Dossier d’œuvre architecture IA53004595 | Réalisé par
Barreau Pierrick (Contributeur)
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
  • enquête thématique départementale, rivière Mayenne
Maison de maître et haras
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Mayenne - Mayenne Est
  • Commune Mayenne
  • Lieu-dit la Grande-Courbe
  • Adresse 300 rue de la Courbe
  • Cadastre 1820 B2 586  ; 2023 AK 3, 145, 284, 300, 309
  • Dénominations
    maison, haras
  • Parties constituantes non étudiées
    parc, mur de clôture, portail, cour, dépendance, écurie, remise

De la maison de campagne à la fabrique de toiles

Le lieu tient vraisemblablement son nom de l'ondulation prononcée de la Mayenne à cet endroit. L’inscription portée au-dessus de l’imposte de la porte principale, "ANNO DIAE 1726 F. LEUDIERE MONTANGER PROCURATOR HUJUS DOMUS FUIT EDIFICATOR", permet de dater la maison de maître et d’en attribuer la construction à François-René Leudière, sieur de Montanger (v. 1667-1748), marchand de fer puis échevin de Mayenne et procurateur de l’hôtel-Dieu de la ville de 1724 à 1727. La carte de Cassini du XVIIIe siècle présente la Courbe comme le siège d’une seigneurie, ce qui n’est cependant confirmé par aucun document d’archive à l’heure actuelle. A une date inconnue, la maison de maître de la Grande-Courbe échoit à la riche famille Benoiste, également propriétaire de la demeure voisine de Bel-Air. En 1808, François-Guy Benoiste partage ses biens entre ses enfants et la Grande-Courbe revient à sa fille Louise-Jeanne, épouse d'un riche négociant en toiles de Mayenne nommé Michel-François Girard. Le couple, propriétaire de plusieurs maisons à Mayenne, acquiert de nombreuses fermes autour de la ville et est probablement à l'origine de l'installation de la fabrique de toiles à la Grande-Courbe. Devenue veuve, la fortune conséquente de Louise-Jeanne Benoiste lui permet en 1818 d'acquérir le château du Bas-Mont à Moulay.

On distingue, sur le plan cadastral de 1820, la Grande-Courbe de la Courbe située plus au nord (dite "la Courbe-Nouvelle" sur l’état de section) et de la ferme du même nom à l’est, où se trouvait une seconde maison de maître. On y voit également les annexes liées à une activité toilière, comme en attestent deux bâtiments sur la rive sur la Mayenne : "la lavanderie" toujours visible mais remaniée en grange, "l’usine" plus en aval aujourd’hui détruite, deux pièces de terrain rectangulaires nommées "magasins", une série de cinq petits logements d’ouvriers avec leur jardin et un sixième logement plus grand, dont il ne reste que la base de murs. Par ailleurs, les matrices cadastrales confirment la construction d'une calendre par Michel-François Girard, bien que la date n'en soit pas précisée (il s'agit d'une rectification tardive d'omission fiscale en 1843). Cette calendre donnait sur la cour postérieure à la maison de maître. Les marques laissées par une série de trous de poteaux repérés dans la prairie est également sans doute liée à cette industrie (séchage des toiles ?).

En 1845, la veuve Benoiste-Girard procède au partage de ses nombreux biens fonciers - une cinquantaine de propriétés - entre ses enfants. La Courbe y est alors tenue par un négociant locataire du nom de Frédéric Géhard. On y dénombre "sur le bord de la rivière au bas de la prairie un bâtiment dit le moulin" [l'usine] avec deux chaudières et un manège, un bâtiment servant anciennement d'huilerie et de lavanderie, une ancienne savonnerie avec quatre cuves, les logements pour les ouvriers, la demeure occupée par le locataire "distribuée au rez-de-chaussée d'un vestibule, d'une cuisine à droite en entrant avec dalles et fourneau potager [...], d'une salle à manger dans laquelle existe un buffet ; à gauche d'une salle plafonnée dans laquelle existe une cheminée en marbre et d'un bureau aussi plafonné derrière cette salle ; sous la salle et le bureau, d'une cave et caveau ; au premier étage de deux chambres à coucher avec cabinets ; sur la cage de l'escalier une chambre mansarde et de deux greniers sur le tout". Le bâtiment accolé à la maison sert "de magasins pour serrer les toiles" ; il est équipé de trois presses, plusieurs tables en bois et une table en marbre. A la suite se trouve le local de la calendre, une écurie et cylindre mu par un manège.

