au moins un niveau de plancher sur piles ou poteaux. Dans les années 1780, en même temps qu'était réédifiée la Grande-porte et réaménagé ce secteur du complexe abbatial, cette ancienne fannerie qui empiétait fortement sur la grande cour fut détruite pour être reconstruite en 1786 un peu plus au nord. Formée d'un haut rez-de-chaussée divisé en trois grand volumes par des murs de refend (avec escalier unique en partie centrale) et d'un seul étage conçu comme un immense grenier sous charpente, cette nouvelle fannerie est un grand bâtiment de 45x15 m, couvert d'un toit à longs pans brisés et à croupes. Construite en pierre de taille en façade sud sur la grande cour et en moellons en façade nord (à l'exception d'un traitement en moyen appareil d'un faux portail en partie centrale), elle est dotée côté Cour-du-dehors de trois portes monumentales couvertes de frontons à base interrompue à encadrements à bossages en tables. Initialement incluse dans le parcellaire des dépendances monastiques, la nouvelle fannerie fut conservée parmi les bâtiments utilitaires de la prison, donnant sur la place d'armes, mais marqua dès lors la limite de l'enceinte pénitentiaire et fut longée au nord par la chaussée nouvellement percée vers 1816 (actuelles rue Saint-Jean-de-l'Habit et place des Blatiers) et dont l'axe directeur est aligné sur le gouttereau nord de la fannerie. L’édifice, toujours voué à un usage de fenil et de grange, servit aussi dans les premiers temps de la prison de bûcher et abrita également un temps des écuries en partie centrale. La fannerie fut ensuite plusieurs fois transformée intérieurement à l'époque carcérale, au fil de réaffectations, et des baies furent nouvellement percées ou obturées au gré de ces modifications. La partie orientale de la fannerie fut ainsi subdivisée par des niveaux de planchers en 1824-1825 pour augmenter sa capacité de stockage, puis transformée, notamment en logements, par extension de la caserne de gendarmerie voisine dans les années 1860. La partie centrale fut modifiée en 1828 pour accueillir des fours à pain (transférés à la Madeleine dans les années 1860), avec construction d'une voûte au rez-de-chaussée couvrant cette boulangerie pour éviter la propagation d'un éventuel incendie. C'est sans doute dans ce même souci que, vers 1828 ou peu après, fut construite une citerne dans la partie ouest du bâtiment. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, il n'y eut jamais d'issue en façade nord de la Fannerie. Cependant, la partie ouest de la fannerie devint un passage couvert vers 1899-1900, avec aménagement d'un portail monumental en gouttereau nord, afin de doter la caserne d'un accès qui lui soit propre lorsqu'il fut décidé, à cette date, de diviser la Cour d'honneur par un mur afin de séparer prison et gendarmerie. En 1923, l'ensemble de la Fannerie fut désaffecté et demeura à l'abandon, ne servant que d'espace d'entrepôt ponctuel. Son état se dégrada progressivement. En 2009, s'acheva la restauration de sa couverture et de ses élévations extérieures.
La caserne et le greffe
L'ancienne place d'armes de la prison était barré de deux bâtiments construits vers 1828 et qui furent conservés après la fermeture de la prison : la longue aile de la caserne (actuel pôle d'accueil de l'Abbaye Royale de Fontevraud, remaniée en 1994) et le greffe (actuels locaux administratifs) remaniés. Ils relèvent d'un très sobre néoclassicisme et encadrent la porte de la seconde enceinte de la prison.
N.-B. : les éléments autrefois parties constituantes de l'abbaye, mais aujourd'hui situés hors les murs sont traités dans des dossiers individuels spécifiques (parc du Clos-Bourbon, Logis Bourbon, Boucherie, Secrétainerie, etc. Voir dossiers liés à cette notice).
Photographe auprès du Conseil départemental de Maine-et-Loire - Conservation départementale du patrimoine jusqu'en 2018.