Dossier d’œuvre architecture IA53004483 | Réalisé par
Barreau Pierrick (Contributeur)
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
;
Bonenfant Anaïs (Rédacteur)
Bonenfant Anaïs

En stage au Département de la Mayenne en mars-avril 2022.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
  • enquête thématique départementale, rivière Mayenne
Prieuré puis abbaye de trappistes Notre-Dame du Port-du-Salut
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Mayenne - Laval Sud-Est
  • Commune Entrammes
  • Lieu-dit le Port-Rhingeard
  • Cadastre 1810 A5 164, 169-170  ; 2022 A 1201
  • Dénominations
    prieuré, abbaye
  • Genre
    de trappistes
  • Vocables
    Notre-Dame
  • Appellations
    Le Port-du-Salut
  • Parties constituantes étudiées
  • Parties constituantes non étudiées
    cloître, logement, bâtiment conventuel, église, chapelle, cimetière, cour, mur de clôture, portail, parc, calvaire, dépendance, jardin potager, fromagerie, étable, remise

Des origines du prieuré…

Le site de Port-Rhingard est celui de l'un des plus anciens franchissements du cours de la Mayenne. A cet emplacement existait un oppidum gaulois mis au jour au XIXe siècle lors de la construction du pont actuel. Cette place forte occupait toute la pointe entre la Mayenne et la Jouanne et était close par un rempart allant de la Drugeotterie à Ste-Apollonie. Les Romains font ensuite construire un temple (fanum) au milieu de l'oppidum. Le site est traversé par la voie romaine reliant Le Mans et Rennes, qui franchissait la Mayenne à gué légèrement en aval du pont actuel. Le Port-Rhingeard constituait une sorte de tête de pont pour la cité antique d'Entrammes qui était déjà une ville importante, peut-être une sous-capitale de la cité des Diablinthes après Jublains.

Dès le XIIIe siècle, le prieuré du Port-Rhingeard est mentionné dans les textes. Il s'agissait alors d'une métairie dotée par Thibault de Mathefelon et son fils Hubert, seigneurs d'Entrammes, d'une chapelle dédiée à la Vierge et à saint Nicolas. En 1233, ceux-ci cèdent "en perpétuelle aumosne à l'église Notre-Dame de la Réau, scise au diocèse de Poitou, la métairie du Port Raingeard avec touttes ses appartenances tout ainsy que Hernauld, prestre, la possedoit en vertu de la donnation que mon père et moy luy en avions faits, auquel lieu j'ay fondé un oratoire par le conseil, avis et consentement de vénérable père Geffray évêque du Mans en l'honneur de Dieu, de la Benoiste Vierge Marie et de Saint Nicolas confesseur, constituant au dit lieu six frères du dit ordre pour prier Dieu". En 1298, une charte consent à Hubert de Mathefelon, chevalier, un amortissement d'une rente moyennant notamment des réparations sur le temporel du Port-Rhingeard : c'est le document le plus ancien conservé concernant l'histoire du lieu.

L'abbaye poitevine de la Réau, d'obédience augustinienne, fonde donc un prieuré au Port-Rhingeard. Il en subsiste peu de choses. A l'intérieur de l'église abbatiale, plusieurs niches anciennes sont visibles, dont une en arc trilobé sur colonnettes, qui pourrait être un vestige du XIIIe siècle. Il est plus difficile de comprendre la présence de deux baies apparemment romanes (XIe ou XIIe siècle ?) éclairant un petit oratoire en soubassement de l'hôtellerie moderne. Ce vestige paraît donc antérieur à la fondation, et ce bien qu'aucun bâtiment ne figure à cet emplacement sur le plan cadastral de 1810 : l'hypothèse la plus plausible serait donc que ces deux ouvertures sont un remploi d'un autre édifice, non identifié.

