Dossier d’œuvre architecture IA53004499 | Réalisé par
Barreau Pierrick (Contributeur)
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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  • enquête thématique départementale, rivière Mayenne
Château
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Mayenne - Meslay-du-Maine
  • Commune Villiers-Charlemagne
  • Lieu-dit la Valette
  • Cadastre 1829 E3 784 à 787, 793 à 795, 800-801  ; 2022 E 1010-1011

La maison de campagne de René Sourdille

Deux aveux rendus au seigneur de Mondot en 1624 et en 1649 par la famille de Torchard pour le lieu des Noës "pour raison des fiefs de la Grande Maillardière et la Valette" suggèrent qu'il aurait existé une petite seigneurie dont on ignore tout. Pourtant, en 1658, la Valette n'est qu'une obscure closerie que René Planchard, prêtre chapelain à Angers, vend avec la moitié du moulin à tan voisin à René Sourdille (ou Sourdrille) – l'autre moitié est achetée au seigneur de la Rongère en 1664. René Sourdille, sieur de la Tremblaye et conseiller du roi en l'élection est, comme son père avant lui, grenetier du grenier à sel de Château-Gontier où il réside rue des Juifs. Si la vente de 1658 ne fait pas état d'un fief, la Valette est bien qualifiée en 1690 de "maison seigneuriale" et possède un pigeonnier, privilège noble. La carte de Cassini mentionne effectivement une seigneurie, mais celle-ci devait être de peu d'importance et qui ne disposait pas même du droit de pêche dans la Mayenne, si l'on en croit l'abbé Angot.

Il existait peut-être dès le milieu du XVIIe siècle une maison de maître, qui pourrait être le gros pavillon rectangulaire situé derrière le principal corps de logis (dit "pavillon des terrasses"), dont la forme est courante dès la fin du XVIe siècle. Rien ne le prouve cependant, d'autant qu'il n'est pas possible d'identifier ledit pavillon dans la "veue, visite et apréciation" de la terre de la Valette effectuée en 1690 au décès de René Sourdille. Toutefois, celle-ci livre une description intéressante des bâtiments alors occupés par le fermier René Rezé : "La maison seigneurialle pour le maistre où y a une salle basse à cheminée, cuisine à l'un des bouts d'icelle où ledit Rezé fait sa demeure, une chambre à l'autre bout où il y a un alcove aussy à cheminée, une chambre haulte sur laditte cuisine, une autre chambre haulte sur laditte chambre de l'alcove, le tout à cheminée, grenier sur laditte salle, une cave dessoubz laditte chambre de l'alcove, une court audevant ; au costé droit d'icelle est un logement où y a un pressouer à long fus et les estables à bestiaux, et à costé gauche est l'escuirye et grenier au foing le tout entourré de murs avec un portal fermant une grande porte, et un collombier sur icelluy, le tout couvert d'ardoize". L'ensemble est accessible par deux allées plantées de châtaigniers, chênes et pommiers. La propriété inclut l'ancien moulin à tan devenu moulin à draps et le logement du meunier, le corps de garde des gabelles au port de la Valette, la métairie de la Maraquinière, les closeries de Champagnette, de la Vallée, de Basse et de Haute-Gaudrée, de la Chedasnière.

Bien qu'il soit difficile de se repérer dans cette description, notamment du fait de la disparition des anciennes dépendances au XIXe siècle, cet acte est éclairant sur la nature du logis à cette date, qui s'apparente aux maisons de maître de l'époque. L'habitation du fermier et du propriétaire sont intimement mêlées. Le premier occupe une partie du rez-de-chaussée, le second une pièce du rez-de-chaussée et l'étage, espace noble par excellence. Si on pousse l'analyse, il est très séduisant de proposer de reconnaître, dans cette description du logis, l'aile centrale du château actuel. En effet, celle-ci présentait, avant d'être surélevée au début du XXe siècle, une pièce en rez-de-chaussée séparant deux pavillons à étage, comme le suggère le document de 1690. Une datation par dendrochronologie de la charpente du pavillon de droite n'a pas permis de confirmer cette théorie, mais témoigne d'un profond remaniement, avec a minima le remplacement des charpentes, en 1817 (confirmation par date portée).

