Dossier d’aire d’étude IA72059475 | Réalisé par
Ferey Marie (Contributeur)
Ferey Marie

Chercheur auprès du Service Patrimoine de la Région des Pays de la Loire.

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  • inventaire topographique, Les faubourgs manceaux
Quartier de Pontlieue
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Mans (Le)
  • Adresse
    • Commune : Le Mans
      Lieu-dit : Pontlieue
      Adresse : rue , Henri-Barbin, avenue, Jean-Jaurès, rue, Préau, boulevard, Winston-Churchill, rue des, Sablons, place, Adrien Tirroneau, avenue, Docteur jean-Mac, avenue, Georges-Durand, rue de, Ruaudin, avenue, Felix Geneslay, Boulevard Jean-Jacques-Rousseau
      Cadastre : 2021 EX / HK/ EY / H / EZ / EV / EW / ET / IM / IN / KN / IW / IO / EP /EO EN / EL / EM / OZ / OY / IP / IR / PR / PS / IS / IV / IT / IX / KM / KP / KL / IZ

Histoire de la paroisse, les premières mentions

Dès la période gallo-romaine, la zone de Pontlieue est traversée par des voies dites antiques et la rivière de l'Huisne est franchie par un gué à l'emplacement du pont actuel. La présence de la rivière de l'Huisne constitue très tôt une frontière naturelle vers Le Mans et la zone qui entoure le gué devient un carrefour avec quatre voies identifiées chez le gallo-romain allant jusqu'à Lyon, Tours, Angers et Paris.  

L'histoire de la paroisse et du bourg de Pontlieue remonterait, comme pour toutes les paroisses mancelles à l'épiscopat de saint Bertrand. Il aurait fait bâtir entre 587 et 624, proche du gué de l'Huisne, un prieuré conventuel placé sous le patronage de la Couture. La paroisse relève donc en sa majeure partie de la juridiction de l'abbaye, qui détient les meilleures terres sur un territoire relativement pauvre en ce qu'il est majoritairement recouvert de landes sablonneuses. Pourtant, plusieurs terres sur Pontlieue relèvent également du Roi en particulier le lieu-dit du gibet où se trouvait les fourches patibulaires des Comtes du Maine, devenues Justice Royale visibles sur les plans anciens et donc un certain nombre de textes Ancien Régime permettent une reconstitution. Quelques fiefs dans les sources anciennes appartenaient au comte de Vaux puis Seigneur de Belin (Funay, Le Dehet, la Ronceraye, Les Hunaudières…). La première mention du bourg date du XIe siècle dans lequel sont désignés les habitants "domorum Pontileve". Puis au XIIIe siècle, l'énumération de fermes et de moulins à "Ponteleuga". De nombreux bordages apparaissent dans les sources médiévales.

L'archives du dénombrement sommaire de la juridiction de l'abbaye de La Couture à la fin du XVIIIe siècle permet d'envisager un état des lieux du bâti ante-révolutionnaire : église, maison presbytérale, prieuré, moulins, bourg, blancheries de toiles occupée par le sieur Bréard, cimetière, métairie de Guébernisson, A la veille de la Révolution, La Couture détient la grosse majorité des terres. On dénombre 55 auberges dans l'espace rural et dans le bourg, ce qui confirme la position de carrefour du site traversé depuis 1748 par trois routes royales se rejoignant au niveau de l'actuelle Lune de Pontlieue.

A l'exception d'un corps de bâtiment pouvant être daté du XVIIe siècle à l'arrière de l'église, aucun élément architectural ante-révolutionnaire n'a pu être repéré à Pontlieue.

Pontlieue à la Révolution

Le 8 décembre 1793, afin d'arrêter les troupes vendéennes, le pont de Pontlieue, construit vers 1690, est détruit.

La Révolution bouleverse le rapport à la propriété des terres à Pontlieue où 36% des terres furent mises en vente après que l'Hopital ait récupéré 43% des terres totales grâce à la loi du 16 Vendémiaire de l'an V concernant les hospices civils, dans la jouissance de leurs biens et la garantie nécessaire au bon fonctionnement de l'assistance publique. Des familles mancelles ou de Pontlieue, bien implantées, furent les premières bénéficiaires des ventes : Thoré, négociant, Bérard-Vétillard, blanchisseurs, Bougeard, hôtelier…  De même, la propriété de Funay à Pontlieue est acquise par la famille Richard de Fondville, anoblie en 1762.

