Dossier d’œuvre architecture IA85002023 | Réalisé par
Suire Yannis (Contributeur)
Suire Yannis

Conservateur en chef du patrimoine au Département de la Vendée à partir de 2017.

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  • inventaire topographique, Vallée de la Sèvre Niortaise, Marais poitevin
Eglise paroissiale Saint-Hilaire de L'Île-d'Elle
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
  • (c) Conseil départemental de la Vendée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Vallée de la Sèvre Niortaise, Marais poitevin
  • Commune L'Île-d'Elle
  • Lieu-dit Bourg
  • Adresse rue de la République , rue du Prieuré
  • Cadastre 1834 E 1171  ; 2017 AD 185

L'église avant l'église

Jusqu'au 17e siècle, L'Île-d'Elle, village dépendant de la paroisse de Marans, dispose d'une chapelle liée au prieuré et desservie, semble-t-il, par des religieux bénédictins. Une fois la paroisse érigée par distinction de Marans, en 1655, l'ancienne chapelle, pourtant en très mauvais état, fait office d'église paroissiale. Elle sert de sépulture à des notables, par exemple le curé René Birot, le 27 mai 1694, et le curé Jean René Godineau, le 20 mars 1766. Cette même année, le nouveau curé, François Lalère déplore l'état de l'église, en fait l'ancienne chapelle des bénédictins qui n'a jamais fait l'objet de réels travaux depuis l'érection de la paroisse en 1655. Son mauvais été est confirmé par un procès-verbal de visite du 6 septembre 1767. L'église est alors enfin restaurée et agrandie, avec une nef et deux bas-côtés, ainsi qu'une sacristie au chevet. Aux extrémités des bas-côtés s'élèvent deux autels latéraux, l'un à la Vierge, l'autre à sainte Rose, mentionné en 1776 puis voué, à partir de 1819, à saint Louis, enfin au Sacré Coeur. En février 1790, l'église accueille l'assemblée des habitants pour désigner la nouvelle municipalité.

Au début du 19e siècle, cette église s'avère petite et vétuste, et même envahie par la végétation. La question est d'autant plus d'actualité lorsque la paroisse de L'Île-d'Elle est rétablie en 1826. En 1845, le conseil municipal décrit l'église "enfoncée dans le sol, détériorée complètement par l'humidité, écrasée sous une charpente qui menaçait ruine à force de vétusté, privée de clarté et d'espace, insuffisant aux besoins religieux". Un rapport de 1847 précise qu'elle se compose d’une nef de cinq mètres de largeur et de deux bas-côtés dont l’un a trois mètres de large et l’autre quatre. La longueur totale de l’édifice est de 24,60 mètres. Les murs de la nef, qui ont moins de cinq mètres en élévation, sont percés chacun de quatre arcades démesurément larges, construites en pierre de taille d’une très faible épaisseur. La charpente de la nef est composée de fermes simples dont les bois sont de bonne qualité. Celle des bas-côtés est seulement formée de forts chevrons établis en corniers de manière à repousser les murs latéraux. Tous les bois sont apparents, sans voûte ni plafond. La sacristie placée derrière l’autel est beaucoup trop petite et mal éclairée.

Faute de ressources suffisantes, on opte pour la seule construction d'un nouveau clocher dont l'absence empêche, selon le conseil municipal, de se doter d'une cloche "si nécessaire aux cultivateurs éloignés", sans compter "le peu de grandeur de l'église où, les jours des fêtes, on étouffe faute d'espace". Le 13 novembre 1845, le préfet approuve le projet de clocher présenté par Jean-Firmin Lévêque, architecte départemental (auquel on doit, entre autres, la sous-préfecture et le presbytère, actuel Musée vendéen de Fontenay-le-Comte). Ce clocher sera construit à l'extrémité ouest d'un des bas-côtés. Les travaux sont adjugés dès le 15 décembre, pour 8075 francs, à Louis Braud, entrepreneur au Gouffre de L'Île-d'Elle (où l'écluse est en cours de construction). Le chantier, interrompu par les intempéries, abouti à un petit édifice dont la solidité est vite mise en doute.