Néanmoins, les curieux volumes et les anciennes trémies de cheminées de cette partie du logis semblent bien confirmer son ancienneté. Du fait de son implantation perpendiculaire à la rivière, les campagnes d'agrandissement postérieures n'ont eu de cesse de tenter de réorienter la demeure vers la Mayenne et vers les jardins. Pourtant, malgré les transformations significatives du château aux XVIIIe et XIXe siècles, la pièce basse au centre du logis est demeurée le vestibule d'entrée autour duquel l'ensemble de la demeure s'articule, mais dont la modestie et le dépouillement contraste avec l'ampleur des constructions.

 

De la maison de maître au château

A la suite de René Sourdille, quatre générations de Sourdille - prenant le nom de la Valette - se succèdent au château dans le courant du XVIIIe siècle. Famille influente de la magistrature castrogontérienne, ils n'ont de cesse de consolider leur domaine et d'agrandir leur résidence de campagne. Ainsi, Pierre, puis Pierre-Anne (mort en 1766), puis Jean-Baptiste ou Jean-Pierre (mort en 1774) sont conseillers en l'élection de Château-Gontier. Fils de ce dernier, Pierre-Jean ou Jean-Pierre est avocat du roi au présidial. Favorable aux idées de la Révolution, il est nommé administrateur du département de la Mayenne. Mais effrayé par la radicalisation des idées nouvelles, il se range aux côtés des Girondins contre les Montagnards et est finalement guillotiné en 1793. Malgré ces événements, la terre de la Valette n'est pas saisie et est conservée par la famille.

La chronologie des modifications successives n'est pas connue car les archives ont disparu et aucune autre description antérieure au XIXe siècle n'a pu être retrouvée. C'est vraisemblablement dans la 1ère moitié du XVIIIe siècle que le pavillon sud est prolongé de deux travées vers le nord-ouest, et que le pavillon nord se voit presque dissimulé par un long corps de bâtiment tracé vers le sud-est. Néanmoins, il est aujourd'hui impossible d'attribuer telle ou telle phase de travaux à tel ou tel descendant de René Sourdille. La chapelle citée dès 1728 fournit un indice : d'après un document de 1913, celle-ci semble avoir occupé la petite pièce du rez-de-chaussée de l'aile sud-est, éclairée par une fenêtre et deux oculi. Cette partie du château serait donc antérieure à cette date, à moins bien sûr que ladite chapelle n'ait pas toujours occupé cet emplacement. Quoi qu'il en soit, les agrandissements témoignent d'une évolution de la perception du paysage et de la recherche de la vue sur la rivière. Ils permettent également de donner à l'ancienne maison de maître les proportions d'un château.

Le château semble également avoir fait l'objet de travaux tendant à harmoniser les façades sur le jardin. En effet, le cadastre de 1829, un plan de 1851 et certaines cartes postales des années 1900 attestent de la présence d'un jardin régulier avec des allées en croix sur la terrasse côté nord, alors précédée semble-t-il d'un perron demi-circulaire. Une section de voie rectiligne longeant ce jardin et parallèle à la façade nord du château, aujourd'hui disparue, devait être le vestige d'un ancien accès à la propriété ou du moins d'une réflexion sur l'aménagement de ses abords. Ainsi, il est plausible que la façade sur jardin, extrêmement irrégulière et complexe à interpréter, ait fait l'objet d'une tentative d'harmonisation en 1817 (date portée). C'est peut-être à cette occasion qu'on a relié le "pavillon des terrasses" au reste du logis. Le bandeau en pierre de taille tracé sous le toit depuis l'angle dudit pavillon et sèchement interrompu à hauteur du pavillon central est un indice ténu mais important. Il suggère qu'on a sans doute envisagé une surélévation globale du corps de logis et conçu le projet d'une nouvelle façade, probablement axée sur l'ancien perron et l'allée centrale du jardin. Néanmoins, aucun document ne vient étayer cette hypothèse ni ne permet de comprendre pourquoi les travaux ont été interrompus.

