Dossier d’aire d’étude IA49010822 | Réalisé par
  • inventaire topographique, Fontevraud-l'Abbaye - Montsoreau
Fontevraud-l'Abbaye : présentation de la commune
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
  • (c) Conseil départemental de Maine-et-Loire - Conservation départementale du patrimoine

Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Fontevraud-l'Abbaye - Montsoreau
  • Adresse
    • Commune : Fontevraud-l'Abbaye

Fontevraud-l'Abbaye est une commune particulièrement originale du point de vue de la formation de son bourg, longtemps demeuré embryonnaire et constitué tardivement et de manière très progressive, notamment par le rattachement d'écarts au moyen d'un comblement interstitiel peu dense. Cet urbanisme souligne les interactions fortes qui existèrent entre l'abbaye et le village, tant dans la mise à distance que dans l'impulsion économique et urbaine. Un tel phénomène, dans une moindre mesure, perdura encore à l'époque contemporaine où la maison centrale de détention continua d'influer sur le développement du bourg, tout en maintenant la présence de la clôture. Dans une sorte de continuité d'une telle dualité, l'enjeu actuel de ce territoire est de parvenir à inscrire les nouvelles dynamiques suscitées par la structure culturelle de l'Abbaye Royale de Fontevraud dans l'espace communal.

Un peuplement ancien, mais très ponctuel

Dans l'état actuel des connaissances, les traces de premières implantations humaines sont ténues et les plus anciens vestiges repérés sur le territoire de l'actuelle commune de Fontevraud-l'Abbaye sont d'époque néolithique et ont été identifiés sur les sites des Tailles-Mortes, de l'Alouette et du Poteau-d'Arrée.

Fontevraud-l'Abbaye connut une implantation antique dont on ignore l'importance et les mentions d'une voie romaine traversant cette commune ne s'appuient sur aucun élément tangible. Il est toutefois vraisemblable qu'ait existé, au moins dès le Haut Moyen Âge, un itinéraire longeant l'Arceau. Cette hypothèse s'appuie sur un texte de la première moitié du XIIe siècle, indiquant que près de Mestré passe une voie ancienne, dite chaussée Saint-Hilaire (« calciatam videlicet antiquam que dicitur adhuc sancti Hylarii calciata »), dont le nom, qui évoque le saint vénéré à Poitiers, semble indiquer que son axe tend vers le Poitou et correspond sans doute à l'itinéraire qui, via Fontevraud, mène de la Loire à Loudun et au-delà à Poitiers. La mention d'une « domum hospitariam » dans le texte de la première donation à la communauté fontevriste évoque alors peut-être une maison d'accueil située le long de cet itinéraire (sans doute à proximité de là où s'implantera l'abbaye). Le premier état de la chapelle Saint-Mainbœuf (aujourd'hui détruite et dont l'origine reste inconnue) est d'ailleurs édifié sans doute entre le VIIe et le XIe siècle au bord de ce qui pourrait être ce chemin. Enfin, des fouilles archéologiques menées dans l'abbatiale de Fontevraud ont, en 1994, dévoilé l'existence de sols mis en culture bien antérieurement au début du XIIe siècle, ce qui prouve la présence sur le site d'implantations rurales au Haut Moyen Âge ou au début du Moyen Âge central. Toutefois, si Fontevraud connaît ainsi quelques traces d'occupation anciennes, elles restent assurément limitées et n'ont pas laissé trace dans la documentation.

Peu avant l'an Mil, le peuplement local se résume donc probablement à quelques bâtiments plus ou moins isolés, qui se répartissent dans le bassin versant de l'Arceau, en lisière de l'ancienne forêt-frontière, dite de Born.

Dans les premières décennies du XIIe siècle, pourtant, le paysage change radicalement pour donner naissance au cadre que l'on connaît aujourd'hui à Fontevraud-l'Abbaye.

L'installation de la communauté de Robert d'Arbrissel, au début XIIe siècle

Robert d'Arbrissel (vers 1045-1116) est un clerc, fervent partisan de la réforme grégorienne qui souhaite établir un clergé plus digne et soustraire l'Église de la mainmise de laïcs qui en ont détourné les biens et les charges. En butte à certains membres du haut clergé breton, il se réfugie en Anjou où il choisit de vivre en ermite. Installé en 1095 en forêt de Craon, il est bientôt entouré de disciples et fonde pour eux l'abbaye d'hommes de la Roë. Robert reprend ensuite son itinérance et sa prédication, soutenu par Urbain II avec lequel il avait eu une entrevue à Angers quand ce pape était venu en 1096 prêcher la réforme du clergé et la croisade.

Charismatique et atypique, Robert d'Arbrissel attire à lui un auditoire large, au sein d'une société traversée par des tensions fortes, dans un contexte d'essor économique et urbain qui s'accompagne d'une croissance des inégalités et d'une stigmatisation des plus démunis. Sa prédication se teinte plus particulièrement d'une attention portée aux femmes, qui sont alors marginales dans l'édifice social, mais au coeur des réflexions que mène le clergé sur le mariage et la continence. Riches et pauvres, clercs et laïcs, dont de nombreuses femmes, affluent ainsi autour du prédicateur et le suivent dans ses déplacements. L'ermite s'astreint lui-même à une ascèse rigoureuse et multiplie les mortifications, dont la plus polémique en son temps, le synéisaktisme, le conduisait à dormir au milieu de femmes pour éprouver sa chasteté. Craignant les dérives hétérodoxes, voire hérétiques, et dans le souci de mieux contrôler de tels groupes, les autorités ecclésiastiques s'efforcent de les fixer. C'est certainement une telle injonction, peut-être faite à la suite du concile de Poitiers en novembre 1100, qui décide Robert d'Arbrissel à établir sa communauté à Fontevraud où il arrive, semble-t-il, au début de l'année 1101. Le récit de Baudri de Bourgueil, biographe et contemporain de Robert, se plaît à évoquer un site alors sauvage et désert, « inculte et âpre, envahi de ronces et d'épines ». Ces lieux communs furent repris par les auteurs successifs jusqu'à ce que dans les dernières décennies du XXe siècle un réexamen de la documentation écrite et les fouilles archéologiques ci-dessus évoquées montrent qu'il n'en était rien. La clairière de Fontevraud était en effet déjà partiellement mise en valeur, labourée et divisée en plusieurs domaines fonciers ; toutefois, l'habitat ne devait y être qu'isolé et de faible importance. Si le choix de Robert d'Arbrissel se porte sur ce vallon, c'est qu'au-delà des facilités d'approvisionnement en eau et en ressources naturelles, il offre les conditions politiques et spirituelles nécessaires à la bonne marche de sa communauté. Le territoire où il s'installe relève en effet de la paroisse de Roiffé (Vienne) qui est dans le diocèse de Poitiers, dont l'évêque, Pierre, partage les convictions de Robert et le soutient ; cet évêque est d'ailleurs titulaire de la cure de Roiffé et c'est peut-être lui qui suggère ce site au prédicateur. Les diocèses voisins ne lui offrent pas les mêmes garanties, bien au contraire, puisque l'évêché d'Angers est vacant et soumis à de fortes tensions et que l'évêque de Tours est sous la tutelle du roi de France Philippe Ier qui vient d'être excommunié pour adultère lors du concile de Poitiers auquel a participé Robert d'Arbrissel.

Fontevraud offre surtout l'avantage d'échapper à l'influence du comte de Poitiers, le duc Guillaume IX d'Aquitaine, adversaire déclaré de Robert et qui s'est d'ailleurs opposé fermement au concile en soutenant son roi. En effet, bien que situé dans le diocèse de Poitiers, Fontevraud se trouve dans le comté d'Anjou, au centre d'un espace protégé par Saumur, Loudun et Chinon. Ces forteresses font encore partie des quelques places détenues en mains propres par le comte Foulques le Réchin, dont le pouvoir sur l'Anjou est ailleurs contesté. Mieux encore, le site choisi relève du domaine seigneurial de l'un des vassaux les plus fidèles du comte d'Anjou, Gautier de Montsoreau, lequel cède d'ailleurs ses droits seigneuriaux sur Fontevraud à la communauté de Robert d'Arbrissel. Sa propre belle-mère, Hersende de Champagne, seconde épouse de son défunt père Guillaume de Montsoreau, rejoint l'ermite qui en fait la première prieure de l'ordre naissant.

Dans une France de l'Ouest où les tensions sont donc fortes, Fontevraud constitue le havre idéal aux yeux de Robert d'Arbrissel, d'autant que, topographiquement, tout en étant relativement proche de la Loire et de son commerce, ce vallon cerné d'un massif forestier est aussi un endroit propice à l'isolement, loin des tourments du monde.

En quelques années, la communauté forte de plusieurs centaines de membres constitue un ensemble monastique qui répond aux exigences du prédicateur. Un premier oratoire est édifié, dédié à la Vierge. Aux installations temporaires initiales se substitue un cadre organisé en plusieurs monastères. Les hommes sont divisés entre clercs, qui se consacrent aux tâches spirituelles et dont l'établissement est plus tard connu sous le nom de prieuré Saint-Jean-de-l'Habit, et laïcs, qui assurent par leur travail le bon fonctionnement de toute la communauté. Isolées par des clôtures, les femmes sont elles-mêmes scindées entre vierges et veuves (qui constituent le couvent principal, grand cloître plus tard désigné comme Grand-Moûtier et rattaché à l'abbatiale), et filles repenties (dont le couvent est placé sous le vocable de Sainte-Marie-Madeleine).

