Dossier d’œuvre architecture IA53004523 | Réalisé par
Barreau Pierrick (Contributeur)
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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  • enquête thématique départementale, rivière Mayenne
Demeure dite château
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Mayenne - Azé
  • Commune Château-Gontier-sur-Mayenne
  • Lieu-dit Haute-Roche
  • Cadastre 2022 C 1162
  • Précisions anciennement commune de Azé
  • Dénominations
    demeure
  • Parties constituantes non étudiées
    communs, écurie, remise, ferme, parc, mur de clôture, portail, bassin

L'ancienne Roche

Aucun bâtiment ne figure à cet emplacement sur le plan cadastral napoléonien de 1833. L'abbé Angot rapporte néanmoins qu'un certain Pierre de la Roche passait en 1376 un contrat avec les religieux de Saint-Jean-Baptiste de Château-Gontier : existait-il un ancien site féodal dont toute trace aurait disparu ? La microtoponymie révèle seulement que la butte surplombant la Mayenne, appelée le Gibet ou les Justices, était l'emplacement des fourches patibulaires de la châtellenie d'Ingrandes. Au XVIIe siècle, on extrayait la pierre de construction pour le couvent des Bénédictines dans la "perrière du Grand-Roc de la Roche". Les closeries de la Haute et de la Basse-Roche se situaient, à la fin de l'Ancien Régime, en contrebas de la butte, au bord du ruisseau le Souveron, à l'emplacement de l'actuel giratoire ; il n'en reste aucun vestige. Elles étaient alors propriété de l'hôpital Saint-Joseph de Château-Gontier qui les baillait à des fermiers. Saisies comme biens nationaux à la Révolution, elles sont toutes deux vendues en décembre 1794.

Les procès-verbaux d'estimation et de vente donnent une description succincte des lieux. La Haute-Roche consistait en "une maison pour le colon, chambre à côté, grenier sur le tout, une grange où est un pressoir qui est commun avec le propriétaire du lieu de la Basse-Roche, étables aux vaches, toits à porcs, étrages", un jardin et quelques pièces de terre et de vigne. Plus intéressant, la Basse-Roche comprenait également "une maison pour le colon, grenier dessus, une étable aux vaches, deux toits à porcs et étrages", un jardin, un verger et diverses terres, mais surtout "une maison de maître composée d'une cuisine, une chambre dessus et un grenier, plus une chambre à côté et un jardin". Cette maison de maître, qui se distinguait des autres bâtiments par la présence d'un étage et peut-être d'une couverture en pavillon, avait probablement été la résidence intermittente d'un régisseur des biens de l'hôpital Saint-Joseph ou de quelque notable castrogontérien qui venait y surveiller l'activité agricole des deux closeries.

En 1846, le notaire castrogontérien Louis-Jacques Bourbon rachète la butte du Gibet aux héritières Burnet-Merlin résidant à Paris et il y fait élever une petite ferme, dont la construction est portée au registre des matrices cadastrales en 1851. Après son décès en 1866, sa fille Aurélie-Rose Bourbon et son époux Pierre-Eugène Chevrier, notaire et maire de Sablé, mettent en vente en 1867 les nombreux biens familiaux sis à Château-Gontier, parmi lesquels "la closerie du Gibet ou des Justices en la commune d'Azé" comprenant "un corps de bâtiment construit en pierres et couvert en ardoises, composé d'un appartement à cheminée servant de cuisine, d'un cabinet aussi à cheminée et d'un second cabinet froid, mansardes et greniers au-dessus", une étable, un four à pain, un puits, un jardin, le bois et les terres alentour.

