L'église paroissiale, de sa fondation au milieu du XVe siècle
En 1177, sous l'abbatiat d'Audeburge de Haute-Bruyère, le large finage qui formait la partie nord de la paroisse de Roiffé, où était implantée l'abbaye de Fontevraud, fut soustrait par l'évêque Jean de Poitiers de la paroisse Saint-Martin de Roiffé (Vienne), dont il faisait partie, pour former une paroisse à part entière qui continuait de relever du diocèse de Poitiers. En dédommagement, la cure de Roiffé recevait annuellement une rente de 36 deniers (18 à la Pentecôte et 18 à la Saint-Luc) et les desservants de la nouvelle église paroissiale Saint-Michel de Fontevraud avaient obligation de s'y procurer les saintes huiles. L'abbesse avait droit de présentation à la cure et choisissait le desservant, sur lequel elle avait le même pouvoir que sur les religieux de l'ordre, dont il était généralement issu. Saint-Michel a alors le titre de prieuré-cure et le prieur-curé fait alors partie des "conseillers-nés" de l'abbesse.
Selon Célestin Port (cf. bibliographie : Dictionnaire..., t. 2, 1876, article "Fontevraud"), à l'origine de l'église paroissiale se trouverait une chapelle funéraire, construite probablement plus tôt au cours du XIIe siècle dans le vaste cimetière situé à l'ouest de l'ensemble monastique et placée sous le vocable de Saint-Michel. Seule une étude archéologique pourrait déterminer si l'édifice actuel recouvre ou conserve des éléments de ce qui serait l'ancienne chapelle funéraire ou s'il faut rejeter la tradition dont C. Port se fait écho pour voir en l'actuelle église une création ex nihilo.
Les trois travées orientales de l'église paroissiale Saint-Michel sont élevées entre la fin du XIIe et le tout début du XIIIe siècle ; on ne sait si l'église disposait dès cette phase de construction d'une quatrième travée à l'ouest (hypothèse qui est ici privilégiée) ou s'il s'agit d'un prolongement ultérieur (point de vue traditionnellement admis).
Les travées orientales de l'église paroissiale Saint-Michel sont élevées entre la fin du XIIe et le tout début du XIIIe siècle. Si la travée occidentale de la nef est de construction plus tardive, il se peut qu'il s'agisse d'une réédification (fin XVe ou début XVIe siècle) d'une travée ruinée : l'église pourrait donc avoir compté quatre travées dès son état initial.
En 1297, le desservant, Denis de Véron (frater Dyonisius de Verrone prior Sancti Michaelis), fonde une chapelle placée sous le vocable de Saint-Martin, attenante à l'église et qui doit correspondre au premier état de la chapelle latérale nord.
L'église paroissiale, du milieu du XVe siècle à la fin de l'Ancien Régime
Dans la seconde moitié du XVe siècle ou au début du XVIe siècle, la travée de façade de l'église est construite en style flamboyant, soit par simple souci d'allonger la nef (hypothèse du passage de trois travées à quatre), soit par nécessité de la reconstruire (hypothèse des quatre travées d'origine). Dans ce dernier cas, les ravages des bandes armées au cours de la guerre de Cent ou bien les conséquences d'un moindre entretien durant la longue période de crise que furent les XIVe et XVe siècles pourraient avoir causé la ruine de cette travée. La charpente qui la couvrait (intégralement restaurée depuis) a été datée par dendrochronologie de l'année 1511 (source : Service archéologique départemental d'archéologie de Maine-et-Loire).
Dès le Moyen Âge, plusieurs éléments sont venus se greffer contre l'église : au sud, un prieuré-cure (premier état de l'actuel presbytère) et peut-être aussi la sacristie pourraient flanquer la nef depuis le XIIIe siècle (voire dès l'origine) ; au nord, une barrière qui clôt le cimetière, érigée contre l'église, est attestée en 1478 ; à l'ouest, il est mentionné en 1554 qu'une demeure s'appuie contre le chevet (l'obstruction des baies orientales du chœur est donc antérieure), maison pour laquelle on précise en 1578 qu'elle est en appentis.
Afin de faire face à l'entretien et aux réparations de l'église, l'abbesse institue une fabrique pour Saint-Michel en 1543.
