Dossier d’œuvre architecture IA53004444 | Réalisé par
Barreau Pierrick (Contributeur)
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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  • enquête thématique départementale, rivière Mayenne
Demeure de villégiature dite château, la Roche
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Mayenne - Azé
  • Commune Origné
  • Lieu-dit la Roche
  • Cadastre 1865 A3 469 477 480 481  ; 2022 A 959 à 962
  • Dénominations
    demeure
  • Précision dénomination
    demeure de villégiature
  • Parties constituantes non étudiées
    ferme, dépendance, écurie, remise, cour, mur de clôture, portail, parc, puits, fabrique de jardin, kiosque, calvaire

La "Vieille Roche", un site féodal oublié

Le lieu tire de toute évidence son nom de sa position géographique et plus particulièrement de l’imposant rocher en bord de Mayenne situé en contrebas. Comme le rappelle justement l’abbé Angot dans son dictionnaire topographique, la Roche était, avant la Révolution, un fief mouvant de Laval. Plusieurs documents d’archives en attestent, comme les "amendes et remembrances des plectz de la Roche d’Origné" tenus par les sénéchaux Jehan Juheau et Guillaume Martin de 1513 à 1524. L’érudit relève les mentions d’une famille éponyme au milieu du XVe siècle, avec François puis Bertrand de la Roche, puis Jacques de la Roche en 1515.

Au milieu du XVIIe siècle, la seigneurie appartient à la famille Grimaudet : Renée Grimaudet, veuve de Jean-Jacques Lanier seigneur de Sainte-Gemme, François Grimaudet seigneur de la Croiserie et conseiller du roi au parlement de Bretagne, et Louis Grimaudet écuyer seigneur de Channoy sont cités comme coseigneurs de la Roche par indivision, dans une procédure contre leur fermier Jean Brillet concernant l’entretien du domaine en 1643. A cette occasion, une montrée des réparations nécessaires est effectuée, en présence de Martin Letessier maçon et Mathieu Basserin charpentier à Villiers-Charlemagne, ainsi que François Aubry couvreur d’ardoises à Origné. On y fait état du "logis et maison seigneurialle", avec salle, cuisine, chambres et greniers. La métairie et le logement du métayer sont en triste état, au point qu’on préconise la reconstruction à neuf de la grange-étable. La montrée se poursuit au moulin de Sée sur la Mayenne (détruit) puis au lieu de la Boucharderie, qui relevaient directement de la Roche.

En 1669, Charles Pinard, avocat à Laval demeurant paroisse de la Trinité, est propriétaire de la terre, fief et seigneurie de la Roche d’Origné par sa femme Marie Guinebault. La famille Rollande lui succède au XVIIIe siècle et dans la 1ère moitié du XIXe siècle. La Roche est toujours signalée comme fief sur la carte de Cassini au XVIIIe siècle, mais ne figure pas sur la carte de Jaillot de 1706. Visible sur le plan cadastral de 1835, une sorte de gros pavillon nommé "logis de la Roche" correspond à la résidence seigneuriale, dont il ne reste aujourd’hui que quelques pans de murs ruinés. Une ancienne baie en accolade témoigne néanmoins d’une construction des environs du XVIe siècle qui, déjà, bénéficiait d’une vue remarquable sur la vallée de la Mayenne. Le logement du fermier et les dépendances agricoles prenaient place à proximité. La présence de ces deux maisons avait dû favoriser la division du domaine en deux métairies distinctes avant même la construction du château moderne. La métairie dite du logis de la Roche incluait ainsi au milieu du XIXe siècle "un vieux logis, composé d’une cuisine, d’une décharge, de cuisine, d’une salle, d’une cave sous cette salle, d’un grenier au-dessus de la salle, d’une chambre sur la décharge, d’un grenier et de deux mansardes sur la cuisine" ; la métairie dite de la Roche comprenait une petite maison de colon. Toutes deux se partageaient un corps de dépendances avec étable, écurie, grange, "four de récente construction", grand pressoir et moulin à broyer les pommes. Les bâtiments sont en partie abandonnés et ruinés au cours du XXe siècle.

