Le haut Moyen Âge
Tous les auteurs s'accordent pour signaler, mais sans la situer, l'existence d'une motte féodale au Lude avant l'an Mil. Cette motte serait ensuite, selon les hypothèses, abandonnée ou réaménagée pour la construction d'une forteresse. Les points de vue divergent sur l'emplacement de cette première motte que le Docteur Candé (1900) situait grosso-modo au centre de l'îlot de l'usine Candia, en aval du pont sur le Loir. Cette mystérieuse proéminence disparue dans les années 1980, pouvait aussi être le socle de la tour d'un certain Jean du Lude que les seigneurs du Lude auraient détruite au XIe siècle. Il s'agissait alors plus vraisemblablement, d'une maison-tour construite hors les murs de la ville et qui menaçait la sécurité du château en cas de conflit. Néanmoins, il existait deux seigneuries de haute justice : Le Lude et la Motte-sous-le Lude. Si l'emplacement du lieu seigneurial du Lude est attesté avec une quasi-certitude, celui de la Motte-sous-le Lude aurait été déplacé. Un certain nombre de parcelles cadastrales agglomérées et situées en face le Lude, sur la rive droite, sont associées au toponyme de Valboyer que l'on retrouve aux abords de l'église saint-Vincent, proche la terrasse. Cet emplacement sur la rive basse du Loir, sous l'éperon du Lude, éclairerait le sens du toponyme Motte-sous-le Lude, ensuite déplacé sur la terrasse de la rive gauche, lors de la possession des deux châtellenies par le même seigneur.
Cependant, quelques interrogations demeurent. L'enceinte du Château du Lude réunissait les deux châtellenies de la Motte-sous-le Lude et du Lude. Dans l'état actuel de la recherche, il est vraisemblable d'envisager, comme Raoul de Linière (1908), la coexistence de deux lieux seigneuriaux ou châteaux : celui du Lude, à l'emplacement de l'éperon, et celui de la Motte-sous-le Lude sur la terrasse du château. D'après les aveux de dénombrements de ces deux châtellenies en 1703, seul Le Lude a conservé son château tandis que le châtelet de La Motte-sous-le Lude s'est fondu dans les communs et les abords immédiats.
À quelle date, ces deux châtellenies tombent-elles entre les mains du même seigneur ? La proximité et la réunion des deux bâtisses en sont probablement les conséquences.
Le Lude pendant le Moyen Âge
Pendant quatre siècles, l'existence du château du Lude est attestée par les témoignages historiques : le premier seigneur héréditaire connu serait Isambart du Lude tué en 1016. Sa fille Adelburge du Lude épouse Étienne de Montreveau qui donne asile à Foulques Nerra en 1027. Puis, Emmeline de Montreveau et du Lude épouse Raoul de Beaumont. Au milieu de XIIe siècle, Roscelin II vicomte de Beaumont et du Lude, épouse Constance d'Angleterre fille d'Henri 1er roi d'Angleterre et devient l'allié de l'Angleterre contre Geoffroy Plantagenêt comte d'Anjou. Le 20 février 1202, Jean-sans-Terre roi d'Angleterre fait étape au Lude. Les vicomtes de Beaumont, de Fresnay et du Lude possèderont le Lude jusqu'en 1253, date du mariage d'Agnès avec Louis de Brienne, 3e fils de Jean, roi de Jérusalem, empereur de Constantinople. En 1355, Louis II succède à son oncle Geoffroy dans la possession de la seigneurie du Lude. Il avait épousé Isabelle de Bourbon qui lui succède comme dame du Lude. Elle meurt en 1371, peu de temps après la bataille de Pontvallain où s'affrontent Bertrand Du Guesclin et Robert Knolles. Deux fois, les anglais tentent de prendre le château en vain. Lors de cette succession, la châtellenie du Lude est détachée de la terre de Beaumont et échoit à Marguerite de Poitiers qui la cède à son petit-fils Jean de Vendôme. Tant bien que mal Marie d'Orange, veuve de Jean de Vendôme, conserve la terre du Lude qu'elle partage avec Pierre de Vendôme, son neveu. En 1425, le château et la ville du Lude sont pris par les troupes du comte de Warwick et Guillaume Gladsdall est nommé gouverneur de la ville. En 1427, son successeur William Blackborne tenait la forteresse avec 1200 hommes lorsqu'Ambroise de Loré, capitaine des troupes de La Trémoille, et Gilles de Rais font le siège du château et le chasse. Pierre de Vendôme et Marie d'Orange retrouvent leur bien. La part de Marie d'Orange est engagée auprès d'un certain Goreau qui rend foi et hommage comme seigneur du Lude à Jean, duc d'Alençon et vicomte de Beaumont. Les biens engagés de Goreau passent à Guy de Carne qui vend en 1457 aux Daillon qui seront dorénavant les seuls propriétaires de l'ensemble.