Les archives conservent plusieurs mentions de travaux effectués sur l'église depuis le XVIe siècle. En 1550-1551, la couverture de la nef est réparée, avec remplacement de plusieurs éléments de charpente et réfection des coyaux ; toutefois cette intervention est insuffisante et en 1553 "le danger de la ruine de l'esglize et cloché de Sainct Michel" nécessite d'importants travaux de charpente et de couverture. Jacques Boutin, peintre et maître verrier à Saumur intervient sur les vitraux de l'église en 1567 et des graffitis attestent qu'au XVIIe siècle certaines verrières sont aussi reprises par l'atelier des Champion, vitriers à Fontevraud.
Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, de nouveaux travaux sont menés. La partie orientale de la charpente connaît des interventions en 1661. En 1688, les charpentes de la nef et du clocher sont de nouveau en travaux et, dans le même temps, est aussi réparée la galerie charpentée extérieure qui longe l'église (vraisemblablement mise en place au cours du XVIIe siècle).
En 1696 est envisagé un très important chantier de restauration. À cette date, des désordres structurels du couvrement sont repérés qui nécessitent des travaux considérables de reprise des murs de la nef et du chœur, des voûtes, de la charpente et de la couverture. On ne connaît que le devis de cette intervention et il est difficile d'établir si tous les travaux ici envisagés furent réalisés. Outre la pose de nombreux tirants, il était en effet prévu de détruire les voûtes et l'arc triomphal et de les refaire à l'identique, ce qui poserait problème pour l'interprétation des parties hautes de l'actuelle église, qui ne semblent pas avoir connu une telle transformation.
Au cours du XVIIIe siècle, on relève plusieurs chantiers. En 1734-1735, des travaux de couverture sont réalisés sur l'église, toutefois c'est surtout la galerie extérieure qui est l'objet des interventions les plus importantes : la charpente est conservée, mais les piliers sont surhaussés et trois d'entre eux sont reconstruits en totalité.
Sans doute en mauvais état, la chapelle nord (dont on ne sait quand elle perdit le vocable de Saint-Martin) est rebâtie et couverte d'une voûte lambrissée ; le financement de cette réfection est notamment permis grâce au don de 1.120 livres fait à la fabrique, sans doute par voie testamentaire, par l'ancien vicaire Joseph Boutault. La bénédiction de cette nouvelle chapelle, sous le vocable de Saint-Joseph, est assurée le 7 octobre 1742 par Henri Louis Cherbonnelle, prieur de Saint-Jean de l'Habit, commis à cet effet par l'évêque de Poitiers.
En 1750, les registres paroissiaux mentionnent qu'il convient "d'empêcher la ruine totale du clocher qui est prët à cabrer" et il est possible que d'autres réfections eurent lieu, sans que l'on n'en conserve trace.
Enfin, il semble que ce soit dans le troisième quart du XVIIIe siècle qu'ait été installée dans la première travée de la nef la tribune en charpente qui s'y trouve encore de nos jours : percée en partie haute du mur nord, la porte qui permet d'y accéder depuis un escalier établi sous la galerie extérieure est en effet couverte d'une plate-bande dont la clef est datée de 1761.
L'organisation et l'ornementation anciennes de l'église ne sont livrées que par bribes, dans diverses sources d'archives : registres paroissiaux, actes de fondations pieuses, testaments ou encore marchés de travaux. Les recherches ici conduites ne sont en rien exhaustives et les mentions repérées ponctuellement sont livrées pour information a minima : on sait ainsi qu'en 1485, on y trouvait les « images » (sculptures) de s. Jean-Baptiste et de s. Jacques et en 1538 une « ymage » de Notre-Dame ; une chaire est mentionnée en 1623 ; outre le maître-autel, plusieurs autels sont mentionnés et placés sous divers vocables : Saint-Hilaire (attesté en 1538), Saint-Jacques (attesté de 1569 à 1708, avec à cette date mention d'une chapelle Saint-Jacques), Saint-Jean (attesté en 1538), Saint-Joseph (attesté depuis au moins 1641), Saint-Martin (sans doute depuis 1297 et encore attesté en 1538), Saint-Nicolas (attesté de 1538 à 1569), Sainte-Barbe et Saint-Roch (attesté en 1538, mention de Sainte-Barbe seulement en 1569), Sainte-Némoise (attesté de 1658 à 1680), Notre-Dame (attesté de 1502 à 1661) qui semble différent de l'autel Notre-Dame du Rosaire (attesté de 1654 à 1676 et qui était en vis-à-vis avec l'autel Saint-Jacques ; en 1661, on mentionne une chapelle du Rosaire) ; etc. Sur le plan de l'abbaye et de ses abords, dit de 1762, on peut repérer quatre de ces autels : le maître-autel, celui de la chapelle Saint-Joseph et deux autels se faisant face au pied des piles à colonnes engagées qui portent l'arc triomphal.
