Dossier d’œuvre architecture IA53004500 | Réalisé par
Barreau Pierrick (Contributeur)
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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  • enquête thématique départementale, rivière Mayenne
Communs du château de la Valette
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Mayenne - Meslay-du-Maine
  • Commune Villiers-Charlemagne
  • Lieu-dit la Valette
  • Cadastre 2023 E 1010
  • Dénominations
    communs
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante
  • Parties constituantes non étudiées
    cour, portail, écurie, remise, logement, chenil, poulailler, four, buanderie, puits, étable, château d'eau, séchoir, sellerie

Les communs du château de la Valette sont en partie édifiés sur les anciennes dépendances du domaine, visibles sur le plan cadastral napoléonien de 1829. Ils ont été construits, pour leur plus grande partie, vers 1860, à la demande du comte Marie-Charles Sourdille de la Valette. Celui-ci s'intéressait à l'amélioration des races bovines et possédait plusieurs Durham qu'il était allé lui-même choisir en Angleterre. C'est pour eux qu'il décide de faire élever de somptueux communs. Les bâtiments, inspirés par les fermes-modèles développées dans les milieux physiocratiques, présentent une organisation rationnelle. Trois ailes à l'équerre s'ouvrent sur une vaste cour tournée vers la Mayenne ; l'aile principale se prolonge en direction du château, la buanderie étant jointive avec la terrasse et le soubassement du gros pavillon. L'architecte qui a fourni les plans de cet ensemble, exceptionnel sur les bords de la Mayenne par son ampleur et sa modernité, n'est pas connu.

La construction des communs de la Valette connait un certain écho dans la littérature spécialisée. Dans un article publié en 1861, le journaliste-chasseur Paul de Souesmes évoque deux journées de chasse à la Valette et une visite des "magnifiques étables renfermant ce que l'Angleterre a de plus pur comme animaux de la race Durham". Dans une réédition postérieure, l'auteur indique que les terres du prince de la Tour-d'Auvergne et celles de M. de Chavagnac, son parent propriétaire de la Rongère, "forment une immense étendue qui, parfaitement gardée, en fait une des plus belles chasses de la France".

Dans son Voyage agricole en Normandie, dans la Mayenne, en Bretagne..., publié en 1862, le comte Conrad de Gourcy, grand arpenteur du monde agricole français et européen au milieu du XIXe siècle, commente la visite des dépendances de la Valette, insistant sur le luxe et la modernité des installations. "M. de la Valette construit des communs, on peut le dire sans exagération, avec grand luxe ; on achève deux étables, chacune pour douze bêtes, une autre étable pour trois taureaux et des boxes pour y mettre les veaux en liberté. Dans une grande pièce voisine, la nourriture des animaux sera coupée, mélangée et fermentée. Plusieurs écuries destinées aux chevaux de luxe, une belle sellerie, de grandes remises, etc., rien n'est oublié. Les boiseries de toutes ces pièces, employées aux séparations des animaux en stalles, aux mangeoires, aux portes et fenêtres, sont d'une grande épaisseur, très solides et faites en très beau bois de chêne. Les plafonds sont formés de petites voûtes très légères et extrêmement solides ; pour les faire on a posé à tous les deux mètres des tringles en fer, qui servent à relier les basses-gouttes, et à supporter les voûtes faites avec deux genres de briques à rainures d'une nouvelle invention".

Acquéreur du domaine de la Valette en 1882, le prince Charles-Laurent-Bernard-Godefroy de la Tour-d'Auvergne-Lauraguais est également grand amateur de chasse à courre, notamment avec son ami le comte Christian d'Elva résidant à Changé. Il décide de faire agrandir et compléter les communs et commande les plans à l'architecte parisien Louis Legrand en 1891. On reconnait les modifications à l'ensemble original par l'emploi de briques de module plus grand et de couleur plus prononcée ; celles-ci sont estampillées de la briqueterie des Agets à Saint-Brice. Par ailleurs, les adjonctions de Legrand se distinguent de la composition originale, assez sévère, par leur caractère fantaisiste et néo-régionaliste, emprunté à une architecture rurale idéalisée : parements de pierres rustiques, pan-de-bois hourdé de briques, encorbellement, toits débordants, etc.

Ainsi, Legrand fait ajouter le chenil et le poulailler en terminaison des deux ailes perpendiculaires à la Mayenne. Il fait également remanier le logement, le séchoir et construire la tour carrée servant de château d'eau (une cuve était située dans la partie supérieure) et donnant accès à l'escalier des cochers. Au revers de la buanderie, il fait aménager un couloir et creuser des caves. Il fait percer de nouvelles ouvertures vers l'arrière des bâtiments, à savoir le porche aujourd'hui muré et des portes d'écurie donnant sous une marquise en métal placée au revers de l'aile principale. Un abri en bois inspiré de l'architecture des chalets est adossé à la laiterie. Enfin, une canalisation est aménagée sous la cour pour distribuer l'eau dans les différents bâtiments. Les travaux sont signalés comme achevés dans les matrices cadastrales en 1895.

