Dossier d’œuvre architecture IA53004592 | Réalisé par
Seure Marion (Contributeur)
Seure Marion

Chercheuse au pôle Inventaire du service du Patrimoine de la Région Pays de la Loire.

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  • inventaire topographique, Canton de Lassay-les-Châteaux
Château du Bois-Thibault
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ancien canton de Lassay-les-Châteaux - Lassay-les-Châteaux
  • Commune Lassay-les-Châteaux
  • Lieu-dit le Bois-Thibault
  • Cadastre 2023 ZB 36
  • Précisions

1. Le château et la seigneurie au Moyen Âge

La seigneurie de Bois-Thibault est mentionnée dès la fin du XIIe siècle. Elle appartient à cette époque à Herbert de Logé, sénéchal de Juhel II de Mayenne, qui lui octroie le droit de haute justice. La chapelle du château, dédiée à sainte Catherine, est fondée au début du XIIIe siècle. Elle a disparu mais le plan du cadastre ancien montre que celle-ci se trouvait au sud-ouest du château. En 1404, dans l'aveu que Charles de Vendôme rend à la duchesse d'Anjou, le château du Bois-Thibault est désigné comme "habergement, dommaine et appartenances". En 1429, la terre passe aux mains de la famille du Bellay, à la suite du mariage de Jeanne de Logé, héritière du domaine, avec Jean du Bellay.

Le château du Bois-Thibault subit les conséquences de la guerre de Cent Ans. Il est occupé par une compagnie d'Écossais dans les années 1430. Selon des textes postérieurs, les Anglais auraient abattu la place forte pendant la seconde phase du conflit (AN, X 1A 8311, 1469). Il n'est recouvré par Jean du Bellay qu'en 1455. Dans l'aveu daté de cette année, il est désigné comme : "mon manoir et maison, hebergement, cour, douves, doubles cloisons, circuit, appartenance d'iceluy, manoir et maison contenant deux journaux" (AD 53, 138 J 35). Jean du Bellay entreprend alors de faire reconstruire son "habergement", "une place forte […] ad similitudinem de Lassay" (AN, X 1A 8311, 1469). Mais, seigneur haut justicier à la tête d'un des domaines les plus étendus de la châtellenie de Lassay, dont le siège se trouve à "deux traits d'arc" du château de Lassay, il suscite la méfiance de son voisin et rival, Jean II de Vendôme. Alors que Jean du Bellay entreprend de bâtir une tour carrée en 1460 et une nouvelle "tournelle" et des créneaux en 1467, le conflit entre les deux seigneurs éclate. Jean II de Vendôme reproche à son vassal de ne pas avoir respecté la coutume du Maine, en fortifiant sa demeure sans autorisation, demeure qui pourrait dès lors abriter gens de guerre ennemis ou bandits. Il dénonce la construction de la tour carrée comportant des embouchures de tir, des machicoulis et des murailles trop importantes, qui sont autant de caractères de fortification. Jean II de Vendôme dépêche donc des hommes de Falaise, ville dont il est capitaine, pour contrecarrer le projet en cours, au nom de son statut de seigneur châtelain. Ni l'ampleur des dégâts causés, ni l'avancée du chantier à cette date ne sont connus. Un procès s'ensuit entre les deux hommes, que Jean du Bellay remporte en 1472 (AN, X 1A 105).

Le château du Bois-Thibault constitue un véritable palimpseste, où les différents états de fortifications se succèdent et s'effacent. L'enceinte, de forme quadrangulaire, entourée de fossés, pourrait constituer les restes d'une forteresse antérieure à la reconstruction de la seconde moitié du XVe siècle. Les vestiges d'un mur orienté nord-sud, non datés, ont été mis au jour dans la cour. Cette enceinte est flanquée aux angles de trois tours rondes et d'un corps de logis rectangulaire, prolongé d'une tour carrée au-dessus du fossé. Les deux tours rondes, au nord, et la tourelle carrée, au sud-ouest, conservent des dispositifs de tir adaptés à des armes à feu utilisées au cours des décennies 1470-1480. La troisième tour ronde, située au sud-est, est plus difficile à dater. Le corps de logis sud est sans doute reconstruit dès cette époque. Une coursière sur mâchicoulis couronne son mur-pignon ouest et surplombe la douve occidentale. La position hors-œuvre de la tour d'escalier de ce corps de logis, la voûte qui couvre la tour ainsi que son décor, sont caractéristiques de cette période.