De la brasserie au haras

En 1855, Alfred Camus-Girard vend à Elphège Robbes, propriétaire à Mayenne, la propriété de la Courbe "composée des maisons de maître, magasins, écuries, étable et autres bâtiments accessoires, maisons d'ouvriers, jardin, deux prés [...] occupée par Monsieur Leloup teinturier". Les matrices cadastrales indiquent que le nouvel acquéreur fait liquider la fabrique de toiles avant 1859 : l'usine est convertie en dépendance agricole et la calendre transformée en logement. En 1861, le négociant Lucien Robbes, frère du précédent, obtient l'autorisation de faire construire une brasserie sur le site. Détruite en 1944, son existence est confirmée par la présence de caves voûtées et la découverte de bouteilles de bière en terre cuite de la marque "la Rôle". Probablement à cette époque, la maison de maître est remaniée, notamment avec l'adjonction des lucarnes d'inspiration Renaissance et l'aménagement de l'escalier actuel qui vient perturber l'emplacement d'une fenêtre au centre de la façade postérieure. Il semble aussi que les deux grandes pièces du rez-de-chaussée aient été subdivisées par des cloisons pour en former quatre. En parallèle, la ferme semble avoir été reconstruite, d'après une mention de nouvelle construction en 1869 au nom d'un certain Jean Janvier ; la moitié nord du logis de ferme parait correspondre à cette datation.

Vers 1900, un marchand de chevaux originaire de Lassay, François Chauvin, réunit les bâtiments de la Courbe en une seule propriété. Il fait aménager un logement pour les lads dans la cour de la maison de maître et édifier un haras autour de la ferme : une très vaste écurie est aménagée, tandis que l'ancien logis du fermier est agrandi pour servir de maison pour le personnel. L'ensemble est aujourd'hui transformé en appartements mais relativement peu modifié à l'extérieur, bien qu'encombré par des constructions parasites. De la clôture, il subsiste un grand portail à piliers. Un hippodrome aménagé par la Société des courses de Mayenne se trouvait sur une prairie louée par M. Chauvin ; les noms des rues du lotissement se veulent un souvenir de cet équipement aujourd'hui disparu. L'inauguration en août 1907 fait l'objet d'un article du Patriote de la Mayenne qui en signale quelques défauts, sans doute corrigés par la suite, notamment la grande déclivité du terrain et les arbres trop nombreux. Les tribunes ont été démolies à la fin du XXe siècle.

Le 9 juin 1944, un bombardement aérien endommage les bâtiments de la Courbe. Certains sont détruits, à l'image de l'ancienne brasserie. La maison de maître - qu'on nomme alors château de la Basse-Courbe - semble avoir été le lieu de combats, d'après les impacts de balles signalés dans les murs et les portes. La toiture et la couverture sont à refaire ainsi que les fenêtres, soufflées par les explosions. Les travaux sont encadrés par l'architecte Léon Guinebretière et confiés à des artisans locaux (Marcel Bordereau pour la charpente et la couverture, G. Euveline pour les menuiseries, Garnier pour la vitrerie, Collet pour la peinture et la décoration). Ils sont achevés au début des années 1950.

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 18e siècle, 1ère moitié 19e siècle, 3e quart 19e siècle
    • Secondaire : milieu 20e siècle
  • Dates
    • 1726, porte la date