 

La construction du château actuel

La closerie est ainsi rachetée pour 16 000 francs par Julie Lesné (1811-1898), fille de Joseph Lesné, négociant, conseiller municipal à Azé et propriétaire du château d'Ingrandes. Celle-ci est veuve de François-Jacques Le Pecq (1805-1867), de son vivant médecin à Nogent-le-Rotrou puis à Château-Gontier. La veuve Le Pecq, qui demeurait à Angers mais possédait également la propriété de la Roche, achète la maison et les terres du Gibet et y commande la construction d'une grande demeure dite château. Celle-ci prendra le nom de Haute-Roche, pour effacer la sinistre mémoire du gibet d'Ingrandes. Les matrices cadastrales enregistrent la construction de l'écurie, de la remise et d'un logement de domestique en 1873, puis celle du château en 1876, enfin la démolition de la closerie de Louis-Jacques Bourbon en 1877. Selon l'abbé Angot, les plans sont livrés par Jean-Edouard Ramousset, architecte à Angers et à Paris, élève d'Edouard Moll. René Gadbin indique quant à lui que les communs auraient été construits par l'architecte angevin Auguste Beignet.

Le fonds de l'architecte René-Constant Fouilleul livre quant à lui des informations bien différentes. Il contient plusieurs mémoires qui indiquent que les travaux sont en cours dès 1868 : un "résumé des dépenses auxquelles devra donner lieu la construction de la maison que Mme Le Pecq demeurant à la Roche commune d'Azé se propose de faire ériger sur le plateau des Justices dite commune, conformément aux plans et dessins qui lui ont été remis par l'architecte soussigné", un "total général des dépenses prévues en rapport avec l'importance et le style de la construction projetée conformément à l'usage de nos contrées et aux règles de bonne construction" estimé à 55 000 francs, et un état des honoraires de M. Fouilleul pour la direction des travaux exécutés à la Roche. Ces documents indiquent que, si René-Constant Fouilleul n'est peut-être pas l'auteur des plans et devis initiaux, révisés au moins à deux reprises, c'est bien lui qui suit le chantier.

Déjà brouillés au sujet d'une querelle de voisinage concernant l'usage du Souveron, dont l'eau était notamment utilisée pour l'extinction de la chaux sur le chantier, la commanditaire et l'architecte se fâchent également sur certains choix de construction. Il apparait par exemple que le nombre d'ouvertures éclairant la cuisine et la laverie dans le soubassement du château ait été un important point de discorde. Mme Le Pecq fait alors appel à l'architecte angevin Edouard Moll pour visiter le chantier, lequel rédige un rapport daté du 7 mai 1868. Les brouillons des réponses de René-Constant Fouilleul sont conservés dans ses archives : assez curieusement, celui-ci invoque notamment pour sa défense les pratiques constructives locales. La correspondance cite également de façon récurrente un certain Chevrollier, qui pourrait être l'entrepreneur, peut-être Edouard Chevrollier, maçon de Château-Gontier. Dans les années 1900, les deux courtes ailes sur la cour sont semble-t-il ajoutées. En parallèle, les cheminées sont refaites par M. Avrignon, artisan à Château-Gontier, et pour les souches par Victor-Louis Poirier, tailler de pierre à Azé.

 

Le château et la Mayenne

Les jardins sont aménagés en même temps que le château est construit, comme l'indique une demande d'autorisation de 1868 pour réaliser "une plantation d'arbres d'ornement le long de la rive gauche de la Mayenne". Il fait mention dans les archives de deux paysagistes, un certain Gendron et un certain Aubert (?). Le premier est sans doute Théodore-Charles Gendron, horticulteur à Château-Gontier. Le second n'est pas identifié. Les matrices cadastrales font état d'une orangerie ainsi que du manège construit en contrebas du château, afin de puiser l'eau de la Mayenne. Une gloriette et des bancs sont également signalés. En 1899, l'instituteur communal évoque "un magnifique jardin anglais, pourvu d'un vaste réservoir et d'une machine aspirant l'eau de la Mayenne pour les besoins d'arrosage". D'après Michèle Cognard, "dans la station de pompage, l'eau arrive par infiltration dans un puits très large (d'environ 5m de diamètre). Elle est ensuite propulsée dans le bassin sur la façade est du château par trois pompes entraînées par un moteur à gaz pauvre, puis à partir de 1912 par une panémone (aéromoteur avec roue à pales), elle-même remplacée par une éolienne à hélice. Vers 1950, la station cesse de fonctionner, tous les éléments des systèmes de pompage ayant été volés".