Bien que contemporain du château de Lassay, dont il semble emprunter certains partis architecturaux, à l'instar des tours mixtes et du parapet sur mâchicoulis, celui du Bois-Thibault s'en distingue nettement par d'autres choix, comme celui de surmonter la tour nord-ouest d'un hourd, aujourd'hui disparu mais restituable grâce aux trous de poutre et aux corbeaux qui ceignent sa partie supérieure. La vision d'une tour, entourée d'un hourd, probablement en bois, d'où émergeait un étage en retrait, sans doute couvert en poivrière, est en effet singulière au sein du paysage monumental du Maine.

L'aveu rendu par Jean du Bellay à Jean II de Vendôme en 1455, qui nous est parvenu par une copie postérieure (AD53, 138 J 35), permet de se faire une idée des terres de la seigneurie à cette date. En plus de "mon manoir et maison, hebergement, cour, douves, doubles cloisons, circuit, appartenance d'iceluy, manoir et maison contenant deux journaux", le domaine se composait d'un "bois ancien dud. lieu, non taillable, contenant 60 journeaux de terre", de la "chapelle dud. lieu, fondée de sainte Catherine, laquelle est dédiee, ou anciennement on a coutume d'enterrer les seigneurs et enfans dud. lieu du Bois-Thibault et les serviteurs, metayers dud. lieu environ lad. chapelle ;

Item domaine dud. lieu contenant 100 journeaux de terre ou environ avec les bois, hayes, places, buissons, garennes d'iceluy domaines et 25 hommées de pré

Avec deux etangs, l'un appelé la Motte et l'autre Perroux avec trois petits viviers, l'un nommé la Genurie, l'autre la Doublette et l'autre le Melangé, avec deux petits réservoirs assis près la chapelle dud. lieu au Bois-Thibault.

Item les moulins a bled et foulliers nommés et apellés moulins du Tilleul, les eclusez et réservoirs d'eau illec nécessaire

Item les deux parts du profit du moulin nommé le Moulinet et s'il estoit en reparation lequel est après en ruine avec l'ecluze d'icelluy. […]"

En outre, parmi les hommes de foi, on comptait le seigneur de la Motte Méhoudin, celui du Hazay, celui de la Baroche-Gondouin, celui du Mélanger et celui du Vieumont. Les terres s'étendaient sur une partie de la paroisse de Sainte-Marie-du-Bois et de Saint-Fraimbault de Lassay.

Il est possible qu'une partie de la ferme de la Basse-Cour, située au nord-ouest du château, date de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance. Les photographies prises avant la restauration des années 1980 montrent une haute charpente soutenue par des poteaux de bois, noyés dans la maçonnerie, qui sont souvent les vestiges de maisons ou de grandes granges de la fin du XVe siècle. Les ouvertures chanfreinées de la maison, ainsi que la large cheminée dont la hotte est soutenue par de puissants corbeaux vont dans ce sens. Le fournil apparaît sur le plan du cadastre ancien. Le fait que le massif du four soit couvert en pierre – et non en brique comme c'est habituellement le cas – plaide pour une date de construction ancienne.

2. La Renaissance

Héritant du château et de son domaine en 1510, l'archidiacre de Paris Louis du Bellay semble s'être particulièrement intéressé à son manoir lasséen. On lui doit sans doute la construction du corps de logis, qui se déploie en équerre le long des fossés nord et ouest, reliant ainsi les deux tours rondes préexistantes et s'adaptant aux irrégularités du plan primitif. Le programme est ambitieux. Un escalier à vis monumental hors-œuvre, situé dans l'angle intérieur, distribuait le premier étage et un niveau de comble. L'aile ouest accueille la grande salle. Pas moins de quatre appartements, chacun composé d'une chambre, d'une garde-robe et d'un cabinet, se répartissaient dans les étages. Sous ce corps de logis sont aménagées des caves, dont les voûtes reposent sur de puissantes piles coiffées de chapiteaux.

