Dossier d’œuvre architecture IA53004467 | Réalisé par
Barreau Pierrick (Contributeur)
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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  • enquête thématique départementale, rivière Mayenne
Demeure dite château
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Mayenne - L'Huisserie
  • Commune L'Huisserie
  • Lieu-dit la Morlière
  • Cadastre 1810 C2 112-113  ; 2022 C 132, 778-779
  • Dénominations
    demeure, château
  • Parties constituantes étudiées
  • Parties constituantes non étudiées
    ferme, dépendance, allée, portail, volière, serre, écurie, remise

Une petite seigneurie en bord de Mayenne

L'abbé Angot relève les premières mentions de la Morlière au XIVe siècle : la succession de Hamelin de la Morellière est partagée entre ses deux fils à Laval en 1360. Il relate les faits d'armes de certains membres de cette famille, Jean mort au combat en Flandre, Charles tué à Azincourt en 1415, Guillaume en campagne en Bourgogne en 1470. La famille de la Morlière n'était déjà plus propriétaire de sa terre éponyme au début du XVIe siècle, car la seigneurie est vendue en 1538 par Jean du Plessis de Saint-Jean-sur-Mayenne à un certain Guillaume Loriot. Aucune description ancienne des bâtiments ne nous est malheureusement parvenue. La seigneurie de la Morlière était vassale de celle de Bonne, elle-même assujettie à la baronnie d'Entrammes.

Au XVIIe siècle, le "lieu noble de la Morellière" est aux mains de la famille Duchemin, vaste dynastie de bourgeois lavallois enrichis dans le négoce des toiles et propriétaire de nombreux domaines terriens et seigneuries autour de Laval. Ainsi, en 1613, Michel Duchemin déclare tenir du seigneur de Bonne, avec un certain Denis Champhuon, "leurs lieux de la Morlière". Jean Duchemin de la Morlière, élève au collège de Laval, puis "assesseur eslu en cette élection [de Laval]" et conseiller du roi, rend aveu en 1641 pour une pièce de terre au seigneur de Bonne. Il est toujours vivant en 1674. A la fin du XVIIe siècle, son successeur François Duchemin, avocat en Parlement, écuyer et homme d'armes du roi résidant à Paris, se déclare à son tour seigneur de la terre fief et seigneurie de la Morlière. La demeure est sans doute reconstruite à la charnière des XVIIe et XVIIIe siècle ; c'est du moins ce que suggèrent les anciennes portes entre les pièces du rez-de-chaussée, datables de cette période.

C'est peut-être faute de descendance pour François Duchemin de la Morlière que le domaine échoue au début du XVIIIe siècle à son frère, Louis Duchemin de la Frogerie, bourgeois à Laval. A son décès en 1738, en hérite Louis-Jean Duchemin de la Frogerie, prêtre à la Trinité à Laval et fondateur et directeur de la maison de la Petite-Providence. On ignore ce qu'il advient réellement des bâtiments, qualifiés de simple métairie en 1739. C'est peut-être cet homme d'église "très pieux et très charitable" qui y adjoint une petite chapelle, dont la statue de la Vierge et la plaque datée de 1765 aujourd'hui à l'entrée de la propriété, pourraient être un vestige. Quoiqu'il en soit, Louis-Jean Duchemin est déporté en Angleterre à la Révolution, tandis que ses biens sont confisqués au profit de la Nation. Parmi eux, la métairie de la Morlière, comprenant "une maison de maître, jardin, étrage, une autre allée et un petit étang, deux journaux de châtaigneraie, 40 journaux de terre labourable et 15 hommées de prés", le tout évalué 473 livres. La propriété est vendue en 1792 à René-Joseph Collet-Corbinière, résidant à Laval. Elle devait changer fréquemment de mains au cours du XIXe siècle.

 

Un domaine de plaisance du XIXe siècle

Le plan cadastral napoléonien levé en 1810 révèle un ensemble de bâtiments de tailles diverses éparpillés autour d'une cour irrégulière. La maison du maître est signalée à l'emplacement de la demeure actuelle, avec ses propres cour et jardin distincts de ceux du colon. La petite chapelle est accolée à l'ouest du logis. La grande allée arborée qui dessert les bâtiments conduit jusqu'au rebord du coteau où se trouve déjà un pavillon de jardin d'où la vallée de la Mayenne s'offre à la contemplation. Le propriétaire à cette date, Joseph Chotard de Bois-Jousse, "gentilhomme servant honoraire de son altesse royale Monsieur comte d'Artois", résidant à Château-Gontier puis à la cour de Charles X à Versailles, revend la Morlière en 1826 à Amand Rousseau de Monfrand, demeurant à Laval, avec la métairie de la Giraudière, les closeries de la Croix-Nouveau, de la Guerche et de Persigand. En 1831, celui-ci participait à une demande de concession pour l'exploitation d'une mine d'anthracite à L'Huisserie.

