La forêt de Fontevraud aux XIXe et XXe siècles
L'abbaye de Fontevraud disposaient d'un immense domaine forestier qui, au-delà même des secteurs boisés de l'actuelle commune de Fontevraud-l'Abbaye s'étalait sur les territoires de nombreuses communes alentours. Cet ensemble avait été constitué à partir de dons reçus par la communauté fontevriste dès son établissement au début du XIIe siècle, puis accru au fil d'autres donations ou acquisitions. Ce domaine fut utilisé comme réserve de bois d'œuvre ou de chauffage, mais certains secteurs en furent défrichés, voire surexploités et il semble qu'une partie au moins des landes que l'on rouve aujourdhui au cœur même de ce massif forestier résulterait de surpâturage après les défrichements médiévaux.
À partir du XVIe siècle, l'administration en est mieux connue grâce à la documentation conservée et montre une attention scrupuleuse de la part des abbesses quant à la gestion de leurs immenses étendues de futaies, taillis et bruyères.
Possessions de l'abbaye saisie au titre des biens nationaux lors de la Révolution française, la forêt de Fontevraud fut gérée par l'Etat jusqu'au début des années 1830, puis aliénée par le Ministère des Finances à la suite de la loi du 25 mars 1831. Les près de 1.400 hectares qui composaient cet ensemble de forêts et de landes, étaient situés sur la commune de Fontevraud, mais aussi sur les communes voisines (Turquant, Couziers, Roiffé et Saix). L'ensemble est divisé en 14 lots, tous acquis par acte du 5 septembre 1832 pour la somme de 701 000 francs par la Société de la forêt de Fontevrault, société civile sous seing privé formée entre cinq associés. Il s'agit d'un investissement spéculatif et les cinq associés étaient des notables d'Angers et environs : Auguste Brichet, notaire, Sulpice Caillault, rentier, René-Pierre Deschères, banquier, René Orfray, expert, et Rigobert Pachaud, notaire.
Une part de ces domaines, dont certains étaient assortis d'un droit de défrichement limité, est détaillée et revendue, et plusieurs des acquéreurs y installent des bâtiments d'exploitation dont un exemple des plus remarquables était la ferme modèle dite Maison Jouanne, construite vers 1838.
Les biens demeurés aux mains de la société sont également mis en valeur et ils font ainsi construire sur le territoire communal de Fontevraud, sans doute vers 1835-1840, les fermes dites de la Grande Rande, des Racaux ou de la Petite-Rande et de Chanteloup.
Le 25 février 1833, l'inspecteur des Eaux et Forêt Charles Boré rentre en participation d'un sixième dans la Société de la forêt de Fontevrault. Cependant, la société, administrée en délégation par MM. Caillault et Orfray, avec pour agent local, M. Brénezay, demeurant à Fontevraud et chargé des ventes, s'avère assez mal gérée. Les trois-quarts des terrains acquis en 1832 finissent par être cédés, mais le rapport ne semble pas à la hauteur des attentes. Deux des associés étant décédés, la dissolution judiciaire de la Société de Fontevrault est prononcée une première fois le 28 août 1849, puis confirmée le 15 juillet 1851.
Ce sont précisément les biens détenus par plusieurs des anciens associés ou leurs héritiers, augmentés de quelques terrains qu'ils avaient rachetés, que convoite la Maison centrale de Fontevraud depuis 1846. L'administration carcérale entrevoie en effet l'intérêt qu'il y aurait pour elle à acquérir ou à disposer par un bail long d'une large superficie de ces anciennes forêts, landes et terres, afin de développer la colonie pénitentiaire de jeunes détenus, à l'étroit sur les terres de Mestré qu'elle tient à bail depuis 1842.
Dans un premier temps, l'acquisition en est reportée, mais plus de 400 hectares des « fermes de la forêt de Fontevraud », dont près de la moitié sur la commune de Fontevraud, sont loués pour 18 ans, par acte du 8 janvier 1853, par l'administration pénitentiaire qui y établit les jeunes détenus formant la colonie dite du Boulard. Ce bail contient, par ailleurs, à l'article 8, une clause qui envisage la possibilité pour l'État d'acquérir l'ensemble des terrains pour une somme fixée à 197 500 francs s'il en émet le souhait au plus tard le 31 décembre 1855. Un décret impérial du 14 novembre 1855 autorise cette achat qui intervient par actes des 15 et 18 avril et 10 mai 1856.
Vers 1856-1857, à proximité de cette colonie pénitentiaire, une ferme modèle, la Garenne de Beaurepaire, est construite sur une parcelle acquise pour son propre compte par Alphonse Marquet, directeur de la Maison centrale de détention.
En 1860, la colonie pénitentiaire et ses domaines sont détachés de la Maison centrale de Fontevraud pour devenir la colonie pénitentiaire de jeunes détenus de Saint-Hilaire de Roiffé. Sur la commune de Fontevraud, elle est installée, notamment, dans les bâtiments des fermes de Chanteloup et du Chardon. La plupart des autres bâtiments d'exploitation, progressivement abandonnés, sont par la suite arasés ou ne demeurent qu'à l'état de ruines. La colonie pénitentiaire devient Ecole de réforme Saint-Hilaire en 1893, Maison d'éducation surveillée par décret du 31 décembre 1927, puis Institution publique de l'éducation surveillée par circulaire du 25 février 1940 ; elle ferme ses portes en 1975.
Une partie des landes et bruyères de ces domaines en avaient déjà été prélevés, à la fin du XIXe siècle, pour y établir un terrain de manœuvre pour la garnison de Fontevraud. Doté d'un petit champ de tir, ce site est choisi pour l'implantation d'une base américaine durant la Première Guerre mondiale. De nombreux espaces boisés sont alors détruits et à l'issue de la guerre cette base passe à l'Ecole de cavalerie de Saumur. Le camp militaire est agrandi progressivement jusqu'à connaître une énorme extension au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, notamment après les expropriations menées à la suite d'un décret de 1972. Une immense partie de la forêt de Fontevraud est désormais intégrée aux plus de 3.000 hectares (sur plusieurs communes) qu'occupe aujourd'hui la base, affectée à l'armée blindée, à la défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique et à des entrainements de commandos.
Photographe auprès du Conseil départemental de Maine-et-Loire - Conservation départementale du patrimoine jusqu'en 2018.