Dossier d’œuvre architecture IA53004413 | Réalisé par
Barreau Pierrick (Contributeur)
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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  • enquête thématique départementale, rivière Mayenne
Demeure dite château, la Marie
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Mayenne - Mayenne Ouest
  • Commune Alexain
  • Lieu-dit la Marie
  • Cadastre 1820 D2 392 393 399  ; 2021 D 213
  • Dénominations
    demeure, château
  • Parties constituantes non étudiées
    parc, portail, communs, chapelle, écurie, grange, remise, hangar agricole, allée, serre, séchoir

Une histoire ancienne lacunaire

Les archives sont muettes sur les origines de la seigneurie et du manoir de la Marie. Seuls quelques éléments sont fournis par les historiens du XIXe siècle. D'après Albert Grosse-Duperon, un certain Guillaume de la Marie apparait dans les donations faites à l'abbaye de Fontaine-Daniel au XIIIe siècle. Selon Louis de la Beauluère, un certain Jean Euvé rend aveu en 1400 pour sa terre de la Marie au seigneur d'Hauterives, Jean de Villiers. L’abbé Angot signale Jean de Brée, seigneur du Fouilloux, comme détenteur du fief de la Marie au début du XVe siècle.

La seigneurie est signalée sur la carte du Maine de Jaillot de 1706, avec sa chapelle sur la carte de Cassini. Un plan du domaine daté de 1814, probablement levé en vue de la reconstruction de la demeure et du réaménagement du parc, présente une vue des anciens bâtiments et jardins. Formant un ensemble irrégulier, le logis et ses annexes (cuisine, remise, écuries, pressoir et "fouloire", logis de domestiques, chapelle) étaient vraisemblablement disposés à l'extrémité nord d'une ancienne plateforme fossoyée rectangulaire, dont deux côtés sont visibles sur ce plan ainsi que sur le cadastre de 1820. L'ensemble était clos de murs où étaient aménagés des portails. La douve a été transformée en étang au XIXe siècle dans l'esprit du réaménagement du jardin à l'anglaise. Il ne reste plus rien en élévation qui soit antérieur à la Révolution, le logis ayant été reconstruit légèrement plus au nord : on note toutefois, dans le sous-sol, le remploi de portes à encadrements chanfreinés ainsi que de bois datés du 3e quart du XVIe siècle (années 1559 à 1570 selon l'étude dendrochronologique), témoignant de la réutilisation d’éléments anciens.

En 1730, la terre de la Marie est adjugée, sur la succession de Pierre de Troisvarlets, à Jacques Gougeon de Launay, conseiller du roi et juge en l'élection de Laval ; une plaque de cheminée aux armoiries de cette famille est d'ailleurs conservée dans la demeure. Sa fille Renée épouse en 1748 Charles-Marie-Camille du Plessis-d'Argentré. A la Révolution, leur fils Pierre-Marie-Alexis étant réputé émigré, la Marie apparait dans un partage de pré-succession en faveur de la Nation : "le domaine et retenue de la Marie en la commune d'Alexain", estimé avec, sur la paroisse d'Alexain, les cinq métairies de Radiveau, Créan, Vaux Martin, Hambers et Lardière à environ 150 000 F. La propriété est alors baillée à des fermiers au profit de l'administration, mais non vendue. Un nouveau partage entre les cinq héritiers de Camille (mort en 1772) est établi en 1803, lequel cite "la maison principale et le petit domaine de la Marie […] composé de plusieurs bâtiments, cours, avenue, bois taillis, petite futaie, terre et prés", alors exploité par la veuve Joseph Michault.

 

La maison de maître du début du XIXe siècle

L’actuel château de la Marie est le fruit de plusieurs campagnes de travaux dans le courant du XIXe siècle. Face à une documentation archivistique, bibliographique et iconographique contradictoire, une étude dendrochronologique menée dans le cadre de l’inventaire permet aujourd’hui d’écrire avec plus de certitudes l’histoire du bâtiment. Ainsi, la mise en oeuvre plancher du corps central, qui seul figure sur le plan napoléonien de 1820, a été datée de 1814 ou 1815. L’état de section du cadastre de 1820 fait d’ailleurs état d’une "maison neuve". La reconstruction du logis est donc commanditée par Pierre-Marie-Alexis du Plessis-d'Argentré. Il n’existe pas de description du logis à cette époque. Sans doute s’agissait-il d’une demeure dans le goût néoclassique alors à la mode. Si l’enveloppe extérieure a été remaniée par la suite, la partition intérieure du corps central reprend sans doute celle de la demeure initiale. L’escalier central, aujourd'hui tronqué, présente un décor de pilastres d’inspiration néoclassique, qui pourrait en être un vestige. D’après le cadastre de 1820, les abords conservaient une portion des anciens fossés. Les communs, agrandis par la suite, et la petite chapelle aujourd’hui disparue sont également signalés.

