Le monument aux morts de la paroisse de La Haie-Fouassière fut exécuté par Albert Lemasson (1892-1982), en deux semaines, au cours du printemps de l'année 1929. Les enduits de la fresque furent posés par Pierre Fonteneau de l'entreprise locale Léon Garlin. La commande revint très probablement au curé Lefeuvre qui fit entièrement décorer son église par les frères Lemasson, avec l'aide financière de ses paroissiens. L'exécution du monument commémoratif a coûté 1000 francs et le chantier de peinture de la nef et du transept un total de 23500 francs. La décoration de l'église débuta en 1926 avec la réalisation d'un chemin de croix monumental sur les murs latéraux de la nef. La commande réalisée à l'occasion du jubilé du curé Lefeuvre se poursuivit, en 1929, dans le transept avec quatre scènes isolées dont celle du mémorial. L'ensemble fut achevé en 1930 avec l'exécution dans le chœur de scènes liées à l'Eucharistie. Ce chantier fut le deuxième consacré au monument aux morts en Loire-Atlantique par les frères Lemasson, originaires de Saint-Mars-du-Désert, après celui de l'église du Cellier où deux thèmes identiques y sont représentés : le chemin de croix et le monument aux morts. Ce dernier présente ici une iconographie plus sombre que celle du Cellier réalisée par les deux frères en 1925, un soldat mourant offert par la Vierge au Crucifié, sous les yeux de sa famille réunie. Albert, l'aîné des deux frères, a préféré ici une représentation d'une intensité encore plus dramatique mettant en scène douze poilus chargés chacun, à la manière du Christ, d'une lourde croix rédemptrice. Ces compagnons du Christ sont peints dans un coloris sombre qui renforce encore le sentiment de douleur qui se dégage de la scène. Albert qui avait vécu la Grande Guerre, engagé dès le début du conflit, a probablement voulu en montrer toute la douleur en lui donnant une dimension christique. Cette vision a pu être inspirée par le livre de Léon Poirier, Verdun, visions d'histoire. A tous les martyrs de la Guerre, paru chez Jules Tallandier en 1928, l'année de la sortie du film éponyme. L'ouvrage de photographies tirées du film porte en couverture un dessin en camaïeu de noir de George Desvallières présentant un Christ pliant sous le poids de sa croix suivi de soldats portant à son image, leur croix sur le dos (reproduit dans Annette BECKER La guerre et la foi. De la mort à la mémoire 1914-1930. Paris : Armand Colin, 1994, fig. 4). La composition d'Albert Lemasson en est assez proche. La conception pleine de hardiesse pour cette paroisse de la campagne nantaise fut accueillie avec quelques critiques. Trop novatrice dans sa forme comme dans son iconographie, elle fut difficilement acceptée comme l'ensemble de l'oeuvre des deux frères. Les sentiments étaient partagés et il fallut plusieurs articles de Pierre Dubois (1929), puis de Jean-Baptiste Russon (1930) dans Semaine religieuse du diocèse de Nantes pour défendre à la fois la technique de la fresque et le style nouveau des deux artistes. La plaque de marbre avec la liste des morts tranche nettement avec le style des peintures. Elle est très vraisemblablement antérieure, sans doute a-t-elle été commandée peu après la fin du conflit, et replacée ensuite sur la partie inférieure de l'oeuvre. Le monument aux morts communal élevé dans le cimetière porte une liste de soixante-seize noms, quatre de plus que celui-ci.