Le décor de ce second corps de logis est particulièrement soigné. Des moulures en saillie surmontent les murs à pans coupés des angles de la cour et des listels ornent les piédroits des imposantes cheminées à hotte droite. Le balcon reliant le corps de logis sud à sa tour d'escalier et offrant une vue surplombante sur la cour est sans doute construit à cette époque, si l'on se fie à la finesse de ses joints. La forme et la position de ce balcon, ainsi que certains détails ornementaux, semblent inspirés du château du Plessis-Macé, situé à proximité d'Angers. Il appartient alors à une branche de la famille et des transferts de modèles architecturaux ont pu avoir lieu entre l'Anjou et Lassay.

En 1660, le domaine du Bois-Thibault était composé de : "château, cour, douves, doubles cloisons ; basse cour ; jardin clos ; jardin à légumes ; le bois du Bois-Thibault ; le pré de la vallée ; le champ du parc […] ; la chapelle ; deux etangs l'un sur l'autre, l'un nommé l'étang de Perroux en eau ; l'autre l'étang de la motte, laquelle faisoit partie du domaine de la Basse Cour […] ; l'étang de la Hermondière très petit plan en eau […] ; les moulins blairets du Tilleul ; le moulin du Moulineau ; le moulin de Gerard ; le moulin foulier de Gerard ; le droit de pêche ; le domaine de la Basse Cour, en maison, jardin, vergers, êtres et etrages […] ; le domaine de la Noe, en maisons, jardins, vergers, prés et terres labourables […] ; le domaine de la Boissiere […] ; le domaine de la Janverie […] ; le domaine de la Bouriere […] ; […]" (AD 53, 138 J 35).

3. L'abandon

À partir de la fin du XVIe siècle, les propriétaires successifs se désintéressent de leur château. Dans un procès-verbal dressé en 1739, il apparaît déjà partiellement ruiné (AD 53, B 15). Les murs sont endommagés par les eaux pluviales tandis que le grand escalier est "dérangé". Lorsque Léonor-François de Tournély en fait l'acquisition en 1762, il ne peut restaurer que l'aile occidentale, qu'il divise en deux parties. Bien que ses fils aient émigré durant la Révolution, sa veuve reste en possession des ruines du château. Il est classé au titre des monuments historiques en 1925 et la commune de Lassay en fait l'acquisition en 1988.

  • Période(s)
    • Principale : 3e quart 15e siècle
    • Principale : 1er quart 16e siècle
    • Secondaire : 3e quart 18e siècle

Les vestiges du château de Bois-Thibault se situent sur une plateforme fossoyée rectangulaire, bordée au sud et à l'est par un bois. Celle-ci est partiellement en eau. Au nord-ouest du château se trouve un petit étang, vestige vraisemblable d'une seconde enceinte de douves, à l'extérieur de laquelle est implantée la ferme de la Basse-Cour (nord-ouest) et s'élevait la chapelle.

L'enceinte du château est bordée par quatre tours. Deux tours rondes flanquent le corps de logis qui se déploie en équerre au nord-ouest. Une troisième tour ronde borde l'enceinte au sud. L'angle nord-ouest du corps de logis sud est flanqué d'une dernière tour, celle-ci carrée. La courtine ouest est ouverte d'une porte chartière couverte en tiers-point. Une levée de terre franchit les douves à son niveau. Deux corps de logis s'élèvent à l'intérieur de l'enceinte quadrangulaire. Un corps de logis rectangulaire orienté est-ouest est adossé contre la courtine sud tandis qu'un corps de logis composé de deux ailes en équerre occupe l'angle nord-ouest.

Le premier corps de logis, situé au sud et orienté est-ouest, est de plan quadrangulaire. Il est distribué par un escalier en vis, situé dans une tour hors-œuvre, édifiée contre l'angle formé par son mur-gouttereau ouest et l'enceinte. Au premier étage, celle-ci donne accès à un balcon, qui relie au premier étage la tour à la salle. Au deuxième étage, elle s'ouvre sur une tourelle d'escalier en encorbellement, permettant d'accéder à une chambre haute surmontant la tour ainsi qu'aux machicoulis. Le balcon est édifié sur une voûte qui couvre un espace donnant accès aux deux portes du rez-de-chaussée du corps de logis et à la tour d'escalier.

