Dossier d’œuvre architecture IA53004384 | Réalisé par
Barreau Pierrick (Contributeur)
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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  • enquête thématique départementale, rivière Mayenne
Manoir, puis ferme, puis maison de villégiature, le Grand-Coudray
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Mayenne - Lassay-les-Châteaux
  • Commune Chantrigné
  • Lieu-dit le Grand-Coudray
  • Cadastre 1835 B2 302 à 304  ; 2021 ZR 25 26 40
  • Dénominations
    manoir
  • Destinations
    ferme
  • Parties constituantes non étudiées
    logement, dépendance, cour, parc, fabrique en belvédère, écurie, four à pain, chapelle, clôture, remise

Un manoir devenu métairie puis résidence de campagne

Les documents se rapportant à l'histoire de la seigneurie et du manoir du Grand-Coudray restent pour l'essentiel à découvrir, l'historien devant pour l'heure se reporter à quelques rares archives et à la généalogie des propriétaires établie par l'abbé Angot. Celle-ci débute avec René Le Verrier et son épouse Barbe de Mondot, signalés au milieu du XVIe siècle. Elle se poursuit, par mariages ou acquisitions, avec les familles du Bois-Baudry, des Vaux, Tanquerel et de Hercé. A la Révolution, les propriétés de Jean-Armand de Hercé, réputé émigré, parmi lesquelles le Grand-Coudray, le moulin de Boistard et les fermes du Petit-Coudray et des Vallées qui y étaient attachées, sont saisies comme biens nationaux. Le manoir, déclassé en simple métairie avant même la Révolution, comme en témoigne un partage de 1788, est acheté en janvier 1794 par François-Athanase Grosse-Durocher (1746-1820), natif de Chantrigné, qui en fait sa maison de campagne. Député de la Mayenne à la Convention et de triste mémoire pour ses contemporains, Grosse-Durocher voit sa propriété prise pour cible et pillée par les Chouans. En représailles, il y héberge le commandant Oelhert venu mater l'insurrection.

Si la succession des propriétaires est plutôt bien établie, aucun document ancien ne concerne le manoir lui-même. L'analyse architecturale est rendue complexe par plusieurs campagnes de remaniement. La partie la plus ancienne du logis, à l'est, présente en soubassement des ouvertures cintrées et chanfreinées, que l'on peut dater autour du XVIe siècle sans guère plus de précision, de même que la corniche concave de la façade principale. Les ouvertures et la toiture sont le fruit de remaniements ultérieurs difficilement datables. Le manoir primitif, plutôt modeste, est décrit sommairement dans l'estimation du 31 décembre 1793 : "la maison manable du Grand Coudrai en Chantrigné occupée par ledit Jean Rocher fermier est composée d'une salle, cave dessous, laverie à côté, un escalier en bois pour monter dans une chambre à feu, quatre petits cabinets, grenier sur le tout avec une petite écurie […], une grange, deux étables à côté, un four et fournil, une étable à brebis, un logereau couvert en paille, lesquels dits bâtiments sont en mauvais état de réparations, et pour les réparer estimons qu'il en coûtera la somme de quinze cent livres". Le domaine inclut également un puits, un pressoir, trois jardins, un bois taillis, une châtaigneraie et 80 journaux de terres cultivées et non cultivées, dont une appelée le Colombier, peut-être en référence à un pigeonnier disparu.

En 1859, le manoir est racheté à la famille Grosse-Durocher par Eugène Pinson de Valpinçon, descendant d'une lignée de marchands venue de La Ferté-Macé dans l'Orne, et lui-même négociant en tissus à Mayenne et à Ambrières. D'après l'abbé Angot, son fils Georges-Émile, notaire à Pré-en-Pail et propriétaire du Grand-Coudray à la fin du XIXe siècle, était à la fois un érudit et un agronome. Se livrant à des fouilles archéologiques, il met au jour les vestiges d'une villa gallo-romaine sur sa propriété, dans un champ dit de l'Érable, sur une pièce nommée la Ville (site confirmé par une prospection en 1954). Il aurait également transformé sa propriété pour y pratiquer l'élevage, l'agriculture et l'arboriculture. Il semble toutefois qu'il ne publia aucun document, que ce soit sur ses découvertes archéologiques ou ses travaux agricoles. Le domaine passe ensuite, au début du XXe siècle, à son gendre Léopold Picquenard, capitaine du 10e régiment d'artillerie à Dinan, dont descendent les actuels propriétaires.