Une villégiature du milieu du XIXe siècle

La demeure actuelle de la Roche est attachée à la famille Duboys-Fresney qui la possède encore aujourd’hui. Implantée en Bretagne où elle exerce dans la magistrature à la fin de l’Ancien Régime, elle embrasse la carrière militaire puis politique au XIXe siècle : Etienne Duboys-Fresney (né en 1758 à Rennes, marié à Laval en 1801) est colonel ingénieur des fortifications de Saint-Malo. Son fils du même nom (1808-1893), lieutenant-colonel du génie, général de brigade et plus tard député de la Mayenne, réside essentiellement à Metz et rue Bellechasse à Paris, où il est directeur en second de l’école Polytechnique. Avec son épouse Claire Rondelou, il achète par l’intermédiaire de son frère lavallois Joseph les deux métairies de la Roche et le moulin de Sée en 1859, qu’il complète par l’acquisition des métairies voisines des Landes, de la Fromentière, du Pressoir de Gaudré, de la Hillière et des Coges en 1864, de la closerie et du moulin de Gaudré en 1866.

Le projet du couple est de faire édifier à proximité des bâtiments existants, dans un site naturel remarquable avec un panorama privilégié sur la vallée de la Mayenne, une résidence de villégiature pour la période estivale. L’architecte intervenu sur le projet reste toutefois inconnu : l’hypothèse que la maison ait été dessinée par son commanditaire lui-même, ingénieur militaire de son état, semble recevable mais ne peut être vérifiée. Les matrices cadastrales signalent que la nouvelle construction (maison et écuries) devient imposable à partir de 1868, les travaux sont donc probablement achevés dès 1865. Un parc paysager est également aménagé, son concepteur n’est pas davantage connu. On remarque, sur les cartes postales anciennes, une gloriette couronnant le rocher en contrebas de la demeure aujourd’hui disparue ; d’autres fabriques de jardin, une rocaille couronnée d’un calvaire et un kiosque, subsistent quant à elles. Le pittoresque du site de la Roche lui vaudra une eau-forte de Tancrède Abraham publiée en 1872 ainsi que de nombreuses cartes postales des années 1900.

Une description des bâtiments est fournie par la succession d’Etienne Duboys-Fresney en 1893 : "Le château : en son soubassement, un vestibule, une cuisine, une laverie, une décharge de cuisine, caves et caveau ; au rez-de-chaussée, un vestibule, un vestiaire, un petit salon, un grand salon, une salle à manger et office, water-closet ; au premier étage, six chambres à feu et cabinets de toilette ; au deuxième étage, chambres mansardées et grenier au-dessus". On imagine sans peine l’effet saisissant de la vue sur la vallée depuis les salons de réception et les chambres. Quant aux servitudes, elles comprennent grande et petite écurie, sellerie, remise à voitures et logement du cocher, pompe à eau, chenil et bûcher. "Le tout y compris les avenues, pelouses et allées dépendant du château d’une contenance de treize hectares quarante centiares".

Une commune façonnée par les Duboys-Fresney

Origné doit beaucoup à Etienne Duboys-Fresney, qui fut successivement conseiller général, député puis sénateur de la Mayenne. Il est l’artisan de la création de la paroisse (puis de la commune) en 1857 au détriment de Houssay, Nuillé-sur-Vicoin et Quelaines : il contribue largement à la construction de l’église (1879-1887), de l’école (1868) et du cimetière. Suite à son décès, ses biens sont partagés entre ses deux enfants survivants : c’est sa fille Ernestine, également bienfaitrice de la commune et notamment des œuvres religieuses, qui hérite de la Roche où elle vient par intermittence, résidant principalement à Paris boulevard Saint-Germain. Pendant quelques années, elle installe des jésuites à la Roche et le salon se voit temporairement transformé en chapelle. Un prie-Dieu et une cathèdre témoigneraient de ces aménagements.

Le frère de cette dernière, Etienne-Albert, qui hérite des autres biens familiaux, habite quant à lui Château-Gontier puis Paris. Second maire de la jeune commune d’Origné de 1866 à son décès en 1907, puis à son tour conseiller général de la Mayenne et sénateur, il s’intéresse à l’agriculture, préside le comice agricole ainsi que le concours agricole départemental et fonde la caisse de Crédit agricole de la Mayenne ; ses travaux parlementaires concernent surtout le statut des travailleurs agricoles. Etienne-Albert Duboys-Fresney et son épouse figurent également parmi les bienfaiteurs de l’hôpital de Château-Gontier.

