Dossier d’œuvre architecture IA53004363 | Réalisé par
Barreau Pierrick (Contributeur)
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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  • enquête thématique départementale, rivière Mayenne
Maison dite château (vestiges), Malortie
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Archives départementales de la Mayenne

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Mayenne - Gorron
  • Commune Saint-Loup-du-Gast
  • Lieu-dit Malortie
  • Cadastre 2021 D 223
  • Précisions
  • Dénominations
    maison
  • Parties constituantes non étudiées
    écurie

Du site défensif au balcon sur la vallée

Surplombant un large méandre de la Mayenne, le site revêt un intérêt stratégique au moins dès le milieu du Moyen Age. En témoigne la motte féodale, à laquelle s’est accolée la ferme du Domaine, encore nettement visible à quelques centaines de mètres au sud de Malortie. La Mayenne devait être ici franchissable par un gué, puis par un bac signalé sur le pan cadastral napoléonien de 1835. La permanence d’un site seigneurial n’est pas avérée, aucun document ne faisant état de l’existence d’un manoir à la fin du Moyen Age ou pendant l’Ancien Régime. Dans ses travaux, l’abbé Angot reste très bref sur le Domaine où il n’identifie qu’une simple ferme très remaniée au cours du XIXe siècle. Cette ferme dépendait du château de l'Isle-du-Gast, à Saint-Fraimbault-de-Prières. A la Révolution, elle était saisie sur Pierre d’Héliand d’Ampoigné, noble réputé émigré, et vendue le 8 frimaire an III (28 novembre 1794) à un certain Le Maréchal, marchand à Mayenne.

La construction d’une demeure, dite château, légèrement plus au nord au XIXe siècle ne s’inscrit donc pas dans la continuité d’occupation d’un site féodal. Néanmoins, le site choisi n’était pas totalement vierge puisque les historiens y signalent les murs arasés d’un bâtiment carré non identifié, interprété comme une construction antique. Le château est édifié pour Augustine-Henriette d’Héliand et Louis de Malortie-Campigny, qui donnera son nom au lieu, bien qu’on trouve encore tardivement l’appellation de "château de Saint-Loup" à la fin du XIXe siècle. Rare vestige de la demeure, un fronton sculpté, frappé des armoiries des commanditaires, porte l'inscription 1841.55. Les travaux auraient ainsi été lancés en 1841 ; les matrices cadastrales signalent l’édifice achevé dès 1843 et imposable à partir de 1846. La date 1855, que l’on retrouve sur une croix à l’entrée de la propriété et dans le dictionnaire de l’abbé Angot, est plus difficile à interpréter : elle pourrait correspondre à l’achèvement des communs ou du parc, ou encore à l’adjonction des pavillons et des tours, en supposant que le château ait été élevé en deux campagnes successives. Les matrices cadastrales se font d’ailleurs l’écho d’une modification concernant le logis, enregistrée en 1866. Dans sa monographie de 1899, l’instituteur communal Besnard écrit à propos de Malortie : "Il est situé sur un coteau au bord de la Mayenne et dans un site magnifique. Les pierres qui ont servi à le construire sont presque toutes de granit. La base est rectangulaire. Du haut des tourelles placées à chacun des angles, on aperçoit Ambrières, Oisseau, la Haie-Traversaine". L’architecte n’est pas connu, bien que la composition générale rappelle certains châteaux élevés par (ou attribués à) Pierre-Félix Delarue en Sarthe et en Mayenne.

Les malheurs de Malortie

Dans la nuit du 22 au 23 décembre 1866, un incendie ravage "une riche galerie de tableaux et une précieuse bibliothèque comprenant de nombreux manuscrits", selon l’abbé Angot. Les indications divergent sur l’ampleur des dégâts sur la demeure. L’instituteur Besnard et l’abbé Angot semblent évoquer une reconstruction totale entre 1867 et 1872, confirmée par les matrices en 1876. Les travaux sont portés au nom du gendre du comte de Malortie, Louis-Auguste du Pontavice des Renardières, qui réside pourtant encore en son château du Bois-Bide près de Vitré en 1875 (d’après l’acte de naissance de son fils). La conservation des armoiries de Malortie (notamment le fronton de 1841 placé ou replacé au sommet de la travée centrale) et l’absence de celles du Pontavice, comme l’indiquent les cartes postales du XXe siècle, ainsi que les souvenirs de leur descendante, porteraient au contraire à croire que le château ne fut pas entièrement rebâti mais seulement restauré.

Pendant la Seconde guerre mondiale, Malortie est occupé par les Allemands et son propriétaire, Urbain du Pontavice, emmené en captivité. Le château est bombardé par les Américains postés à Lozé lors des combats dans le bourg de Saint-Loup-du-Gast, du 5 au 11 août 1944. Le bâtiment est ravagé par les flammes le 9 août. Les dégâts sont tels que la demeure et une partie des dépendances (étables, serre, hangar) sont entièrement rasées. De retour à Malortie, Urbain du Pontavice envisage la restitution à l'identique de la demeure, mais y renonce en 1947, demandant la transformation des écuries sinistrées en maison d'habitation à l’architecte lavallois Marc Delattre, agréé pour la Reconstruction (M. Viano et C. Juillet entrepreneurs). Le bâtiment est remis en état, surélevé d'un étage et pourvu d'une tour-pigeonnier abritant l'escalier. Le reste de la somme dévolue au titre des dommages de guerre est affecté aux fermes du domaine et à la construction d’un lotissement de cinq maisons à Laval, rue de la Senelle.