Une nouvelle église puis un nouveau clocher

La question du reste de l'église reste de toute façon entière. La fabrique paroissiale et le curé Georges du Tressay lancent alors l'initiative de la construction d'une nouvelle église. Le projet est présenté par l'architecte Lévêque le 10 février 1847 et approuvé par le conseil municipal le 2 juin suivant. La nouvelle église aura entre 34 et 35 mètres de longueur, et au moins 15 de large. Elle comprendra une nef, deux bas-côtés, un transept, un chœur, deux petites chapelles latérales et une sacristie. Le clocher de 1845 sera conservé. Le chevet sera sans décoration, "ne faisant face qu’aux champs et vignes". Les portes latérales seront "grandes et d’un abord facile". La séparation de la nef et des bas-côtés sera marquées par des colonnes recouvertes d’une platebande en pierre de taille. L'opération, d'un montant final de 40756 francs, est financée par une subvention de l'Etat et par le produit des fermages des marais communaux. Une ordonnance royale du 21 février 1848 (deux jours avant le début de la Révolution) autorise la commune à accepter le don de 6000 francs par le curé du Tressay.

Dès le 27 décembre 1847, les travaux sont adjugés à Charles Grassin, entrepreneur à Fontenay-le-Comte. La première pierre de la nouvelle église en est bénite en mai 1848 par Mgr Baillès, évêque de Luçon. En octobre 1849, après le départ du curé du Tressay, l'église n'est encore qu'à moitié couverte. Des travaux complémentaires d'un montant de 9000 euros sont adjugés à l'entrepreneur Grassin le 3 octobre 1850. En 1850-1851, sont réalisés les bancs pour 900 places, le maître-autel et l'autel latéral de la Vierge, placé sur le côté nord comme dans l'ancienne église, alors qu'au sud, la chapelle est vouée au Sacré Coeur, là aussi comme auparavant. La nouvelle église est enfin consacrée par l'évêque de Luçon, Mgr Baillès, le 22 août 1852. L'acte de consécration indique que les reliques des saints Prosper et Félicissime ont été placées dans le maître-autel, en marbre.

Elle côtoie encore le clocher de la précédente construction, édifié en 1845 et séparé d'une vingtaine de mètres du nouvel édifice. Le 7 octobre 1855, une violente tempête et la foudre mettent à mal la toiture de l'église et surtout la flèche du clocher, de toute façon disproportionné à côté de la nouvelle nef. Le clocher est relevé bon an mal an et, en février 1856, un marché est passé avec Edmond Louineau, horloger à Marans, pour la fourniture d'une horloge en cuivre, "sonnant les heures et les demi heures".

En 1866, décision est prise de construire un nouveau clocher, accolé à la façade occidentale de la nouvelle église et mieux adapté aux proportions de celle-ci. Un premier devis est présenté en 1866 par l'architecte départemental Victor Clair, projet rejeté le 31 octobre par la commission des bâtiments civils qui estime le clocher proposé trop surchargé et trop élevé. Victor Clair révise son projet en mai 1867, puis à nouveau en octobre, et enfin en avril 1869 : une flèche en pierre est alors préférée à une flèche en bois. Le devis final s'élève à 29829 euros. Les travaux, enfin adjugés à André Deschamps, entrepreneur à Marans, sont enfin réalisés en 1871, avec le vote de fonds supplémentaires. En 1872, un perron et un grand escalier viennent compléter l'ensemble, à l'ouest. La même année, faute de ressources suffisantes, on renonce à un projet de tribune élaboré par Victor Clair.