Un peu avant 1104, cependant, Robert d'Arbrissel reprend une prédication itinérante qui, jusqu'à sa mort en 1116, le ramène plusieurs fois à Fontevraud. Il dote la communauté de statuts qui reçoivent l'approbation pontificale et sont inspirés du modèle bénédictin, mais qui ont pour très forte originalité de placer ce monastère double sous la houlette d'une femme. Robert renverse ici les usages en vigueur, sans doute comme une mortification supplémentaire que devaient supporter les frères, soumis aux soeurs. Rapidement, d'ailleurs, avec la première grande prieure, Hersende de Montsoreau, puis la première abbesse, Pétronille de Chemillé, la tonalité féminine de l'ordre s'impose, dès lors portée par des abbesses souvent issues des plus prestigieux lignages.

L'organisation du territoire et de l'habitat, du XIIe au XVe siècle

À Fontevraud, les statuts institués pour les frères de l'ordre leur défendent de concéder aux laïcs les terres qui entourent l'abbaye pour y établir des habitations. Cet interdit originel est réitéré à plusieurs reprises dans les décennies suivantes, par les papes Calixte II en 1119, Innocent II en 1137 et Eugène III en 1150. Ces textes imposent une telle mise à distance dans le but de préserver le retrait monastique et la tranquillité nécessaire à la dévotion et aux offices. Eugène III porte à un rayon d'une demi-lieue la distance à laquelle s'applique l'interdit. Passées les toutes premières années, il semble ainsi que le bâti villageois soit rejeté loin de l'abbaye pour se concentrer surtout plus au nord, aux Roches, hameau notamment constitué de nombreuses habitations troglodytiques. Dans un rayon de plusieurs centaines de mètres, des espaces sont alors maintenus vides, comme sanctuarisés, notamment pour des raisons économiques comme c'est le cas des vastes parcelles exploitées en faire-valoir direct par les différents couvents, clos Saint-Lazare au sud-est ou Grand-clos au nord-ouest. Le relief assez abrupt et la forêt, au nord-est, achèvent d'isoler l'abbaye. Aux abords de celle-ci ne sont édifiés que des bâtiments à son usage, maisons des serviteurs et dépendances agricoles. Lorsqu'en 1177 Fontevraud est distrait de Roiffé pour former une paroisse à part entière, l'église paroissiale Saint-Michel, environnée d'un grand cimetière, est donc relativement isolée. Progressivement, en plus des Roches, plusieurs hameaux gravitent autour de l'abbaye comme le Bourg-de-Lassé (actuelles Grandes-Genières), au-delà du Grand-Clos, ou les Ormeaux et la Lizandière, au bout du cimetière. Toutefois, et en même temps qu'un certain déclin affecte l'ordre au fil du XIIIe siècle, il semble que de premières entorses à cette mise à distance surviennent et que des habitations s'implantent plus près de l'abbaye. Au début du XIVe siècle, l'on trouve ainsi mention d'un « bourg neuf » qui semble correspondre à l'Ânerie, au sud. Quelques maisons et abris troglodytiques sont aussi peu à peu établis à plus faible distance de l'abbaye, près de l'église paroissiale, mais ce noyau reste embryonnaire et l'écart des Roches est toujours qualifié de « chef de ville ». Le principe général d'une mise à distance de l'habitat villageois par de larges espaces non bâtis se maintient donc et marque pour de longs siècles l'organisation du territoire fontevriste. Au-delà des espaces bâtis, les traits majeurs du territoire se fixent. Aux environs de l'abbaye, la clairière s'élargit alors par des défrichements, notamment à partir de domaines qui en relèvent tels Mestré au nord, le Courty à l'est, l'Yreau et la Luzerne au sud ou Beaulieu et Beaurepaire à l'ouest.

Terres, prés et jardins composent le parcellaire, mais, dès cette époque, la viticulture est également présente dans le paysage comme dans l'économie fontevriste. Par ailleurs, des moulins sont attestés, actionnés par les eaux de l'Arceau et de biefs qui en dérivent.

À cet essor des XIIe et XIIIe siècles succèdent toutefois de multiples crises qui marquent les derniers siècles du Moyen Âge, notamment entre le milieu du XIVe et le milieu du XVe siècle. La peste et ses récurrences frappent les populations qui subissent aussi le passage à plusieurs reprises de bandes armées durant la guerre de Cent Ans ; il est notamment fait mention de violences du fait de gens de guerre en 1369. Les échanges sont ralentis. Les bâtiments manquent d'entretien et se dégradent, voire sont abandonnés ; les nouvelles constructions sont rares.

Parallèlement, le repli économique et la raréfaction des soutiens politiques à l'ordre de Fontevraud s'accompagnent de multiples dissensions et d'un moindre suivi de la règle monastique. La réputation de l'abbaye s'amenuise et elle n'accueille que très peu de novices. La vie recluse est moins respectée ainsi que le maintien à distance de l'habitat villageois.

Les grands chantiers, du milieu du XVe à la fin du XVIe siècle

Cependant, dès le second quart du XVe siècle, l'est de l'Anjou bénéficie d'une paix relative et la reprise économique y est précoce. Les bâtiments abbatiaux avaient souffert du repli économique comme de l'incurie généralisée des siècles précédents et plusieurs menaçaient ruine. L'abbesse Marie de Montmorency finance dès 1453 des travaux de restauration de Saint-Jean-de-l'Habit. Mais à Fontevraud, le milieu du XVe siècle est marqué surtout d'un renouveau spirituel et Marie de Bretagne, abbesse depuis 1458, entend redresser l'ordre. Elle obtient l'année suivante du pape Pie II les pouvoirs de mener à bien cette réforme. La tâche était ardue et ce fut l'œuvre, en fait, de plusieurs abbesses successives, le principe n'en étant adopté à Fontevraud même qu'à partir de Renée de Bourbon (1491-1534) sous l'abbatiat de laquelle l'abbaye-mère renaît, passant de neuf à quatre-vingt-trois religieuses de chœur. La réédification morale s'accompagne de la reconstruction architecturale de l'ensemble monastique. Renée de Bourbon débute par conséquent celle-ci par l'élément primordial de l'ordre : la clôture. Suivent le grand cloître et les bâtiments qui l'entourent, dont l'édification est achevée sous Louise de Bourbon (1534-1575). Là, c'est un gothique flamboyant qui s'impose au départ. Puis l'art de la Renaissance s'affirme avec de premiers emprunts aux modèles de l'Italie du Nord, pour voir plus tard triompher les canons antiquisants. L'habitat villageois est aussi affecté par ces transformations. Au petit noyau d'habitations qui s'était établi à proximité de l'abbaye entre ses propres bâtiments de service et l'actuelle rue des Masques, s'agrègent bientôt de nouvelles constructions qui étoffent ce qui devient un bourg. En effet, sans doute du fait de ce que désormais l'imposante clôture de Renée de Bourbon dissocie de manière nette le cœur de l'abbaye de l'habitat villageois, les interdits anciens s'effacent progressivement. En 1549, lorsque le roi Henri II accède à la requête de Louise de Bourbon et lui accorde la tenue d'un marché hebdomadaire et de deux foires annuelles à Fontevraud, l'abbesse choisit, parmi les espaces vides aux abords de l'abbaye, d'empiéter sur le vaste cimetière paroissial pour ériger des halles et en obtient la permission de l'évêché de Poitiers. Ces halles sont alors construites parallèlement à l'église Saint-Michel, à proximité de la clôture abbatiale et les foires passent à quatre par an en 1577. Entre cette même année 1577 et 1579, sous Éléonore de Bourbon, sont alloties les terres agricoles qui, au nord du cimetière, séparaient encore les quelques habitations voisines de l'abbaye de l'écart du carrefour des Ormeaux et l'abbesse exige alors des tenanciers d'y « faire bastir maisons et édifices ». Après quatre siècles et demi de mise à distance et désormais sous l'impulsion des abbesses elles-mêmes, le bourg de Fontevraud commence à se former le long de l'actuelle rue Robert-d'Arbrissel.

Les guerres de Religion, cependant, font s'achever dramatiquement une période qui, jusqu'au dernier tiers du XVIe siècle, s'était traduite par un renouveau exceptionnel. Fontevraud ne connaît pas d'épisode guerrier, sans doute parce qu'Éléonore de Bourbon, tante d'Henri de Navarre, futur Henri IV, y est religieuse puis abbesse. Toutefois, la prospérité de l'abbaye est quelque peu freinée et les chantiers sont alors plus limités.