En 1824, Pierre-Marie-Alexis du Plessis-d'Argentré procède au partage des domaines familiaux entre ses quatre enfants : la Marie et son domaine sont alors attribués à Virginie du Plessis-d'Argentré et son époux Balthazar de Robien, qui font agrandir la demeure. Le registre des matrices cadastrales mentionne, pour l'année 1847, la démolition et la reconstruction du château (travaux déclarés achevés en 1844). Il ne s’agit en réalité pas d’une reconstruction, mais d’un profond remaniement doublé d’un agrandissement. La dendrochronologie a effectivement permis de dater la construction des ailes de l'année 1841. En parallèle, le corps central est remanié et peut-être surhaussé. Un dessin, faussement daté de 1810, représente le château des années 1840, qui correspond dans les grandes lignes au bâtiment actuel : un corps central à cinq travées avec porche, à deux étages et semble-t-il un étage attique, flanqué de deux pavillons en retrait à un seul étage. Le corps central est alors coiffé d'un toit à longs pans et à croupes couronné d'un clocheton, tandis que les pavillons sont couverts en terrasses.

Virginie du Plessis-d'Argentré et Balthazar de Robien décèdent tous les deux en 1844, alors que les travaux sont à peine achevés. Le château est dévolu, par le tirage au sort des biens de leur succession, à leur fils Ernest de Robien (1812-1874). Ce document fournit une description très précise des lieux à cette époque (voir annexe). Le clocheton et les toits en terrasse y sont mentionnés. On y relève également que le "grand salon de compagnie" demeure inachevé : "les croisées et les boiseries ne sont ni finis ni placés, le plafond non plus n’est point terminé". A cette date, quatorze métairies ou closeries sont rattachées au domaine, ainsi que l'ancien moulin de Créan, le moulin d'Hambers et une carrière de granite proche du Deffay.

 

L’achèvement du château et la rénovation du domaine

Dans les années 1860, une nouvelle campagne de travaux voit le remaniement des couvertures du château. C’est peut-être pour faciliter ce projet qu’en 1863, Ernest de Robien obtient de l'administration des Ponts-et-Chaussées l'autorisation d'aménager un port entre l'écluse et le vieux moulin de Bas-Hambers, prévoyant sans doute le convoiement de matériaux par la Mayenne. Il commande les plans (non datés) à l'architecte Pierre-Félix Delarue, qui intervient au même moment pour son frère Frédéric de Robien au château de Montgiroux. Delarue propose de nouveaux combles mansardés pour les pavillons latéraux et une couverture à longs pans et à croupes pour le corps central ; comme à Montgiroux, il envisage d'habiller le château d'un décor plaqué briques et tufeau, qui ne sera sans doute pas réalisé.

La charpente de l’aile est a pu être datée par dendrochronologie, pour une mise en œuvre fin 1866, début 1867. L’abbé Angot confirme cet agrandissement en 1866, le cadastre l'enregistre tardivement (1876). La lucarne centrale est tout à fait similaire à celle du château de Montgiroux. Célibataire et sans descendance, Ernest y fait placer les armoiries de ses père et mère (presque identiques : dix billettes d'argent/d'or sur fond d'azur/de gueules). Il fait également remodeler l’environnement du château avec l’agrandissement des communs et du parc agricole, ainsi que la construction d'un moulin à farine sur l'Anxure.

Au décès d'Ernest de Robien en 1874, La Marie passe à la famille de son frère Emile (mort en 1861) : son fils Thibault, colonel de cavalerie résidant à Paris, et sa veuve Marie-Berthe de Cossé-Brissac. Celle-ci fait établir un jardin d'hiver contre le pavillon est et une nouvelle chapelle néo-gothique dans son prolongement, dont les plans sont dressés dès 1884-1885 par les architectes parisiens Denis et Georges Darcy père et fils. Leur construction est signalée comme achevée en 1888 et imposable dès 1891 dans le registre des matrices cadastrales. Le jardin d'hiver, connu par plusieurs cartes postales du début du XXe siècle, a été supprimé au cours du XXe siècle, mais son emprise au sol et son carrelage demeurent visibles. D'après les plans conservés, les Darcy sont semble-t-il les auteurs du remaniement de la couverture du corps central sur le modèle des deux ailes, ainsi que du réaménagement complet de la distribution intérieure du château, avec notamment la création d'un nouvel escalier d'honneur décentré.

