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Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    moulin
  • Aires d'études
    Guérande
  • Adresse
    • Commune : Guérande

L´étude des moulins de Guérande montre que cette commune était riche en moulins à vent de types variés et successifs : turquois, petit-pied, moulins-tour. Les archives, très lacunaires, nous donnent cette impression de trois phases successives et bien marquées dans le temps. En réalité les faits techniques sont certainement plus rapprochés chronologiquement et l´apparition d´un nouveau type de moulin n´a pas impliqué la disparition immédiate des précédents, les nouveaux moulins coexistant avec les anciens ; la tradition, grande force d´inertie, et le manque de numéraires, empêchèrent durablement les innovations et les modernisations de toucher l´ensemble du parc technique concerné.

Le Pays Guérandais s´inscrit dans la vaste zone d´implantation du moulin turquois qui s´étend de la Normandie au Bas-Poitou. Avec le moulin à pivot fixe, ou "à chandelier", tout en bois, il s´agit de l´un des deux moulins premiers, apparus probablement au cours de la seconde moitié du 12e siècle. S´il offrait l´avantage de suppléer les moulins à eau en cas de sécheresse, il présentait quelques inconvénients, et principalement celui d´être difficilement réparable en cas de rupture du pivot. Il fallait sans doute rehausser la cage sur des échafaudages prenant appui sur le sommet de la tour pour procéder au démontage des parties rompues du pivot, puis remettre un pivot neuf en le passant à travers la charpente de la cage pour le faire descendre dans le conduit vertical de la tour. Cette opération, longue et complexe, a dû décourager certains meuniers qui ont imaginé de laisser la cage reposer sur le sommet de la tour et de poser la coiffe du moulin sur un chemin de glissement circulaire à la partie haute de ladite cage. Le renvoi d´angle étant centré par rapport au centre géométrique de la cage et de l´axe de giration de la meule, un nouveau moulin était ainsi créé ; sa cage, bientôt circulaire - à moins que des turquois à cage circulaire n´aient existés ? -, débordante par rapport au pied, adopte ainsi une morphologie typique : celle des petits-pieds.

En quel lieu, en quelle province cette mutation eut-elle lieu ? Est-elle locale, ou bien les petits-pieds ont-ils été importés du nord de la Bretagne où des moulins semblables sont mentionnés au cours du dernier tiers du 14e siècle, mais possédant une cage en pans de bois, en "hourdis" qui leur donnait leur nom (moulins à "houdais"). Rien actuellement ne permet de trancher définitivement la question, bien que la structure archaïque de la cage de ces derniers puisse militer en faveur de leur antériorité.

L´étude des élévations intérieures de trois des moulins à petit-pied de Guérande nous conduit à penser qu´originellement, la tourelle des moulins ne servait que de support à la cage,et que l´on accédait à celle-ci par l´une des deux portes hautes en y appuyant une échelle. Les sacs de farine y étaient hissés grâce à un treuil (le travouillet) que l´on disposait sur des corbeaux saillants des montants des portes. Les deux paires de meules devaient être disposées sur un beffroi (la"poquerie") ce qui permettait d´ensacher la mouture juste sous les meules. Vers la fin du 14e siècle, le vieux système de trempure comprenant un seul gros levier diamétral réglable grâce à une vis (ou à un levier), fut, dans la plupart des cas, remplacé par un nouveau système à trois leviers successifs,nécessitant une force motrice moindre et offrant la possibilité d´un réglage de l´écartement des meules plus précis et plus souple. À la même époque, les deux phénomènes étant peut-être liés (?), les meuniers voulurent créer une circulation intérieure, mieux abritée en hiver. Cependant, en raison del´exiguïté des tourelles, on ne pouvait construire un escalier partant du sol qui aurait occupé presque tout l´espace interne et y aurait empêché tout stockage. La solution consista donc à aménager des petits escaliers incommodes dans la partie haute des tourelles pour pouvoir monter dans la cage, ces petits escaliers étant eux-mêmes accessibles par une échelle intérieure.En même temps que se développaient les petits-pieds, dans le courant du 14e siècle les moulins-tours apparurent également, inspirés des premiers : un type particulier, est présent à Guérande (Moulin du Bout de la Rue, Moulin de Beaulieu, Moulin Neuf de Saillé, détruit) qui se caractérise par la présence d´un empattement et de portes hautes à l´étage, munies de corbeaux pouvant recevoir un treuil à monter les sacs par l´extérieur. Ces traits constituent à nos yeux une sous-famille de moulins-tours spécifiquement bretonne, dont la tradition constructive perdure jusqu´au cours de la première moitié du 19esiècle, comme le démontre le moulin de Narbon, à Erdeven (Morbihan), construit en 1805.