Les transformations du domaine aux XIXe et XXe siècles

Le manoir a considérablement évolué depuis la levée du cadastre napoléonien en 1836. A cette date, le logis avait déjà été agrandi vers l'ouest d'un couloir. Les matrices cadastrales signalent la construction du logement de ferme (et probablement des écuries qui l'accompagnent) pour l'année 1867. Le kiosque ou gloriette en surplomb de la vallée de la Mayenne est édifiée en 1893 en l'honneur de la naissance d'Yvonne Picquenard et portée au registre des matrices en 1895. Des documents relatifs à son acquisition ont été conservés. D'autres modifications signalées dans les matrices n'ont pas pu être attribuées avec certitude. Un corps de bâtiment, visible sur le cadastre ancien, a totalement disparu. En 1943, Léopold Champion, gendre de Léopold Picquenard et industriel en chaussures à Laval, fait agrandir le vieux logis d'un bâtiment à quatre travées, sur les plans de l'architecte Léon-Henri Guinebretière : les initiales du commanditaire sont visibles sur une souche de cheminée. Les matériaux utilisés proviennent de la destruction de bâtiments anciens au hameau de Louverné (commune de Chantrigné). Les épis de faîtage en forme de pots-à-feu, provenant de Lassay, sont posés dans les années 1970.

La propriété doit aussi beaucoup à l'abbé érudit Georges Picquenard qui y a séjourné : en 1943, il fait aménager la petite chapelle dans une dépendance agricole près du logis, laquelle est ornée d'une peinture murale signée Paul Delormoz, apparenté aux propriétaires et réfugié au Grand-Coudray pendant la guerre. Avec des éléments anciens dont la provenance exacte n'est pas connue, il recompose le décor intérieur du manoir (dont les cheminées témoignent encore aujourd'hui) dans le goût médiéval et Renaissance. Une allée de tilleuls est plantée et des croix en pierre anciennes (une est datée 1644) sont disposées pour l'ornement du jardin. Une porte dont l'arc est daté 1622 avec une inscription peu lisible est remontée à l'arrière du logis. Cette collection lapidaire concourt à donner un cadre pittoresque à la demeure. Suite à la division de la propriété, un corps de bâtiments a été transformé entre 1976 et 1980 en pseudo-manoir gothique à partir d'éléments anciens provenant de la démolition d'un château du nord de l'Ille-et-Vilaine (maçon M. Marchais).

Les bâtiments du manoir, aujourd'hui scindés en trois propriétés, sont disposés le long de l'ancienne route reliant Ambrières-les-Vallées et Lassay-les-Châteaux. Le gué actuel sur la Mayenne, au niveau du moulin de Boistard, a été aménagé pendant la Seconde guerre mondiale, mais peut-être remplace-t-il un passage plus ancien entre Cigné et Niort-la-Fontaine. A proximité se trouve un menhir (classé Monument historique en 1976) témoignant de l'ancienneté de l'occupation du lieu.

L'ancien logis manorial, de petites dimensions (primitivement une seule pièce habitable par niveau), est orienté au sud. Il est construit en moellons de granite et couvert d'une toiture à longs pans et à croupes d'ardoise. Le soubassement, masqué à l'avant par une terrasse accessible par un perron, présente à l'arrière et sur le côté deux portes cintrées, dont une murée, et une fenêtre chanfreinée pourvue d'une grille. Les baies de la façade principale, dépourvues d'ornement, sont disposées sans travée, une corniche en pierre de forme concave couronne le mur. La façade arrière présente des fenêtres disposées sans ordre, pour certaines murées. Les anomalies dans l'élévation laissent penser que certains éléments ont disparu, peut-être une galerie en bois. Les deux agrandissements successifs sont bien visibles dans les ruptures de maçonnerie et donnent à la demeure un plan en T. La façade ouest présente quatre travées régulières et des épis de faîtage en zinc en forme de pots à feu.