Le cadastre napoléonien de 1829 mentionne l'ensemble des bâtiments du logis actuel, à l'exception de l'extrémité de l'aile est. Les anciens communs, beaucoup plus modestes que les actuelles écuries, étaient disposés autour d'une petite cour à l'arrière. Des bâtiments de ferme qui prenaient place à main droite de l'avenue, il ne reste que le logement du fermier reconverti par la suite en maison de gardien. La chaussée qui portait un moulin sur chaque rive de la Mayenne a disparu, de même que les moulins ; il ne reste que des vestiges de celui du château, reconverti en remise à bateau à la fin du XIXe siècle.

 

Un homme de lettres à la Valette

Héritier du domaine au début du XIXe siècle, Charles-Guillaume Sourdille de la Valette (1792-1852), est le représentant le plus illustre de la famille. Après de brillantes études à Paris et son mariage avec Victoire Lemonnier de Lorière, il se retire à la Valette où il s'adonne à l'agriculture, à la littérature et à la politique : il est maire de Villiers-Charlemagne de 1821 à sa mort et député de 1839 à 1848. Ses recueils de fables sont sa principale œuvre littéraire. Il poursuit l'accroissement du domaine de la Valette, auquel il rattache notamment en 1849 le domaine de Fuseaux, plus en amont sur la Mayenne. Il acquiert également un domaine de chasse tout proche de Château-Gontier, la terre des Roserais et la forêt de Valles à Chemazé. En revanche, aucun document ne fait état des travaux auxquels il se livra au château. D'après la comparaison des plans de 1829 et 1851, c'est lui qui réalise le dernier prolongement de l'aile est (orangerie exceptée). Il fait également abattre une dépendance qui fermait la cour de la terrasse postérieure et fait légèrement agrandir les communs vers l'ouest. Peut-être fait-il également revoir la distribution intérieure, car l'escalier actuel peut être daté du XIXe siècle.

Amateur d'agriculture, il a également pu jouer un rôle dans l'évolution des jardins de la Valette, dont l'histoire reste peu documentée. Les plans de 1829 et de 1851 signalent tous les deux, en plus du jardin régulier, le jardin anglais situé dans son prolongement, derrière les communs. Ce dernier pourrait être son œuvre. Quant au bois qui sépare le château de la ferme de la Maraquinière, il apparait comme traversé par une allée droite sur le plan de 1829 et par des chemins sinueux sur celui de 1851, ce qui prouverait que Charles-Guillaume Sourdille y a réalisé des aménagements entre ces deux dates. Peut-être a-t-il également tracé l'avenue principale, aménagée avant même la construction du pont en 1838. Plus généralement, le domaine de la Valette est recomposé à l'image des parcs agricoles, avec des espaces d'ornement et de cultures intimement mêlés. En 1851 encore, la métairie est au cœur du domaine : ses bâtiments ne seront détruits qu'ultérieurement, à l'exception du logis du fermier reconverti en maison de gardien.

Le testament de Charles-Guillaume, reformulé à trois reprises, fait état de son souhait de laisser à son fils Marie-Charles Sourdille de la Valette "la maison de la Valette et la réserve qui y est annexée en jardins, avenue, bois terres labourables et prés". Sa maison de Paris, au 13 rue d'Enfer, doit être vendue pour le paiement de ses dettes. Il lègue à son fils "tous mes papiers, dessins, gravures, tableaux", à quelques exceptions près, notamment un tableau de Géricault donné à un ami. "Quant à l'édition de mes fables, chacun de mes enfants en prendra cinquante exemplaires, et le reste sera donné à un libraire pour être vendu au profit des pauvres de la commune de Villiers-Charlemagne". Ce même document précise qu'il lègue à son fils "le droit exclusif de chasse dans la forêt de Valles et sur les domaines des Roserais, de Queue-de-Loup et de l'Epervier".