Le logis

Orienté au sud-ouest, le château présente une élévation ordonnancée, avec un corps principal central à cinq travées, flanqué de deux pavillons à deux travées chacun placés en léger retrait. Il est construit en moellons couverts d'un enduit simulant la pierre de taille. Le porche et les décors d'architecture (solin, bandeau, encadrements de baies et pilastres d'angles à bossages) sont traités en granite jusqu'au niveau des linteaux des fenêtres du premier étage. Les décors de la partie supérieure, notamment la corniche, les balustrades et les lucarnes sont en pierre calcaire. L'ensemble est couvert de hauts toits à longs pans et à croupes brisés, ornés pour la partie centrale d'épis et d'une crête de faîtage en zinc. Les hautes souches de cheminées sont en briques et en pierres calcaire.

Le corps central, double en profondeur, présente quatre niveaux d'élévation en plus du sous-sol. La façade principale compte cinq travées, la façade postérieure seulement quatre. La travée axiale est mise en valeur par plusieurs éléments : un porche sur piliers carrés, surmonté d'un balcon à balustrade, un décor de pilastres, un fronton cintré couronnant la porte-fenêtre de l'étage. Les autres travées présentent pour tout décor des consoles moulurées en plâtre supportant les larmiers des fenêtres du deuxième étage. La toiture, bordée d'une balustrade, est ajourée de cinq lucarnes. La lucarne centrale est percée de baies cintrées géminées, encadrée d'ailerons à volutes et de pilastres ioniques, et coiffée d'un fronton interrompu à volutes portant les armoiries de Robien et du Plessis d'Argentré placées entre un lion et une chouette, symboles de force et de sagesse. Les autres lucarnes, plus simples, possèdent également des ailerons, des encadrements à crossettes, des agrafes saillantes et des frontons cintrés.

Les pavillons latéraux, en retrait du corps principal côté sud et en avant côté nord, présentent une élévation identique mais ne comptent que trois niveaux en plus du sous-sol. Ils sont également couronnés de balustrades. Les lucarnes sont en revanche ici dépourvues d'agrafes et coiffées de frontons triangulaires.

La distribution verticale était initialement assurée par un escalier central, conservé uniquement dans sa partie supérieure. Le second escalier est aménagé dans l'aile ouest sous un jour zénithal : à l'étage, il est isolé du couloir des chambres par une grande verrière. Selon le plan habituel, le rez-de-chaussée est dévolu aux salons et aux espaces de service (aile ouest), l'étage aux chambres des maîtres, le comble aux chambres des domestiques ; on y voit encore les cuves destinées à recueillir l'eau pour l'usage domestique.

Les bâtiments annexes

Il ne reste que le soubassement et le carrelage de l'ancien jardin d'hiver, placé dans le prolongement du pavillon est. A sa suite se trouve la chapelle néogothique, de plan cruciforme centré, coiffée d'une flèche octogonale en bois couvert de zinc. Le pignon sud présente un bas-relief représentant la légende de la statue de la Vierge d'Alexain, qui occupait le tronc d'un arbre où fut construite l'église paroissiale. La porte est surmontée des armoiries de Robien et de Cossé-Brissac.

Les communs sont placés à l'ouest du château. Un premier corps de bâtiment en L correspond aux anciennes écuries et remises, avec un logement pour le personnel placé en retour. Le second bâtiment sur l'arrière abrite quatre hangars. Ils sont construits en moellons non enduits, avec de la pierre de taille de granite pour les encadrements et les chaînages d'angles. La plupart des ouvertures sont en arc segmentaire ou cintrées, de nombreux oculi éclairent les greniers. Placée à proximité, la serre présente un toit à un pan en verre entre deux murs-pignons à redents. On trouve également les vestiges d'un chenil et un probable séchoir pour le gibier, édicule hexagonal en bois sur socle de pierre.