… A la Révolution française

Les siècles qui suivent sont particulièrement mal documentés et on ne peut guère décrire l'évolution de la communauté et des bâtiments. On ne dispose que d'un inventaire très sommaire du chartrier qui fut sans doute brûlé en 1791, comprenant notamment les titres de fondation, divers aveux, titres de propriété et de féodalité, registres de remembrances, dont la perte est très dommageable à l'historiographie du Port-Rhingeard et de nombreux autres lieux à Entrammes et au-delà. L'abbé Angot signale qu'en 1493, lorsque le prieuré Sainte-Catherine de Laval, dépendant également de la Réau, est érigé en abbaye, on lui annexe les prieurés d'Olivet et de Port-Rhingeard. Dans les faits, chaque établissement conserve son autonomie. La porterie en retour de l'hôtellerie, bien que largement remaniée au XXe siècle, présente un grand arc brisé qui pourrait indiquer une construction vers le XVe siècle ou antérieure. Le gros pavillon attenant à la façade de l'église est également une construction ancienne remaniée : le gabarit du bâtiment et la forme du toit accusent vraisemblablement le XVIIe siècle. Les cartes postales du début du XXe siècle montrent que cette aile présentait des ouvertures chanfreinées, reprises par la suite.

Le Port-Rhingeard passe en commende à une date inconnue. Au début du XVIIIe siècle, alors que le prieuré semble en déshérence, l'arrivée des chanoines réguliers de la congrégation de France (génovéfains) tente de redonner un souffle nouveau à l'établissement, qui se voit doté d'un prieur claustral en plus du prieur commendataire. Ce dernier, Pierre Charpentier, propose ainsi en 1716, "n'y ayant ni cloître, ni lieux réguliers propres à loger une communauté", de restaurer le monastère pour y entretenir douze chanoines. Bien que le projet soit approuvé par l'abbaye-mère de la Réau, il demeure lettre morte. Selon l'abbé Angot, le temporel du prieuré à la fin du XVIIIe siècle comprenait des métairies et closeries réparties sur les paroisses d'Entrammes, Quelaines, Courbeveille, Nuillé-sur-Vicoin, Maisoncelles, Forcé, Azé, Bierné et Saint-Denis-d'Anjou.

A la Révolution, le prieur Antoine Boucard et ses deux compagnons sont expulsés. L'établissement et son domaine sont confisqués comme bien nationaux et vendus en quatre lots en 1791. Le 12 février est ainsi adjugée à un marchand lavallois du nom de Michel Cribier "la maison prioriale de la communeauté du Portraingeard, cours, jardins, bois de haute futaye et le tout en un tenant, circonstances et dépendances, tel que le tout se poursuit et comporte est exploité par les religieux de la dite communauté". La métairie, la closerie et le moulin de Port-Rhingeard sont achetés par un négociant lavallois, François-Marie Letourneur. L'inventaire dressé en vue de la vente du mobilier donne un aperçu de l'organisation du prieuré à cette date : on y trouve une cuisine avec une décharge, un corridor, un "salon à manger" où on note la présence d'une fontaine de marbre enserrée dans le mur, sept chambres dont une pour les hôtes et une pour le cuisinier, l'église, l'écurie et le fournil.

La restauration d'une communauté

En 1807, un lavallois qui s'était exilé à l'abbaye trappistine de Darfled en Westphalie, Jean-Baptiste Le Clerc de la Roussière, revient en France et décide de restaurer une communauté de moines à Entrammes. Il rachète donc à Cribier, pour la somme de 9 000 F, "la maison prieurale de l'ancienne communauté du Port-Ringeard, l'église, cours, jardins, bois de haute futaye", et "dont les bâtiments n'étoient que de vieilles masures […], l'église n'avait plus de toiture, elle avait été vendue pour remplacer celle de l'église de l'Huisserie, incendiée pendant la Révolution". La direction du futur couvent est confiée à François le Bègue de Girmond, dit frère Bernard, qui rencontre Louis XVIII le 20 août 1814, lequel déclare autoriser et protéger le prieuré de Port-Rhingeard, premier couvent cistercien français créé après la Révolution. Pendant un laps de quelques années où les premiers frères sont hébergés sur une propriété de M. de la Roussière, la Doyère à Louvigné (où il subsiste la chapelle), les anciens bâtiments du prieuré sont remis en état et peut-être agrandis. Le plan cadastral de 1810 et un dessin de 1815 témoignent de l'état des bâtiments à cette période : on y reconnait le quadrilatère formé par l'église au nord (nef de l'édifice actuel) et les trois ailes de bâtiments autour d'une petite cour carrée. On lit en 1825 que "le cloître n'a pas plus de cinq ou six pieds de large et il est éclairé par plusieurs fenêtres, car il est fermé et n'a point d'arcades".