Le partage donne une description plus précise de la Valette en 1852, dont l'ampleur contraste avec l'ancienne maison de maître de René Sourdille. Le château comprend alors "un principal corps de bâtiment distribué au rez-de-chaussée d'une salle à manger, d'un office, d'un salon de compagnie, d'une grande chambre à feu avec alcôve, d'une chapelle, d'une pièce au-devant et d'une orangerie en retour d'équerre, d'une cuisine, d'une décharge de cuisine, d'un vestibule, de trois petites chambres et de trois caves au-dessous, d'une petite sellerie, d'une boulangerie et des latrines ; au premier et second étages de dix chambres à feu, deux chambres froides, deux cabinets, cinq mansardes avec petits greniers sur le tout, charpente en comble et couverture en ardoise". L'acte énumère également les dépendances, à savoir une écurie-sellerie surmontée de quatre chambres de domestiques, une étable en retour d'équerre et une ancienne écurie-remise sur un côté de la cour ; un chenil, un puits, moulin à foulon et réservoir à côté. Un domaine considérable de 15 métairies et closeries y est alors rattaché.

 

Des communs d'exception

Le fils de Charles-Guillaume, Marie-Charles Sourdille de la Valette, maire de Villiers-Charlemagne à la suite de son père, s'intéresse tout particulièrement à l'amélioration des races bovines et notamment aux Durham dont il avait fait venir d'Angleterre plusieurs spécimens qu'il avait lui-même sélectionnés. Afin de les accueillir, il fait construire de nouveaux communs à la Valette, incluant de vastes étables et de prestigieuses écuries, vers 1860 (voir dossier). Cette composition savante, moderne et luxueuse, inspirée des fermes modèles, est jugée remarquable dès sa construction et fait l'objet de descriptions dans des publications spécialisées. Charles-Guillaume fait probablement remodeler le parc. Ses travaux agricoles lui valent le prix cultural de première catégorie décerné en 1870. En 1882, Charles-Guillaume revend la Valette à Charles-Laurent-Bernard-Godefroy de la Tour-d'Auvergne-Lauraguais (1852-1903). C'est alors un domaine considérable qui compte une vingtaine de métairies et closeries.

Maire de Villiers-Charlemagne comme son prédécesseur, le prince de la Tour-d'Auvergne-Lauraguais imprime comme lui sa marque sur les communs et non sur la demeure. S'associant les services de l'architecte parisien Louis Legrand, il y fait construire au début des années 1890 le chenil et la volaillerie, ainsi que la tour-château d'eau et les porches de la cour et de la laiterie, remanier quelques ouvertures et le séchoir, aménager des caves et un système de canalisations pour la distribution de l'eau. Il fait également construire dans le parc, face à la Mayenne, un pavillon pour le billard aujourd'hui détruit. Il fait aménager un nouveau potager à l'écart du château, avec une élégante maison de jardinier. On lui doit également l'installation de l'éolienne Bollée près de la Maraquinière, destinée à puiser l'eau pour les jardins et les communs. L'architecte conçoit également un projet de transformation du "pavillon des terrasses", alors à usage de buanderie, qui reste toutefois sur le papier. Les réalisations de Legrand se distinguent par leur caractère pittoresque et néo-régionaliste.

En 1899, le prince de la Tour-d'Auvergne-Lauraguais confie un important projet de reconstruction du château à l'architecte parisien Gaston Ernest, élève de Félix Duban, qui est l'auteur de villas notamment en banlieue parisienne, dans l'Aisne, à Biarritz ou à Cannes. Celui-ci propose les plans d'une très vaste demeure d'inspiration néo-normande, sans équivalent sur les bords de la Mayenne. Le vocabulaire choisi était celui de la villégiature francilienne et balnéaire : pignons couverts en demi-croupes, tours et tourelles, faux pans-de-bois, décrochements de façades et encorbellements. Terrasses, vérandas et balcons devaient permettre de largement profiter de la vue sur la Mayenne et sur les jardins. Des ratures sur les plans semblent indiquer que le projet ne séduit pas complètement le commanditaire. Il ne sera finalement pas réalisé. Le seul agrandissement du logis réalisé à cette période semble être le bow-window de la salle à manger, côté jardin.