Quelques transformations sont réalisées dans les années 1970, les bâtiments ayant alors perdu leur fonction d'écuries : aménagement de stabulations, condamnation du porche nord, reprise de quelques ouvertures. Les propriétaires envisagent aujourd'hui de restaurer l'ensemble en vue de l'aménagement de gîtes.

Orientés au sud-ouest vers la rivière Mayenne, à l'arrière du château de la Valette, les communs offrent au regard une ordonnance et une homogénéité qui tranche fortement avec la composition dissymétrique du château. On note d'ailleurs que les bâtiments sont plus vastes que ceux du logis, pourtant étendus, ce qui révèle l'intérêt porté par leur commanditaire à la modernisation du monde agricole et de l'élevage.

L'ensemble comprend trois ailes agencées en U autour d'une cour principale strictement ordonnancée. L'aile en fond de cour se prolonge au sud en direction du château à laquelle elle est reliée par la buanderie couverte en terrasse. L'espace de transition entre le château et les communs forme une seconde cour irrégulière. Les murs sont en moellons enduits (cour principale) ou apparents (cour secondaire), parementés de pierres ornementales pour le chenil et la volaillerie. Disposées en travées, les ouvertures sont en arc segmentaire au rez-de-chaussée et en plein cintre pour le comble à surcroît. La brique est largement utilisée pour l'ornement des façades. Elle est ainsi employée pour les chaînages d'angles, les encadrements d'ouvertures, agrémentée d'appuis, d'écoinçons ou d'agrafes en granite, mais aussi pour la maçonnerie des lucarnes passantes et des deux petites tours carrées. La brique est également mise en œuvre pour le couvrement des pièces du rez-de-chaussée, en voûtes parallèles supportées par une poutraison en fer. Certaines portes et fenêtres sont encore pourvues de vitraux colorés à motif géométrique.

 

L'aile principale

L'aile principale, qui donne sur les deux cours, mesure près de 60m de longueur, environ 80m en comptant le séchoir et la buanderie à l'extrémité sud. La grande façade donnant sur la cour principale, rigoureusement symétrique, présente trois travées entre lesquelles sont disposées de petites fenêtres au rez-de-chaussée. Chaque travée se compose d'une porte surmontée d'une grande lucarne gerbière passante, couverte d'un toit débordant : celle au centre, qui commande l'axe de symétrie de la cour, est bien plus imposante que ses voisines. La façade postérieure accueille une vaste marquise métallique sous laquelle étaient attachés les animaux. Le rez-de-chaussée se divise entre anciennes étables, au nord, et une partie des écuries au sud, l'étage en surcroît servait de grenier.

L'aile principale et l'écurie se prolongent vers le sud, en dehors de la cour principale. Le porche qui relie les deux cours forme ainsi un nouvel axe de symétrie entre les deux parties de l'écurie dont l'organisation se répond en miroir, avec pour chacune deux grands boxes d'angle et quatre petits boxes (la plupart des boxes ont aujourd'hui disparu mais leur tracé est encore visible au sol). Entre les deux parties de l'écurie, à hauteur du porche, se trouve la sellerie. Celle-ci se compose de plusieurs pièces réparties de part et d'autre d'un couloir central. On distingue ainsi, au rez-de-chaussée, la sellerie de travail et deux selleries plus petites, ainsi que les deux petites pièces pour les livrées. Quatre petits espaces accueillent également un système permettant de recueillir, depuis des trémies situées à l'extrémité du grenier, l'avoine et les fourrages destinés aux chevaux. Dans la sellerie de travail, un escalier à vis en métal permet de gagner l'étage où se trouvent dix chambres de domestiques. Les portes sont numérotées sur des plaques en fonte émaillée. Des trous dans le sol des chambres devaient permettre de surveiller les chevaux au niveau inférieur.

Dans le prolongement se trouve une remise avec séchoir à l'étage, bâtiment de plan irrégulier couvert d'un toit en double bâtière et coiffé d'un petit lanternon couvert en bulbe. Il comprend également un box et un autre escalier, celui-ci en bois et à rampes droites, dit "escalier des cochers", menant aux chambres de domestiques. L'accès à cet escalier se fait sous la tour carrée accolée à l'arrière du bâtiment. Cette tour-château d'eau possède un niveau supérieur en pan-de-bois hourdé de briques, aménagé en encorbellement sur des consoles en bois. Également en bois, les lucarnes passantes présentent un gable à motif trilobé. Le toit en pavillon à égout retroussé est coiffé d'un épi de faîtage en zinc. La tour abrite un porche au-dessus du couloir des caves au rez-de-chaussée, un petit débarras à l'étage et un réservoir. L'aile principale se termine par la vaste buanderie couverte en terrasse, avec sa grande cuve compartimentée en ciment pourvue de robinets et ses trois ponnes assises sur un four permettant de chauffer l'eau. La partie postérieure de la buanderie est aménagée en caves desservies par un couloir accessible au nord sous la tour carrée et au sud par un escalier accolée au gros pavillon du château.