Les propriétaires successifs formulent effectivement de nombreuses demandes pour être autorisés à utiliser l'eau de la Mayenne pour divers usages. Outre la prise d'eau pour les jardins et la ferme de la Roche, la veuve Le Pecq sollicite en 1871 l'autorisation de planter six pieux dans la rivière afin d'aménager un espace de baignade, bien qu'il ne soit pas précisé s'il s'agit de bains ludiques ou thérapeutiques. Quoi qu'il en soit, la demande est refusée pour ne pas risquer d'entraver la navigation. Suite au décès sans postérité de Mme Le Pecq le 16 avril 1898, la propriété passe à son neveu Achille-François Jallot, notaire à Sablé : Haute-Roche revient ainsi à la famille Jallot qui était déjà propriétaire des terres du Gibet au début du XIXe siècle. Celui-ci renouvelle l'autorisation de puiser dans la Mayenne l'eau nécessaire à l'irrigation du domaine en 1899. La même année, il obtient le droit d'établir, au bas du château, "une petite estacade pouvant [lui] permettre de prendre plus facilement le bateau à vapeur d'Angers et de protéger en même temps le cas échéant une ou deux laveuses", par l'installation d'une planche à usage de lavoir. En 1910, son fils et héritier André-Achille Jallot demande la prolongation de cette autorisation. Visible le long du chemin de halage, un aménagement maçonné pourrait en être le vestige.

Il faut également signaler que le château était pourvu, afin de mieux bénéficier du panorama sur la rivière et la vallée, d'un oriel vitré au centre de la façade principale. Une galerie couverte en terrasse (possiblement l'orangerie signalée dans les matrices), avait été édifiée contre le pavillon sud dans les années 1890. Connus par les cartes postales anciennes, ces deux aménagements ont été supprimés dans les années 1970. A la même époque, une partie du parc est vendue pour créer un lotissement.

La demeure est établie au sommet du rocher surplombant la rivière Mayenne, à la sortie sud-est de l'agglomération de Château-Gontier. Orientée à l'est, elle est construite parallèlement à la rivière et bénéficie d'une vue panoramique sur la vallée et la ville.

Le logis est construit en moellons enduits pour le gros-œuvre et en calcaire taillé pour les décors d'architecture. Bandeaux, corniches moulurées et chaînages d'angles quadrillent horizontalement et verticalement les façades. Les pleins-de-travée appareillés sont ornés de cartouches ornés de cercles en faible relief.

Il comprend un corps central double en profondeur à trois travées, flanqué de deux ailes à une travée chacune. Les hautes toitures couvertes d'ardoises sont couronnées d'épis de faîtage et de crêtes en zinc ; elles se signalent surtout par les deux souches de cheminées massives et très larges alternant assises de briques et de pierre calcaire, arrimées par de forts tirants métalliques.

Le corps central, à étage carré et étage de comble, présente des ouvertures en plein cintre au rez-de-chaussée et à linteaux droits à l'étage ; côté rivière, un balcon central à garde-corps métallique a remplacé l'oriel visible sur les cartes postales anciennes. La travée centrale, entièrement en pierre de taille, est couronnée par une grande lucarne à fronton en plein cintre, tandis que les deux autres lucarnes, plus petites, possèdent des frontons triangulaires. Une seule lucarne est visible côté cour. Chacune des deux ailes se compose de trois parties de hauteurs différentes. Côté rivière, un haut pavillon faiblement saillant avec second étage en surcroît et lucarnes à frontons cintrés ; côté cour, partie à étage carré et étage de comble avec lucarne à fronton triangulaire sur le côté et pignon découvert vers l'ouest ; dans le prolongement sur la cour, partie en rez-de-chaussée couverte en terrasse.