L'église et ses abords évoluent ensuite peu, si ce n'est le transfert du cimetière à son emplacement actuel en 1895. L'ancien cimetière qui, depuis des siècles, entourait l'église, est désaffecté en 1921 pour faire place, en partie, au monument aux morts. Dans les années 1920, l'électrification de l'église occasionne une passe d'armes entre la municipalité et la paroisse. Le 27 septembre 1953, une tempête emporte la toiture de l'église, en ardoise. Elle est ensuite refaite en tuiles. Différents travaux sont entrepris dans les années 1970 (chauffage, restauration de vitraux, rénovation du sol, du choeur, remplacement des bancs...).

L'église se trouve sur l'un des points les plus élevés de la commune. Grâce à sa flèche, elle est ainsi visible loin aux alentours. A l'ouest, elle est précédée d'une petite esplanade et d'un escalier droit à garde-corps en ferronnerie, qui semble la relier au bourg. Bel exemple d'architecture néo-classique en Vendée, l'église présente un plan en croix latine. Elle comprend une longue nef flanquée de bas-côtés, que soutiennent des contreforts, et terminée par une abside, que précèdent deux bras de transept. Deux sacristies en rez-de-chaussée et à toit en appentis enveloppent l'abside. La nef et les bras du transept étaient à l'origine couverts en ardoise. Le décor se concentre sur les deux bras du transept, sur la façade occidentale et sur le clocher.

Les pignons des deux bras du transept sont divisés en trois parties. Le niveau inférieur, peu élevé, formant solin, est séparé du niveau intermédiaire par un bandeau mouluré. Le niveau intermédiaire est marqué par quatre pilastres qui soutiennent un entablement et une corniche. Ils sont reliés deux à deux par des bandeaux. Le niveau supérieur est percé d'une baie en demi-cercle dont la voussure semble retomber sur les deux pilastres centraux du niveau inférieur. Un imposant fronton triangulaire couronne le tout.

La façade occidentale masque la travée sous clocher qui précède la nef et ses bas-côtés. On retrouve la division en trois parties observée sur les bras du transept, avec toutefois un décor plus développé et un niveau inférieur, muet, plus élevé. Les niveaux intermédiaire et supérieur s'organisent de la même façon : une baie centrale en plein cintre, avec arc, clé et sommiers saillants, encadrée par deux niches voûtées en cul-de-four, avec là encore arc, clé et sommiers saillants. La baie centrale du niveau intermédiaire retombe sur le niveau inférieur et constitue alors la porte principale de l'église. Quatre pilastres scandent le niveau en soutenant un entablement et une corniche et en s'intercalant entre la baie centrale et les niches latérales. Entre deux pilastres, une table moulurée surmonte la niche. A mesure que l'on s'élève, le décor s'étoffe : au niveau supérieur, les pilastres, cannelés, sont à chapiteaux à feuillages, et des volutes soutiennent les tables, plus saillantes et moulurées. Couronnant le tout, un large fronton à modillons est percé d'un oculus qui reçoit une horloge.

Au-dessus encore, le clocher carré soutient une flèche octogonale, elle-aussi en pierre de taille. Le décor sculpté y est encore plus abondant que sur la façade occidentale. Des pilastres et piliers engagés, à chapiteaux à feuilles d'acanthe et enroulements, marquent les angles du clocher et encadrent des baies à réseau. Celles-ci s'inscrivent dans des arcs en plein cintre, avec encadrement mouluré, sommiers saillants et agrafe. Toujours plus haut, une corniche à modillons soutient un garde-corps en pierre ajouré qui contourne la base de la flèche. A chaque angle est posté un gros pot à feu orné de draperies. La flèche, percée d'oculi dont certains avec fronton, présente quatre baies en plein cintre, avec clé et sommiers saillants. Chacune est encadrée par des piliers à chapiteaux à feuilles d'acanthe et enroulements, sur lesquels reposent un fronton triangulaire. Au sommet de la flèche figure une girouette en zinc, en forme de coq.