Le 20 février 1815, les cisterciens investissent le monastère rénové qu'ils nomment "Port-du-Salut". Le 10 décembre 1816, le Pape Pie VII publie un bref par lequel il érige le prieuré en abbaye et Bernard de Girmond est élu abbé, "quoiqu'indigne" selon la formule d'humilité par laquelle il signe sa correspondance. Dans son testament, Jean-Baptiste Le Clerc de la Roussière "donne en toute propriété à M. Le Bègue de Grimont, mon ami, la Maison du Port Reingeard, jardin, enclos, deux petits morceaux de terre y joignant, et le pré près la rivière. Le tout, tel que je l'ai acheté par acte devant M. Hayer notaire à Laval, pour le dit Le Bègue de Grimont".  Il décède en mars 1823.

La vocation de la communauté est de travailler, de prier et de répondre "à tous les services d'utilité publique tels que le soulagement des pauvres, le soin des malades, l'hospitalité". L'abbé Bernard décrit ainsi la journée du moine : "Nous nous levons ordinairement à 2h souvent plutôt, jamais plus tard. A 2h commence l'office de la nuit, auquel succède la méditation, l'étude des psaumes, et celle de l'écriture sainte jusqu'à 5h. A 5h prime, instruction familière, lecture sainte, célébration de la sainte messe. A 7h tierce, grande messe solennelle, texte. A 9h le travail des mains jusqu'à 11h. A 11h none, examen de la conscience. A 12h le diner qui consiste en légumes préparés à l'eau ou au lait, mais jamais au beurre, ni à l'huile. Après dîner, intervalle pour vaquer à la prière ou à la lecture. A 1h ½ le travail des mains jusqu'à 3h ½. A 4h vêpres. Ensuite la collation qui consiste en quelques onces de pain et un verre de cidre. L'été on y joint une salade ou du lait. A 6h Complies jusqu'à 7. A 7h chacun se retire pour prendre son repos dans un dortoir commun sur une paillasse piquée de deux doigts d'épaisseur. On se couche tout habillé pour être prêt au premier son de la cloche".

 

La rénovation des bâtiments conventuels

Rapidement, l'établissement fait face à un afflux de vocations venant de tout l'ouest de la France et au-delà. En 1818, le Père Bernard écrit au préfet de Laval que l'abbaye "est devenue trop étroite pour contenir tous les sujets qui se présentent. Nous avons donc résolu d'agrandir nos bâtiments". Une nouvelle aile de vastes proportions est accolée à l'aile sud du quadrilatère monastique en 1820 : elle est dénommée "ancien monastère" sur les cartes postales du début du XXe siècle. La construction est peut-être réalisée en deux étapes, car une augmentation est signalée dans les matrices cadastrales en 1835. Le nouveau bâtiment englobe en son centre un pavillon à deux étages plus ancien, visible sur le dessin de 1815, et dont la toiture déborde aujourd'hui côté nord. Cette aile a connu plusieurs transformations par la suite. Les ouvertures à linteaux de bois ont été entièrement reprises, les oculi qui éclairaient le comble à surcroît ont été supprimés sans doute au début du XXe siècle. L'axe était marqué par un campanile couvert en dôme et une lucarne gerbière, démontés dans la 2e moitié du XXe siècle et remplacés par un fronton triangulaire.

A partir de 1822, le baron Marie-Joseph de Géramb, ancien général et chambellan de l'empereur d'Autriche retiré à l'abbaye, dirige la quête pour financer la rénovation et l'agrandissement de l'abbatiale. Avec un secours financier du roi Charles X et des aumônes de toute la France, un nouveau et vaste chœur avec déambulatoire est construit. Bien que des plans et devis soient conservés, l'absence de signature ne permet pas de connaître le maître d'œuvre, mais les dispositions sont semblables au chœur de Saint-Jean-sur-Mayenne, réalisé par l'architecte Charles Hubert en 1834. La bénédiction de la nouvelle église, dédiée à la Vierge et saint Bernard, est célébrée le 3 juillet 1824 en présence de l'évêque du Mans. Le nouveau chœur est occupé par les stalles des frères convers, tandis que celles des pères sont installées dans la nef de l'ancienne église.