En denier lieu, nous noterons que les hauts moulins-tours de Guérande de la seconde moitié du 19e siècle,construits de novo ou venus remplacer une partie des moulins-tours anciens de type "breton" mentionnés ci-dessus et une partie des petits-pieds traditionnels, équipés à la moderne d´autant que souvent leur force motrice était parfois renforcée par la présence d´une machine thermique,font partie d´une large plus famille de ces moulins, couvrant tout l´Ouest de la France, et qui tenta de résister vainement à la meunerie industrielle et hydraulique triomphante.

L'étude des archives concernant le territoire de la commune de Guérande permet de constater que pour l'Ancien régime, la plupart des manoirs et des grands domaines possédaient un moulin, le plus souvent à vent, parfois à eau. Le moulin apparaît donc, au même titre que la chapelle ou l'enclos défensif, comme un symbole de la puissance féodale. En raison de la rareté des cours d'eau, les moulins à énergie hydraulique étaient très peu nombreux, trois seulement, détruits, ont été repérés, l'un à Kercabus, l'autre près de l'ancien manoir de Cardinal, le dernier sur l'étang de Crémeur. En revanche, les vents océaniques, forts et constants favorisaient la meunerie éolienne.

Les moulins à vent occidentaux sont apparus en Normandie et dans le sud de l'Angleterre à la fin du XIIe siècle. Les deux premières mentions de moulins à vent à Guérande ne datent que de la fin du XIVe siècle et concernent ceux du Bontelle, près de Cardinal (1392) et de Colveux (1400). Au cours des deux siècles suivants, d'autres mentions désignent plus précisément les moulins à vent guérandais par les qualificatifs typologiques suivants : un moulin « turcaisserre » (Clis, 1423), un « moulin turquoys » (La Place, 1540), ou un « moulin à chandelier turquois » (La Place, 1557). D'autres moulins, dont ne subsistent que les ruines, nommées « masses », ou « vieilles masses », sont mentionnés tardivement aux XVIIe et XVIIIe siècles, notamment à Clis, en 1653 dans l'appendice de la seigneurie de Crémeur. Les nombreuses masses de moulins tronconiques ou cylindriques en maçonnerie, percées en leur centre d'un conduit vertical étroit, présentes dans l'ouest du territoire national depuis la Normandie jusqu'au Poitou et du pays guérandais jusqu'en Anjou, ont été identifiés depuis les années 1970, comme les vestiges de ces moulins turquois. Celle de Tréveday, la seule conservée à Guérande, est l'une d'entre elles.

À la fin du Moyen Âge, et au début de l'Époque Moderne, de nouveaux moulins sont construits près de ces dernières, venant remplacer un certain nombre de ces moulins primitifs ; ces nouveaux venus, dépourvus de qualificatifs dans les sources, sont cependant identifiables comme des moulins à petit-pied dont six sont conservés et datables des XVe et XVIe siècles grâce à certains éléments stylistiques (décor porté d'accolades et chanfreins, moulins de Kercabus, moulin de Cardinal, moulin du Bout-de-la-Rue transporté à Batz-sur-Mer), des armoiries (Moulin de Crémeur) ou un chronogramme (3e Moulin de la Place, détruit, portait la date 1531). Une analyse dendrochronologique des bois de la trempure conservés à l'intérieur du Moulin de Drézeux, permet même de dater celui-ci de la fin du XIVe siècle ou du début du XVe siècle, plus précisément entre 1394-1417.

Au cours de l'Époque moderne, un autre genre de moulin éolien s'implante sur le territoire de Guérande ; il s'agit de moulins-tours de petite taille. Trois sont repérés : ceux de Beaulieu et du Bout-de-la-Rue, conservés, et le Moulin-Neuf de Saillé, détruit, mais dont la structure et la date de construction sont connues par un marché de 1688.

