Dossier d’œuvre architecture IA53004532 | Réalisé par
Barreau Pierrick (Contributeur)
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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Garnavault Sylvie (Rédacteur)
Garnavault Sylvie

Chercheure à l'Inventaire général du patrimoine culturel (Mairie de Laval).

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  • enquête thématique départementale, rivière Mayenne
Village de Saint-Pierre-le-Potier
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Mayenne - Laval Sud-Est
  • Commune Laval
  • Lieu-dit Saint-Pierre-le-Potier
  • Précisions

Une site principalement dédié à la poterie et à la briqueterie

Le village de Saint-Pierre-le-Potier nait probablement avec sa petit église, attestée dès le XIe siècle : en 1080, un certain Hamon Crispus, qui possédait un domaine sur la rive gauche de la Mayenne, en fait donation à l'abbaye du Ronceray à Angers. La chapelle est placée sous la tutelle du prieuré bénédictin d'Avesnières qui y entretient un chapelain pour la population du village et des environs ; un petit cimetière était situé sur son flanc sud. On sait peu de choses du développement du village lui-même. La maison la plus ancienne conservée est sans doute la grande demeure située entre la chapelle et l'ancien bac, qui offre l'aspect d'un logis du XVe ou du XVIe siècle. Son gabarit (étage carré, tour et vaste comble) pourrait être celui d'une maison seigneuriale ou, à tout le moins, d'un logis de notable. A la fin de l'Ancien Régime, on y trouvait le poste de gabelle avec une petite geôle. D'autres maisons anciennes sont visibles autour de l'église, mais elles ont été remaniées au XIXe siècle.

Le bac sur la Mayenne est attesté dès le XVIe siècle, mais on franchissait sans doute la rivière à cet emplacement avant même le développement d'un village. D'après l'abbé Angot, un certain Jean Bourgeolais tenait à rente du comte de Laval le droit de passage en 1580. En 1610, un potier du nom de Le Mesnaiger, sans doute gendre du précédent, cédait à Jean Gallien la quarte partie du droit de passage des deux chalands et bateaux. En 1682, les tenanciers du droit de "pontonnage de Saint-Pierre de la Poterie" étaient condamnés à payer des arrérages au receveur du comté de Laval.

Saint-Pierre fut "de tout temps" un village de potiers et de briquetiers du fait de la nature argileuse des sols alentour, de la proximité de bois et de l'eau. Cette activité y est attestée dès le XIIIe siècle. Un four commun était notamment utilisé par les artisans du village au XVIe et au XVIIe siècles. La poterie de Saint-Pierre avait pour caractéristique d'être "rose-bleue". Ce terme définit une céramique dont la face interne était grise à noire bleutée et l'extérieur orange clair à rouge orangé. Cette double coloration provenait d'une cuisson réalisée en 2 temps. Une 1ère cuisson réalisée le four fermé donc privée d'oxygène engendrait une production totalement grise. Une 2nde, oxydante cette fois car effectuée four ouvert, venait colorer en orange la face externe.

Si la Mayenne offrait un débouché facile des productions vers l'Anjou, la diffusion de celles-ci dans tout l'Ouest de la France est également avérée. Les recherches méticuleuses de Didier Tiriau sur l'histoire de Saint-Pierre ont permis d'identifier cinq grandes familles d'artisans sur le village, évoluant progressivement du statut de potiers à celui de "marchands potiers". Les habitants des hameaux alentours s'adonnaient également à cette activité, comme à La Hardelière, premier site à avoir fait l'objet de fouilles archéologiques par Jacques Naveau dans les années 1980. Ce lieu est connu pour ses poteries à "œil de perdrix", type de mortiers dont le décor est constitué de poinçons circulaires le plus souvent associés à de petits masques humains schématisés. Il faut y ajouter La Herpinière, Les Besnières et La Louisière autres sites à avoir été fouillés.