La presse de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle se fait l'écho de l'animation du château sous l'impulsion des princes de la Tour-d'Auvergne-Lauraguais. Il s'y donnait des réceptions, des fêtes et des parties de chasse avec les amis de la famille parmi l'aristocratie mayennaise. Sur plusieurs cartes postales des années 1900, Godefroy de la Tour-d'Auvergne-Lauraguais pose avec son ami le comte d'Elva à l'occasion de chasses à courre. Tous deux sont alors des figures reconnues de la vénerie. En 1898, la rubrique des "Echos du high-life" du journal le Triboulet, on trouve par exemple le résumé d'une de ces fêtes, avec tir aux pigeons dans le parc du château, cotillon et "élégant dîner par petites tables". En novembre 1904, le Figaro relate le banquet de 140 couverts donné pour le retour du voyage de noces du fils aîné Henri avec la princesse de Wagram, suivi d'un feu d'artifice tiré sur la prairie du château.

 

Les transformations du début du XXe siècle

Après le décès de Godefroy de la Tour-d'Auvergne-Lauraguais, sa veuve résidant à Paris donne le château de la Valette à leur fils Henri (1876-1914) comme cadeau de mariage. Celui-ci, habitant principalement Paris rue Dumont-d'Urville, y fait quelques séjours avant de le vendre en 1913 à la famille du Tartre. L'acte de vente précise que le château comprend au rez-de-chaussée "un vestibule, une salle à manger, deux salons, une antichambre, une chapelle, une chambre à feu, une cuisine, une office, une laverie ; au premier étage dix chambres à feu ; au deuxième étage une chambre et greniers". Charles de la Tour-d'Auvergne-Lauraguais (1877-1940), frère d'Henri, liquide le reste des propriétés de Villiers-Charlemagne en 1923. Henri et Charles auront également été maires de la commune jusqu'en 1922.

Charles-Auguste-Eugène du Tartre et son épouse Marie-Cécile Gouraud d'Ablancourt résident principalement à Paris rue La Fayette, mais aussi au château de la Filotière à La Meignanne (Maine-et-Loire). Du fait de l'abandon du projet de reconstruction de la Valette, le couple se trouve en possession d'une habitation aux proportions disparates et sans doute malcommode, qui n'avait finalement que peu évolué dans le courant du XIXe siècle. Ils entreprennent donc aussitôt, avec l'architecte castrogontérien Alfred Latouche-Bourel et sous la surveillance du régisseur Dromaguet, d'importants travaux de rénovation, d'agrandissement du logis et d'harmonisation des façades donnant sur la cour d'honneur. Les parties du logis en rez-de-chaussée sont surélevées, notamment l'aile centrale qui est mise en valeur par un décor sculpté, pastiche des réalisations du XVIIIe siècle, où figurent en couronnement les armoiries du Tartre et Gouraud d'Ablancourt. Cet ornement, conçu par le sculpteur angevin Jean Voisine, rappelle certaines de ses réalisations identifiées à Angers (maison Pichon, boulevard Carnot). Les correspondances conservées livrent le nom d'autres entrepreneurs, comme le maçon Langlais ou le menuisier Ledoux. Un chauffage central par circulation d'eau chaude (entreprise Bordillon) est également mis en place ainsi que l'électrification de la demeure (entreprise Lainé).

Alfred Latouche-Bourel est aussi l'auteur de la nouvelle orangerie édifiée à l'extrémité de l'aile sud-est, dont les plans datés de 1918 sont conservés. Lors d'un séjour à la Valette, l'architecte, également artiste, peint les communs du château.