 

Les deux ailes vers la Mayenne

Les deux ailes en retour de l'aile principale présentent un même volume rectangulaire coiffé, à son extrémité, d'une petite tour carrée en briques : celle de l'aile nord faisait office de pigeonnier, celle de l'aile sud sert de support à l'horloge signée de l'entreprise parisienne Collin. L'aile sud abrite le porche d'entrée de la cour principale ainsi que des remises. Ces dernières s'ouvrent par trois grandes portes en anse de panier du côté du château et non sur la cour principale : la façade nord est uniquement percée de petites ventilations au rez-de-chaussée, de fenêtres sous le toit et d'une lucarne passante pour le grenier à l'étage. L'aile nord, dont le porche dirigé vers le parc et la ferme de la Maraquinière est aujourd'hui muré, présente quant à elle une façade à deux travées dont deux lucarnes passantes. Le rez-de-chaussée est divisé en différents espaces avec, de gauche à droite, un local pour les volailles à l'engraissement, un logement de fermier avec cuisine et chambre, une laverie et un cellier, une laiterie. Côté nord, la façade de la laiterie est précédée d'un pittoresque petit porche en bois. Les greniers des deux ailes sont accessibles par des escaliers droits en bois.

Chacune des ailes se termine par un bâtiment complexe, entremêlement pittoresque de volumes de tailles décroissantes et de toitures débordantes. Celui de l'aile sud abritait le chenil, avec différents espaces pour les chiens du château, les chiens des invités, des boxes, une cellule pour chien malade et les cages des furets. Celui de l'aile nord, qui lui répond en miroir, correspondait au poulailler : on y trouvait des espaces pour les poules, les dindons, les poussins, les lapins, ainsi que la cuisine de la basse-cour avec son potager, son évier, son four et son bûcher. Les cours pour les chiens et les volailles, dont les grilles et les abreuvoirs ont disparu, étaient disposées en retour de part et d'autre du porche.

Bien qu'étant un élément important dans la composition générale de la cour principale des communs, le porche axial semble tenir un rôle plus décoratif que réellement fonctionnel. Tourné vers la Mayenne, uniquement destiné aux piétons, il est précédé par un petit escalier en ciment moulé imitant des rondins de bois. Il comprend, appuyé sur des piliers en briques, un petit toit en charpente couvert d'ardoise, d'un effet très pittoresque. Le muret qui ferme la cour côté Mayenne est doublé par une haie de buis taillés. Le système souterrain d'alimentation en eau des différents espaces des communs est matérialisé par une pompe à bras en fonte et par des bouches estampillées Auguste Chappée, Le Mans.

  • Murs
    • pierre moellon enduit
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    rez-de-chaussée, comble à surcroît
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • toit à longs pans croupe
    • demi-croupe
  • Escaliers
    • escalier de distribution extérieur : escalier droit en charpente
    • escalier intérieur : escalier en vis en charpente métallique
    • escalier intérieur : escalier tournant à retours en charpente
  • État de conservation
    bon état
  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée

Documents d'archives

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 459, 745, 1668 . Matrices cadastrales, registres des augmentations et diminutions de construction de la commune de Villiers-Charlemagne, XIXe-XXe siècles.

  • Archives privées. Travaux de Gérard Soucanye de Landevoisin sur l'histoire du château de la Valette à Villiers-Charlemagne, années 1990.

Bibliographie

  • GOURCY, Conrad de. Voyage agricole en Normandie, dans la Mayenne, en Bretagne, dans l'Anjou, la Touraine, le Berri, la Sologne et le Beauvoisis. Paris, 1862.

    p. 249-252

Périodiques

  • Le Papillon. Article de Paul de Souesmes sur une chasse au château de la Valette à Villiers-Charlemagne, 10 mai 1861.

Documents figurés

  • Photographie du château de la Valette à Villiers-Charlemagne et de ses communs avant l'agrandissement des années 1890. (Archives privées).

  • Plans d'agrandissement des communs du château de la Valette à Villiers-Charlemagne par Louis Legrand, 1891. (Archives privées).

  • Peinture représentant les communs du château de la Valette à Villiers-Charlemagne par Alfred Latouche-Bourel, vers 1918. (Archives privées).

Date(s) d'enquête : 2023; Date(s) de rédaction : 2023
(c) Conseil départemental de la Mayenne
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Barreau Pierrick
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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