Un paysage en voie de fixation, du XVIIe au XVIIIe siècle

Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, nombre des traits du paysage agraire et bâti du village se fixent pour en constituer aujourd'hui encore certaines des caractéristiques majeures. Fontevraud voit le lancement de nouveaux chantiers. Le bourg se développe notamment dans les arrière-cours des maisons élevées sur la rue principale. Là sont établies des habitations de moindre envergure et des dépendances agricoles ou artisanales, mais l'on y trouve aussi les bâtiments de service des hôtels qui se pressent aux abords du complexe abbatial et qui hébergent familles de religieuses ou commerçants et artisans attirés par l'abbaye ou les foires. À la fin du XVIIe siècle est édifié l'hôpital de la Sainte-Famille, au-delà du cimetière et du Clos-Bourbon, par la marquise de Montespan. La favorite de Louis XIV est en effet la soeur de l'abbesse Marie-Madeleine Gabrielle de Rochechouart de Mortemart à qui elle rend de nombreuses visites. Au bout de quelques années, vraisemblablement à la suite de discordes avec les moniales fontevristes, la fondation charitable est transférée à Oiron dans le Poitou, où s'est retirée Madame de Montespan. Peu après le décès des deux sœurs, les bâtiments principaux de l'hôpital de Fontevraud sont détruits, d'autres sont baillés à des habitants. Ce secteur ouest est développé encore lorsqu'en 1711, à la demande de l'abbesse Louise Françoise de Rochechouart et à nouveau avec l'accord de l'évêché de Poitiers, le cimetière paroissial est amputé de son tiers occidental pour faire un champ de foire.

Le rayonnement de l'abbaye est encore renforcé lorsque Louis XV décide, en 1738, de placer pour une dizaine d'années ses quatre filles cadettes à Fontevraud, afin de réduire les coûts de leur train de vie à la cour. Pour héberger « Mesdames de France », le logis de l'abbesse est amplifié et doté d'une aile qui se prolonge jusque dans le Clos-Bourbon, franchissant sur voûte la rue qui descend à l'Ânerie. Dans les mêmes années, quelques autres empiètements sont réalisés sur le cimetière notamment pour édifier des maisons dans le prolongement des halles. Le bourg connaît donc un réel développement, même si certains des cadres anciens qui contraignent son expansion sont toujours présents et que la paroisse de Fontevraud reste structurée en plusieurs pôles mal reliés par des espaces interstitiels encore peu denses.

Les activités artisanales et d'extraction connaissent un net élan. Des dépôts argileux, situés surtout au sud du village, permettent l'activité de potiers, présents probablement dès le XVe siècle. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, lorsque la documentation permet de mieux les identifier, ils sont installés à la Haute-Ânerie (où l'on évoque une « cave des Potiers »), à la Socraie et aux Roches. La production, assez diversifiée, se compose de céramiques d'usage courant et qui semblent avoir été diffusées sur une aire assez large ; on trouve également mention de creusets de terre cuite employés dans la métallurgie et vendus à des artisans de Villedieu-les-Poêles, dans le Cotentin.

Le paysage est marqué par quelques évolutions. Des routes sont refaites et de nouveaux tracés sont établis ; le bourg est désormais desservi par de meilleures chaussées. Sur les hauteurs, on voit apparaître le premier moulin-cavier fontevriste en 1667. Les très nombreux jardins et champs plantés d'arbres fruitiers, notamment de pruniers, permettent une activité de commercialisation de fruits qui sont séchés dans des fours, souvent aménagés en site troglodytique pour limiter le risque d'incendie. Des ensembles de fours à prunes sont ainsi mentionnés aux Roches et près de la chapelle Saint-Mainboeuf. D'une manière générale, toutefois, le dynamisme agricole reste faible.

Nouveaux cadres et recomposition du territoire

Beaucoup des caractères généraux du village, lentement constitués au fil des siècles, volent en éclat à partir de la Révolution française. Ces mutations sont brutales et radicales. En application de la loi du 2 novembre 1789, les autorités saisissent comme biens nationaux l'ensemble monastique et ses domaines exploités en faire-valoir direct. Le 13 février 1790, les vœux monastiques sont abolis et la plupart des ordres religieux sont supprimés. Dès lors, les bouleversements se succèdent.

Les religieux et convers, frères et moniales, sont dispersés ; les derniers quittent l'abbaye en 1792. Le site est pillé et dégradé. L'ensemble du mobilier ainsi que de nombreux bâtiments de l'abbaye passent en mains privées lors de ventes publiques, dépendances du complexe monastique ou édifices affermés dispersés dans la commune : logements d'officiers, moulins ou anciennes métairies. Certains des bâtiments furent démolis par leurs acquéreurs, notamment pour en vendre les matériaux (comme Saint-Jean-de-l'Habit) ; on produisit aussi du salpêtre à partir du tuffeau récupéré. L'ensemble des couvents compris dans la grande clôture ne trouve pas d'acquéreur. Rapidement, l'effondrement économique provoqué par la disparition de l'abbaye suscite une réflexion pour établir à Fontevraud une activité nouvelle. Divers projets sont proposés pour reconvertir les immenses locaux monastiques qui restent aux mains de l'État et l'on envisage ainsi la possibilité d'y implanter une manufacture de voiles en toile de chanvre ou encore un grand hôpital pour les communes alentours. En définitive, en 1804, un décret impérial fait de l'ancienne abbaye une maison de détention (sort que partagent alors d'autres abbayes comme le Mont-Saint-Michel et Clairvaux).

De longs travaux sont alors engagés pour transformer les bâtiments en pénitencier. La clôture monastique est adaptée et une enceinte supplémentaire est édifiée, doublée au nord du tracé d'une nouvelle voie (actuelle rue Saint-Jean-de-l'Habit), au prix du rachat et de la destruction par l'État de certains bâtiments antérieurement vendus comme biens nationaux. L'inauguration officielle de la prison a lieu le 3 août 1814, mais les travaux ne cessent pas pour autant et l'histoire de la maison centrale est celle d'un chantier permanent.

Les répercussions sur le bourg de Fontevraud sont tout aussi considérables. La vente de près des trois quarts des espaces qui constituaient la clôture dans sa plus grande extension libère des terrains constructibles auxquels s'ajoutent les propriétés jusqu'ici détenues en propre par l'abbaye au sein du village. En outre, l'application de mesures hygiénistes se traduit en 1814 par le déplacement du cimetière paroissial, loin des endroits habités. Le terrain ainsi libéré au cœur du bourg est alloti et mis aux enchères par la municipalité, sans transfert de sépultures. Au nord, les parcelles qui bordent la grande rue et où personne n'a été inhumé depuis des décennies sont immédiatement constructibles. Celles situées au sud, toutefois, ne peuvent l'être qu'après un délai minimal de cinq ans assorti d'une autorisation préfectorale. Entre ces deux secteurs, une promenade plantée d'arbres forme une allée centrale menant de l'église paroissiale au champ de foire et seule la chapelle Sainte-Catherine maintient là le souvenir de l'ancien cimetière. En quelques années, la grande rue voit s'ériger de nouvelles maisons dont l'alignement sud vient répondre à celui qui, au fil des siècles, s'était progressivement constitué au nord. Ce n'est donc qu'à l'issue du premier quart du XIXe siècle que le bourg de Fontevraud se constitue pleinement, autour d'une rue qui conduit de l'abbaye devenue prison à l'ancien écart des Ormeaux. Quelques années plus tard, entre 1839 et 1841, la voie qui, au sortir du bourg, mène vers Montsoreau est modifiée et traverse dès lors en ligne droite d'anciens clos qui relevaient de l'abbaye et de la cure. Des maisons sont élevées de part et d'autre de la rue Rochechouart, ainsi prolongée, ce qui contribue à progressivement arrimer au bourg l'important écart des Roches. Toutefois, l'alignement est ici bien plus discontinu et les pouvoirs publics contribuent jusque dans la seconde moitié du XXe siècle à densifier cet axe, par la construction des écoles et du bureau de poste.

Des activités traditionnelles dynamisées

Dès la période révolutionnaire, Fontevraud-l'Abbaye connaît un nouveau dynamisme. De retour en 1802 à Fontevraud, village qu'il avait connu avant 1789, François-Yves Besnard témoigne dans ses <<i>>Souvenirs d'un nonagénaire<</i>> des transformations profondes survenues entretemps. S'il regrette la morosité dans laquelle la suppression de l'abbaye semble avoir plongé la commune, il se satisfait pleinement des mutations agricoles dans lesquelles se sont engagés les habitants qui, selon lui, ne peuvent plus compter sur la charité de l'abbaye. Il observe ainsi que « de nombreuses parcelles de terrain avaient été défrichées et offraient une agréable variété de cultures, des femmes et des enfants allaient de tous côtés ramasser le fumier destiné à améliorer des terres que leur stérilité naturelle avait condamnées à l'improduction, alors qu'elles appartenaient à l'abbaye, et qui, après avoir été vendues d'abord en masse, avaient depuis été acquises en petits lots par de simples journaliers prolétaires, et ceux-ci dont la lâcheté, la fainéantise étaient passées en proverbe, se montraient depuis lors actifs et laborieux ». Il fait pour l'élevage des considérations similaires, attestant de la croissance spectaculaire du cheptel.