Le cimetière, qui était primitivement resserré ente les murs du cloître, est déplacé au milieu du jardin en 1852 : on y trouve les tombes de M. Le Clerc de la Roussière et du Père Bernard de Girmont sous un cèdre du Liban planté cette année-là. En 1853-1854, une petite chapelle dite de l'Immaculée Conception, dédiée à la Vierge et à saint Siméon et initialement destinée aux séculiers, est construite sur le flanc nord de l'église. D'après une description de 1856, elle était initialement surmontée d'une colonne et d'une statue de la Vierge dorées : "de très loin, on aperçoit des deux rives de la Mayenne briller au sommet du petit édifice comme le rayon d'une étoile ". La vocation initiale de la chapelle était d'accueillir les fidèles afin de réserver l'accès de l'abbatiale aux seuls moines, mais aussi de relancer le pèlerinage autour de la statue réputée miraculeuse Notre-Dame de Saint-Melaine et des reliques de saint Gratien qui y sont exposées. L'appropriation du lieu par la dévotion populaire est telle qu'en 1856, un avis est affiché à l'entrée pour prier "les personnes du dehors de ne pas se formaliser de la décoration de cette chapelle ; c'est le résultat des offrandes généreuses des fidèles, le monastère n'y est pour rien".

 

L'accroissement du monastère au XIXe siècle

Les vastes dépendances qui englobent l'abbaye, aussi bien du côté de la route que du côté de la Mayenne, sont des adjonctions de la 2e moitié du XIXe siècle, le monastère atteignant alors son extension maximale. A l'ouest, le moulin et les annexes destinées à la meunerie. Au sud, une série d'ateliers bordant le jardin. A l'est, largement remaniés et agrandis, se trouvent les bâtiments de la fromagerie, dont l'activité s'est véritablement développée à partir de 1850. C'est ici que nait le fromage de la Trappe, le célèbre "Port Salut", dont la marque est cédée en 1959, mais dont la fabrication artisanale à l'abbaye se poursuit jusqu'en 1988. Avec l'exploitation de la métairie, la meunerie et la brasserie (dont la construction est signalée en 1877 par les matrices cadastrales), la confection des fromages assuraient les revenus de la communauté tout en offrant des débouchés aux productions des agriculteurs des environs. Le conseil municipal de Maisoncelles écrit à ce sujet en 1901 : "ces pères sont les bienfaiteurs non seulement de la commune qu'ils habitent, mais [aussi] des communes voisines. Par leur industrie agricole, ils viennent en aide à nos cultivateurs qui ont tant besoin d'être protégés".

La vie des frères à l'abbaye du Port du salut est très austère, comme le résume l'abbé Angot dans la formule "cette maison vouée à toutes les sévérités". Néanmoins, elle suscite de nombreuses vocations et retraites parmi toutes les couches sociales, qui nécessitent l'accroissement des espaces dévolus à l'hôtellerie. Les moines offrent l'asile aux plus démunis, s'attirant la méfiance de l'administration car "le monastère offre un abri sûr aux malfaiteurs dangereux" ; le signalement sur place de plusieurs "individus", tel un anarchiste du nom d'Emile Leblanc, invite la gendarmerie à y faire de fréquentes visites.

Le monastère, dont la reconstruction complète semble avoir été envisagée, connaît un nouvel agrandissement remarquable avec la construction d'une grande aile à l'est de l'ensemble conventuel, commencée en 1877 et achevée vers 1880. Elle est signalée par les matrices cadastrales en 1882. L'architecte auquel fait appel la communauté est l'angevin Auguste Beignet. Ce bâtiment, dénommé "nouveau monastère" sur les cartes postales du début du XXe siècle, vient clore l'espace d'un second cloître dit "grand cloître" construit simultanément : celui-ci s'insère entre le chœur de l'église, le "petit cloître" et les deux grandes ailes du XIXe siècle. Les espaces de vie des moines sont transférés dans la nouvelle aile, tandis que l'ancienne est dévolue "au logement des passagers et à l'hôtellerie". En 1882, l'établissement de Port-Rhingeard compte environ 80 religieux, soit une vingtaine de pères et une soixantaine de frères convers.