À partir du milieu du XIXe siècle, avec l'adoption de la volée Berton réglable depuis l'intérieur du moulin et qui n'impose plus que les ailes passent à ras du sol afin de pouvoir les vêtir, les tours sont rehaussées et les moulins construits de novo comportent désormais deux ou trois étages, parfois quatre, le stockage et la puissance d'écrasement étant augmentés. À la même époque, certains moulins à petit-pied, comme ceux de Careil ou de la Motte, au Clis, sont également rehaussés.

Dès les années 1830-1840, avec les progrès techniques dans la construction des roues et l'apparition des turbines hydrauliques, le nombre de paires de meules est multiplié dans les moulins à eau qui se transforment en véritables minoteries, puis l'emploi généralisé des machines à vapeur et des broyeurs à cylindres dans les multiples usines installées sur la Sèvre Nantaise ou sur l'Erdre, ruinent bientôt la meunerie traditionnelle. À Guérande, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les moulins à petit-pied s'arrêtent les uns après les autres, les derniers à fermer leurs ailes étant les grands moulins-tours, les mieux équipés.

  • Période(s)
    • Principale : Milieu du Moyen Age
    • Principale : Fin du Moyen Age
    • Principale : Temps modernes
    • Principale : Epoque contemporaine

Moulins à eau

En raison du faible débit des cours d'eau parcourant le territoire de Guérande, les quelques moulins à eau qui s'y trouvaient fonctionnaient avec la réserve énergétique d'étangs, comme celui de Kercabus, conservé. Leur moteur devait comporter une roue alimentée par le dessus (Fig. 2) que le poids de l'eau entraînait. Une vanne motrice installée sur la chaussée commandait l'arrivée de l'eau sur la roue, tandis qu'un déversoir permettait d'évacuer le trop-plein en cas de crue. Le moulin de Crémeur, probablement construit au Moyen Age, était en très mauvais état au XVIIe siècle. Le 30 septembre 1685, Dame Yvonne Le Vaillant, propriétaire du lieu, épouse de Messire André de la Bouexière, chevalier, seigneur de Brantonnet, passe un marché avec Guillaume Priou et Perrin Artur, charpentiers et amoulageurs pour sa réfection. Ces derniers sont chargés d'installer les mécanismes neufs dans un logis, sans doute l'ancien bâtiment d'eau du moulin médiéval, situé sur la chaussée de l'étang dont ils refont la charpente. Ce moulin neuf, destiné à fouler les draps, est affermé le 1er mars 1687 par Yvonne Le Vaillant pour 18 mois à Félix Perrin, « foulonnier et serger ». La meunerie hydraulique de Guérande, fort réduite s'éteint dès la fin de l'Époque moderne, le cadastre de 1819, ne mentionnant aucun moulin à eau.

Moulins à vent

Les trois types de moulins à vent successifs de Guérande paraissent avoir été dans leur grande majorité des moulins à farine implantés principalement sur les reliefs de la moitié nord-est de la commune et en petit nombre, au sud, sur l'île de Saillé bordant les marais salant. À la fin du Moyen Âge, leurs meules pouvaient provenir de la carrière de meules de granite encore observable à Cramagué, au sud de la ville de Guérande.