Propriétaires dans le courant du XXe siècle, Robert de Valroger, gendre de Charles du Tartre, puis Gérard Soucanye de Landevoisin, fils adoptif du précédent, sont maires de Villiers-Charlemagne de 1935 à 1945 et de 1977 à 1995. Le château ne connaîtra plus de modification importante, si ce n'est quelques transformations d'ouvertures concernant notamment les communs dans les années 1970 ou des réfections intérieures. En 1984, des plaques de zinc qui couvrent alors une partie des toitures du logis sont remplacées par de l'ardoise. Les actuels propriétaires ont entrepris une importante restauration des bâtiments, en vue d'y accueillir des gîtes.

Le château de la Valette est implanté dans la vallée de la Mayenne, au bord de la rivière dont il n'est séparé que par une prairie. Il se trouve légèrement en amont du pont de la Valette reliant les bourgs de Houssay et de Villiers-Charlemagne.

 

L'extérieur du logis

L'habitation, construite en moellons généralement enduits et couverte d'ardoise, est formée par l'agrégation de plusieurs bâtiments, reflet d'une histoire complexe et de multiples campagnes de travaux. S'il n'en ressort apparemment aucune cohérence d'ensemble, on note la répétition du module du pavillon à l'extrémité ou à l'intersection des ailes, qui donne à l'ensemble une certaine unité.

La demeure tout entière s'articule autour d'un petit corps de logis orienté au sud-est qui en est le noyau. Celui-ci comprend une courte aile à toiture mansardée, encadrée par deux pavillons. La façade antérieure, étroite, présente trois travées (plus une pour le pavillon de gauche) et une corniche moulurée. La travée centrale, dont les ouvertures sont en arc segmentaire, concentre l'essentiel du décor avec deux pilastres à bossages, une porte à agrafe feuillagée et fronton cintré, une fenêtre à encadrement mouluré à crossettes et surtout un fronton triangulaire sommé d'un pot à feu. Les armoiries des familles du Tartre et d'Ablancourt figurées sur un cuir découpé où s'enroulent une guirlande de feuillage et des palmes sont inscrites dans le fronton. Deux œils-de-bœuf en zinc éclairent le comble. La façade postérieure, dépouillée de tout ornement, présente une travée centrale. Le pavillon sud-ouest présente une lucarne à fronton triangulaire. Le pavillon nord-est est presque entièrement masqué par l'aile est qui s'appuie sur sa façade.

Le pavillon sud-ouest se prolonge vers l'ouest par une courte aile, formant une façade à trois travées donnant sur la Mayenne, avec des lucarnes en arc segmentaire mais aucun décor. La façade postérieure présente des baies de tailles différentes, irrégulièrement réparties. Un petit toit suspendu protège une cloche. Le soubassement accueille des caves. Le pavillon nord-est est quand à lui prolongé par un bâtiment court et étroit doublé d'une petite galerie sur poteau, le reliant à un gros pavillon dit "pavillon des terrasses". Les ouvertures sur la cour sont disposées sans travée. Les lucarnes du toit, en arc segmentaire, sont identiques à celles de l'aile ouest. Sous la terrasse sont aménagées deux caves communicantes, dont les voûtes en anse de panier, en pierre de taille, reposent sur un muret central.

La grande aile sud-est, qui s'appuie sur le pavillon nord du corps de logis central et se déploie sur le flanc nord de la cour d'honneur, comprend un pavillon central à une travée et fronton triangulaire. Les bâtiments de part et d'autre reprennent les mêmes dispositions, à savoir deux travées, quatre ouvertures au rez-de-chaussée, deux grandes lucarnes à fronton triangulaire à l'étage. Néanmoins, la partie gauche possède un étage en surcroit, tandis que le comble de la partie droite est entièrement mansardé. De plus, la partie gauche, plus ornée, présente des agrafes saillantes aux linteaux du rez-de-chaussée, des garde-corps ouvragés en ferronnerie et une corniche moulurée à l'étage. L'aile est complétée à son extrémité par une petite orangerie couverte en terrasse.

