Ce site, en hauteur, était déjà occupé sous l'Ancien Régime par un moulin à vent, le moulin de "Casse-une-aile" (indice probable de la force du vent à cet endroit) ou "Cassenielle" ou "Cassinelle". Ce moulin était situé au nord des bâtiments actuels, auprès de la rue et de la maison construite à la fin du 20e siècle. Il apparaît sur la carte de la région par Claude Masse en 1720. Le moulin, seigneurial, appartient jusqu'à la Révolution à l'abbesse de Saintes, dame de Vix. Il fait partie des bâtiments seigneuriaux décrits dans un procès-verbal de visite le 14 avril 1757. Le moulin de "Cassenielle" ainsi décrit ouvre par deux portes et comprend un étage. Son arbre (axe des ailes), les ailes et la charpente sont "en passable état". Quelques années plus tôt, en 1742, Jean Gerbault, représentant de l'abbesse de Saintes à Vix, a passé un marché avec Daniel Mazeau, amoulangeur (charpentier de moulins) à L'Hermenault, pour des travaux à effectuer au moulin de Casseniel.

L'abbesse de Saintes confie son exploitation à différents meuniers successifes. En 1757, il s'agit de Nicolas Favreau (1701-1781), époux de Marie Bourgoin. Jean Lièvre (1684-1747), meunier installé à Vix dans les années 1730, marié à Marie Soulisse, est actif à la Chaignée (sans doute Cassinelle) à partir de 1738. Son fils, Jean Lièvre (1724-1764), époux de Marie Bienvenu, lui succède à Cassinelle, puis son propre fils, Jean Lièvre (1757-1826), meunier comme son père et son grand-père. En 1779, il épouse Marie Lorit (1758-1839) (petite-fille du meunier Nicolas Favreau vu plus haut). Ils vivent d'abord à Doix puis s'installent à la Chaignée (une ferme à la place du siège actuel de l'entreprise viticole Mercier) vers 1785. Cette année-là, Jean Lièvre et son beau-père, Jean Lorit (1737-1798), meunier, époux de Jeanne Favreau (qui demeure déjà à la Chaignée, 2 et 4 rue des Diligences), prennent en ferme auprès de l'abbesse de Saintes le moulin de Cassinelle, bail renouvelé pour un an seulement en 1791, avant que le moulin ne soit saisi comme bien national.

Le moulin est sans doute acheté à cette occasion ou peu après par Jean Lièvre ou son beau-père Jean Lorit qui meurt en 1798. Resté seul à la tête de la propriété, Jean Lièvre construit vers 1800 un second moulin, au sud-est des bâtiments déjà existants, appelé le moulin Neuf. Peu avant sa mort, en 1826, le testament-partage de ses biens attribue l'ancien moulin de "Casse-une-aille" et la partie nord de la maison (parcelles 506 et 507 sur le plan cadastral de 1836) à son fils aîné, Jean Lièvre (1793-1873), époux de Marie Duverdier ; et le "moulin Neuf de Casse-une-aille" (parcelle 509), au sud, à son fils cadet, Pierre Lièvre (1796-1884), époux de Louise Mignonneau. L'acte ne mentionne pas la partie sud de la maison qui a donc dû être construite après. Elle apparaît sur le plan cadastral de 1836. Une pierre sur le côté de la large porte au rez-de-chaussée porte l'inscription "Jean Lièvre / Vix / 1847" (date d'une reprise de maçonnerie ?).

En 1864, Pierre Lièvre réunifie la propriété familiale en rachetant à son neveu, Jean Lièvre époux Simonnet, le vieux moulin et la partie nord des bâtiments. Le vieux moulin est démoli en 1871, selon le cadastre. L'intérieur du logis nord est décrit en 1869 à l'occasion de l'inventaire après décès des biens d'Anne Guérin (1836-1868), épouse de Jean Lièvre (1829-1901), fils de Pierre Lièvre. Le logis comprend deux pièces et un corridor au rez-de-chaussée, des greniers, avec une écurie, une grange, une buanderie et une remise.

A la mort de Pierre Lièvre en 1884, cette partie nord des bâtiments demeure à son fils Jean, veuf d'Anne Guérin, qui la transmet à son propre fils, Auguste Lièvre époux Gaborit, lequel la revend à la famille Baudillon. Quant à la partie sud, dont le moulin Neuf, elle échoit en 1884 à André Lièvre (1835-1907), époux de Marie Morin, lequel la transmet à son fils, André Lièvre (1877-1949), époux de Jeanne Bonnaud. Il est le dernier meunier de Cassinelle et fait démolir le moulin Neuf.