On note parfois dans le village l'existence de petites maisons de maître qui attestent, dès l'Ancien régime, d'une occupation intermittente par les propriétaires pour surveiller l'activité agricole et artisanale, mais aussi, sans doute, comme retraite de campagne en périphérie de Laval. Si la production de poterie se poursuit jusqu'au XIXe siècle, celle de briques perdure jusqu'au début du XXe siècle. D'après le plan cadastral napoléonien de 1808, on constate peu de changements dans la trame urbaine du village au cours du XIXe siècle. Une modification notable est l'alignement d'un certain nombre de façades pour élargir la voierie et faciliter l'accès au cœur du bourg ; à cet effet, on peut signaler la destruction d'une petite maison nommée Merdereau, à l'emplacement de l'actuelle place du village, rachetée par la commune de Laval puis détruite en 1895.

Un lieu de promenade et de détente en périphérie de la ville

A la fin du XIXe siècle et dans la 1ère moitié du XIXe siècle, Saint-Pierre-le-Potier est un but de promenade prisé des citadins lavallois. Les recherches de Didier Tiriau et les nombreuses cartes postales anciennes permettent de localiser quatre, voire cinq auberges dans le village. Au début du XVIIIe siècle déjà, la maison sur le flanc nord de la chapelle, qui disposait d'une grande écurie, était tenue par un cabaretier du nom de Denis Cribier. On y trouve un aubergiste et débitant de boisson, Victor Lefeuvre, dans la 2e moitié du XIXe siècle. En 1835, une maison plus au nord est dénommée "La Cantine". Face à l'église, de part et d'autre de la cale du bac, on trouvait "A la descente de bateau" dénommée ensuite "Au beau rivage". Ces établissements furent successivement exploités par messieurs Martigné, Bigot et Huaumé. De l'autre côté, "Le Pré fleuri" tenu par Monsieur Lourdais puis Deboyer-Verscheure, fut transformé en discothèque, "La Riviera", dans les années 1980. L'ancien restaurant situé en aval de la cale a conservé sur son seuil en ciment l'inscription BAL. Sur la petite place de Saint-Pierre on trouve, pendant quelques années seulement, la "Villa Caprice", restaurant tenu par la famille Morin. Les nombreux restaurants où se dégustaient notamment les poissons pêchés dans la Mayenne, valent parfois au village le surnom, dans la presse l'époque, de "chef-lieu de la friture". Il faut également noter que la traversée de la Mayenne par le bac était confiée par adjudication à ces restaurateurs.

Saint-Pierre-le-Potier est signalé dans le premier guide touristique de la région de Laval, signé par Isidore Guédon en 1897 : il s'agit d'un "lieu d'agréable villégiature, dont la pêche, la friture et les promenades en barque sont le principal passe-temps. Sa situation des plus enviables au bord de la Mayenne s'agrémente de collines boisées qui l'enveloppent de trois côtés […]. On y remarque la "Villa Caprice", aux multiples et confortables bosquets mis à la disposition des promeneurs". D'après la presse, ce restaurant comprenait deux grandes salles de 40 couverts, des tonnelles de différentes tailles, une écurie et remise, un bateau-réservoir à poissons destinés aux fritures, des canots pour la promenade ainsi qu'un gymnase complet. Des bals où l'on dansait au son de l'accordéon y étaient également organisés.

Célèbre jusqu'au milieu du XXe siècle pour ses restaurants et ses terrasses, Saint-Pierre-le-Potier était un lieu de fête et de délassement. Les établissements en bord de Mayenne possédaient de nombreuses tonnelles abritées par des arbres, visibles sur les cartes postales anciennes mais pratiquement disparues aujourd'hui. Le lieu avait également la réputation d'accueillir des amours clandestines, voire de la prostitution pendant la Seconde guerre mondiale. On y pratiquait des activités en lien avec la Mayenne, pêche, canotage, courses nautiques, natation, etc. En revanche, contrairement à Changé au nord de Laval, Saint-Pierre ne devient pas à proprement parler un lieu de villégiature, la construction de résidences secondaires de type villas ou chalets y étant difficile du fait du manque de terrain disponible. Une exception notable pourrait être une maison implantée sur la place, lointainement inspirée de l'architecture balnéaire avec sa façade en pignon couvert et son petit balcon à garde-corps en ciment imitation bois (rusticage) donnant étonnamment sur la rue principale et non sur la rivière . Un article de presse de 1897 mentionne d'ailleurs un lavallois "possédant un cottage" à Saint-Pierre.