Plus intrigante, la mention de la construction d'un « jubé » par l'entrepreneur Antoine Cailleau en 1741 renvoie sans doute plutôt à celle d'une tribune (aujourd'hui disparue) percée à cette même période dans le mur sud de la première travée de chœur pour que les filles de Louis XV puissent assister aux offices en empruntant le plus court chemin depuis les bâtiments abbatiaux du Clos Bourbon où elles résidaient.
La présence de Mesdames de France à Fontevraud se traduisit également par des dons faits à Saint-Michel : l'une d'elles, Victoire, offrit ainsi en 1748 une cloche gravée aux armes de France (conservée dans le clocher), par ailleurs une inscription (XIXe siècle ?) et leurs armes permet d'attribuer aux princesses le don en 1755 du tableau de Saint Joseph à l'Enfant qui orne l'autel Saint-Joseph. Il est difficile d'établir les conditions de réalisation du retable architecturé qui contient ce tableau, même si plusieurs hypothèses peuvent ici être proposées. Ce retable porte en effet la date de 1753, ce qui est assez tardif par rapport à la réfection de la chapelle en 1741-1742, mais qui correspondrait peut-être à une conception préparant l'insertion du tableau avant sa livraison. Il est pourtant tout aussi possible que la toile ait été insérée plus tardivement à un retable qui paraît de toute façon un remontage puisqu'il semble mêler des éléments du XVIIIe siècle à d'autres qui paraissent plus anciens et d'un style très orné rappelant les productions mancelles des premières décennies du XVIIe siècle (amortissement très ornemental, colonnes cannelées à bagues décorées de rinceaux). Deux des colonnes sont frappées des monogrammes SFX et SIDL (pour saint François Xavier et saint Ignace de Loyola), deux saints jésuites auxquels n'est toutefois consacré aucun autel de l'église Saint-Michel, mais dont la date de canonisation, en 1622 (bulle promulguée en 1623), peut être mise en relation avec la période où la présence du retablier manceau Gervais Delabarre est attestée à Fontevraud. Il est tentant de rapprocher ces éléments d'un autel et une chapelle de l'église abbatiale, qui étaient consacrés à ces deux saints dans l'abbatiale, attestées en 1670, mais pour lesquels (dans l'état actuel des recherches) on ne trouve pas de mention dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Ce retable pourrait donc être un remontage d'éléments provenant de l'abbaye. La date de 1753 portée sur ce retable correspond, par ailleurs, à celle du passage d'une mission de frères jésuites à Fontevraud où, du 11 mars au 7 avril, ils procédèrent à l'installation dans le village de trois croix de mission, aux carrefours de l'Ormeaux (actuelle place Bernard Triquier) et de l'Ânerie (aujourd'hui carrefour des rues de l'Hermitage et Saint-Lazare) et près de la chapelle Saint-Maimbœuf. Il est donc possible qu'à cette occasion fut aussi décidé, sans modifier le vocable de la chapelle Saint-Joseph tout juste reconstruite en 1741-1742, d'édifier dans l'église paroissiale Saint-Michel ce retable marqué des monogrammes des deux saints jésuites, avec peut-être remploi d'éléments provenant de l'abbaye (ou inspirés de l'autel consacrés à ces deux saints qui s'y trouvait).
Enfin, jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, l'église fut aussi un lieu d'inhumations et à la lecture des registres paroissiaux, on peut noter que de nombreuses personnes s'y firent enterrer. Certaines familles y eurent même un caveau, comme les Delamotte, dynastie d'architectes au service de l'abbaye, dont l'un des membres, Nicolas, entrepreneur des ouvrages du Roi, est enseveli là en 1704 « au sépulcre de ses ancestres ».