L'architecture de Malortie d’après les archives

La demeure, son aspect extérieur et ses dispositions intérieures sont plutôt bien connus grâce à de rares cartes postales anciennes et surtout aux plans dressés par Marc Delattre au sortir de la guerre. Orienté au sud vers le méandre de la Mayenne, il était construit en pierre de taille pour le soubassement, les encadrements et les ornements de façade, et en moellons de granite enduits pour le reste de l’élévation. Il comprenait un corps central à trois travées sur trois niveaux d’élévation, flanqué d’une tour circulaire postérieure et de deux pavillons latéraux plus bas, eux-mêmes pourvus chacun d’une tour d’angle côté sud. Les niveaux étaient soulignés par des bandeaux plats et des corniches, tandis que la travée centrale était mise en valeur par un perron maçonné et un balcon en ferronnerie. Toutefois, l’essentiel des décors se concentrait sur les lucarnes et les frontons, pour certains ornés des armes des Malortie (d’azur à deux chevrons d’or accompagnés de trois fers de lance du même, les pointes en bas) et des d’Héliand (d’or à trois aigles d’azur becquées et membrées de gueules) : les lucarnes pendantes des tours étaient coiffées de frontons triangulaires, celles des pavillons, à la base des toits, possédaient des frontons chantournés ; le couronnement des fenêtres du second étage du corps central, interrompant la corniche, comprenait deux frontons à volutes de part et d’autre d’un grand fronton cintré à ailerons surmonté d’une statue d’homme levant le bras gauche. Les toits étaient ornés d’épis de faîtage et de girouettes.

Une même symétrie gouvernait la composition des intérieurs avec, au rez-de-chaussée (surélevé), un couloir d’axe central donnant sur l’escalier rampe-sur-rampe inscrit dans la tour postérieure et séparant petit salon et salle à manger. Les pavillons accueillaient le grand salon, le bureau et l’office (donnant sur un escalier de service) et l’une des tours d’angle une bibliothèque. Au premier étage sont mentionnées six chambres et quatre cabinets de toilette, dont deux dans les tours. Le deuxième étage accueillait six autres chambres, une lingerie et, plus curieusement, une chapelle dans le comble du pavillon ouest, avec sacristie au sommet de la tour d’angle. Enfin, quatre chambres de domestiques occupaient un dernier niveau sous les combles du corps central. Le niveau de sous-sol était occupé par des caves voûtées, une laiterie, la cuisine et l’arrière-cuisine, une laverie et une chaufferie.

On appelle aujourd’hui "château de Malortie" une partie des anciens communs, seul vestige de la maison, dite château, entièrement démolie. Il s’agit d’un bâtiment de plan en F, largement remanié en habitation, qui comprenait à l’origine un logement de domestique, les écuries, une sellerie, un bûcher, une cave et une étable, surmontés de greniers à grains et fourrages. La tour-pigeonnier circulaire postérieure abrite l'escalier desservant l'étage, comme une évocation de l’ancien château et du statut de la demeure. Le bâtiment, près des vestiges du château détruit, est implanté au cœur d’un parc ceinturé d’arbres, une allée donnant accès à la demeure directement depuis le bourg.

  • Murs
    • granite moellon enduit
    • ciment
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    rez-de-chaussée, 1 étage carré
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • toit à longs pans croupe
    • toit conique
  • Escaliers
    • escalier hors-œuvre : escalier en vis
  • État de conservation
    vestiges, remanié
  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée

Documents d'archives

  • Archives départementales de la Mayenne ; 140 J 1. Chartrier de l’Isle-du-Gast, généalogie de la famille d’Héliand et pièces diverses.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 430 J. Fonds de l'architecte Marc Delattre, dossier de reconstruction du château de Malortie à Saint-Loup-du-Gast, 1945-1947.

  • Archives départementales de la Mayenne ; MS 80/10-6. Monographie communale de Saint-Loup-du-Gast, par l'instituteur Besnard, 1899.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 405, 707, 1633. Matrices cadastrales, registres des augmentations et diminutions de construction de la commune de Saint-Loup-du-Gast, XIXe-XXe siècles.

  • Archives départementales de la Mayenne ; Q 708. Vente de la ferme du Domaine à Saint-Loup-du-Gast comme bien national, 1794.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 445 W 270. Dommages de guerre, destruction du château de Malortie à Saint-Loup-du-Gast et remise en état des écuries, 1946-1956.

Bibliographie

  • ANGOT, Alphonse (abbé). Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne. Laval : Goupil, 1902.

  • ANGOT, Alphonse. La Mayenne : sites, monuments et souvenirs du département.

  • DE MALORTIE, Ernst. Historische Nachrichten der Familie von Malortie von 1132-1872. Hanovre : Blindworth’s Hof-Druckerei, 1872.

Documents figurés

  • Plans du projet de reconstruction du château de Malortie, plans de réhabilitation des communs en habitation, par l'architecte Marc Delattre, 1948-1949. (Archives départementales de la Mayenne ; 430 J).

  • Plan cadastral napoléonien de Saint-Loup-du-Gast, 1835. (Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 2822).

  • Carte postale ancienne du château de Malortie, 1ère moitié du XXe siècle. (Archives départementales de la Mayenne ; 445 W 70).

Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2021
(c) Conseil départemental de la Mayenne
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Barreau Pierrick
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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