 

Un lieu ouvert à la visite

L'abbaye du Port-Rhingeard semble un lieu de visite privilégié pour les premiers visiteurs de la Mayenne. Les impressionnantes séries de cartes postales publiées à partir des années 1900 témoignent de l'intérêt porté à ce lieu et à la vie des moines. Ce sont des documents précieux qui dépeignent les différents espaces de l'abbaye et de ses annexes à cette époque : salle du chapitre, réfectoire, église et chapelle, bibliothèque, cloîtres, moulin, fromagerie, cimetière, etc. jusque dans l'intimité des dortoirs des moines, subdivisés en petites cellules fermées par de simples rideaux.

En 1825, le prêtre Marie-Léandre Badiche publie une Relation d'un voyage à l'abbaye Notre-Dame de la Trappe. A sa suite, Charles-Marie Maignan se présente comme un visiteur au Port-Rhingeard dans un opuscule édité en 1857 ; après un aperçu historique, il décrit les divers bâtiments, les espaces de la vie des moines et les quelques œuvres d'art qui les ornent, principalement "les vingt-deux grands dessins de la vie de saint Bernard, dus au crayon de M. Hippolyte Beauvais et qui ont obtenu, en 1856, les honneurs de l'exposition universelle de Paris". En 1880, J. Loiseau du Bizot publie une brochure sur son séjour à Port-Rhingeard où il se fait à la fois admiratif et critique. En 1896, le premier guide touristique de Laval et sa région, par Isidore Guédon, consacre plusieurs pages à l'abbaye qui se visite avec le concours du frère portier ; les femmes n'y étant pas admises, on a pris soin de leur réserver le bâtiment proche de la porterie pour prendre une collation le temps de la visite de leurs maris. S'ensuit le parcours de visite, qui tel un pèlerinage va du portail à l'église, puis aux bâtiments conventuels, pour finir par les dépendances où "se trouvent la fromagerie fort curieuse à visiter, la vacherie, la porcherie. Le touriste tiendra à se rendre à l'extrémité ouest du parc où une vigne a été plantée comme expérience, où se dresse un calvaire et où s'élève, majestueuse, dominant la vallée de la Mayenne, la statue de Notre-Dame-du-Triomphe", érigée en 1874.

Tout au long du XXe siècle, de nombreuses brochures sont éditées par les moines eux-mêmes pour présenter le lieu et ses activités aux touristes de passage. La vocation d'accueil de l'abbaye se poursuit jusqu'à aujourd'hui, l'enceinte étant partiellement ouverte au public pour la visite ou la promenade. L'établissement propose également des retraites spirituelles. A cette fin, une nouvelle hôtellerie est construite en 1966 un peu à l'écart des bâtiments conventuels et propose 22 chambres (rénovée en 2017). Le bâtiment d'accueil semble avoir été remanié à la même période. On y trouve un magasin de produits monastiques. Enfin, un préau en bois est construit devant la façade de l'église en 1994, selon les dessins de l'architecte des Bâtiments de France Jacques-Henri Bouflet. Aujourd'hui, l'abbaye ne compte plus que quelques moines.

L'abbaye est établie sur la rive gauche de la Mayenne, au droit de l'ancien franchissement de la rivière ; le site est aujourd'hui contourné par la route qui emprunte le pont situé légèrement plus au sud. L'ensemble s'inscrit dans un site remarquable où la Mayenne serpente entre les collines et découpe de pittoresques rochers autour de l'île Sainte-Apollonie au nord.