D'une manière générale, les surfaces plantées en vigne s'accroissent et partout les rendements augmentent : en 1789, il y avait 75 ha de vignes à Fontevraud, contre 129 ha en 1829. Entre temps, le rendement à l'hectare a été multiplié par 1,25 (de 8 à 10 barriques à l'hectare). Il s'agit toutefois pour beaucoup d'une activité pratiquée dans le cadre d'une polyculture et en 1829, on compte 346 propriétaires de vignes, ce qui ne fait qu'une moyenne d'à peine 0,4 ha par propriétaire. Ce développement agricole se traduit par l'édification de nouvelles infrastructures de transformation et le nombre de moulins à vent augmente nettement entre la fin de l'Ancien Régime et le milieu du XIXe siècle. Ces nouvelles constructions, toutes du type moulin cavier, sont à mettre à l'actif des principales familles de meuniers qui autrefois tenaient à ferme les moulins des abbesses.

La forêt de Fontevraud, ancienne possession des abbesses, jalousement administrée des siècles durant puis saisie comme bien national, est mise en vente en 14 lots par le Gouvernement en 1832. Ces immenses parcelles passent aux mains d'investisseurs extérieurs pour être revendues au détail, mais certains d'entre eux y implantent également des fermes modèles. En 1856, ces espaces forestiers voient aussi l'installation d'un établissement de jeunes détenus de la maison centrale de détention, qui en est distrait dès 1860 pour être intégré à la colonie pénitentiaire agricole voisine de Saint-Hilaire, à Roiffé. Ces initiatives qui se traduisent par la construction de bâtiments agricoles rationalisés n'eurent néanmoins pas de répercussions manifestes dans l'architecture rurale locale.

Par ailleurs, le XIXe siècle est marqué par la grande ampleur de l'exploitation du tuffeau, dans les carrières de Roches, mais aussi plus ponctuellement à la Socraie et aux Coteaux, en activité principale ou complémentaire.

Cet élan économique, particulièrement sensible dans la première moitié du XIXe siècle, dissimule le repli de certaines activités, l'apparition de nouvelles concurrences ou les échecs de certaines tentatives de mises en valeur, comme c'est le cas des fermes de la forêt.

Des mutations tous azimuts

En quelques décennies, en effet, les activités traditionnelles sont ébranlées, voire disparaissent. Le phylloxéra frappe le petit vignoble fontevriste. L'essor des minoteries industrielles provoque la fin de la meunerie artisanale et la commune, qui avait compté dix moulins (3 à eau et 7 à vent) au milieu du XIXe siècle, les voit dès lors cesser leur activité les uns après les autres ; peu après la Première Guerre mondiale, les meules ne tournent plus.

L'activité d'extraction se heurte à de nouvelles difficultés, comme les nappes phréatiques qui bloquent la progression des carriers des Roches en 1883. Plus généralement, à la fin du XIXe siècle, les bancs de tuffeau du secteur commencent à être épuisés. Dans ces mêmes années, ce matériau passe de mode et d'autres s'y substituent, brique et plus tard béton, qui renouvellent les pratiques constructives. L'exploitation du tuffeau s'éteint alors progressivement.

L'économie est durablement fragilisée et, dès le milieu du XIXe siècle, comme dans de nombreuses campagnes françaises, la déprise rurale et la faible natalité se font nettement sentir. Entre 1850 et 1930 Fontevraud perd le tiers de ses habitants, mais parvient à progressivement à stabiliser sa population, notamment grâce aux emplois directs et indirects liés à la maison centrale de détention. Les familles les plus pauvres sont les premières affectées par l'exode rural et les habitations les plus modestes que sont alors les abris troglodytiques connaissent un abandon massif, rupture sans précédent dans la structure de l'habitat local depuis de très longs siècles.

La ligne des tramways de Saumur à Fontevraud, ouverte en 1896, s'accompagne de l'arrivée de nouvelles activités qui se substituent alors progressivement aux anciennes. Ainsi, dans le dernier tiers du XIXe siècle, parallèlement à la présence des ateliers de la maison centrale de détention, une activité manufacturière se développe à Fontevraud-l'Abbaye, qui accueille les magasins d'un fabricant de boutons, puis une usine à gaz destinée à l'alimentation de la prison et du bourg. Vers 1913, de premiers ateliers d'une ganterie s'installent aux Roches, dont les bâtiments prennent de l'ampleur dans les années suivantes. Dans le même temps, sur le modèle d'exploitations parisiennes, la culture souterraine des champignons est introduite en val de Loire et des champignonnières investissent les galeries de la carrière des Roches en 1931. Elles s'accompagnent d'une industrie de conserverie, qui se développe surtout dans le troisième quart du XXe siècle. La filière périclite et la champignonnière ferme en 1979, tant sous l'effet de la concurrence que du fait d'effondrements survenus en tête de l'ancienne carrière qu'elle occupait. La forêt de Fontevraud, qui accueille un champ de tir dès la fin du XIXe siècle puis une base américaine durant la Première Guerre mondiale, voit la présence militaire se renforcer progressivement au fil du XXe siècle, sous l'égide de l'école de cavalerie de Saumur.

Enfin, le tourisme culturel, qui est aujourd'hui l'un des atouts majeurs de la commune, naît peu à peu à partir du début du XIXe siècle, sous diverses formes. Jean-François Bodin, dans ses Recherches historiques sur la ville de Saumur, ses monuments et ceux de son arrondissement, parues en 1812 et 1814, évoque parmi les premiers l'abbaye sous un angle que l'on pourrait qualifier de patrimonial. La génération romantique est séduite par le pittoresque et la ruine de ces sites, même si le regret est aussi formulé de la conversion de l'abbaye en prison. Les sociétés savantes, puis les premiers guides touristiques vantent à leur tour l'étape. La prise en compte de ce patrimoine exceptionnel se traduit par de premières protections au titre des Monuments historiques, avec le classement des principaux éléments de l'abbaye en 1840. Parmi les tout premiers travaux de restauration de celle-ci, on peut évoquer ceux réalisés sous la conduite de Jean-Joseph Christaud, directeur de la maison centrale de 1858 à 1870, qui emploie les compétences de certains détenus, sculpteurs ou maçons, pour remettre en état des bâtiments fortement endommagés depuis la période révolutionnaire. Les premiers chantiers menés par l'administration des Monuments historiques ont lieu dès la fin du XIXe siècle et, entre 1902 et 1910, l'architecte Lucien Magne intervient notamment sur l'abbatiale et la « Tour d'Évraud ».

La maison centrale de détention ferme ses portes en 1963. Toutefois, les petits effectifs de détenus affectés à la reconversion du site ne quittent les lieux qu'en 1985. Entretemps, les services des Monuments historiques œuvrent à faire disparaître la prison et à dégager les bâtiments conventuels de la gangue carcérale qui les enserrait. Il est en effet décidé de rendre son lustre à l'ancienne abbaye royale de Fontevraud et de mettre en valeur le site monastique. L'abbaye devient un chantier (depuis lors ininterrompu) et à partir de 1975 le Centre culturel de l'Ouest en assure l'animation, accueillant aujourd'hui près de deux cent mille visiteurs par an qui peuvent également profiter là d'une programmation qui explore tous les azimuts de la création intellectuelle et artistique.

Fontevraud-l'Abbaye tourne progressivement la page de la disparition de la prison, qui l'a vidée de forces vives puisque des dizaines de familles de gardiens et autres employés sont partis. Au milieu des années 1960, le lotissement de la Lizandière est mis en chantier, au sud-ouest du bourg. Ce projet est lié à l'extension de la base militaire, censée compenser le ralentissement économique et le dépeuplement de la commune à la suite de la fermeture de la maison centrale en 1963. Sous le nom de Lizandière II, un prolongement de ce lotissement, au sud-ouest, est livré au début des années 1980.

La décennie suivante compte d'importants aménagements. Vers 1990-1991, une voie rapide de contournement ouest du bourg est aménagée, depuis les Roches jusqu'aux Lizandières et à la route de Loudun. Dès 1992 et jusqu'au milieu des années 2000, un autre secteur, surtout, connaît des transformations majeures qui constituent une véritable rupture dans l'histoire de l'urbanisation de Fontevraud-l'Abbaye. Sur décision municipale et sous la houlette de l'architecte Jacques Chudeau, le site du Grand-Clos, vaste ensemble foncier vide d'habitations depuis neuf siècles au moins et séparant les zones habitées (bourg et écarts) de la commune, est en effet alloti pour devenir le centre jusqu'alors manquant du village. La salle des fêtes (actuel foyer Yves-Duteil) est d'abord réalisée, ainsi que le réseau de voirie et des parkings, puis dans la seconde moitié des années 1990, des logements sortent de terre, articulés autour de la place du Grand-Clos puis alignés le long de voies créées au fil des lotissements successifs.

Ce projet est le dernier acte de la rupture avec les contraintes nées de l'abbaye : le Grand-Clos participe depuis à la morphologie urbaine insolite et tentaculaire d'un bourg qui tente de rallier à lui divers écarts maintenus à distance des siècles durant par de larges espaces vides.