Son fils Jacques est à son tour maire d’Origné dès 1908, conseiller général puis député à plusieurs reprises : il s’investit également beaucoup dans la vie locale avec par exemple la fondation de la seconde école d’Origné. Par une importante donation en 1924, il hérite de sa tante Ernestine le domaine de la Roche. La propriété reste temporairement inhabitée suite au décès de cette dernière. Elle est finalement réinvestie par la famille (Jacques Duboys-Fresney fils) qui s’y installe définitivement après la Seconde guerre mondiale.

  • Période(s)
    • Principale : 3e quart 19e siècle

La demeure occupe l'un des sites les plus remarquables et pittoresques de la vallée de la Mayenne : placée sur un promontoire dans l'axe d'un tronçon rectiligne de la rivière, elle bénéficie d'un panorama imprenable. L'effet est tout aussi spectaculaire depuis le fond de vallée, d'où la silhouette de l'édifice se découpe au sommet de son promontoire fait d'un entremêlement de rochers et de végétation. Cette mise en scène tout à fait théâtrale en fait l'une des demeures des bords de Mayenne qui s'imposent le plus dans le paysage.

Construite à l'aplomb d'un affleurement rocheux, la maison est orientée au nord, afin d'offrir au regard une vaste perspective sur la Mayenne. Par contraste avec un environnement naturel chaotique et vertigineux, l'architecture se veut simple, rigoureuse et élégante. C'est un bâtiment de plan rectangulaire, en moellons enduits, couvert d'une toiture à longs pans et à croupes brisés en ardoise et en zinc pour la partie supérieure. Les angles de la façade nord, en très léger décrochement, présentent des toits distincts simulant des pavillons, conférant à la silhouette donnant sur la vallée des allures trompeuses de château.

L'élévation présente quatre niveaux : soubassement, rez-de-chaussée, étage carré et étage de comble. Les façades nord et sud, parfaitement symétriques, présentent chacune cinq travées. Les murs sont en moellons enduits, tandis que la pierre de taille est réservée aux décors soulignant l'architecture : granite pour le niveau soubassement, tuffeau pour les niveaux supérieurs. On observe ainsi des chaînages d'angles et des encadrements de baies harpés à bossages, des bandeaux et une corniche moulurée. Les ouvertures sont en arc segmentaire ; la porte sud est accessible par un escalier qui se divise en deux volées convexes à mi-hauteur, orné de garde-corps en ferronnerie à décors géométriques et de pommes de pin ; la porte nord est quand à elle desservie par un petit escalier droit. Le dessin des lucarnes du comble est inhabituel, avec un encadrement en bossages, un contour finement ciselé et des épis en amortissement. Les hautes souches de cheminées qui couronnent les toits sont en brique et pierre.

La distribution intérieure est entièrement commandée par la vue sur la vallée : les salons de réception et les chambres donnent ainsi au nord. Les distributions, vestibule, escalier, couloirs, sont placés côté sud. Décentré et sans ostentation, l'escalier est placé sur la gauche du vestibule ; il est en bois et à volées droites. D'après un témoignage écrit : "la décoration intérieure était de style Napoléon III […]. On a pu le découvrir grâce à des restes de tentures, surabondantes à l'époque, des stores extérieurs en bois léger et des stores intérieurs en lin brodé, des rideaux épais doublés dont certains étaient remarquables par leurs motifs et leurs teintes. Les tapisseries étaient chargées et sombres avec des frises et des baquettes sculptées (par exemple le papier original de la salle à manger était couleur prune avec des losanges dorés tandis que le grand salon était de couleur vieux rose avec des tentures et des meubles recouverts du même tissu couleur rouge sang. L'ensemble du mobilier était noir ou marron foncé […]. A l'exception de la salle à manger et du grand salon dont les parquets en châtaigner sont joliment arrangés, tous les autres sols étaient recouverts de tapis de corde afin d'atténuer le bruit. Dans les chambres, tous les lits étaient enveloppés de baldaquins dont le tissu rappelait celui des meubles et parfois des murs".

