La seigneurie de Crémeur, relevant de l'évêque de Nantes, appartenait avant 1423 à la famille de Mello. À cette date, elle passe par le mariage de Raoulline de Mello avec Payen de Carné dans le giron de la famille du même nom. La famille de Carné, famille de la moyenne noblesse bretonne installée dans le pays guérandais joue un rôle important en Bretagne et est présente à la cour de France. Payen de Carné, chambellan du duc de Bretagne Jean V, est mentionné comme seigneur de Crémeur (Crémeur-en-Crémeur) et de Carné (Crémeur-en-Clis) dans les montres de 1427. À sa mort en 1446, son fils, Roland de Carné, chevalier, hérite de la seigneurie. Simple écuyer à 40 livres de rente par an en 1426, Rolland, est premier échanson du duc en 1427, puis devient son maître d'hôtel avant 1440. Il est également ambassadeur du duc auprès du roi de France en 1450 et en 1451. En 1450, il est nommé maître d'hôtel héréditaire du duc de Bretagne. À la mort de Roland, peu avant 1477, Crémeur passe entre les mains de Pierre de Carné, son fils, gouverneur de Saint-Malo et maître d'hôtel héréditaire du duc de Bretagne. En 1475, il épouse en secondes noces Anne de Goulaine, dont il a Tristan de Carné, héritier de la seigneurie en 1495. Tristan est cité en 1500 comme l'un des 50 gentilshommes de la Reine. Capitaine de Brest en 1512 puis de Guérande en 1513, gouverneur d'Auray de 1523 à 1526, il est aussi maître d'hôtel héréditaire et chambellan du duc de Bretagne puis de la reine Claude de France de 1520 à 1526. Il épouse en première noce Jeanne de la Salle qui meurt en 1526, puis Renée de Mauléon en 1532. Son gisant repose au côté celui de sa première femme dans la chapelle basse de la collégiale Saint-Aubin. En 1680, André-Vincent de la Bouexière, chevalier, seigneur de Brantonnet hérite de la seigneurie de Crémeur. La terre restera entre les mains de cette famille apparentée à celle de Rohan-Chabot jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Déclassé en ferme au XIXe siècle, le manoir est propriété de Madeleine Kersalio en 1826.
La partie sud du logis, transformée en étable au XIXe siècle, est sans doute la plus ancienne. Le pignon nord conserve les vestiges d'une cheminée dont les tableaux latéraux de part et d'autre du contrecœur, largement chanfreinés, se terminent par des congés triangulaires dont le profil pourrait suggérer le XVe siècle. Le mur gouttereau ouest de cette pièce est par ailleurs ajouré d'une baie couverte d'un linteau trilobé, dont la mouluration qui effectue un retour sur l'appui de façon continue, tend à affiner la datation dans la première moitié du XVe siècle. Une carte postale du premier quart du XXe siècle semble montrer deux croisées bouchées sur le mur gouttereau est. Le bâtiment nord est venu se greffer dans un second temps, comme en témoigne la reprise sur la façade est et un arrachement encore observables à l'angle du pignon sud-est.
Un inventaire des meubles du manoir de Crémeur de 1598 mentionne bien la viele maison du bout puis le pavillon qui est neuf. D'après le texte, la partie ancienne se composait d'un cabinet faisant office de bibliothèque au bout duquel prenait place une chambre au bout de la salle. Il est également fait mention, d'une cuisine et d'une cave ou d'une « despance » prenant peut-être place dans l'aile en retour actuellement disparue au sud-est. L'absence de description d'étage laisserait entrevoir la possibilité d'une organisation autour d'une salle basse sous charpente.
Le pavillon a été remanié au XVIIIe siècle (lucarnes, charpente). Néanmoins, le style de certaines cheminées, notamment celle de la salle nord du rez-de-chaussée et celle de la salle sud du premier étage pourrait autoriser une datation dans la seconde moitié du XVe siècle. La porte de la salle sud couverte d'un linteau porté par des coussinets profilés en talon tend à confirmer cette datation. Notons que l'on retrouve une porte similaire au moulin de Crémeur construction traditionnellement attribuée à Tristan de Carné aux alentours des années 1500. Le pavillon se composait visiblement d'après l'inventaire de 1598 d'une "suite de chambres" peut-être sur les deux niveaux, dont au moins trois sont nommées : la chambre d'en bas la chambre de la Tour et la chambre de devant. À l'étage, elles étaient surmontées par un galeta. Les niveaux étaient distribués par un escalier demi-hors-œuvre, abritant une vis en bois située dans l'angle nord-ouest. Le texte mentionne également la présence d'une chapelle joignant le pavillon. Le puits date sans doute du XVIe siècle. Il est mentionné dans l'inventaire de 1598 surmonté d'une geruel.
Les seigneurs de Crémeur possédaient plusieurs moulins (ceux de Crémeur-en-Crémeur et de Crémeur-en-Clis - voir dossiers) ainsi que deux métairies dont la présence est attestée en 1680 : celle du Cabinet, à l'ouest de l'étang de Crémeur, l'autre au nord du manoir. Les deux métairies sont signalées en 1720 dans les rôles de la capitation. La première est alors affermée à Jacques Quenégo qui en doit 6,1 livres tournois, la seconde à Guillaume Terrien qui en doit 8 livres tournois. Dans la 1ère moitié du XVIIIe siècle, la métairie du Scodier (voir dossier) appartient également à la seigneurie.
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