La commune, qui fait partie du périmètre élevé en 2000 au rang de patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco, se tourne vers la protection et la mise en valeur de son cadre de vie et de ses héritages. Un site inscrit avait déjà été délimité en 1970, mais la commune se dote en 2013 d'un instrument de gestion d'urbanisme sous la forme d'une Aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP, arrêtée en 2013). Enfin, une large partie des zones habitées de Fontevraud-l'Abbaye sont cette même année érigées en site classé.

Située entre Tours et Angers, à une quinzaine de kilomètres à l'est de Saumur et aux limites orientales de l'Anjou, Fontevraud-l'Abbaye est une commune rurale du plateau sud-saumurois.

En 2015, la commune relève du canton et de l'arrondissement de Saumur, du département de Maine-et-Loire et de la région des Pays de la Loire ; elle compte 1548 habitants formant 512 ménages (2012), pour 1480 hectares (soit une densité d'environ 105 hab./km2). On y dénombre (en 2012) 681 logements, dont 75 % de résidences principales, 10 % de résidences secondaires et 15 % de logements vacants (source : INSEE).

Le cadre géographique, géologique et paysager

Le territoire fontevriste correspond à une partie du bassin versant de l'Arceau. Éponyme de la commune, une partie du cours supérieur de cet affluent mineur de la Loire est encore parfois appelée Fontaine-d'Évrault.

Ce territoire, où le vallonnement est assez fort, se présente comme cuvette de pente générale sud-nord, dont le fond se situe entre 45 m d'altitude (au nord des Roches) et 75 m (au sud de l'Ânerie), entourée de buttes qui culminent toutes à un peu plus de 100 ou 110 m d'altitude. Plutôt vigoureux à l'est et d'une pente plus douce à l'ouest et au sud, ces reliefs ferment l'horizon paysager. Le ruissellement des eaux pluviales se concentre ainsi sur la vallée de l'Arceau par le biais de vallonnements secondaires (lieux d'écoulement surnommés "bournées") et le gonflement du ruisseau peut donc être très fort. Les couches géologiques qui forment ce plateau présentent de puissants bancs d'un tuffeau du Turonien réputé pour ses qualités architecturales : facile à travailler, d'une résistance satisfaisante à la compression ou au gel et d'une blancheur éclatante. À Fontevraud, ces niveaux correspondent au bas des pentes des vallons du nord de la commune (les Roches, la Socraie, les Coteaux, Saint-Mainbœuf, nord de l'Ânerie). Les strates supérieures présentent un faciès plus diversifié, où alternent des sables et des calcaires dont les qualités sont variables comme matériau de construction. Au sud-ouest de la commune, le site des Perrières-l'Abbesse dispose de veines d'un calcaire coquillier moins blanc que le tuffeau local, mais très dur et utilisé pour les maçonneries exigeant une forte résistance à la compression ; des pierres en ont été extraites pour les paries basses du chœur de l'abbatiale (XIIe siècle) comme du cloître (XVIe siècle).

Au sud-est, des lentilles argileuses superficielles ont permis le développement d'une activité artisanale de céramique à Fontevraud de la fin du Moyen Âge au XIXe siècle. Le haut des reliefs forme un étage érodé en buttes et éminences, qui présente des faciès argileux et sableux du Sénonien, puis gréseux de l'Éocène. Là, se trouvent des gisements de conglomérats siliceux et ferrugineux dits « perrons », roche dure qui peut être utilisée comme pavement ou comme matériau de construction. Les sols y sont plus pauvres et les terres cultivées laissent place d'importants massifs forestiers, exploitables en taillis et en futaies, voire à des landes sur les sommets.

Le finage de Fontevraud-l'Abbaye, relativement étagé, présente ainsi une importante variété de sols où les terres agricoles sont diversifiées, des plus fertiles en fond de vallon aux plus stériles sur les saillies du relief : l'activité agricole fut longtemps tournée vers une polyculture où le paysage, ceinturé de forêts exploitées, est de longue date principalement formé de labours, de vignes et de quelques pâtures. Il présente aussi des ressources importantes en matériaux de construction : tuffeau, grès ou bois.

Cet ensemble offre un bel aperçu du plateau et des clairières du Saumurois et en concentre nombre des traits caractéristiques, du point de vue des données géologiques et des composantes paysagères, mais aussi des activités humaines, des aménagements, de la morphologie de l'habitat ou encore des formes architecturales qui s'y succédèrent.

La trame viaire

L'organisation de l'habitat est indissociablement liée à la trame viaire dont les axes majeurs et les renouvellements accompagnèrent les différentes générations d'allotissement et de constructions.Dans ce village où l'abbaye a longtemps exercé seule une certaine attractivité tout en maintenant l'habitat à une certaine distance, le défaut de centralité historique se traduit aussi dans l'organisation de la trame viaire elle-même. Certains axes majeurs qui irriguent le territoire communal sont en effet relativement récents. Le tronçon rectiligne qui relie les Roches au centre du bourg (l'avenue Rochechouart) est constitué en deux temps, vers 1710-1715, puis vers 1839-1841. La route qui mène de Fontevraud au Poitou a elle aussi été remaniée aux XVIIIe et XIXe siècles, délaissant l'ancienne traversée de l'Ânerie pour un tracé parallèle partant des Lizandières. La rocade ouest qui contourne le bourg entre le rond-point des Roches et celui des Lizandières ne date que du début des années 1990. La plupart des rues qui sillonnent le quartier du Grand-Clos sont plus récentes encore.

Inversement, plusieurs axes autrefois majeurs ne sont plus aujourd'hui que des voies très secondaires. La route vers Chinon (rue de l'Hermitage) est désormais un itinéraire mineur. L'ancienne route qui formait l'axe central du bourg pour mener vers Saumur s'achève aujourd'hui en impasse (barrée par la voie rapide de contournement). La voie qui forma des siècles durant l'axe principal du village, la route de Montsoreau (ou des Roches) à Fontevraud (ou au carrefour des Ormeaux, actuelle place Bernard Triquier), n'est plus qu'une voie de deuxième ordre (rue des Perdrielles). L'itinéraire qui la secondait (rue Saint-Mainbœuf) et qui traversait l'abbaye par la Cour-du-dehors, tout en étant soumis aux contraintes de franchissement des portes du complexe abbatial (ouvertes de jour seulement), fut d'abord détourné au début du XVIIIe siècle (par la rue de la Boucherie et la partie sud de l'avenue Rochechouart), pour contourner l'ensemble monastique, puis devint marginal lorsque fut tracé la partie nord de l'avenue Rochechouart (vers 1839-1841). La rue Saint-Lazare n'est plus empruntée que par les habitants du sud du bourg, alors que c'était jusqu'au XVIIIe siècle l'itinéraire majeur vers Loudun. Deux de ces anciennes voies sont à noter, car elles présentent le cas d'aménagements excavés : la rue des Perdrielles forme un chemin creux sur une longue partie de son tracé, contournant ainsi le Grand-Clos qui était une immense parcelle cultivée enclose faisant partie de la réserve de l'abbaye ; la rue du Logis-Bourbon est aussi un chemin creux, le long de la Grande clôture de l'abbaye. Il est difficile d'établir la date à laquelle les excavations de ces chaussées furent réalisées. Il est possible que ces aménagements correspondent à la nécessité d'établir des routes de pente régulière en des sites marqués par des ruptures topographiques, toutefois, il pourrait aussi s'agir d'une manière nette d'établir une délimitation entre espaces relevant de l'abbaye et espaces publics, à une époque peut-être antérieure à l'érection d'une clôture suffisamment imposante pour l'affirmer de manière plus ostensible.

Urbanisme et habitat

De nos jours, l'habitat occupe une large part des vallons de l'Arceau et de ses affluents (anciens ruisseaux de la Socraie ou de la Luzerne) et quelques points plus élevés, notamment à l'ouest du bourg. Toutefois, cette nappe urbanisée présente de nettes discontinuités et des variations importantes de densité. On observe également des différenciations architecturales entre les secteurs bâtis qui correspondent à des phases de l'histoire de la formation du village. Ces caractères confèrent à l'ensemble une impression de bourg polynucléaire, désarticulé et qui s'étire en longueur.

Par ailleurs, la commune compte encore plusieurs écarts. On note, enfin, la présence de sièges d'exploitations isolés, en place ou à l'état de vestiges, le plus souvent en lisière forestière.

Des sites d'habitat isolés principalement liés à des défrichements

La commune de Fontevraud compta davantage de sites d'habitat isolés que l'on n'en dénombre aujourd'hui. Un regard diachronique permet ainsi de pointer pour les XIIe-XIXe siècles deux anciens manoirs (Mestré, Beaurepaire), onze sièges d'exploitation isolés (La Loge, Beaulieu, La Garenne de Beaurepaire, Le Petit-Yreau, Les Trois-Chênes ou Maison Jouanne, Le Chardon, Chanteloup, La Cadhumeau, La Luzerne, La Saulaie, Le Courty), quatre sites de moulins isolés, à vent (Les Moulins-à-Vent, Le Peuil ou Moulin-Caloux) ou à eau (Mestré, La Courvoiserie), auxquels il convient d'ajouter quelques demeures mineures. Toutefois, beaucoup de ces sites sont désormais très dénaturés, ruinés, voire disparus.