Au revers, la façade sur l'ancien jardin se déploie depuis le pavillon des terrasses jusqu'à l'orangerie. Un appentis placé contre le pavillon de l'aile est et le bow-window de la salle à manger forment deux proéminences au rez-de-chaussée. L'ensemble de la façade est irrégulier par la forme et la disposition des ouvertures, les différences de hauteurs et de toitures. On relève néanmoins ce qui semble être une tentative d'harmonisation avec un bandeau interrompu et des ouvertures plus homogènes, sur la partie droite.

La distribution intérieure du logis

La pièce basse formant le vestibule, où s'observe encore la trémie d'une ancienne cheminée, n'est séparée que par des cloisons d'un réduit postérieur et de la cage de l'escalier principal située dans le pavillon nord-est. L'escalier est en bois et possède un garde-corps en métal. Un couloir surmonté d'une galerie le relie au "pavillon des terrasses", qui conserve une cheminée en pierre et des boiseries anciennes provenant d'un des salons. de l'autre côté du vestibule se trouvent l'ancienne cuisine et son office, pièces aujourd'hui remaniées.

L'aile sud-est abrite quant à elle une enfilade de salons ainsi que, semble-t-il, l'ancienne petite chapelle éclairée côté jardin par deux oculi de part et d'autre d'une fenêtre et précédée d'une antichambre. Le rez-de-chaussée du pavillon central conserve son décor de lambris formant alcôve et son escalier.

 

L'environnement et le parc

La pente du coteau a nécessité l'aménagement de terrasses. Les communs sont au niveau le plus bas. Le logis ainsi que la cour d'honneur et la petite cour postérieure prennent place sur une première terrasse. L'ancien jardin régulier, immédiatement au nord, prenait place sur une second terrasse légèrement plus élevée. L'articulation entre les trois niveaux s'effectue par un ensemble d'escaliers situés autour du pavillon des terrasses.

A l'image du château, le parc et les avenues ont connu plusieurs recompositions. D'une ancienne allée longeant le château au nord, il ne reste qu'un négatif dans le paysage et à travers le bois. L'accès actuel à la propriété s'effectue dans l'axe du corps de logis central, via une longue allée bordée de tilleuls. D'une allée transversale la coupant à angle droit, il ne subsiste qu'une portion. A proximité de l'ancien carrefour se trouve la maison du gardien, anciennement logement du métayer, avec sa façade dépouillée à trois travées. Au bord de la Mayenne se trouvent les ruines de l'ancien moulin.

Le parc agricole, recomposé à plusieurs reprises, se divisait en différents espaces. La pelouse sur la terrasse longeant la façade nord du château a remplacé l'ancien jardin régulier, comprenant potager et jardin d'ornement. L'emplacement du verger a été planté d'une peupleraie pour former un écran végétal entre le château et le pont sur la Mayenne. Le bois d'agrément qui s'étend entre le château et la ferme de la Maraquinière, qui était parcouru d'allées sinueuses, recouvre aujourd'hui l'ancien jardin anglais. Une ceinture d'arbres longeant le chemin de Fuseaux devait symboliser la limite nord-est du parc. Au-delà se trouve l'emprise du second potager de la Valette, bien plus vaste que le premier, clos de murs et accompagné d'une maison de jardinier.

  • Murs
    • pierre moellon enduit
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    sous-sol, rez-de-chaussée, 1 étage carré, étage de comble
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • toit à longs pans brisés croupe
    • toit en pavillon
  • Escaliers
    • escalier intérieur : escalier tournant en charpente
  • État de conservation
    bon état
  • Techniques
    • sculpture
  • Représentations
    • ornement architectural, fronton, pilastre, agrafe
    • ornement végétal, palme, feuillage
    • ornement en forme d'objet, cuir découpé, guirlande
    • armoiries
  • Précision représentations

    Travée principale du château composée de pilastres à bossages, d'une porte à agrafe feuillagée et d'un fronton sculpté d'armoiries sur un cuir découpée, de palmes et d'une guirlande végétale.