A proximité de la demeure, orientées à l'est, les écuries-remises prennent la forme de deux vaisseaux parallèles reliés par un bâtiment transversal à deux lucarnes gerbières ; une tour carrée couverte d'un toit pentu est accolée au nord. Les ouvertures sont cintrées et pourvues d'encadrements en brique et pierre ; les pignons couverts sont ajourés d'oculi. Une tour carrée est accolée au nord. Le jardin potager clos de murs se trouve à l'arrière. Le portail de la propriété, à deux piliers surmontés de vases en fonte, est placé au-devant d'une mare artificielle. Des bâtiments aujourd'hui ruinés, correspondant à l'ancienne ferme, peut-être à l'ancien manoir pour certains d'entre eux, sont disposés autour.

La terrasse devant la façade nord de la demeure est sécurisée par un garde-corps en brique, dont on retrouve le motif devant les communs. Aménagé en amphithéâtre dans le creux du méandre de la Mayenne, le parc s'allonge sur environ un kilomètre. Un chemin est aménagé sur la crête du coteau pour profiter de différents points de vue sur la vallée ; il était longé par une barrière aujourd'hui disparue. Des sentiers abrupts permettaient de rejoindre des fabriques construites sur les rochers : une gloriette disparue en contrebas de la maison et un kiosque toujours visible au nord du parc. On y trouve également un calvaire monté sur une rocaille artificielle.

  • Murs
    • pierre moellon enduit
  • Toits
    ardoise, zinc en couverture
  • Étages
    sous-sol, rez-de-chaussée surélevé, 1 étage carré, étage de comble
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée, élévation à travées
  • Couvertures
    • toit à longs pans brisés croupe brisée
    • toit en pavillon
  • Escaliers
    • escalier de distribution extérieur : escalier symétrique en maçonnerie
    • escalier intérieur : escalier tournant à retours en charpente
  • État de conservation
    bon état
  • Techniques
    • ferronnerie
  • Représentations
    • ornement végétal, pomme de pin
    • ornement géométrique
  • Précision représentations

    Garde-corps de l'escalier extérieur à motifs géométriques et pommes de pin.

  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée

Documents d'archives

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 E 1/730. Aveu du lieu de l’Enguecherie rendu au seigneur de la Roche d’Origné, 1669.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 E 30/339. Partage des biens de la succession d’Etienne Duboys-Fresney, incluant le domaine de la Roche à Origné, 29 décembre 1893.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 109 J 105. Procédure entre le fermier et les coseigneurs de la Roche d'Origné, 1643.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 1 J 522. Plaids et remembrances de la seigneurie de la Roche d’Origné, 1513-1524.

  • Archives départementales de la Mayenne ; MS 80/24-7. Monographie communale d'Origné, par l'instituteur, 1899.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 295, 553, 1678. Matrices cadastrales, registres des augmentations et diminutions de construction de la commune d'Origné, XIXe-XXe siècles.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 222 Q 209. Achat de la métairie du logis de la Roche à Origné par Etienne Dubois-Fresney, 21 janvier 1859.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 222 Q 269. Achat de la métairie de la Roche et du moulin de Sée à Origné par Etienne Dubois-Fresney, 23 janvier 1859.

  • Archives privées. Historiques de la famille Duboys-Fresney et de la demeure de la Roche.

Bibliographie

  • ABRAHAM, Tancrède. Château-Gontier et ses environs : trente eaux-fortes. Château-Gontier : Bézier, 1872.

    p. 104
  • ANGOT, Alphonse (abbé). Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne. Laval : Goupil, 1902.

  • ANGOT, Alphonse. La Mayenne : sites, monuments et souvenirs du département.

  • CHAUSSIS, Gilbert. La Mayenne de village en village. Laval : Siloë, 1984-1988.

    t. 4, p. 148-149
  • Communauté de communes du pays de Château-Gontier. Focus sur Origné.

  • Le patrimoine des communes de la Mayenne. Paris : Éditions Flohic, 2002.

Documents figurés

  • Portrait de Jacques Duboys-Fresney, 1914. (Archives départementales de la Mayenne : 4 Fi 54).

  • Collection de cartes postales anciennes des communes de la Mayenne. (Archives départementales de la Mayenne ; 5 Fi).

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 2765. Plan cadastral napoléonien d'Origné, 1865.

  • Archives privées. Photographie du kiosque de la Roche d'Origné, début du XXe siècle.

Documents multimédia

  • Site internet : https://www.duboysfresney.fr/ [consult. 1/04/2022].

Date(s) d'enquête : 2022; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Conseil départemental de la Mayenne
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Barreau Pierrick
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Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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