Ces sièges d'exploitation isolés correspondent à une ancienne mise en valeur des plateaux entourant le bassin de l'Arceau et sont pour l'essentiel liés au défrichement de clairières au sein d'un environnement forestier autrefois détenu et géré par les abbesses. Bon nombre de ces anciens manoirs et fermes sont attestés dès le Moyen Âge par la documentation et plusieurs conservent encore des éléments médiévaux (Mestrée, Beaurepaire, La Loge, etc.).

La plupart des fermes les plus excentrées, au sud-ouest, sont issues des ultimes défrichements du XIXe siècle consécutifs à la vente de la forêt (Les Trois-Chênes ou Maison Jouanne, Chanteloup, Le Chardon et La Garenne de Beaurepaire).

D'une manière générale, fermes et manoirs occupent des sites plus ou moins abrités, à l'inverse des moulins à vent établis sur des sites élevés et exposés.

Les archives et l'examen des bâtiments conservés permettent de restituer pour ces exploitations une organisation avec corps principal et bâtiments de dépendances autour d'une cour. Du fait du contexte topographique et géologique de l'implantation de la plupart de ces exploitations (plateau, niveaux de l'Éocène), elles ne sont pas associées à des dépendances troglodytiques, sauf exception (comme la fuie du Courty).

D'anciens écarts dont la structure originelle reste perceptible

Historiquement, la commune de Fontevraud compta quatorze hameaux ou écarts (Les Roches, Les Grandes-Genières, Les Ormeaux, Les Lizandières, L'Ânerie, La Haute-Rue ou Haute-Ânerie, La Cave-Avard, L'Yreau, La Socraie, Les Coteaux, Le Petit-Puits, Les Écoteries, La Desgrière, Monquartier). On note parmi eux de nettes différences et le recensement de 1876, à une date où ils sont encore assez clairement individualisés, permet ainsi d'opposer la Cave-Avard (hameau aujourd'hui détruit) qui comptait alors 5 habitants aux Roches où l'on dénombrait 261 personnes.

Sauf exception (la Desgrière, Monquartier, L'Yreau) ou destruction (La Cave-Avard), le développement de l'urbanisation a contribué à agglomérer l'essentiel de ces hameaux au bourg ou à les fondre entre eux et donc à rendre flous leurs contours anciens, mais ces secteurs d'habitat aggloméré conservent bon nombre de leurs caractéristiques passées.

L'implantation de ces écarts traduit la recherche de sites abrités des vents dominants qui balayent le plateau. On note ainsi une prédilection pour les pentes ou bas de vallons, et les expositions est, ouest et sud sont privilégiés. À l'échelle du territoire communal, il est notable que ces sites soient tous situés dans le secteur centre-est, occupant les vallons parcourus des principaux ruisseaux du bassin de l'Arceau.

Le troglodytisme est toujours présent dans les écarts, que ce soit sous forme d'habitations ou de dépendances. Du fait de la topographie variée des pentes et vallons où sont situés ces écarts et d'une inégale accessibilité aux strates rocheuses susceptibles d'être utilisées, les cavités ainsi aménagées relèvent de typologies différentes, avec troglodytisme de coteau abrupt, de pente ou de plaine.

Dans les écarts de vallon (Les Roches, L'Ânerie, La Haute-Rue, Les Lizandières, La Socraie, Les Coteaux), l'habitat ancien n'occupe pas le fond, longtemps inondable avant des travaux d'enfouissement ou de canalisation des ruisseaux et "bournées" de ruissellement. Le plus souvent ces cours d'eau étaient bordés de jardins, de chènevières ou de vergers et l'habitat était organisé autour d'une chaussée établie parallèlement au ruisseau, dans la pente, en secteur non inondable.

L'ancienneté de ces écarts est avérée par les sources et l'on y trouve également encore des vestiges, voire des habitations encore en élévation d'époque médiévale. Dans ces écarts, la trame bâtie antérieure au XIXe siècle est pour l'essentiel constituée d'une succession d'exploitations agricoles établies de manière discontinue le long de la voie, du côté haut, qui relèvent de deux types principaux. Le premier consiste en une maison à pignon sur rue, isolée du coteau, dont l'accès se fait depuis une cour en façade latérale, mais qui dispose en fond de parcelle de dépendances troglodytiques percées dans le flanc du vallon, parfois dans des coteaux rocheux résultant d'une excavation anthropique. Le second type est constitué d'une habitation troglodytique aménagée dans ce coteau, séparée de la rue par une cour et accompagnée de dépendances elles aussi troglodytiques. D'autres types, moins fréquents, se rencontrent aussi, qu'il s'agisse de plus rares maisons construites du côté bas de la chaussée, entre celle-ci et le ruisseau, ou au contraire d'habitations qui flanquent le coteau rocheux (parfois semi-troglodytique), voire à gouttereau et porte sur rue ou encore isolées au milieu d'une parcelle. Les habitations de ces hameaux antérieures au XIXe siècle sont souvent plus modestes que ceux du bourg. Elles sont pour beaucoup en rez-de-chaussée, comptent de une à deux pièces, avec comble à usage de stockage accessible par une porte haute donnant sur rue ou sur cour. La maison couverte d'un toit à deux pans est un type qui fut toujours construit depuis le Moyen Âge dans ces écarts, mais du XVIIe au XIXe siècle, l'appentis y connut toutefois une grande fortune, au point de former aujourd'hui encore une large partie du paysage bâti (notamment à La Haute-Rue ou aux Coteaux). Les Roches et l'Ânerie se distinguent des autres hameaux de la commune par un développement plus important dès l'époque médiévale, qui se traduit par la présence de séquences urbaines qui s'apparentent à un bâti de bourg : certains tronçons, qui constituaient le centre ancien de ces écarts présentent un front continu de bâtiments, souvent plus notables, avec étage-carré, gouttereaux sur rue, façades principales, voire élévation intégralement construites en moyen appareil de tuffeau. De même, les cours d'eau sont ici de longue date canalisés et le bâti ancien s'est rapproché du lit de ces ruisseaux ou biefs.

Dans tous ces écarts, la trame ancienne est modifiée à partir du XIXe siècle, avec le repli très net de l'habitat troglodytique, la canalisation définitive des cours d'eau, la construction de maisons dans les fonds de vallon autrefois inondable, la généralisation de la pierre de taille (XIXe siècle et début XXe siècle) et l'abandon des modèles vernaculaires ou encore la construction de bâtiments de dépendances et le moindre recours aux cavités (particulièrement à partir de la seconde moitié du XIXe siècle et au XXe siècle).

Un bourg hétérogène et séquencé

Le bourg de Fontevraud, tel qu'il se compose aujourd'hui, amalgame plusieurs de ces anciens écarts, des Roches à l'Ânerie ou de la Lizandière aux Grandes-Genières, réunis entre eux par divers tronçons urbanisés, anciens ou récents, et bordés à l'est par le site de l'abbaye royale de Fontevraud dans sa délimitation héritée de sa période pénitentiaire. L'ensemble se caractérise par un urbanisme hétérogène et séquencé.

Un bourg écartelé entre ses pôles anciens

Le centre du bourg est clairement identifiable, autour de la place des Plantagenêts. C'est là, devant la grande porte principale du complexe abbatial que commença à se former, dès la fin du XIIe ou le début du XIIIe siècle, un embryon de bourg. Malgré les interdits plusieurs fois répétés qui exigeaient la mise à distance de l'habitat laïque pour préserver la quiétude des frères et moniales fontevristes, il se mit en place au plus près de la clôture monastique, notamment avec la construction de l'église paroissiale et il semble que de premières habitations y sont érigées dès le XIIIe siècle. On n'y comptait toutefois encore qu'une douzaine de maisons au XVIe siècle, période où le pouvoir abbatial fait construire là des halles et entreprend progressivement l'extension du bourg à partir de ce premier noyau. Aujourd'hui, on discerne ainsi encore nettement les éléments anciens de ce noyau aggloméré dans l'îlot qui forme la partie nord de la place des Plantagenêts, jusqu'à l'actuelle rue des Masques. Là, le parcellaire bâti est assez désordonné, le long des voies et autour de cours intérieures. Cet ensemble compte quelques maisons anciennes (notamment la maison à tourelle du 4, place des Plantagenêts), mais seules des caves y présentent encore des maçonneries antérieures au XVIe siècle. Ce secteur concentre de longue date des activités en lien avec l'abbaye, notamment des hôtelleries (déjà attestées au XVIIe siècle) dont la structure associe bâtiment principal sur rue et arrière-parcelle accueillant les dépendances (écuries, logements secondaires, etc.).

Des éléments de centralité existent également ailleurs dans le village et forment des pôles secondaires qui correspondent au cœur des différents écarts anciens qui s'étaient constitués à plus ou moins grande distance.