Moulins turquois

La seule masse de moulin turquois conservée est celle du moulin de Tréveday qui dépendait du manoir du même nom, tout proche ; elle date probablement de la fin du Moyen Age. Elle est figurée sur le cadastre de 1819, mais la matrice ne mentionne pas l'existence d'un moulin : il était donc abandonné à cette date. Le toponyme porté sur le plan à coté du cercle matérialisant l'édifice, « le Moulin Brûlé », semble indiquer que la cessation de son activité est due à un incendie. La tour, haute actuellement de 4,75 m, est bâtie en gros moellons équarris posés en assises grossièrement horizontales dont les joints sont usés mais dont le mortier de fourrure, d'une excellente qualité, a permis la bonne conservation du gros œuvre pendant au moins six siècles. De forme tronconique, cette tour repose sur assise débordante formant une semelle et une bonne assise à l'édifice (Fig. 3) ; elle s'ouvre vers nord-est par une porte de 0,86 m de large donnant accès à un bref couloir (0,90 m) menant à une cavité circulaire d'1,52 m de diamètre (Fig. 4). Cette cavité forme une cheminée centrale qui débouche à la partie supérieure de l'édifice. Au niveau du sol de la tour, un conduit horizontal, de section quasi carrée (0,75 à 0,78 m de côté), perpendiculaire au couloir, traverse diamétralement la masse (Fig. 5). Ce conduit contenait originellement une grosse poutre dont la face supérieure était munie d'une crapaudine en métal disposée exactement au centre géométrique de la tour ; elle recevait la pointe en métal d'un pivot en bois qui était disposé verticalement dans la cheminée centrale et qui portait la cage du moulin se trouvant juste au-dessus de la tour. Cette disposition, poutre horizontale basse et pivot vertical tournant sur la crapaudine, est encore visible dans deux autres tours de turquois conservées dans le département de la Vienne (moulin de la Roche-Bridier, à Mirebeau et moulin du Barreau à Chiré-en-Montreuil). Cependant, lors de sa visite à Tréveday en 1869, le Dr. Joseph Foulon-Ménard indique y avoir observé une pierre cubique dont l'une des faces était creusée de manière à recevoir une plaque métallique, une crapaudine certainement, qui devait recevoir la pointe du pivot (Fig. 5). Ce mode de support existait dans certaines tours de moulins turquois qui ne comportaient pas de conduit diamétral puisque la présence de ce dernier se justifiait seulement dans le cas de l'utilisation d'une poutre horizontale comme point d'appui du pivot. On peut donc conclure que la tour de Tréveday a probablement connu successivement ces deux systèmes de support : d'abords la poutre, puis la pierre venue remplacée la première hors d'usage.

La cage en bois du moulin a disparu depuis au moins la fin du XVIIIe siècle, mais trois documents régionaux permettent de restituer deux formes possibles de celle-ci. Le premier, la carte de Joao Alphonso (Fig. 6), figurant l'estuaire de la Loire vers 1545, montre trois moulins turquois, l'un sur la rive droite près du village du Pellerin (qui en réalité se trouve sur la rive gauche), les deux autres sur la rive opposée, se différenciant nettement des moulins-tours à tour cylindrique et coiffe conique, par leur cage parallélépipédique couverte d'un toit à deux versants. On retrouve les mêmes silhouettes, au nombre de treize, sur le plan de la rivière de la Vie (Vendée), dressé par Jean-Baptiste Florentin en 1542 (Fig. 8). Dans ce premier type, la cage présente une faible élévation et l'on peut supposer qu'elle était équipée intérieurement, outre de l'arbre et du renvoi d'angle, d'un beffroi supportant la paire de meules de manière à laisser dessous la place nécessaire pour ensacher la mouture (Fig. 7). Le troisième document, est un tableau du peintre hollandais Lambert Doomer, réalisé en 1645 (Fig. 9), qui représente un moulin turquois de la région nantaise ; ici, la cage en bois est beaucoup plus élancée et paraît comporter deux vrais niveaux, à l'instar de celle d'un moulin à chandelier, et la tour qui maintient le pivot tournant est relativement petite. Comme dans les précédents, la position de l'arbre, à mi-hauteur de la cage laisse penser que les meules devaient être situées au-dessus de celui-ci (Fig. 10). Dans les deux cas, l'échelle qui permettait d'accéder à la cage servait également à la faire virer pour mettre les ailes au vent.

De quel type était le moulin perché sur la tour de Tréveday ? En raison de sa faible élévation, on peut avancer l'hypothèse d'un turquois du deuxième type.

Moulins à petit-pied

Dès le XIVe siècle, les turquois sont remplacés progressivement par un deuxième genre de moulin, le « moulin à petit-pied ». Il en existait au moins 14 à Guérande, dont 6 sont conservés et 8 connus par sources, 68 sont repérés dans l'ensemble de la Loire-Atlantique, et un total de 66 dans les départements du Morbihan, d'Ille-et-Vilaine et des Côtes-d'Armor. La tour, en maçonnerie, est caractérisée par un pied à large empattement, surmonté d'un fût plus étroit s'évasant à la partie supérieure pour former un encorbellement (Fig. 11 et Fig. 12). Sur la plateforme circulaire établie à ce niveau prend place la cage cylindrique en maçonnerie du moulin, au sommet de laquelle une toiture conique, mobile sur un chemin de glissement, peut virer grâce à un guivre pour mettre les ailes au vent (Fig. 12).