Une des maisons visibles sur la petite place aurait pu constituer une exception. Sa façade en pignon couvert et son balconnet à rambarde en ciment imitation bois (rusticage) sont en effet caractéristiques de l'architecture balnéaire. Elle appartenait en effet à une famille de Saint-Pierre pour qui la vue sur la Mayenne n'était pas primordiale d'où le petit balcon donnant sur la rue et non la rivière.

Difficilement constructible, le village de Saint-Pierre-le-Potier a globalement conservé sa morphologie ancienne, bien que quelques pavillons y aient été ajoutés à la fin du XXe siècle et colonisent désormais le sommet du coteau. Toutefois, peu de maisons ont échappé à d’importants remaniements à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, faisant perdre au lieu une partie de son cachet. Saint-Pierre-le-Potier, moins fréquenté par les promeneurs du dimanche qu’il ne l’était au début du XXe siècle, conserve une âme de village et s’admire surtout depuis la rive droite de la Mayenne où passe l’ancien chemin de halage reconverti en chemin de promenade.

Le village de Saint-Pierre-le-Potier se situe au sud de la commune de Laval, à environ deux kilomètres de la sortie d'agglomération et quatre du centre-ville. Le site est fortement contraint par sa topographie : une étroite langue de terrain entre la rivière Mayenne et un coteau très abrupt. Saint-Pierre est donc un très modeste village-rue. L'axe unique qui traverse le village se termine en impasse, mais un passage à gué remplacé par un bac en activité jusqu'au XXe siècle, permettait de rejoindre L'Huisserie en traversant la Mayenne. Au centre, face à l'ancienne cale du bac, se trouve la chapelle Saint-Pierre, petit édifice roman. Les maisons du village à l'architecture plutôt modeste et hétéroclite, sont disposées de manière anarchique, parallèlement ou perpendiculairement à la rue et pour la plupart non mitoyennes. Les bords de la Mayenne et le coteau très escarpé sont colonisés par des jardins pour la plupart vivriers. Saint-Pierre-le-Potier conserve un charme de village rural étroitement lié au pittoresque de son site naturel et son environnement boisé.

Documents d'archives

  • Archives privées. Recherches de Didier Tiriau sur Saint-Pierre-le-Potier et ses environs.

Bibliographie

  • ANGOT, Alphonse (abbé). Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne. Laval : Goupil, 1902.

  • GUEDON, Isidore. Laval et ses environs, guide de l'étranger, 1897.

  • LEGROS, Sébastien. Moines et seigneurs dans le Bas-Maine, les prieurés bénédictins du Xe au XIIIe siècle. Rennes : Presses universitaires, 2019.

    p. 145-168
  • Le patrimoine des communes de la Mayenne. Paris : Éditions Flohic, 2002.

Périodiques

  • CLUB CARTOPHILE DE LAVAL ET DE LA MAYENNE. "Le bac de Saint-Pierre-le-Potier". Bulletin du club cartophile de Laval et de la Mayenne.

  • I. DUCUR, D. DUFOURNIER, L. LEGOULPEAU, L. LANGOUET, J. NAVEAU. "La céramique à "oeil de perdrix" et la production de La Hardelière à Laval (Mayenne)", "Archéologie médiévale, 1984.

    t. 14, p. 169-219
  • TIRIAU, Didier. "Histoire de la maison nommée Merdereau à Saint-Pierre-le-Potier (Laval)". La Mayenne, Archéologie et Histoire, t. 5, 2016.

    p. 69-75

Documents figurés

  • Plans cadastraux de Laval, 1808. (Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 2725 et CN 95).

  • Cartes postales anciennes du village de Saint-Pierre-le-Potier à Laval (Club cartophile de Laval et de la Mayenne).

Date(s) d'enquête : 2022; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Conseil départemental de la Mayenne
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
(c) Ville de Laval
Barreau Pierrick
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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Garnavault Sylvie
Garnavault Sylvie

Chercheure à l'Inventaire général du patrimoine culturel (Mairie de Laval).

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