Sur le plan géométrique de Pontlieue, dressé en 1800, le bourg s'organise de part et d'autre des routes partant du Mans vers Tours, Nantes et Vendôme. Les modalités de développement de cet habitat aggloméré en dehors des limites du Mans sont liées au tracé de chemins, dans un premier temps rudimentaires puis devenant structurants. Les étirements urbains en dehors des bourgs, le long de chemins secondaires, sont généralement dus à la présence d'un ouvrage de franchissement des rivières. Par exemple, l'excroissance du bourg de Pontlieue, qui correspond à l'actuel secteur de la rue Henri Barbin, s'explique par le fait que la rue mène au gué dit de Maulny : ce passage essentiel permet de relier les deux rives de l'Huisne en amont du secteur de la confluence avec la Sarthe.

Pontlieue, commune indépendante : 1793-1865

L'évolution de la population de Pontlieue de 1793 à son rattachement au Mans en 1865 est en forte augmentation, quadruplant en cette première moitié du XIXe siècle (1084 habitants en 1793 pour 3903 en 1861) alors même que son territoire est amputé de la partie sud au profit d'Arnage en 1853. Le bourg s'étend le long de voies de communication déjà existantes. La création d'un nouveau réseau viaire, porté par les particuliers puis les pouvoirs publics, accélère son accroissement et sa densification. Ces extensions contemporaines entraînent une modification du regard porté sur le territoire de Pontlieue et les cartes levées au XIXe siècle s'élargissent en englobant Pontlieue jusqu'au niveau de la Lune, qui semble jusqu'à tardivement correspondre aux limites de l'urbanisation au sud.

L'accélération rapide de l'urbanisation entraîne une augmentation du prix du sol qui augmente de moitié. Ces maisons de début du XIXe siècle proposent à Pontlieue des gabarits similaires à celles de Saint-Pavin-des-Champs : en rez-de-chaussée avec deux travées, elles sont généralement sans lucarne bien que quelques lucarnes de bois ont pu être par endroit identifiées et à rapprocher de cette première vague d'urbanisation contemporaine.

Des entreprises comme les blanchisseries Bérard et Vétillard se spécialisent rapidement dans la toile de jute ou la corderie. La construction de la halle aux toiles, dans les années 1840, assoit le commerce florissant des toiles de chanvre et l'importance du Mans dans la chaîne de production. Les petits ateliers et les procédés artisanaux disparaissent, comme l'indiquent les annuaires du département de la Sarthe qui, pour le bourg bas à Pontlieue, révèlent un déplacement de l'activité depuis l'espace domestique vers l'espace proto-industriel renforcé par l'équipement des fabriques de machines à vapeur.

Mais Pontlieue conserve un caractère imminemment rural. D'après les enquêtes agricoles de 1842, la part des terres dévolue à la culture et à l'élevage est importante : élevage de porcs et de chevaux et la pomme de terre et le seigle occupent respectivement 1 612 et 2 013 hectares.

Pontlieue, de la fusion au quartier ouvrier (1865-1915)

La question de l'octroi est particulièrement importante à Pontlieue où se trouvent un nombre important d'auberges et de boutiques. Ainsi, dès les années 1830, la municipalité considère la possibilité d'annexion la partie nord de Pontlieue, ce qui correspond à l'espace urbanisé. Une lettre du maire du Mans au préfet de la Sarthe datée du 30 août 1837 indique que dans la partie nord de Pontlieue "les constructions vont bientôt se joindre avec le quartier de la Cavalerie". Le maire poursuit en demandant au moins le rattachement de la section située au nord de l'Huisne, qui correspond à la partie la plus agglomérée, limitrophe du Mans. Mais Pontlieue est peu urbanisée et l'annexion d'une partie de la commune est rapidement écartée par le préfet. Réunir Pontlieue au Mans au moment où le débat porte déjà sur les trois autres communes limitrophes reviendrait à agrandir considérablement le territoire manceau. Or, le caractère rural de la majorité des terres est vu comme une charge trop importante. Pourtant, le rapport du Conseil d'État actant la fusion du Mans avec Sainte-Croix, Saint-Pavin-des-Champs et Saint-Georges-du-Plain dénonce l'absence de Pontlieue. Les remarques concernent principalement la zone entre la voie ferrée et l'Huisne, sur laquelle "les fraudeurs [de l'octroi] ne manqueraient pas d'exploiter les facilités que leur présenterait cette confusion des territoires". En août 1864, le maire du Mans évoque la commune de Pontlieue, dont la population a augmenté de 30 % entre 1855 et 1860. Cette commune, majoritairement habitée par des ouvriers travaillant au Mans, accueille de plus en plus de commerces dégagés des taxes. Ces éléments statistiques relancent de facto le débat sur son annexion par Le Mans, débat également alimenté par la lutte contre la prostitution menée par la préfecture. En effet, proche des casernes, hors de l'octroi et regroupant une population indigente, la commune de Pontlieue avait vu se développer dès les années 1810 un réseau de prostitution illégal. Face à la pression des pouvoirs locaux et nationaux, Pontlieue est donc rattaché au Mans par la promulgation de la loi du 26 juin 1865, portant la population mancelle de 37 209 à 45 230 habitants.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, Pontlieue devient un quartier ouvrier avec de nombreuses usines qui s'implantent comme le relève les autorisations de machines à vapeur. Le bourg bas autour notamment de la rue de Carentan ou de Funay se construit rapidement avec une représentation importante du nombre d'entrepreneurs en bâtiments et d'usines associées (tuilerie, cimenterie…). L'urbanisation dans le même temps s'accroit grandement, de l'autre côté de l'Huisne par rapport au bourg primitif. Des maisons de types mancelles s'installent le long des voies nouvelles et anciennes. L'analyse des données de la matrice cadastrale permet d'appréhender le rythme de la construction, et de considérer d'autre part l'évolution géographique de l'urbanisation. On observe une augmentation drastique du nombre de constructions nouvelles entre 1860 et 1870 puis à nouveau entre 1875 et 1880. En 1906, dans le quartier de Pontlieue, 2 279 maisons sont ainsi dénombrées pour 2 347 ménages ce qui fait donc bien de la maison individuelle le type majoritaire.