Le pied des tours s'ouvre par une porte unique, dont l'orientation peut varier selon les cas du sud à l'est ; l'encadrement en granite de taille est parfois chanfreiné (Careil), et le linteau peut-être échancré d'une accolade (Cardinal, Fig. 13) ou bien être porté par des sommiers saillants en quart de rond (Crémeur, Drézeux, Bout-de-la Rue ou la Falaise transporté à Batz-sur-Mer. Fig. 14). Les ressauts formant l'encorbellement élargissant le haut du pied sont de types très variés ; il peut s'agir d'un simple chanfrein droit (Kercabus ; Careil, Fig. 15) ou concave (Drézeux, Fig. 16), ou encore de deux chanfreins séparés par un mince bandeau (Cardinal, Fig. 13 ; 3e moulin de la Place, Fig. 17). On trouve aussi de véritables corps de moulures comme à Crémeur ou se succèdent un bec de corbin et trois chanfreins droits (Fig. 18), ou bien une corniche à une fasce et un quart de rond comme le montrent les photographies du moulin de la Motte de Clis (Fig. 19), détruit.

La partie haute du moulin, la cage, est un tambour construit sur l'encorbellement du pied, dont la paroi n'excède pas 0,50 m. d'épaisseur et atteignant 2 m à 2,30 m de hauteur. Elle est percée de deux portes hautes s'ouvrant généralement l'une vers le sud-ouest et l'autre vers le sud-est selon un angle inférieur à l'angle plat du diamètre, de 140 degrés à Crémeur et à Drézeux et de 155 degrés à Kercabus. Chaque porte était équipée, à mi-hauteur ou à environ deux tiers des montants, de deux corbeaux en pierre dont la face supérieure était creusée d'une encoche demi-cylindrique qui recevait les extrémités de l'axe d'un treuil, appelé localement « travouillet », servant à monter les sacs de grain à l'étage. La plupart de ces corbeaux ont été détruits ou n'existent plus qu'à l'état de vestiges, comme à Kercabus, Careil, Cardinal ou Crémeur (Fig. 20) et ont été remplacé au fil du temps par des trous forés dans les tableaux des montants.

Les coiffes coniques de ces moulins ont toutes été détruites, les dernières au cours de la seconde moitié du XXe siècle ; ainsi, des photographies des années 1970 montrent les vestiges de celle du moulin de Cardinal, tandis que celles des moulins de Crémeur et de Kercabus ont été relevées par le service des Monuments historiques en 1900 et en 1972. La sablière courante de ces coiffes reposait sur des sablières courbes dormantes formant un chemin de glissement ou « cerne » au sommet de la tourelle. Il était consolidé par six écharpes horizontales (Fig. 21). La charpente était percée d'une lucarne par laquelle sortait la tête de l'arbre ; à l'opposé, le guivre permettant de faire virer la coiffe montait jusqu'au poinçon et était maintenu en position par une fourche disposée à l'arrière de la civière. Cette dernière, composée de quatre poutres principales assemblées à mi-bois en carré portait l'arbre dont le collet reposait sur un marbre disposé sur le joug (Fig. 21). Les toitures semblent avoir été en essentes de chêne ou de châtaignier (Fig. 17), et c'est avec ce matériau qu'à été restaurée la coiffe du moulin de Crémeur en 1972 (Fig. 12).

L'intérieur de la tour est le plus souvent circulaire, excepté à Kercabus où il est polygonal et comporte une cheminée. Au moulin de Cardinal, le volume interne est d'abord circulaire puis passe au plan carré en-dessous de la cage, à l'endroit où se trouvait le mécanisme de réglage d'écartement des meules. Dans les tours qui conservent leur circulation verticale de travail, on accède à l'étage au moyen d'une échelle qui s'appuie sur la première marche d'un petit escalier en angle, ou tournant d'un quart, situé au niveau de l'encorbellement (Fig. 22 et Fig. 11). À l'étage, dans la cage se trouvait la paire de meules : la meule inférieure, fixe, ou dormante, et la meule supérieure, ou tournante (Fig. 21).