  • Murs
    • pierre moellon enduit
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    sous-sol, en rez-de-chaussée, 2 étages carrés, étage de comble
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • toit à longs pans brisés croupe brisée
  • Escaliers
    • escalier intérieur : escalier tournant en charpente
  • État de conservation
    bon état
  • Techniques
    • sculpture
  • Représentations
    • ornement animal, chouette, lion
    • armoiries
    • ornement géométrique, volute, fleuron
    • ornement architectural, fronton, pilastre
    • scène chrétienne
  • Précision représentations

    Travée centrale du château ornée de pilastres. Lucarnes encadrées d'ailerons à volutes et sommées de frontons. Lucarne centrale couronnée d'armoiries portées par un lion et une chouette.

    Tympan de la chapelle sculpté d'armoiries, pignon sud orné d'un bas-relief représentant la légende de la Vierge d'Alexain. Pinacles coiffés de fleurons.

  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée

Documents d'archives

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 E 8/336. Acte de succession de Camille Duplessis-d'Argentré, incluant le domaine de la Marie à Alexain, 18 janvier 1803.

  • Archives départementales de la Mayenne; 3 E 25/364. Acte de succession d'Alexis Duplessis-d'Argentré, incluant le domaine de la Marie à Alexain, 12 juillet 1824.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 108 J 204. Papiers de la famille de Robien, succession de Balthazar de Robien, incluant le domaine de la Marie à Alexain, 1844.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 4, 467, 1400. Matrices cadastrales, registres des augmentations et diminutions de construction de la commune d'Alexain, XIXe-XXe siècles.

  • Archives départementales de la Mayenne ; Q 127. Partage de pré-succession des héritages de la famille Duplessis-d'Argentré, 1796.

  • Archives départementales de la Mayenne ; Q 905 à 907. Biens nationaux, sommiers des baux des biens aliénés (1792-1806).

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 S 509. Construction d'un port sur la Mayenne en contrebas du château de la Marie, à Alexain, 1863.

  • Archives départementales de la Mayenne ; S 563. Règlement d'eau du moulin de la Marie à Alexain, 1867.

  • Archives départementales de l'Orne ; 252 J 581. Papiers de l'érudit Yves Roth ; notes concernant l'intervention de l'architecte Pierre-Félix Delarue à La Marie à Alexain, 2007.

  • Archives privées. Revues "Journal d'agriculture progressive", 2e moitié XIXe siècle.

Bibliographie

  • ANGOT, Alphonse (abbé). Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne. Laval : Goupil, 1902.

  • CASTEL, Damien. Pierre Félix Delarue (1795-1873) architecte. Le Mans : Cabinet de Fromentières / Recherches en archives & études architecturales, 2013.

    p. 178-179
  • CHAUSSIS, Gilbert. La Mayenne de village en village. Laval : Siloë, 1984-1988.

    t. 4, p. 6-7
  • DENDROTECH. Rapport d'étude dendrochronologique, la Marie à Alexain, 2022.

  • DENIS, Michel. Les royalistes de la Mayenne et le monde moderne (XIXe-XXe siècles). Paris : C. Klincksieck, 1977.

    p. 346
  • GROSSE-DUPERON, Albert. GOUVRION, Émile. L’abbaye de Fontaine-Daniel, étude historique. Mayenne : 1896.

  • LE DOYEN, Guillaume. Annales et chroniques du pais de Laval depuis l'an 1480 jusqu'à l'année 1537 (annotées par Louis de la Beauluère). Genève : Slatkine, 1971 (réimpr.).

  • Le patrimoine des communes de la Mayenne. Paris : Éditions Flohic, 2002.

Périodiques

  • ASSOCIATION PATRIMOINE DU PAYS DE MAYENNE. "Alexain", Les Cahiers du Pays de Mayenne, t. 46, 2019.

    p. 8-11

Documents figurés

  • Collection de cartes postales anciennes des communes de la Mayenne. (Archives départementales de la Mayenne ; 5 Fi).

  • Plan cadastral napoléonien d'Alexain, 1820. (Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 2600).

  • Archives privées. Documents iconographiques concernant le château de la Marie à Alexain ; dessin faussement daté de 1810, carte postale du début du XXe siècle, portraits.

  • Plan géométrique du domaine de la Marie à Alexain, 1814. (Archives privées).

  • Plans d'agrandissement du château de la Marie à Alexain, par Pierre-Félix Delarue, vers 1860. (Archives privées).

  • Plans d'agrandissement du château et de construction de la chapelle de la Marie à Alexain, par Darcy père et fils, 1884. (Archives privées).

Annexes

  • AD Mayenne ; 108 J 204. Extrait de la succession de Balthazar de Robien, description du château de la Marie, 1844.
Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2021
(c) Conseil départemental de la Mayenne
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Barreau Pierrick
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Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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