L'église, de la Révolution française à nos jours
Sous la Révolution, l'église Saint-Michel accueille temporairement des séances du Conseil municipal. Lorsque les ordres réguliers sont abolis et que bâtiments abbatiaux sont confisqués au titre des biens nationaux, il est envisagé de transformer l'abbatiale en paroissiale et la question se pose du devenir de Saint-Michel. En définitive, avec le choix de transformer l'ancienne abbaye en maison de détention, Saint-Michel demeure l'église paroissiale de Fontevraud. Durant la tourmente révolutionnaire, l'église est vidée d'une partie de son mobilier liturgique et deux des cloches sont fondues. Toutefois, lorsque les bâtiments monastiques sont dépouillés de leur ornementation, divers éléments sont démontés ou récupérés pour être réinstallés dans l'église Saint-Michel. Ainsi, Alexandre Guerrier, ancien frère de Saint-Jean-de-l'Habit devenu prêtre assermenté de Saint-Michel (puis démissionnaire et maire de la commune), parvient à récupérer une partie des objets liturgiques de Saint-Jean-de-l'Habit pour en doter Saint-Michel. D'autres éléments, remarquables, sont aussi directement récupérés de l'abbaye entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle, comme le tabernacle de bois doré (1621) du maître-autel de Notre-Dame de Fontevraud et sans doute aussi des éléments démembrés du retable architecturé qui l'entourait jusqu'alors (issu des aménagements du chœur de l'abbatiale réalisés par Gervais Delabarre en 1621-1623). Les retables architecturés de la nef proviennent aussi probablement du complexe monastique. Au fil du XIXe siècle, des particuliers qui avaient parfois protégé, récupéré ou acquis certaines des œuvres de l'abbaye en firent don à Saint-Michel. Si elle abrite aussi des oeuvres d'autre provenance, l'église Saint-Michel, de par sa proximité, est donc l'un des principaux conservatoires d'objets fontevristes, même si plusieurs églises des paroisses environnantes en reçurent aussi leur lot (Montsoreau, Turquant, Lerné, etc.).
Au cours des XIXe et XXe siècles, l'église connaît de nombreux travaux d'entretien, de restauration, voire de reconstruction.
La charpente aurait été partiellement refaite en 1805, avec remplacement ou confortement d'entraits et poinçons par des moises.
Les années 1864-1881 sont un chantier permanent et il est à noter que Francisque Masson, l'architecte de la Maison centrale de détention de Fontevraud, est régulièrement sollicité pour ces travaux. En 1864, le clocher est réparé, puis restauré à nouveau (1873-1876) après avoir été endommagé par la foudre en 1873. En 1867, dons de la famille Barré-Hudault, trois nouvelles verrières sont posées dans le chœur et la nef, réalisées par l'atelier de Lucien-Léopold Lobin à Tours. La sacristie est refaite en 1872-1874. La chapelle Saint-Joseph est en partie reconstruite en 1876 (notamment mur nord et couvrement voûté en tuffeau). En 1875-1878, des problèmes structurels (lézardes et déversements) surviennent dans la seconde travée de la nef, conséquences de l'installation au début du XIXe siècle des retables architecturés provenant de l'abbaye, qui surchargent les sols et fragilisent les élévations qui avaient été reprises pour les y fixer ; les piliers de l'arc triomphal et la voûte de cette travée sont alors consolidés. Enfin, une chute de grêle durant l'été 1880 oblige à reprendre l'ensemble de la couverture d'ardoises des toitures de l'église en 1881. C'est sans doute dans ces mêmes années que le décor de polychromie du chœur fut restauré et complété.
Le chœur et la porte nord de l'église sont protégés au titre des monuments historiques par arrêté du 9 septembre 1909. L'église ne connaît que des interventions mineures dans les premières décennies du XXe siècle. En 1942, le bas des murs du chœur reçoit un décor de peintures murales, réalisées par René Rabault (1884-1969), décorateur à Angers.
La protection au titre des monuments historiques est révisée et l'église est entièrement classée le 12 avril 1955. Un examen minutieux de l'édifice accompli parallèlement à cette procédure montre l'état très dégradé de la charpente et la fragilisation induite du gros-œuvre. Dès lors sont menées d'importantes réfections de la couverture ainsi que des travaux complémentaires de maçonnerie, en plusieurs campagnes étalées de 1953 à 1993 : consolidation des charpentes, remise en état du clocher, couverture du chœur et de la galerie extérieure, restauration de vitraux, etc.
Dans la seconde moitié XXe, sous l'impulsion du desservant, l'abbé Joseph Pohu (prêtre de la paroisse de 1951 à 1996) et en accord avec les services de l'État, de nombreuses œuvres d'art, souvent reléguées dans la sacristie ou le presbytère, sont redéployées et mises en sécurité dans l'église, ce qui en fait aujourd'hui, au-delà de l'édifice lui-même, un lieu de visite majeur.
Photographe auprès du Conseil départemental de Maine-et-Loire - Conservation départementale du patrimoine jusqu'en 2018.