La maison de maître se trouve au sommet d'une vaste prairie dont les rives ont été maçonnées pour l'activité toilière au XIXe siècle et dont le bâtiment au bord de l'eau est un vestige. La demeure, orientée au sud-ouest vers la ville de Mayenne, présente une façade principale ordonnancée à trois travées et une grande porte à imposte précédée d'un perron. Les murs sont en moellons de schiste et les grandes ouvertures possèdent des encadrements en blocs de granite taillés. Une porte cintrée permet d'accéder au sous-sol. Les garde-corps en ferronnerie des fenêtres présentent des motifs d'enroulements. Les linteaux sont surmontés d'arcs de décharge et une corniche moulurée en bois (refaite à l'identique) orne le sommet de la façade. Les trois lucarnes en granite possèdent un profil chantourné et un motif en forme de coquille ou de palmette à leur sommet. La façade postérieure, dépouillée de tout ornement, présente également trois travées et des ouvertures beaucoup plus petites. La toit est surmonté d'un clocheton. L'intérieur est divisé en son centre par le corridor avec l'escalier. La cuisine et le salon prenaient place de chaque côté ; le salon, ornée de boiseries, conserve une cheminée en marbre aux motifs caractéristiques du XVIIIe siècle.

Un petit bâtiment en rez-de-chaussée, dont les encadrements d'ouvertures sont nettement moins réguliers que ceux de la demeure, est accolé à l'ouest. Une remise est disposée à l'équerre vers le nord, avec laquelle il communique par un système de guichet. Un autre bâtiment dans la cour, à étage en pan-de-bois recouvert de ciment, servait de chambres pour le personnel. Le mur du jardin du maître avec sa porte d'accès subsiste partiellement. La propriété est accessible par un portail à piliers en granite et séparée du lotissement par une haie d'arbres. Ceux-ci ainsi que les bosquets de la prairie ont été plantés autour de 2000.

Le haras construit par François Chauvin est encore en place. Il comprend une très vaste écurie de près de 100 mètres de long et de plan rectangulaire, dont la façade présente des ouvertures segmentaires en briques et pierre et des lucarnes passantes régulièrement disposées. L'axe du bâtiment est souligné par un grand pignon triangulaire couvert orné à son sommet d'un médaillon en terre cuite orné d'une tête de cheval. D'autres médaillons identiques ornent les murs pignons aux extrémités de l'écurie. A proximité du grand portail à piliers se trouve l'ancien logement du responsable du haras, qui reprend un logis rectangulaire à deux travées couvert d'une croupe. Celui-ci a été agrandi d'une aile de type chalet à deux travées et façade en pignon couvert. Cet assemblage assez peu harmonieux s'inspire peut-être des maisons de villégiature à façade asymétrique.

  • Murs
    • schiste moellon
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    sous-sol, rez-de-chaussée surélevé, 1 étage carré, étage de comble
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • toit à longs pans
  • Escaliers
    • escalier intérieur : escalier tournant en charpente
  • État de conservation
    inégal suivant les parties
  • Techniques
    • sculpture
  • Représentations
    • ornement animal, coquille Saint-Jacques, cheval
  • Précision représentations

    Sommet des lucarnes de la maison à motif de coquilles (ou de palmettes).

    Médaillons en terre cuite à têtes de chevaux ornant l'écurie.

  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée

Documents d'archives

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 E 4/139. Donation et partage anticipé des biens de Louis-Jeanne Girard, née Benoiste, incluant les domaines de la Grande-Courbe et du Bas-Mont près de Mayenne, 5 octobre 1845.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 5 M 152. Autorisation de construction d'une brasserie à la Courbe à Mayenne, 1861.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 254, 255, 627, 628, 1550, 1554. Matrices cadastrales, registres des augmentations et diminutions de construction de la commune de Mayenne, XIXe-XXe siècles.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 165 Q 148. Déclaration de succession de François-Pierre Chauvin, négociant à Mayenne, 1934.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 227 Q 414. Vente de la propriété de la Courbe à Mayenne par la famille Girard à Elphège Robbes, 1855.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 416 W 326. Dommages de guerre sur la propriété de la Courbe à Mayenne, 1945-1959.

Bibliographie

  • ANGOT, Alphonse. Epigraphie de la Mayenne. Laval ; Paris.

  • GROSSE-DUPERON, Albert. L'ancien hôtel-Dieu de Mayenne dit du Saint-Esprit. Mayenne : Poirier frères, 1902.

    p. 54

Périodiques

  • Le Patriote de la Mayenne. Article concernant l'inauguration du champ de courses de la Courbe à Mayenne, août 1907.

Date(s) d'enquête : 2023; Date(s) de rédaction : 2023
(c) Conseil départemental de la Mayenne
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Barreau Pierrick
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.