Les communs sont disposés à l'alignement de la route de Château-Gontier à Coudray, à laquelle ils tournent le dos. Le bâtiment des remises et écuries présente un plan en U : il se signale par ses chaînages et ses encadrements d'ouvertures alternant brique et tuffeau, ses lucarnes gerbières en plein cintre à pignons couverts et surtout par son haut fronton central, semble-t-il destiné à une horloge. Au centre du bâtiment, un passage couvert communique directement avec la route. Dans le prolongement vers le sud, un second bâtiment aujourd'hui remanié correspond à l'ancien corps de ferme.

Contraint par la route et la rivière, le parc, de dimensions relativement modestes, s'agrippe à la paroi rocheuse et se déverse à pic vers la Mayenne. C'est un bois touffu, mélange d'essences locales et importées (cèdres, etc), offrant une simple percée dans l'axe du château. La façade sur la Mayenne est dégagée par une terrasse en demi-cercle ; de l'autre côté, une allée circulaire devant le château fait le tour d'un grand bassin. Le potager, dont subsiste le mur de clôture, se trouvait de l'autre côté de la rue ; une maison y a été construite lors de l'aménagement du lotissement.

En contrebas, près du chemin de halage, se trouve l'ancien manège circulaire où était pompée l'eau de la Mayenne pour l'irrigation et les besoins domestiques.

  • Murs
    • pierre moellon enduit
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    rez-de-chaussée, 1 étage carré, étage de comble
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • toit à longs pans croupe
    • toit en pavillon
  • État de conservation
    bon état
  • Techniques
    • sculpture
  • Représentations
    • ornement géométrique, cercle
  • Précision représentations

    Pleins-de-travée appareillés ornés de cercles.

  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée

Documents d'archives

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 E 62/789. Inventaire après décès de Achille Jallot, incluant le domaine de Haute-Roche à Azé, 11 mars 1908.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 215 J 4. Fonds René-Constant Fouilleul ; documents relatifs à la construction du château de Haute-Roche à Azé, vers 1868.

  • Archives départementales de la Mayenne ; MS 80/5-2. Monographie communale d'Azé, par l'instituteur Le Roy, 1899.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 26, 479, 1413. Matrices cadastrales, registres des augmentations et diminutions de construction de la commune d'Azé, XIXe-XXe siècles.

  • Archives départementales de la Mayenne ; Q 302. Procès-verbaux d’adjudication des closeries de la Haute-Roche et de la Basse-Roche à Azé, 7 décembre 1794.

  • Archives départementales de la Mayenne ; Q 322. Procès-verbaux d’estimation closeries de la Haute-Roche et de la Basse-Roche à Azé, 1794.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 95 Q 70. Succession de la veuve Lepecq, incluant le château de Haute-Roche à Azé, 1898.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 222 Q 295. Vente des biens de la succession du notaire Louis-Jacques Bourbon, comprenant notamment la closerie du Gibet à Azé, 1867.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 S 509. Autorisations pour prélèvements d'eau et aménagements en bord de Mayenne pour le château de Haute-Roche à Azé, 1868-1910.

Bibliographie

  • ANGOT, Alphonse (abbé). Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne. Laval : Goupil, 1902.

  • COGNARD Michèle. "Le château de la Haute-Roche d'Azé". Chroniques du pays d'Azé, Château-Gontier-Bazouges, 1870-1879

    p. 123-132

Documents figurés

  • Collection de cartes postales anciennes des communes de la Mayenne. (Archives départementales de la Mayenne ; 5 Fi).

Date(s) d'enquête : 2022; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Conseil départemental de la Mayenne
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Barreau Pierrick
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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