Dans tous les moulins, qu'ils soient à eau ou à vent, la fabrication de la mouture requiert l'emploi d'un mécanisme de réglage de l'écartement des meules, la « trempure », rendu nécessaire en raison de la natures différentes des grains à écraser, de leur humidité, et à cause de la vitesse de rotation variable des meules due à la vitesse plus ou moins grande du moteur hydraulique ou éolien. Dans un moulin à une seule paire de meules, le principe mécanique de la trempure est le suivant : la meule tournante est entraînée par le « gros fer », axe métallique vertical qui reçoit le mouvement rotatif de l'arbre par l'intermédiaire du renvoi d'angle (engrenage du rouet sur la fusée ; Fig. 23). La partie inférieure du gros-fer est équipé d'une fourche qui s'engrène sur l'anille, pièce métallique horizontale scellée en travers de l'œil de la meule, et lui imprime le mouvement tournant. Sous les meules, un autre axe métallique vertical, le « petit-fer », ou « épée » traverse le centre de la meule dormante et sa pointe, de section carrée, vient s'engager dans le trou central de même forme de l'anille. L'extrémité inférieure de ce petit-fer repose dans une crapaudine en métal elle-même disposée sur une poutre en bois, le « palier », qui est un levier mobile verticalement à l'une de ces extrémité et appuyé à l'autre extrémité sur un point fixe. Si l'on fait monter le palier, le petit-fer opère le même mouvement et soulève la meule courante, modifiant donc l'écartement des deux meules (Fig. 23). Ce système, plus ou moins sophistiqué a été utilisé dans les moulins depuis l'Antiquité jusqu'à ce qu'au XIXe siècle les meules aient été remplacées par des broyeurs à cylindres.

Dans les moulins de Drézeux et de Kercabus sont conservées deux trempures identiques constituées de deux cadres en bois verticaux scellés parallèlement dans la partie haute du pied. Les deux poutres supérieures (Fig. 25, b) sont établies de part et d'autre de l'escalier (Fig. 25, a) au niveau du plancher de la cage et portent les meules (Fig. 25, b). Les deux poutres inférieures (Fig. 25, c) sont reliées au précédentes chacune par deux poteaux verticaux ajourés de rainures verticales (Fig. 24). Pouvant coulisser verticalement dans ces rainures, dans l'un des cadres se trouvent un support de palier (Fig. 24) et dans l'autre cadre, un levier (Fig. 24, 2e levier, et Fig. 25, b). Transversalement et horizontalement entre les deux cadres, un autre levier, ou « palier » (Fig. 24, 3e levier, et Fig. 25, a) repose d'une part sur le point fixe qu'est le support de palier, et d'autre part sur le 2e levier (Fig. 24, et Fig. 25, b). Sur la face supérieure de ce levier est fixée la crapaudine qui reçoit l'extrémité inférieure du petit-fer de la meule tournante ; ce dernier levier reçoit donc tout le poids de ladite meule (Fig. 24, 3e levier et Fig. 25). Nous avons donc affaire à une succession de deux leviers du second genre qui démultiplient le mouvement et multiplient la force qui leur est imprimée pour régler l'écartement des meules et qui sont actionnés de la manière suivante. À l'étage, nous faisons l'hypothèse qu'un autre levier, du premier genre, muni d'un contrepoids permettait de tirer verticalement sur la tige métallique reliée à l'extrémité du 2e levier (en place au moulin de Drézeux, Fig. 24 et 25), lequel transmettait le mouvement vertical au 3e levier qui lui-même soulevait la meule tournante. Pour une meule de six pieds (1,98 m), d'usage courant sous l'Ancien régime, et d'un poids (P) d'environ 2 tonnes, le 3e levier (Fig. 26, OA = 0,55 m, OB = 1,10 m), diminuait de moitié la force (F) nécessaire à soulever la meule (F x OB = P x OA) ; le 2e levier (Fig. 26, O'A' = 0,80 m, O'B' = 1,65 m), réduisait la force à 484 kg ; enfin, ler levier, à l'étage (Fig. 25 et 26, Dimensions hypothétiques : O''A'' = 0,20 m, O''B'' = 1,00 m) équilibrait le poids de la meule grâce à un contrepoids de 97 kg environ (F x O''B'' = P x O''A''). L'ensemble du système étant en équilibre, c'est le déplacement vertical, montée ou descente, de ce contrepoids qui permettait un réglage fin de l'écartement des meules. Naturellement, au cours du temps, en fonction de l'usure de la meule courante, il fallait diminuer la masse du contrepoids.