De cette histoire, il apparait que l'on sait peu de choses de la configuration du château au Moyen Age sinon que devant la menace des troupes anglaises, le capitaine Guillaume de Méron fait creuser des fossés du côté de la ville à la fin du XIVe siècle. Les deux années d'occupation par les anglais ont conforté les défenses du château qui fut très endommagé par le siège de 1427. Le statut de domaine engagé pour moitié n'a pas favorisé les travaux de restaurations jusqu'au rachat par les Daillon en 1457. Le château tel que nous pouvons l'observer aujourd'hui appartient à une histoire qui commence dans la deuxième moitié du XVe siècle.
Le Lude à l'époque moderne
L'arrivée de Jean de Daillon au Lude est une période de renouveau. Malgré sa nomination en 1447 comme Chambellan ordinaire du dauphin, le futur Louis XI, il prend parti contre ce dernier en ralliant la ligue du Bien public. Selon Pascal Thibault, contraint à l'exil de la cour de France, il aurait vécu sept années comme secrétaire du roi René en Anjou. Rentré en grâce à partir de 1468, il s'enrichit et peut se consacrer à l'embellissement de son château du Lude.Jean de Daillon meurt en 1482 et c'est son fils Jacques qui poursuit les travaux au XVIe siècle. Dans les années 1560, un artiste anonyme décore le studiolo (voir sous dossier) de la chambre du rez-de-chaussée pour Guy de Daillon et son épouse Jacqueline de la Fayette. Par lettres patentes de François 1er, la terre du Lude est érigée en comté en 1545 et devient un éphémère duché-pairie par lettres patentes (non enregistrées) de Louis XIV en 1676.
Après les Daillon.
Henri, seul Duc du Lude, meurt sans postérité. La terre échoit à la famille de Roquelaure puis aux Rohan-Chabot. Jusqu'à sa vente en 1752, le château n'est pas habité et l'on peut supposer qu'il n'est pas bien entretenu. Joseph Julien Develaer l'achète pour 395 000 livres et se contente de réparations légères de mises hors d'eau. En 1785, sa fille Françoise Joséphine Butler épouse d'Étienne Baude, marquis de la Vieuville vont entreprendre de grands travaux. L'exiguïté des espaces bordés de larges et profonds fossés avec des accès compliqués depuis la ville et les grands chemins de communication va contribuer à bouleverser une fois de plus les schémas de composition d'ensemble et gommer les accidents du relief. Ils font appel à l'architecte Vincent Barré connu entre autre, pour ses réalisations du château du Marais dans les Yvelines et du château du Montgeoffroy dans le Maine-et-Loire. Le projet de Barré retourne le château à 180° : il ouvre la façade ouest vers la ville en l'agrémentant d'un portique, ferme la cour d'honneur à l'est, démoli les bâtiments de l'avant-cour, comble le fossé est et relie l'avant-cour et l'éperon dans un même espace. Le parti pour la nouvelle façade sur l'éperon est un compromis entre la fin de la Renaissance et le XVIIIe siècle : les corps de bâtiment à travées régulières ont des toits différenciés en pavillon. Le projet de Barré reste inachevé à la Révolution.
De la Révolution à 1914
En 1798, Élisabeth Baude de la Vieuville épouse Louis-Céleste de Talhouët. Ils résident peu au Lude. Leur fils épouse Alexandrine Sophie Roy, la fille du Comte Antoine Roy, ministre de Louis XVIII et maître de forges. Le château renait à partir de 1850 avec l'arrivée des marquis de Talhouêt-Roy qui entreprendront d'importants travaux de réaménagements intérieurs et la construction de nouveaux communs où se succèderont les architectes Pierre-Félix Delarue de 1852 à 1857, Denis Darcy de 1876 à 1880, Louis Parent de 1888 à 1906 et enfin Paul Lafargue de 1911 à 1914. Les jardins et le paysage alentours du château feront l'objet de soins attentifs concrétisés vers 1900 par la réalisation du projet d'ensemble d'Édouard André et dans les années 1990 par la création du jardin de l'éperon par le paysagiste belge Augustin d'Ursel.
Photographe, Service Patrimoine, Région Pays de la Loire.