  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée

Documents d'archives

  • Archives départementales de la Mayenne ; 5 E 2/87. Vente de la closerie de la Valette en Villiers-Charlemagne à René Sourdille, 16 décembre 1658.

  • Archives départementales de la Mayenne ; B 2406. Visite de la maison seigneuriale de la Valette en Villiers-Charlemagne, 1690.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 E 11/335. Partage de la succession de Jean-Pierre Sourdille, 27 décembre 1826.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 E 62/314 bis. Partage de la succession de Charles-Guillaume Sourdille de la Valette, 21 novembre 1852.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 37 J 50. Aveux rendus par la famille de Torchard pour le lieu des Noës en Villiers-Charlemagne, 1624-1649.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 459, 745, 1668 . Matrices cadastrales, registres des augmentations et diminutions de construction de la commune de Villiers-Charlemagne, XIXe-XXe siècles.

  • Archives départementales de la Mayenne ; MS 80/28-12. Monographie communale de Villiers-Charlemagne, par l'instituteur Bariller, 1899.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 222 Q 511. Transaction du domaine de la Valette en Villiers-Charlemagne entre Charles Sourdille de la Valette et le prince de la Tour-d'Auvergne-Lauraguais, 1882.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 222 Q 820. Donation par la princesse de la Tour-d’Auvergne-Lauraguais à son fils Henri pour son mariage avec la princesse de Wagram de la terre de la Valette en Villiers-Charlemagne, 1904.

  • Archives privées. Travaux de Gérard Soucanye de Landevoisin sur l'histoire du château de la Valette à Villiers-Charlemagne, années 1990.

  • DRAC des Pays de la Loire. Dossier concernant le château et les communs de la Valette à Villiers-Charlemagne.

Bibliographie

  • ANGOT, Alphonse (abbé). Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne. Laval : Goupil, 1902.

  • ANONYME. Les primes d'honneur, les prix culturaux, les médailles de spécialités et les prix d'honneur des fermes-écoles décernés dans les concours régionaux en 1870. Paris : imprimerie nationale, 1874.

    p. 253-255
  • BOUFLET, Bertrand, BOUFLET, Jacques-Henri, VILLEROUX, Nicole. Châteaux et manoirs en Mayenne. Laval : Siloë, 1987.

  • Le patrimoine des communes de la Mayenne. Paris : Éditions Flohic, 2002.

Périodiques

  • BEAUCHESNE, René-Adelstan de. "Les lauréats du concours général pour le département de la Mayenne". Bulletin de la Commission historique et archéologique de la Mayenne, t. 20, 1904.

    p. 395-398

Documents figurés

  • Plan cadastral napoléonien de Villiers-Charlemagne, 1829. (Archives départementales de la Mayenne : 3 P 2859).

  • Collection de cartes postales anciennes des communes de la Mayenne. (Archives départementales de la Mayenne ; 5 Fi).

  • Dessin du château de la Valette à Villiers-Charlemagne, 1888. (Archives privées).

  • Plans du projet de rénovation du pavillon dit des terrasses du château de la Valette à Villiers-Charlemagne par Louis Legrand, 1891. (Archives privées).

  • Aquarelle d'un projet de terrasse avec pergola pour le château de la Valette à Villiers-Charlemagne, par Louis Legrand, 1895. (Archives privées).

  • Dessins pour l'orangerie du château de la Valette à Villiers-Charlemagne, par Alfred Latouche-Bourel, 1918. (Archives privées).

  • Dessin pour une bibliothèque au château de la Valette à Villiers-Charlemagne, par Alfred Latouche-Bourel, début du XXe siècle. (Archives privées).

  • Plans du projet de reconstruction du château de la Valette à Villiers-Charlemagne par Ernest Gaston, 1899. (Archives privées).

Date(s) d'enquête : 2022; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Conseil départemental de la Mayenne
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Barreau Pierrick
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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