Les analyses dendrochronologiques pratiquées sur ces deux mécanismes ont permis de dater celui de Drézeux de la fin du XIVe siècle ou du début du XVe siècle (entre 1394 et 1417), et celui du moulin de Kercabus des années 1845-1846. Ce type de trempure, à trois leviers, a donc été en usage au moins depuis la fin du XIVe siècle jusqu'au cours de la première moitié du XXe siècle époque à laquelle le moulin de Kercabus était encore en fonctionnement.

Cependant, un autre type de trempure, plus simple, à un seul levier, a également été en usage à Guérande. Aucun exemplaire n'en est conservé mais il est en partie figuré sur la coupe du moulin de Crémeur dressée en 1900 (Fig. 27). Ce document montre que le petit-fer de la meule prend appui sur un palier de section carrée situé sous le plancher des meules et dont les extrémités devaient s'engager dans deux cavités diamétralement opposées ménagées dans la paroi interne de la tour. Le document ne montre malheureusement pas le détail du mécanisme de levage du palier : on peut supposer qu'une tige de métal fixée audit palier devait remonter dans la cage et qu'à son extrémité supérieure, une vis ou un contrepoids permettait de monter ou descendre le petit-fer pour régler l'écartement des meules.

Deux cavités horizontales situées dans le même axe et à la même hauteur que le palier encore en place existent dans la tour du moulin de Drézeux. Or ces cavités sont rendues inutilisables à cause des pièces de bois horizontales supérieures de la trempure en place datées pour partie de la fin du XIVe siècle : il faut donc admettre que ce premier système est antérieur et à put être en usage au cours du XIVe siècle (Fig. 28). Son emploi, encore constaté en 1900 au moulin de Crémeur, atteste de la longévité de ces systèmes traditionnels et de la coexistence de techniques de différentes époques.

Les moulins-tours

Les moulins traditionnels

Trois des moulins-tours de Guérande construits pendant le XVIIe siècle, ceux du Bout de la Rue et le Moulin-Neuf de Saillé (détruit, mais connu par son marché de construction du 1er août 1688) et de Beaulieu, ont manifestement été influencés morphologiquement par les moulins à petit-pied. En effet, le premier présente une tour cerclée d'un empattement et deux portes hautes munies de supports de treuil. Ces deux caractères architecturaux se retrouvaient au moulin de Beaulieu et au Moulin-Neuf de Saillé dont le marché de construction cite celui du Bout de la Rue comme modèle. Leur tour, à un seul étage, portait une coiffe conique orientable grâce à un guivre. À Beaulieu on accède à l'intérieur de l'édifice par deux portes à arcs en plein-cintre diamétralement opposées, tandis qu'au moulin du Bout de la Rue, une seule est visible ; une seconde existait-elle autrefois, murée et masquée actuellement (?), ou bien, à l'instar des petits-pieds, n'en possédait-elle qu'une seule ?

Les dispositions mécaniques anciennes de ces moulins devaient être relativement simples : le mouvement rotatif de l'arbre était transmis au gros-fer par l'intermédiaire du renvoi d'angle, une trempure, peut-être identique à celle du deuxième type (à trois leviers) vue au moulin de Drézeux, permettait-elle de gérer l'écartement des meules disposées à l'étage. Un escalier, fait de longues pierres scellées dans la paroi interne de la tour, donnait accès à celui-ci. Seule la tour du moulin de Beaulieu, rehaussée d'un étage au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, lors de l'installation des ailes en planches du système Berton, conserve ses mécanismes tardifs ; le mouvement du gros-fer est transmis à deux paires de meules situées au premier étage par le moyen d'un hérisson sur lequel s'engrènent les deux couronnes des deux meules. Un axe horizontal, dont l'extrémité extérieure à la tour est équipée d'une poulie qui recevait la courroie entraînée par un moteur, permettait de faire fonctionner le moulin en cas de panne de vent (Fig. 29).