A l'intérieur, par la porte occidentale, on pénètre dans la travée sous clocher qui donne au nord sur une ancienne chapelle (des fonts baptismaux ?) devenue chaufferie, au sud sur la cage d'escalier montant au clocher. L'église se compose ensuite d'une large nef voûtée d'un lambris en berceau, et de deux bas-côtés avec plafond plat en lambris. Les trois vaisseaux sont séparés par des colonnades de quatre colonnes chacune. Le mur extérieur de chaque bas-côté est percé de trois baies en plein cintre. A l'approche du transept, les bas-côtés se terminent par une travée voûtée d'un lambris en berceau. Le transept est à son tour couvert d'un lambris, voûté en berceau pour les bras, en arêtes pour la croisée. le choeur comprend une travée également voûtée d'un lambris en berceau, puis une voûte en cul-de-four. Le fond du choeur est percé d'une porte centrale qui donne sur le couloir reliant les deux sacristies. De part et d'autre du choeur, les deux chapelles latérales sont chacune couverte d'une voûte d'arêtes et percée d'une baie en plein cintre.

  • Murs
    • calcaire moellon enduit
    • pierre de taille
  • Toits
    tuile creuse
  • Plans
    plan en croix latine
  • Couvrements
  • Couvertures
    • toit à longs pans
    • flèche en maçonnerie
  • Techniques
    • sculpture
  • Représentations
    • pilastre
    • agrafe
    • pot à feu
    • draperie
    • acanthe
    • enroulement
    • fronton
    • fleur
  • Statut de la propriété
    propriété publique
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler

Documents d'archives

  • Archives départementales de Charente-Maritime. 3 E 66/328 (d'après 2 C 2128). 1767, 6 septembre : procès-verbal de visite et devis de réparations de l'église de L'Île-d'Elle.

  • Archives départementales de la Vendée. 21 FI 2/10. 1969-1971 : pré-inventaire des monuments et richesses artistiques de la France, commune de L'Île-d'Elle.

  • Archives départementales de la Vendée. 1 O 363. 1839-1921 : édifices et services publics de L'Île-d'Elle, écoles, église, presbytère, cimetière et calvaire.

  • Archives paroissiales, Chaillé-les-Marais. 1776-1984 : archives de la paroisse de L'Île-d'Elle, actes de propriété, actes d'authenticité de reliques, inventaires de mobilier, factures, devis, correspondance relatifs à l'église, au presbytère, à l'école privée et à la salle Notre-Dame.

  • Informations, documentation et notes de dépouillements d'archives fournies par M. René Durand (1924-2018), Marans.

Bibliographie

  • AILLERY, Eugène (abbé). Chroniques paroissiales : canton de Chaillé-les-Marais, manuscrit, vers 1855, 67 p. (Archives départementales de Vendée, 1 J 2698).

  • FOUCART Bruno, HARMON Françoise (dir.), L'architecture religieuse au XIXe siècle, Paris, PUPS, 2011, 363 p.

    p. 131-132
  • SIMONNEAU, abbé Augustin. "L'Île-d'Elle, description et histoire", Annuaire départemental de la Société d'émulation de la Vendée, 1888, 3e série, vol. 8, p. 3-56, et 1889, 3e série, vol. 9, p. 1-51.

  • TIZON, Henri. Petite histoire de L'Île-d'Elle, ses légendes et son patois, poésies et vieilles chansons, O. et P. Lussaud, Fontenay-le-Comte, 1961, 297 p.

    p. 120-122, 128, 135, 141, 149-160

Documents figurés

  • Plan cadastral de L'Île-d'Elle, 1834. (Archives départementales de la Vendée, 3 P 111).

Date(s) d'enquête : 2018; Date(s) de rédaction : 2018
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
(c) Conseil départemental de la Vendée
Suire Yannis
Suire Yannis

Conservateur en chef du patrimoine au Département de la Vendée à partir de 2017.

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