Tout d'abord, on peut noter la place Bernard-Triquier, à l'extrémité ouest de la rue Robert-d'Arbrissel. C'était le centre de l'ancien écart des Ormeaux, qui était un hameau très proche des portes de l'abbaye, mais en resta séparé par le grand cimetière et par des terres cultivées jusqu'à la fin du XVIe siècle. Une mare y avait été aménagée en partie nord (le Lac des Ormeaux), point d'eau commun remplacé au XIXe siècle par le puits qui occupe encore le centre la place. Longtemps carrefour principal de Fontevraud (à la croisée de la chaussée menant à l'abbaye et des routes de Montsoreau, de Saumur, de Brézé et de Saix), il distribue toujours diverses voies, même si celles-ci ont perdu de leur importance ou sont devenues des impasses. Des maisons s'alignaient autour de cette petite place et le long de ces voies (on n'en comptait plus d'une dizaine au XVIe siècle). Au sud-est, certaines d'entre elles s'adossaient à l'extrémité occidentale du cimetière et empiétaient sur la chaussée (aux 37 à 47, rue Robert-d'Arbrissel et aux 1 à 4, place Bernard-Triquier), certaines purent se développer en partie postérieure dès 1711, lors de la transformation d'une partie de l'enclos funéraire en champ de foire. Plusieurs générations de maisons se sont succédé ici depuis le Moyen Âge et si les bâtiments en élévation ont été renouvelés, quelques caves médiévales ont été conservées. Il est à noter que c'est très certainement dans ce secteur, à l'ouest du cimetière, qu'Aliénor d'Aquitaine avait fait construire dans la seconde moitié du XIIe siècle une chapelle Saint-Laurent. Plus tard, c'est également au sud-ouest de cet ancien carrefour que Madame de Montespan fit ériger son Hôpital de la Sainte-Famille.

En second lieu, formant la partie sud du bourg actuel, se trouve l'ancien écart de L'Ânerie. Alors même qu'il n'en est qu'assez peu éloigné géographiquement et fut de longue date incorporé au village, il demeure toujours relativement dissocié du centre-bourg, isolé de la Grande porte de l'abbaye par l'emprise du complexe abbatial et du Clos-Bourbon. L'ancien hameau s'étire en longueur, mais il est constitué autour d'un noyau d'habitations agglomérées entre le point de confluence des ruisseaux de la L'Ânerie (ou Vacherie) et de la Luzerne et le carrefour des anciennes voies de Loudun et de Chinon. Au cœur de ce secteur, les rues sont plus densément construites et présentent quelques continuités de bâtiments, dont bon nombre présentent des caractéristiques d'un bâti de bourg, le plus souvent avec étage-carré et accès par la façade principale alignée sur rue. C'est aussi là que se trouvait le four banal de l'écart (au 17, rue de l'Hermitage). L'habitat fut très renouvelé, mais l'on trouve encore des éléments médiévaux, en élévation (baie du XVe siècle au 50, rue du Logis-Bourbon) ou en sous-sol (notamment au 13, rue Saint-Lazare). Du carrefour principal jusqu'à l'ancien « Carroy Trochu » (carrefour de la route de Luzerne et des rues Saint-Lazare et des Potiers, où un lavoir avait été construit au XIXe siècle), on trouve plusieurs maisons et abris troglodytiques sur des parcelles plus en profondeur, avec desserte par des ruelles latérales.

Plus loin au nord, Les Roches sont un ancien écart aujourd'hui intégré au village de Fontevraud. C'est là que l'habitat laïque de développa le plus fortement dans les premiers temps de l'abbaye, à bonne distance de la clôture monastique, et l'on y trouve ainsi les vestiges architecturaux d'habitat villageois médiéval les plus nombreux et les plus notables. Malgré quelques discontinuités, une assez longue séquence de bâtiments alignés au cœur de cet ancien écart (auquel on doit adjoindre le prolongement occidental formé par le tronçon bâti du nord-est de la rue des Perdrielles) en constitue le centre et lui confère une allure de petit bourg. Cette densité du tissu bâti s'accompagne d'autres éléments de polarité que furent historiquement la présence d'un four banal, d'un lavoir, d'une gare de tramway et d'un site ancien industriel (voir notice individuelle consacrée à l'écart des Roches).

D'autres écarts, enfin, sont encore individualisables, enchâssés au sein du tissu désormais aggloméré, même s'ils ne forment pas de réels pôles et s'apparentent encore à des hameaux ruraux : La Haute-Rue (ou Haute-Ânerie, voir notice individuelle consacrée à cet écart), Les Lizandières, Les Grandes-Genières, La Socraie, Les Coteaux, Le Petit-Puits et Les Écoteries.

Un centre-bourg formé d'allotissements successifs, du XVIe au XIXe siècle

Constitué d'un habitat dense, bâti le plus souvent en continuité, le centre-bourg de Fontevraud-l'Abbaye se résume à la rue Robert-d'Arbrissel, à la rue des Masques, à la place des Plantagenêts et à quelques tronçons de voies adjacentes. Ce noyau aggloméré résulte de la réunion, par étapes successives, de deux pôles, reliés par la rue, mais distincts jusque dans la seconde moitié du XVIe siècle : l'un alors constitué aux abords de l'entrée occidentale de l'abbaye (actuelle place des Plantagenêts), de la Grande-porte à la rue des Masques, et l'autre, plus à l'ouest, autour de l'ancien écart des Ormeaux (actuelle place Bernard Triquier).

Jusqu'au XVIe siècle, entre ces deux pôles, se trouvaient, au nord des terres cultivées et au sud l'immense cimetière paroissial (où était implantée à l'est l'église et le presbytère et au centre la chapelle Sainte-Catherine). Ces espaces laissés vides furent dès lors allotis progressivement, par étapes successives, et laissèrent place à des alignements de maisons qu'il est possible d'individualiser par ensembles correspondant à chacune de ces phases.

En premier lieu, la mairie actuelle (construite vers 1874) et les quelques maisons qui la prolongent à l'ouest occupent l'emplacement des halles que l'abbesse Louise de Bourbon avait fait ériger après 1549 sur une parcelle soustraite du cimetière avec autorisation de l'évêché de Poitiers.

Les maisons construites au nord de la rue entre les actuels n°22 et 42 de la rue Robert-d'Arbrissel, ne sont pas toutes contemporaines entre elles, du fait de remaniements. Toutefois, elles forment un ensemble homogène dans leur structure et furent construites sur des parcelles laniérées d'axe perpendiculaire à la chaussée et qui s'étiraient de la rue au mur sud du Grand-Clos, qui mesuraient près de 90 mètres de long pour une largeur variable (de 12 à 23 mètres). Ces parcelles sont commandées par une maison à gouttereau sur rue formant façade principale, avec des ailes de logements secondaires ou de dépendances en retour d'équerre, bâties le long des côtés de l'arrière-parcelle autour d'une cour intérieure, desservie par un passage latéral ou un passage couvert traversant la maison sur rue et elle-même prolongée jusqu'aux murs du Grand-Clos par des jardins. Ces parcelles sont séparées entre elles par des murs. Les logements secondaires bordant la cour sont le plus souvent en appentis et s'adossent fréquemment à ceux de la parcelle voisine. Autrefois, pouvait exister dans la cour intérieure un puits commun à ces différentes maisons, voire à plusieurs de ces grands lots et des passages pouvaient être pratiqués dans les murs qui séparaient ces parcelles afin d'en permettre l'accès. Cet ensemble de parcelles est le fruit d'un allotissement de terrains jusqu'alors vides de constructions et que donne à bâtir l'abbesse Éléonore de Bourbon entre 1577 et 1579. Parmi les premières maisons sur rue alors édifiées, seule est conservée celle située aux 32-34, rue Robert-d'Arbrissel (qui porte la date de 1583).

Du côté sud de la rue, trois maisons forment un ensemble homogène par leur volume et leur conception, aux 9, 11 et 13 rue Robert-d'Arbrissel (la dernière fut remaniée au XIXe siècle) : elles relèvent d'un arrentement d'une portion du cimetière effectué par les procureurs de la fabrique paroissiale en 1741.

Enfin, un ultime allotissement est à l'origine de la construction de la rangée de maisons qui s'alignent entre le 15 et le 37, rue Robert-d'Arbrissel, et qui présentent pour la plupart d'entre elles des façades en moyen appareil de tuffeau à modénature relativement sobre. Ce tronçon de la rue est mis en chantier à la suite du transfert du cimetière hors du bourg, en application du décret napoléonien du 23 prairial an XII (12 juin 1804), qui se traduit par la mise en vente aux enchères des parcelles issues du découpage de l'ancien cimetière durant l'été 1814. Très vite dans les années qui suivent, la plupart des terrains qui bordent la rue sont construits, en respectant des contraintes d'alignement. Cette mise en œuvre rapide se traduit par des constructions concertées de plusieurs maisons successives, réalisées en un même temps et sans doute par le même entrepreneur. Toutes ces constructions comptent un étage-carré et sont dotées d'une façade principale à gouttereau sur rue, avec une volumétrie très voisine. Plusieurs accueillirent une boutique en rez-de-chaussée sur rue. En partie postérieure, le fond de parcelle, parfois accessible par un passage couvert, est occupé par une cour ou un jardin et peut être bordé de dépendances, plus rarement de logements secondaires. Au sud, chacune de ces parcelles donne par une porte piétonne sur l'allée des Tilleuls selon un aménagement soumis à réglementation. On distingue là deux ensembles de maisons sérielles aux les assises appareillées continues et qui furent réalisées d'un seul jet par un entrepreneur unique, qui peut avoir travaillé pour des commanditaires multiples (les 21-25 et 27-31, rue Robert-d'Arbrissel). À l'issue de ce dernier lotissement, soit dans les premières décennies du XIXe siècle seulement, le centre de Fontevraud présentait enfin une rue principale intégralement bâtie lui conférant définitivement l'allure d'un bourg.