Les grands moulins tours de la fin du XIXe siècle

Dans les moulins antérieur au milieu du XIXe siècle, les ailes étaient vêtues de toiles, et passaient au ras du sol car il fallait monter aux barreaux pour pouvoir réduire ou enlever les dites toiles. La hauteur de la tour était donc limitée par la longueur des verges qui ne pouvaient pas dépasser 6 à 7 mètres, au risque de les fragiliser. Dans les moulins modernisés, à partir des années 1850, la volée Berton, à ouverture commandée mécaniquement depuis l'intérieur, avait permis de s'affranchir de la contrainte de la hauteur de l'arbre et de la longueur des ailes et donc de la limitation de la hauteur de la tour : on multiplia alors les étages qui permirent davantage de stockage (moulin de Beaulieu, moulin de Colveux, moulin de Gratteseille, moulin de Leuvelay à Saillé, moulin de Trévaly, Fig. 30). Ces caractéristiques se retrouvaient naturellement dans les moulins construits de novo, tels ceux de Bouzeray ou de Kerbironné. Par ailleurs, le guivre qui ne pouvait plus être employé en raison de la trop grande hauteur des tours, fut remplacé par un treuil intérieur s'engrenant sur une crémaillère dormante permettant la giration de la coiffe depuis l'intérieur du moulin (1er moulin de la Place). Un dernier perfectionnement, le moulinet d'orientation, fixé sur la coiffe, permit à la fin du XIXe siècle au moulin de se gouverner lui-même, automatiquement (moulin de Leuvelay, à Saillé, Fig. 31 ; moulin de la Motte, à Clis, Fig. 19).

Les moulins « grosse-tête »

Certains meuniers possédant un ancien moulin à petit-pied, n'avaient pas les moyens financiers de le faire abattre et de reconstruire en son lieu et place un moulin neuf à tour. La solution consistait alors à le moderniser en rehaussant la cage primitive d'un ou de deux niveaux, comme ce fut le cas aux moulins de Careil (Fig. 15 et Fig. 32) et de la Motte à Clis (Fig. 19). La forme nouvelle du moulin, présentant une partie haute beaucoup plus importante et plus large que le pied les fit rapidement nommer localement « grosse-tête ». Un escalier en bois plus confortable devait être installé dans le pied donnant accès au premier étage où se trouvaient certainement l'ensachage et le stockage. L'étage supérieur pouvait abriter la bluterie tandis qu'au dernier niveau se trouvaient une ou deux paires de meules. Rivalisant avec les grands moulins-tours, ils fonctionnèrent jusqu'au début du XXe siècle.

  • Toits
  • Décompte des œuvres
    • bâti INSEE 7 625
    • repérées 40
    • étudiées 7
Image non communicable

Documents d'archives

  • Archives départementales de Loire-Atlantique. 4 E 62/2. Marché entre Dame Yvonne Le Vaillant, épouse non commune de biens de Messire André de la Bouexière, chevalier, seigneur de Brantonnet, d´une part, et Guillaume Priou et Perrin Artur, charpentiers amoulageurs, d´autre part, pour la reconstruction du moulin à foulon de Crémeur. 30 septembre 1685.

  • Archives départementales de Loire-Atlantique. 4 E 62/3. Bail à ferme du moulin à drap de Crémeur. 1er février 1687.

Bibliographie

  • AURIAULT, Élie. Un méconnu : le moulin à vent à pivot-tournant, dit turquois. Revue des moulins de France, n° 2, 1976.

    p. 1-10.
  • CUSSONNEAU, Christian. Les moulins turquois. 303, La revue des Pays de la Loire, n° 30, 1991.

    p. 67-74.
  • FOULON-MÉNARD, Joseph. Territoire de Guérande : télégraphie gallo-romaine. Tours de Tréveday (en Escoublac) et de Saint-Donatien (près Nantes). Bulletin de la Société archéologique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, 3e trimestre, 1869.

    p. 147-174.
  • GALLICÉ, Alain. Guérande au Moyen Âge, Guérande, le Croisic, le pays guérandais du milieu du XIVe au milieu du XVIe siècle. Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2005.

    p. 290.
  • GIBBINGS, Christopher, CUSSONNEAU, Christian. Les moulins à vent à hourdais du nord-est de la Bretagne. Les Moulins, n° 21, Fédération Française des Associations de sauvegarde des moulins, 2009.

  • LA GARDE, Jacques de. Moulins à vent à vent de la Vienne. Revue des moulins de France, n° spécial 10, 1981.

  • LE DIGOL, Yannick, BERNARD, Vincent, COUTURIER, Yann. Le moulin de Drézeux. Rapport d'étude dendrochronologique, Rennes : Dendrotech, n° DT-2009-030, octobre 2009.

  • RIVALS, Claude. Le moulin à vent et le meunier dans la société française traditionnelle, Ivry, 1976.

Annexes

  • Tableau de repérage
Date(s) d'enquête : 2008; Date(s) de rédaction : 2008
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
(c) Ville de Guérande