Les communs sont placés derrière le manoir : si le logis de ferme a été remanié, le reste des façades est homogène, avec un soubassement de petites pierres assisées, des ouvertures en plein cintre et des arcs en briques. Un four à pain est placé dans le prolongement des écuries longeant la route. Un bâtiment ancien, rhabillé en manoir avec pavillon, fenêtres à traverses et lucarnes est placé plus au sud. Le site comprend également une petite chapelle rectangulaire (dépendance agricole réaffectée) signalée par un clocheton : elle abrite une grande peinture murale de Paul Delormoz représentant la Vierge à l'Enfant sur son trône, avec à ses pieds saint Bernard et saint Dominique, devant un paysage méditerranéen. L'œuvre est signée et datée. Les armoiries des familles propriétaires du Grand-Coudray sont également peintes sur les murs.

Le jardin, dont l'entrée est marquée par une allée de tilleuls, présente plusieurs essences rapportées (conifères, arbres fruitiers et à fleurs), un petit pavillon carré, un pressoir à cidre et diverses croix de chemin ou de cimetière rapportées. Un puits est signalé par une pompe en fonte avec un décor végétal d'inspiration Art Nouveau (roseaux et autres plantes aquatiques), ainsi qu'une tête de lion engoulant celle d'un canard. Le kiosque ou gloriette de forme octogonale, rare construction de ce type sur les bords de la Mayenne, est posée à l'extrémité d'un éperon rocheux et fait la transition entre la propriété et la vallée. Construite sur un soubassement creux en pierre de forme circulaire, elle possède une structure en bois hourdie de briques en partie basse, dessinant des motifs en losange. La partie supérieure est entièrement ouverte sur l'extérieur par des fenêtres à verres colorés et des vitres blanches à motifs géométriques et végétaux. Elle offre un panorama imprenable sur un site pittoresque de la vallée de la Mayenne.

  • Murs
    • granite moellon
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    rez-de-chaussée, 1 étage carré
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • toit à longs pans croupe
  • Escaliers
    • escalier intérieur : escalier tournant en charpente
  • État de conservation
    bon état, remanié
  • Techniques
    • ferronnerie
    • peinture
  • Représentations
    • ornement en forme d'objet, pot à feu
    • ornement végétal, roseau, fleur
    • ornement animal, lion, canard
    • scène chrétienne
    • armoiries
  • Précision représentations

    Épis de faîtage en forme de pots à feu.

    Pompe ornée de végétaux aquatiques (roseaux), de têtes de lion et de canard.

    Peintures murales de la chapelle figurant la Vierge à l'Enfant en majesté avec saint Bernard et saint Dominique, ainsi que des armoiries.

  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée

Documents d'archives

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 84-85, 519, 1447. Matrices cadastrales, registres des augmentations et diminutions de construction de la commune de Chantrigné, XIXe-XXe siècles.

  • Archives départementales de la Mayenne ; Q 668. États des émigrés du district de Mayenne et situation de leurs biens, 1792.

  • Archives départementales de la Mayenne ; Q 694. Procès-verbaux d’estimation des biens nationaux de 1e et 2e origine du district de Mayenne, 1790-1795.

  • Archives départementales de la Mayenne ; Q 707, 708. Procès-verbaux d’adjudication des biens de 2e origine du district de Mayenne, 1794-1795.

  • Archives privées. Archives du manoir du Grand-Coudray à Chantrigné.

Bibliographie

  • ANGOT, Alphonse (abbé). Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne. Laval : Goupil, 1902.

  • NAVEAU, Jacques. La Mayenne. Paris : Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ; Ministère de l'Education Nationale et de la Culture, 1992. (Carte Archéologique de la Gaule ; 53).

    p. 35
  • QUERUAU-LAMERIE, Émile. Les Conventionnels du département de la Mayenne. Laval : L. Moreau, 1885.

Documents figurés

  • Plan cadastral napoléonien de Chantrigné, 1836. (Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 3167).

  • Dessin pour l'établissement d'un bélier hydraulique au manoir du Grand-Coudray, 1892. (Archives privées).

Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2021
(c) Conseil départemental de la Mayenne
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Barreau Pierrick
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Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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