Les bâtiments monastiques s'organisent à partir de l'église abbatiale. Celle-ci, de plan orienté, possède une nef rectangulaire et un massif chœur en hémicycle plus large. La nef est épaulée de contreforts et d'un bâtiment en appentis. La façade occidentale est percée d'un portail abrité par un préau et surmonté d'une grande fenêtre en arc brisé. A l'intérieur, les murs sont nus ; le mobilier est principalement constitué par les stalles des moines et de la clôture de chœur à colonnes torsadées. Plusieurs niches sont visibles, dont un lavabo liturgique à arc trilobé sur colonnettes. Cette partie de l'église est aujourd'hui coupée du grand chœur à déambulatoire dont la voûte repose sur six colonnes. Le bâtiment, éclairé par de grandes fenêtres en arc brisé, est couvert d'une grande croupe circulaire et surmontée du clocher carré en charpente surmonté d'une petite flèche. La chapelle de l'Immaculée Conception, espace pour les fidèles, est juxtaposée au mur nord de la nef de l'abbatiale. Elle possède un petit vaisseau rectangulaire se terminant en abside. La façade occidentale présente une porte en arc brisé en briques, surmontée d'une fenêtre.

Les bâtiments conventuels sont répartis autour de deux cours contiguës et enserrées entre l'église au nord, et un grand corps de logis dit "vieux monastère" au sud. Ce bâtiment, de plus de cinquante mètres de long, comprend seize travées en façade sur jardin, deux étages et un comble à surcroît, initialement éclairé par des oculi. L'état figuré par les cartes postales anciennes diffère de l'état actuel : les oculi ont disparu, les ouvertures ont été reprises, et l'axe du bâtiment, autrefois marqué par un campanile et une lucarne gerbière, l'est aujourd'hui par un simple fronton triangulaire.

La petite cour ouest, qui ne constitue pas à proprement parler un cloître par l'absence de galeries ouvertes, regroupe les bâtiments les plus anciens : la nef de l'église, mais aussi un corps de logis avec un gros pavillon à toiture asymétrique, dont les ouvertures initialement chanfreinées pour partie ont été reprises. Les façades des autres bâtiments et appentis donnant sur la cour ont également été remaniées. La cour est, plus vaste et enchâssant le chœur de l'abbatiale, est quant à elle en partie ceinturée de galeries de cloître en appentis. Au centre du patio se trouve un bassin octogonal, desservi par quatre allées. La galerie est et son retour au nord s'ouvrent sur la cour par de grands arcs cintrés à encadrements en briques, aujourd'hui partiellement murés, surmontés à l'étage de baies géminées. Cette galerie s'appuie sur l'aile dite "nouveau monastère" qui clôt les bâtiments conventuels à l'est.

Le grand bâtiment du "nouveau monastère" possède dix travées côté jardin. Chaque travée comprend au rez-de-chaussée une fenêtre cintrée, à l'étage une baie géminée, au niveau du comble une lucarne à gâble triangulaire ; les ouvertures possèdent des encadrements en briques, la base du toit est soulignée par une corniche à modillons. A l'extrémité sud de ce grand bâtiment, un corps transversal forme deux courtes ailes vers l'ouest et l'est, deux tours demi hors-œuvre couvertes en poivrières et des pignons découverts. Le mur-pignon côté oriental est percé de séries d'étroites lancettes, tandis que le pignon occidental est aveugle.

L'entrée des bâtiments conventuels est précédée d'une sorte d'avant-cour formant parvis pour l'église abbatiale. Cette cour est délimitée par un bâtiment en L qui comprend l'hôtellerie moderne et une ancienne porterie avec un grand arc brisé. Plus en avant, l'entrée moderne de l'abbaye est un portail couvert monumental percé d'une porte charretière en plein cintre encadrée de pilastres et de deux portes piétonnes. Le couronnement est un fronton chantourné et mouluré, sommé d'une croix en ferronnerie. Trois niches accueillent les statues de la Vierge à l'Enfant, saint Benoît de Nursie et saint Bernard de Clairvaux. A gauche du portail se trouve le bâtiment destiné au gardien et à l'accueil.