Le domaine est à nouveau vendu en 1832, à un certain Antoine Guédon, marchand tanneur puis avoué à Laval. L'acte précise la description avec "une maison de maître composée d'une grande cuisine avec décharge de cuisine, office, vestibule, salle à manger, salon de compagnie, au premier de trois chambres et un cabinet et au second de deux chambres et un cabinet, de deux caves, d'une belle cour d'entrée au-devant de la maison, d'une grande écurie et d'autres bâtiments d'exploitation faisant partie de l'ancienne maison de la Morlière ; un jardin potager entouré de murs situé sur l'un des côtés de la maison de maître ; un vaste jardin anglais au-devant de la maison […] et une avenue en marronniers qui conduit de la route de L'Huisserie à la maison de la Morlière", le tout formant la réserve du propriétaire, complétée par les métairies et closeries attachées au domaine. Selon les matrices cadastrales, c'est lui qui fait construire la demeure actuelle en lieu et place de l'ancienne maison de maître, à moins qu'il ne s'agisse que d'un profond remaniement. La nouvelle construction, probablement achevée dès 1842, est déclarée imposable en 1845.

Vers 1850, la propriété passe au gendre d'Antoine Guédon, Ernest Le Lasseux, avocat à Laval et maire de L'Huisserie de 1846 à 1878, puis conseiller général et député ; la famille Le Lasseux demeure propriétaire au moins jusqu'au début du XXe siècle. Toujours selon les matrices, on doit à Ernest la construction, avant 1854, d'une nouvelle ferme à l'écart du logis en remplacement des anciens bâtiments du colon qui sont rasés. Celle-ci sera démolie et reconstruite en 1899. Ernest Le Lasseux, membre de la chambre consultative d'agriculture de la Mayenne, a probablement tenté de développer une ferme moderne sur son domaine. Les matrices signalent également un agrandissement de la demeure en 1897, correspondant très certainement à l'adjonction des deux ailes accolées, initialement couvertes en terrasses comme le montrent les cartes postales du début du XXe siècle. La date de l'ajout des croupes n'est pas connue. Les écuries et le logement du jardinier présentent une architecture homogène et sont probablement construits dans le 4e quart du XIXe siècle. Aucun remaniement postérieur de la demeure n'est à signaler, si ce n'est l'accolement de latrines à l'aile nord et l'ajout d'un crépi rose sur la façade vers la Mayenne dans la 1ère moitié du XXe siècle.

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 19e siècle, 4e quart 19e siècle, 1er quart 20e siècle

Le logis

La demeure est implantée au sommet du coteau en rive droite de la Mayenne. L'orientation inhabituelle de sa façade principale, au nord-est, permet de jouir d'une vue privilégiée sur la vallée et sur l'abbaye du Port-du-Salut grâce à une percée ménagée dans la végétation. Depuis les bords de la rivière, la demeure est tout aussi visible et s'impose aux regards depuis le pont reliant L'Huisserie à Entrammes.

Une avenue arborée de plus de 300 mètres franchit trois portails à piliers successifs, délaisse l'ancienne ferme à droite, avant d'aboutir au pied de la demeure ; celle-ci y est moins mise en scène que le panorama dont elle bénéficie. La maison en moellons enduits, la pierre de taille (principalement le calcaire, mais aussi le granite pour le soubassement) étant réservée aux encadrements d'ouvertures et aux décors. L'enduit tyrolien rose de la façade nord participe désormais de l'identité de la demeure et la rend facilement reconnaissable. L'architecture est simple et sobre, mais certaines irrégularités, comme la dissymétrie des deux ailes côté cour ou la façade légèrement incurvée côté vallée, suggèrent qu'elle est peut-être tributaire des fondations des bâtiments antérieurs. Le corps central à trois travées est orné d'un bandeau, d'une corniche, d'encadrements de baies moulurés et de trois lucarnes à frontons triangulaire ou cintré ; il est flanqué de deux courtes ailes légèrement plus basses, à une travée chacune. L'ensemble est coiffé de toits à longs pans et à croupes d'ardoises et sommé d'épis de faîtage en zinc. Sur la façade principale, un perron central à deux volées symétriques et à garde-corps en ferronnerie donne accès au rez-de-chaussée surélevé.