Jonctions et prolongements, l'urbanisation linéaire du XIXe au XXIe siècle

Le tissu aggloméré du village de Fontevraud-l'Abbaye est, par ailleurs, formé d'interstices qui assurent la liaison entre les noyaux centraux (le bourg constitué autour de la rue Robert-d'Arbrissel) et périphériques (les anciens écarts) et qui sont constitués de voies bordées d'habitations.

Le cas le plus notable est l'avenue Rochechouart qui relie le bourg aux Roches le long de laquelle on peut observer plusieurs générations de bâtiments, construits au fil de l'établissement de cette voie (en deux temps, vers 1710 et vers 1840). Les plus anciens, en partie sud de l'avenue, correspondent au développement du bourg au XVIIIe et surtout au XIXe siècle et sont à l'alignement, offrant des séquences relativement continues. Au centre et au nord de l'avenue, le bâti est moins dense et plus discontinu, les bâtiments sont plutôt de la seconde moitié du XIXe et du XXe siècle et certains sont construits en milieu de parcelle ou en retrait de la chaussée.

Dans une moindre mesure, des tronçons des rues de la Socraie, des Potiers, des Perdrielles et Saint-Mainbœuf présentent aussi un certain nombre de maisons construites notamment depuis le XIXe siècle et contribuent à lier, cette fois-ci de manière plus discontinue, les écarts entre eux ou au bourg. Là encore, les maisons plus récentes sont plutôt en milieu de parcelle.

Extension et densification : les lotissements de la seconde moitié du XXe et du début du XXIe siècle

La seconde moitié du XXe et le début du XXIe siècle voient l'édification de dizaines de maisons individuelles disséminées dans la commune, notamment aux franges du bourg et des anciens écarts (comme au bord de la rue de Beaulieu ou aux Écoteries), mais l'élément le plus notable est la construction de plusieurs lotissements qui accroissent et densifient le noyau aggloméré de Fontevraud-l'Abbaye.

Au milieu des années 1960, le lotissement de la Lizandière est mis en chantier, au sud-ouest du bourg. Ce projet est lié à l'extension de la base militaire, censée compenser le ralentissement économique et le dépeuplement de la commune à la suite de la fermeture de la maison centrale en 1963. Il s'agit d'un ensemble d'une quarantaine de logements, sous forme de plusieurs alignements de maisons mitoyennes, d'axe nord-est/sud-ouest, construites en milieu de parcelles autour d'une voirie nouvellement créée. Ces maisons, individuelles ou doubles, sont construites en béton, avec toit d'ardoises à deux versants en léger débord ; la plupart sont en rez-de-chaussée, mais certaines comptent un étage-carré.

Sous le nom de Lizandière II, un prolongement de ce lotissement, au sud-ouest, est livré au début des années 1980. Les maisons, là encore mitoyennes, forment toutefois un bâti plus dense et sont construites autour d'une place très minérale, tout en disposant de petits jardins privatifs en fond de parcelle. Les maisons sont plus étroites et comptent toutes un, voire deux étages-carrés. Adossées à une pente, ces maisons disposent d'accès de plain-pied à différents niveaux, en façade antérieure sur la place et en façade postérieure sur jardin. L'évocation d'un bâti plus traditionnel et d'un aspect villageois sont ici très nettement affirmés, avec là encore des toits d'ardoises, mais surtout des volumes très divers, avec flanquements en appentis, hauteurs différentes et absence d'alignement des façades sur rue. Les murs, en béton, sont couverts d'enduits au nuancier systématiquement varié (du blanc ivoire au beige sable de Loire), ce qui contribue à renforcer cet effet d'habitations disparates. Chaque demeure dispose d'un garage, ce qui n'avait pas été prévu dans le projet Lizandière I.

À partir du milieu des années 1980, de nouvelles maisons sont construites, cette fois-ci individuelles et sur de plus grandes parcelles, alloties un peu plus au nord et à l'ouest, entre les Lizandières et les Moulins à Vent, ou au sud-est des lotissements précédents.

Le site du Grand-Clos, vaste ensemble foncier vide d'habitations depuis neuf siècles au moins et situé au cœur géographique des zones habitées de la commune, entre bourg et écarts, est alloti dès 1992 (programme poursuivi encore très récemment) sur décision municipale et sous la houlette de l'architecte Jacques Chudeau, pour devenir en quelque sorte le centre jusqu'alors manquant du village. La salle des fêtes (actuel foyer Yves-Duteil) est d'abord réalisée, ainsi que le réseau de voirie et des parkings, puis à partir de la seconde moitié des années 1990, des logements sortent de terre, articulés autour de la place du Grand-Clos puis alignés le long de voies créées au fil des lotissements successifs. Les choix constructifs sont ici intermédiaires entre les solutions adoptées pour les Lizandière I et II.

Les rues sont bordées d'enfilades de maisons en rez-de-chaussée, individuelles ou doubles, souvent mitoyennes (avec garages à l'articulation les unes des autres).

L'architecture évoque des formes vernaculaires, avec pastiches de chaînes et d'encadrements en pierre de taille, toits d'ardoises, flanquements en appentis et avant-corps. Des décrochements de toitures et des ruptures d'alignement confèrent une certaine irrégularité à l'ensemble. Les maisons sont précédées de petits jardins ou de simples aires de stationnement et disposent en partie postérieure de jardins un peu plus vastes. L'environnement végétal est très présent. L'allotissement en tranches successives de ces diverses rues introduit de légères différences dans la déclinaison de ces principes d'ensemble.

Occupant un site de faible déclivité sud-nord, la place du Grand-Clos offre un tout autre aspect et se singularise sur trois de ses côtés par un bâti continu de petits immeubles à étage-carré qui relèvent d'une architecture post-moderniste. On distingue ainsi, exprimés en des lignes modernes, des éléments relevant de constructions classiques, comme l'usage du fronton, de l'oculus, de l'encadrement ou de la travée axiale en ressaut à bossages continus en table. Le classicisme de cette place se caractérise aussi par les effets de son organisation d'ensemble. Si plusieurs voies desservent cet espace, la composition urbaine se lit ici clairement à partir du point qui fut conçu comme son accès principal : l'entrée située au centre du pan septentrional de la place au débouché de la voie légèrement ascendante venue du nord. Cet accès est ainsi encadrée de deux pavillons symétriques et, une fois franchit, il donne à voir selon un axe nord-sud une place fermée en partie méridionale par un front bâti continu assez monumental, marqué en son centre par un bâtiment à grand fronton curviligne, et dont les longs côtés voient s'aligner des immeubles selon un principe de symétrie (à l'exception des voiries qui les percent). La monumentalité de l'ensemble est atténuée par l'irrégularité de la hauteur à l'égout de chaque maison et des ruptures à l'alignement qui permettent de conserver à ce projet à une physionomie plus villageoise qu'urbaine. Ardoise, évocation de pierre de taille et enduits aux tonalités sable de Loire inscrivent là encore ces bâtiments dans la réminiscence des traditions constructives locales. Le centre de la place est occupé par des aires de stationnement et par un square paysager.

Des équipements sont aussi construits sur le site : une maison de retraite, une caserne de gendarmerie et des espaces techniques municipaux.

Le projet du Grand-Clos et les transformations majeures qui l'accompagnent constituent une véritable rupture dans l'histoire de l'urbanisation de Fontevraud-l'Abbaye, conçue comme une possible centralité nouvelle pour le village qui ancrerait plus fermement au bourg les écarts alentours (Grandes-Genières, Roches). Les abords de l'abbaye, le bourg, les Grandes-Genières, le Chemin-Creux et les Roches sont désormais réunis par un tissu urbanisé et par de nouvelles voies : la rue Henri-Beaugé, la rue des Orchidées, le prolongement de l'ancienne rue des Masques ou encore l'ancien chemin rural devenu la rue des Genêts.

Toutefois, les vastes parkings, terrains de jeux ou aires non encore loties qui s'y trouvent forment tout de même de nettes discontinuités au sein du lotissement. Le Grand-Clos, malgré son implantation au coeur du bâti aggloméré, semble aujourd'hui encore davantage une enclave ou une sorte de périphérie intérieure qu'un véritable nouveau centre dans l'organisation du bourg.

Cette réalisation vient cependant parachever la très lente et très progressive remise en cause du maintien de l'habitat à distance de l'abbaye formulée au XIIe siècle et qui avait constitué des siècles durant un urbanisme des plus originaux.

Date d'enquête 2010 ; Date(s) de rédaction 2010
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
(c) Conseil départemental de Maine-et-Loire - Conservation départementale du patrimoine