La seigneurie des Piliers relevait du marquisat de Montfort-le-Rotrou. Ses origines restent obscures. On ignore si elle porta toujours ce nom où si il lui fut attribué plus tardivement en référence aux grandes arcades qui s'ouvraient au rez-de-chaussée de la maison seigneuriale.

Cette maison fut probablement construite, au plus tard, au cours du XVe siècle. Rares sont les descriptions et photographies qui en subsistent, bien qu'elle ait été démolie il y a seulement trente-cinq ans. On peut cependant faire un parallèle avec quelques très rares maisons à arcades conservées en Mayenne, à Chéméré-le-Roi (2e moitié XVe siècle) et à Saint-Jean-sur-Erve (milieu du XIVe siècle d'après étude dendrochronologique). De plan en L, la maison des Piliers présentait plusieurs arcades qui s'ouvraient depuis le rez-de-chaussée sur l'extérieur : trois sur la rue dans la façade principale, une sur la cour intérieure, une dans chaque pignon nord et sud. Dans l'angle de la cour intérieure se trouvait une tour d'escalier polygonale percée d'ouvertures chanfreinées. Au premier étage, on trouvait notamment une fenêtre à coussiège et une cheminée en pierre du XVIIe siècle, d'après une description de Frédéric Lemeunier.

Le plus ancien document connu concernant l'édifice a été retrouvé dans les archives du diocèse : il s'agit de la copie d'un aveu rendu le 7 mars 1555 par Marin de Marsé (Marcé à Connerré ?) à Jacques de Montigny à cause de son épouse Eléonore de Ferrières, dame de Montfort-le-Rotrou. Il reconnait tenir de ses suzerains "mon manoir et maison des Pilliers" ainsi que la métairie de la Montrolière à Pont-de-Gennes qui lui restera attachée jusqu'à la Révolution. Dans un aveu rendu par le prieuré de Pont-de-Gennes en 1643, le seigneur des Piliers est François Le Pelletier, sieur de Grignon.

Au début du XVIIIe siècle, la maison des Piliers appartient à Marin Amellon, seigneur de Fatines et de la Fosse à Soulitré. A la fin du XVIIIe siècle, elle est propriété de la famille Mauduison, seigneurs d'Oursières dont ils occupent le château (commune d'Argenvilliers, Eure-et-Loir) : la maison des Piliers est alors affermée à une certaine Anne-Julienne Le Sueur, femme Lecomte. En 1789, François-Nicolas-Charles de Mauduison avoue "tenir noblement en plain fief, directe seigneurie, haute, moyenne et basse justice" du marquis de Montfort, "la maison seigneuriale des Pilliers, au bourg du Pont de Gennes, composée d'une arcade de quatre pilliers entre deux desquels est une porte cochère, un bûcher, une écurie, deux petittes chambres à cheminées, un cabinet entre deux, grenier au-dessus, une tour en mur à côté servant d'escalier, un autre bâtiment à côté servant de cuisine, deux petittes caves audessous, grenier audessus de ladite cuisine, un troisième corps de bâtiments servant de fournil à côté duquel est une chambre froide, une petite cour derière lesdits bâtiments dans laquelle est un puit, un jardin étant ensuite contenant un quart de journal". Un champ avec une "fuie à pigeons" est également signalé à proximité de la maison. Le même document indique que la plupart des maisons du centre-bourg de Pont-de-Gennes relevaient censitairement de la seigneurie des Piliers.

Les Mauduison ayant émigré, leurs propriétés sont saisies comme bien nationaux. La maison et ses dépendances sont alors dépecées en huit lots formant plusieurs logements et lopins de terre, et vendues en 1794. Les trois lots de la maison sont achetés par un certain Jean Tousche. François-Nicolas-Charles de Mauduison, qui avait été le dernier seigneur des Piliers, meurt en 1796 sans postérité. Il semble qu'aucune modification importante n'ait été réalisée au cours du XIXe siècle, et ce malgré le fort empiètement de la maison sur la rue.

En 1977, la municipalité de Pont-de-Gennes achète la maison qui, bien que remarquablement préservée, menace ruine, et décide de la démolir. L'érudit Frédéric Lemeunier alerte alors la commune et les lecteurs de la revue Province du Maine du grand intérêt et de la rareté d'un tel édifice dans la région. Il est entendu, et un dossier de protection au titre des Monuments Historiques est lancé par de l'architecte des Bâtiments de France. Un projet est élaboré en collaboration avec Marthe Broutelle pour créer dans la maison un musée sur l'œuvre de son père, Honoré Broutelle, docteur, graveur sur bois et poète (voir annexe). Malheureusement, le dossier de protection piétine et le projet s'avère trop lourd pour les finances de la commune. Le danger d'effondrement s'accentuant, la maison des Piliers est finalement rasée en juillet 1983 pour laisser place à un parking.