A l'intérieur, la distribution verticale est assurée par un escalier principal suspendu en bois, de forme hélicoïdale, situé dans le vestibule axial, et un escalier de service dans l'aile est. Le vestibule donne, à droite, sur une pièce traversante à poutres apparentes et portes moulurées anciennes. Côté gauche, il dessert une petite pièce et un grand salon-bibliothèque donnant sur la vallée. Le décor de cette pièce est le plus soigné avec des moulures en plâtre : corniche, accroche de lustre, porte cintrée à pilastres. L'aile ouest abrite un autre salon, l'aile est, aujourd'hui rénovée, correspond à la cuisine. L'étage est dévolu aux chambres des maîtres et le comble à celles des domestiques.

Les bâtiments annexes

Les bâtiments de communs sont dispersés autour d'une cour irrégulière au centre de laquelle prend place une curieuse volière de plan octogonal, coiffée d'une girouette. Clos de murs, l'ancien jardin potager est attenant à l'aile ouest de la maison. A l'est se trouvent l'écurie et la remise de plan en L, précédées d'un élégant auvent à structure en fonte ; l'intérieur conserve ses anciens boxes, mangeoires et râteliers. A l'ouest, en direction de la ferme, se trouvent l'ancien logement du jardinier et la serre. L'ensemble se caractérise par ses encadrements d'ouvertures et ses corniches en briques.

La ferme comprend deux grands corps de bâtiments perpendiculaires, pourvus d'ouvertures à encadrements de pierre de taille de granite et de corniches moulurées en calcaire. Le premier correspond au logis avec peut-être deux habitations comme semblent l'indiquer les deux portes ; le bâtiment compte cinq travées et un petit comble à surcroît. Dans son prolongement se trouvent les anciens toits à porcs, le poulailler et un hangar. Le second corps présente, sous le même toit, d'anciennes granges et étables sous un vaste grenier.

A l'entrée de la propriété, une statue de Notre-Dame de Grâce postée sur une colonne attirait, selon la tradition, la vénération des mères "soucieuses de voir les membres de leurs enfants se fortifier et d'accélérer leurs premiers pas".

  • Murs
    • pierre moellon enduit
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    sous-sol, rez-de-chaussée surélevé, 1 étage carré, étage de comble
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • toit à longs pans croupe
  • Escaliers
    • escalier de distribution extérieur : escalier symétrique en maçonnerie
  • État de conservation
    bon état
  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée

Documents d'archives

  • Archives départementales de la Mayenne ; E 48. Seigneurie de la Morlière en L’Huisserie, 1500-1739.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 14 J 287. Aveu et déclaration de la seigneurie de Bonne en L'Huisserie, 1613.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 198-199, 595, 1508. Matrices cadastrales, registres des augmentations et diminutions de construction de la commune de L'Huisserie, XIXe-XXe siècles.

  • Archives départementales de la Mayenne ; Q 585. Etats de consistance et d’évaluation des biens de 2e origine du district de Laval, 1792-an II.

  • Archives départementales de la Mayenne ; Q 643 et 644. Baux de biens nationaux saisis dans le district de Laval, 1791-1793.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 226 Q 153. Vente de la métairie de la Morlière en L'Huisserie à Adrien Rousseau de Monfrand, 25 octobre 1826.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 226 Q 178. Vente de la métairie de la Morlière en L'Huisserie à Antoine Guédon, 3 décembre 1832.

Bibliographie

  • ANGOT, Alphonse (abbé). Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne. Laval : Goupil, 1902.

  • ANONYME. Notice biographique sur M. Ernest-Louis Le Lasseux. Laval : imprimerie Camille Bonnieux, 1878.

  • BOULLIER, Isidore. Mémoires ecclésiastiques concernant la ville de Laval et ses environs pendant la Révolution. Laval : H. Godbert, 1846.

    p. 416
  • Le patrimoine des communes de la Mayenne. Paris : Éditions Flohic, 2002.

Documents figurés

  • Collection de cartes postales anciennes des communes de la Mayenne. (Archives départementales de la Mayenne ; 5 Fi).

  • Plans cadastraux napoléoniens de L'Huisserie, 1810. (Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 2714 et 2884).

Date(s) d'enquête : 2022; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Conseil départemental de la Mayenne
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Barreau Pierrick
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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Articulation des dossiers
Parties constituantes