L'ensemble des bâtiments est entouré de jardins, notamment le potager au sud qui se déploie autour du cimetière de la communauté, signalé par un cèdre. La clôture est et sud est en partie formée par de grands corps de bâtiments correspondant aux anciennes étables et fromagerie, complétés de bâtiments industriels dans le courant du XXe siècle. Les ouvertures, encadrées de briques, sont pour la plupart en arc brisé. A l'ouest, du côté de la Mayenne, se trouvent l'imposante minoterie et de vastes dépendances organisés autour d'une cour trapézoïdale (voir dossier). L'espace au nord est dévolu à un vaste parc boisé qui mène au rocher couronnée par le monument à Notre-Dame-du-Triomphe.

  • Murs
    • pierre moellon enduit
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    rez-de-chaussée, 2 étages carrés, comble à surcroît
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • toit à longs pans croupe ronde
    • toit en pavillon
    • toit conique
  • État de conservation
    bon état, remanié
  • Techniques
    • sculpture
  • Représentations
    • ornement architectural, fronton, pilastre
  • Précision représentations

    Portail couvert orné de pilastres et d'un fronton chantourné.

  • Statut de la propriété
    propriété privée

Documents d'archives

  • Archives départementales de la Mayenne ; H 73. Registre d'état du temporel tant du prieuré de Port-Rhingeard à Entrammes que de la sacristie, des métairies affermées, des métairies tenues à moitié, des maisons, vignes, taillis et rentes, 1777-1790.

  • Archives départementales de la Mayenne ; H 74 bis. Pièces diverses concernant le prieuré de Port-Rhingeard à Entrammes, 1777-1790.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 321 J 180. Fonds Bouflet, construction du préau de l'abbatiale du Port-du-Salut à Entrammes, 1994.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 153-154, 569, 1486. Matrices cadastrales, registres des augmentations et diminutions de construction de la commune d'Entrammes, XIXe-XXe siècles.

  • Archives départementales de la Mayenne ; Q 632. Inventaire et apposition des scellés au prieuré du Port-Rhingeard à Entrammes, 1790-1791.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 226 Q 77. Achat de l'ancien prieuré de Port-Rhingeard à Entrammes par Leclerc de la Roussière, 1er octobre 1807.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 6 V 23. Pièces relatives à l'abbaye du Port-du-Salut à Entrammes, dont travaux aux bâtiments, 1815-1882.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 6 V 101. Demande d’autorisation de la congrégation des cisterciens réformés dits Trappistes de l'établissement de Notre-Dame-du-Port-du-Salut à Entrammes, 1901-1922.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 1 J 775 et 777. Correspondances relatives à l'abbaye du Port-Rhingard à Entrammes, 1823-1824.

Bibliographie

  • ANGOT, Alphonse (abbé). Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne. Laval : Goupil, 1902.

  • ANONYME. Relation d'un voyage à l'abbaye de Notre-Dame de la Trappe du Port-du-Salut. Fougères : Vannier, 1825.

  • ANONYME. Historique de l'origine, de la construction et de la bénédiction du monument de Notre-Dame-du-Triomphe érigé dans l'enclos de l'abbaye du Port-du-Salut près Laval. Laval : E. Jamin, 1875.

  • BRETON, Yves. Les Génovéfains en Haute-Bretagne, en Anjou et dans le Maine aux XVIIe et XVIIIe siècles. Maulévrier : Ed. Hérault , 2006.

  • GUEDON, Isidore. Laval et ses environs, guide de l'étranger, 1897.

  • Le patrimoine des communes de la Mayenne. Paris : Éditions Flohic, 2002.

  • LOISEAU DU BIZOT, J. Huit jours à la Trappe. Paris : librairie des Familles, 1880.

  • MAIGNAN, Charles-Marie. L'abbaye de Notre-Dame de la Trappe du Port-du-Salut. Laval : L. Moreau, 1857.

Documents figurés

  • Dessin de l'abbaye du Port-du-Salut par Narcisse Morin, 2e moitié XIXe siècle. (Service des musées de Laval).

  • Collection de cartes postales anciennes des communes de la Mayenne. (Archives départementales de la Mayenne ; 5 Fi).

  • Plan cadastral napoléonien d'Entrammes, 1810. (Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 2689).

Date(s) d'enquête : 2022; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Conseil départemental de la Mayenne
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Barreau Pierrick
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
Bonenfant Anaïs
Bonenfant Anaïs

En stage au Département de la Mayenne en mars-avril 2022.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.