Le corps de logis nord-ouest se compose de deux ailes de plan rectangulaire, l'une orientée nord-sud et l'autre est-ouest. La première aile inclut et donne accès à la tour d'enceinte nord-ouest et l'autre à la tour d'enceinte nord-est. La première aile, plus vaste, est divisée sur toute sa hauteur en deux parties par un mur de refend dans lequel sont percées des cheminées. Les pièces les plus petites occupent un tiers de la surface, les plus larges deux tiers. Cette distribution est similaire dans la seconde aile. Chacune de ces ailes disposait d'une cave, d'un rez-de-chaussée, d'un étage carré et d'un comble habitable. Les planchers ont disparu. La cave est couverte de plusieurs vaisseaux voûtés en berceaux, renforcés d'arcs-doubleaux retombant sur de larges colonnes. Les cheminées sont à hotte droite. Leurs piédroits sont ornés d'un filet vertical et les corbeaux d'une file mouluration.

  • Murs
    • granite moellon
    • granite pierre de taille
  • Escaliers
    • escalier hors-œuvre : escalier en vis
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Protections
    classé MH, 1925/10/22

Documents d'archives

  • Archives nationales ; P 345/2. Aveux rendus par les seigneurs de Lassay aux ducs d'Anjou, 1404, 1452, f.61v-f.67v ; f.92-f.97.

  • Archives nationales ; X 1A 8311. Procès entre Jean du Bellay, seigneur du Bois-Thibault, et Jean de Vendôme, seigneur de Lassay, 18 avril 1469 [n. st.], f. 14.

  • Archives nationales ; X 1A 105. Procès entre Jean de Bellay et Jean de Vendôme au sujet de la réédification du château du Bois-Thibault, février 1472 (n. st.), f. 63 – f. 66 v.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 138 J 35. Chartrier de Lassay, hommages des seigneurs du Bois-Froult et du Bois-Thibault au seigneur de Lassay, XVe-XVIIIe siècle.

    Copie d'aveu rendu par le seigneur du Bois-Thibault en 1455, aveux de 1660 et de 1685.
  • Archives départementales de la Mayenne ; B 15. Procès-verbal de la visite du château du Bois-Thibault, 1739.

Périodiques

  • GUESDON de BEAUCHÊNE, René-Adelstan. Le Bois-Thibault. Bulletin de la Commission historique et archéologique de la Mayenne.

    t. XXVI, 1910, p. 9-44, 272-296 ; t. XXIX, 1911, p. 57-258
  • SALAMAGNE, Alain. Un exemple rare dans l'architecture défensive du XVe siècle : le boulevard du château de Lassay. La Mayenne, archéologie, histoire, 1993.

Documents figurés

  • Château du Bois-Thibault, dessin sur carnet, 1836. (Maison Victor Hugo, Hauteville House, Guernesey (Paris Musées) ; 970).

  • Le château du Bois-Thibault, lithographie. (Archives départementales de la Mayenne ; 3 Fi 50).

  • Archives départementales de la Mayenne ; 19 Fi 150/1. Château du Bois-Thibault, photographie. (Archives départementales de la Mayenne ; 19 Fi 150/1).

  • Le château du Bois-Thibault, balcon dans l'angle du corps de logis sud-ouest et de la tour d'escalier, photographie. (Archives départementales de la Mayenne ; 11 Fi 386).

  • Carte postale, château du Bois-Thibault. (Archives départementales de la Mayenne ; 5 Fi 118/30).

  • Carte postale, château du Bois-Thibault. (Archives départementales de la Mayenne ; 5 Fi 118/65).

  • Carte postale, château du Bois-Thibault. (Archives départementales de la Mayenne ; 5 Fi 118/80).

  • Carte postale, château du Bois-Thibault. (Archives départementales de la Mayenne ; 5 Fi 118/127).

  • Carte postale, château du Bois-Thibault. (Archives départementales de la Mayenne ; 5 Fi 118/128).

Date(s) d'enquête : 2019; Date(s) de rédaction : 2023
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Seure Marion
Seure Marion

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