Les terres du sud dites sablonneuses sont restées vierge mais l'installation de la gare de triage à partir de 1915 conditionne l'urbanisation du XXe siècle dans cette zone.

La création de nouveaux quartiers (1914-1980)

Après la Première Guerre mondiale, la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest reprend le projet de gare de triage au sud de Pontlieue, qui avait été ralenti par la guerre. Le paysage des landes laisse place à un quartier cheminot et à de nouvelles industries, attirées par la gare. Ces nouvelles usines d'ampleur nationale, voire internationale, favorisent l'apparition de nouveaux quartiers et poursuit l'urbanisation de Pontlieue vers le sud.

Du fait de la guerre, Le Mans accueille à partir de 1918 la grande industrie décentralisée dite de « défense nationale ». La production de ces usines proches de la frontière allemande est transférée à l'ouest dans la crainte d'un nouveau conflit. C'est le cas, en 1927, de la société d'armement Manu-Rhin qui s'installe à Pontlieue, dans le quartier de La Cartoucherie. En 1939, l'entreprise fabriquant des moteurs d'aviation Gnome et Rhône rejoint le sud du Mans avec plus de huit cents ouvriers qualifiés, créant ainsi le quartier de la cité des Pins. Les usines Renault font établir dès la fin de la guerre des ateliers à proximité de la gare de triage, sur un terrain de 255 000 mètres carrés, et se spécialisent progressivement dans la production de tracteurs. Également issue des décentralisations stratégiques, la fondation des ateliers Renault au Mans marque encore l'activité et le paysage manceaux.

Ainsi entre 1919 et 1937, des cités ouvrières sont installées à proximité des nouvelles usines. Le quartier cheminot du Maroc est loti par la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest, qui fait construire des pavillons doubles entourés de jardin clos. Les ouvriers de Renault sont logés dans différentes cités comme celle des Courbes, constituée de maisons isolées avec jardin pour les agents de maîtrise, ou La Gautrie, où sont installés des chalets de bois. Les cités des Eaux et des Fleurs, de part et d'autre de la rue de Ruaudin, sont aménagées à la hâte avec des wagons de bois posés à même le sol. Certains de ces wagons sont toujours visibles aujourd'hui ; l'isolation par un revêtement en ciment a modifié leur aspect. Plusieurs zones échappent aux lotissements programmés et voient abonder des baraquements sur des terres encore vierges de constructions. Les difficultés liées à la crise de 1929 intensifient le phénomène. Une vague de paupérisation, en particulier dans ces cités ouvrières et les quartiers suburbains, est à l'origine d'un habitat insalubre. Ces espaces sont majoritairement composés de baraquements quasiment autoconstruits, ce qui devient notamment le mode de croissance du sud Pontlieue. En 1931, Paul Delaunay, géographe érudit manceau, décrit ces quartiers où "on voit s'accumuler des logements exigus, souvent insalubres, aux latrines rudimentaires". Le plan imposé par la loi Cornudet est réalisé au Mans en 1932 par Jean Lebreton ; ses grandes orientations sont de prévoir une extension vers le sud (donc sur Pontlieue) en limitant les extensions à l'est et à l'ouest de la ville. L'urbanisation des quartiers des Pins, des Bruyères, du Maroc découle de ce document.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le sud de Pontlieue a connu de nombreuses destructions liées à sa proximité avec les usines ciblées par les bombardements. Pierre Vago apporte des préconisations pour plusieurs quartiers à réaménager, dont celui du Maroc, qui se voit doté d'une nouvelle chapelle paroissiale et d'un terrain de sport, tandis que la partie nord de la cité-jardin est reconstruite et les premières conventions passées avec le MRU (ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme) datent de 1946. La construction de logements ex nihilo dans des zones désignées par le plan d’aménagement est amorcée à partir de 1949. Les Bigarreaux, le Ronceray puis les Glonnières en font partie.  Ces zones correspondent à des terres agricoles préemptées par la Ville où des tours et des barres présentant une esthétique rationalisée, répondent à une urgence constructive, marque profondément le nouveau visage de ces quartiers sud.

L'emprise choisie pour l'étude de Pontlieue correspond aux frontières de l'ancienne commune rattachée au milieu du XIXe siècle au Mans. Elle est comprise entre les voies ferrées au nord, les rues de la Foucaudière de Pierre Pichaud à l'ouest et les frontières de la ville à l'est et au sud.

Le quartier ne s'est pas développé en "tache d'huile" de sa frontière avec Le Mans contrairement aux autres territoires de l'étude. Il résulte de plusieurs poches d'urbanisation progressive qui ont façonné l'organisation urbaine actuelle. Il est la résultante de plusieurs phases qui proposent un parcellaire diversifié. Dans la partie nord-ouest, autour de la rue Henri-Barbin, le parcellaire est resserré, avec des maisons alignées et mitoyennes. La zone au sud de l'Huisne est organisée autour d'un réseau viaire orthonormé. La partie sud de Pontlieue s'organise majoritairement autour de la place Adrien Tironneau et des quatre grandes artères : boulevard Jean-Jacques-Rousseau, avenue Félix-Geneslay, avenue Georges-Durand, avenue du docteur Jean-Mac.

A partir de la rocade qui coupe le site d'est en ouest, l'ancien site de Pontlieue est découpé en plusieurs quartiers aménagés pour la plupart d'un seul tenant (cité des Pins, cité du Maroc, Ronceray...).

Documents d'archives

  • Archives départementales de la Sarthe ; 2 O 182 / 58. Construction d'un bureau d'octroi au chemin des Sablons, 1923.

  • Archives départementales de la Sarthe ; 1M139. Nouvelles délimitations de communes après annexion, 5 septembre 1860.

  • Archives municipales du Mans ; G 20. Augmentations et diminutions de la matrice cadastrale, quartier de Pontlieue, 1836-1914.

  • Archives départementales de la Sarthe ; 6 M 525. Tableau des cultures et de leur étendue dans l'arrondissement du Mans, 1836.

  • Archives départementales de la Sarthe ; 9 M 21-23. Rapport sur la situation industrielle du département de la Sarthe, s.d.

  • Archives municipales du Mans ; 1 D 24. Délibérations du conseil municipal de Pontlieue, 1790-1864.

  • Archives municipales du Mans ; 1 D 25. Délibérations du conseil municipal de Pontlieue, 1790-1864.

Bibliographie

  • MENIN, Marcel. En ses aspects Humains. Pontlieue et Arnage. Ancienne paroisse du Maine. 1968.

  • COURNIL, Christophe. Les quartiers sud ont aussi une histoire. Le Mans, 2010, 40 p.

Périodiques

  • LIGNE, André. "Pontlieue en 1950", in La vie mancelle et sarthoise, n° 453, 2017.

Documents figurés

  • Plan géométrique du bourg de Pontlieue par masse de culture, vers 1800. 1 feuillet dessiné couleur - 53 x 54 cm. (Médiathèque Louis Aragon ; CP 3 MAN 3-32).

  • Plan voyer de Pontlieue, 1810. 18 planches encre et couleur, levé par Coisnon, géomètre (Archives municipales du Mans ; 2Fi0780 à 2Fi0797).

  • Plan cadastral de la commune de Pontlieue, 1810. 17 dess : encre sur papier. (Archives départementales de la Sarthe ; PC\246.)

  • Plan cadastral de Pontlieue, 1845. 36 dess : encre sur papier. (Archives départementales de la Sarthe ; PC\183\331 à 367).

Date(s) d'enquête : 2017; Date(s) de rédaction : 2021
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Ferey Marie
Ferey Marie

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