Dossier collectif IA72001622 | Réalisé par
Aquilon Stéphanie (Contributeur)
Aquilon Stéphanie

Chargée de mission Inventaire du Patrimoine PETR Pays Vallée du Loir

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  • enquête thématique départementale
Patrimoine de la vigne et du vin, Val du Loir (Sarthe)
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    maison, cellier
  • Aires d'études
    Vallée du Loir
  • Adresse
    • Commune : La Chapelle-Gaugain
      Lieu-dit :
    • Commune : Lavenay
    • Commune : Poncé-sur-le-Loir
    • Commune : Ruillé-sur-Loir
    • Commune : Lhomme
    • Commune : La Chartre-sur-le-Loir
    • Commune : Chahaignes
    • Commune : Marçon
    • Commune : Beaumont-sur-Dême

L'aire géographique de l'AOC Jasnières, vin blanc à cépage pineau de la Loire ou chenin, s'étend sur les communes de Lhomme (décret du 31 juillet 1937) et Ruillé-sur-Loir (1948).

L'aire géographique de l'AOC Coteaux du Loir (décret du 12 mai 1948), vin blanc, rouge ou rosé, s'étend sur 16 communes de la Sarthe, en vallée du Loir (Beaumont-sur-Dême, Chahaignes, Château-du-Loir, Chenu, Dissay-sous-Courcillon, Flée, La Chartre-sur-le-Loir, Lhomme, Marçon, Montabon, Nogent-sur-Loir, Poncé-sur-le-Loir, Ruillé-sur-Loir, Saint-Germain-d'Arcé, Saint-Germain-du-Val, Saint-Pierre-de-Chevillé et Vouvray-sur-Loir) et sur 6 communes d'Indre-et-Loire (Bueil, Épeigné-sur-Dême, Saint-Aubin-le-Dépeint, Saint-Christophe-sur-le-Nais, Saint-Paterne-Racan et Villebourg).

Le savoir-faire vitivinicole en vallée du Loir remonte au Moyen Âge. Les terres sur lesquelles la vigne a été ou est encore cultivée portent notamment le nom de clos. Au début du XIXe siècle, les premiers plans cadastraux représentent des parcellaires lanièrés, révélateurs d'un morcellement extrême, tandis que chez les notaires sont vendues des portions de vigne d'à peine quelques ares parfois. Les états de section font apparaître une multiplicité de propriétaires plutôt locaux : cultivateurs et vignerons, marchands, commerçants, artisans de la pierre, du bois, du cuir, du chanvre, ouvriers, rentiers...

Certaines portions de vigne étaient bornées sinon délimitées par une haie, un fossé voire un cours d'eau. Exceptionnellement, on trouve la mention d'un mur et d'une porte.

Les maisons de vigne pour le repos du journalier

Le patrimoine bâti vitivinicole en vallée du Loir est constitué de quelques dizaines de maisons de vigne et de milliers de caves troglodytiques. Liées à la viticulture, les maisons de vigne dites aussi cabanes de vigne ont été construites à partir du milieu du XIXe siècle et ont servi comme telles jusque dans la décennie 1950.

Il y a trente ans, A. et G. Dupé recensaient 96 maisons de vigne dans le canton de La Chartre-sur-le-Loir, principalement sur les communes de Lhomme, Marçon et Beaumont-sur-Dême, notant au passage le mauvais état de certaines d'entre elles. Plusieurs ont été détruites depuis. La maison de vigne n'est pas loin d'être une réplique en petit gabarit de l'habitat vernaculaire. Le matériau du gros-œuvre est en moellons de calcaire et ou de silex, enduit à chaux et à sable, ou bien en pierre de taille de tuffeau de grand appareil -une caractéristique de la construction en vallée du Loir au XIXe siècle, ou encore entièrement en briques - à la différence notable de la maison d'habitation. Les chaînages sont en pierre de taille ou en briques. Le toit est en ardoises ou en tuiles. Les exceptions sont de construction plus récente : maison en planches de bois, toiture en tôle… Les maisons de vigne encore debout permettent d'ébaucher une typologie : plan rectangulaire / plan carré, rez-de-chaussée / étage, pièce unique / deux pièces (la seconde étant une écurie), porte sur mur gouttereau / porte sur mur pignon, toit à longs pans / toit en pavillon, avec ou sans cheminée, corniche, gouttière (pour acheminer l'eau de pluie dans une citerne), cave, appentis (pour stocker du bois)…

Les caves troglodytes pour la récolte et l'élaboration du vin

À défaut d'aménagements particuliers aux abords des exploitations de polyculture, des milliers de caves troglodytes ont servi au stockage de la récolte et à l'élaboration du vin en vallée du Loir. Comme les parcelles de vignes, elles ont appartenu et appartiennent à une multitude de propriétaires, pour la plupart non vignerons. Les documents notariés font mention de caves « en roc », éventuellement caves à boisson (vin ou cidre), et leur contenu confirme leur destination.

Les caves troglodytes sont présentes sur des dizaines de kilomètres en vallée du Loir. Elles referment la cour d'une exploitation ou, plus fréquemment, sont indépendantes de l'exploitation. Dans ce second cas, elles sont uniques ou groupées en pleine campagne, le long d'une voie, en arrière-cour d'une rue de bourg. Elles peuvent s'étager sur deux voire trois niveaux. D'autres encore ont été aménagées au fond de couloirs rocheux. Les caviers sont des ensembles de caves réparties autour d'une cour commune sans habitat. Parmi les plus connus, on trouve ceux de Vaugermain à Chahaignes, des Jasnières à Lhomme, de Saint-Amadou ou de Dauvers à Ruillé-sur-Loir. La localisation des caves troglodytes est si diversifiée que toutes les expositions au soleil existent.

Les caves à vin sont creusées dans la roche calcaire, à flanc de coteau. Le rapport du BRGM indique que la galerie mesure entre 6 et 20 m de longueur, fait 2,5 à 3 m de hauteur, et 2 à 4 m de largeur. Toutes sortes de ramifications existent de part et d'autres de cette galerie. Boyau plus petit et plus bas, éventuellement clos, le caveau est destiné au stockage des bouteilles. Les casiers muraux remplissent également cette fonction.

La cave est fermée par une porte dans un encadrement rectangulaire ou, plus souvent, dans une arcade en pierre de taille ou en briques, ou bien alternant les deux matériaux de la même façon que les chaînages des fermes et maisons avoisinantes au tournant des XIXe et XXe siècles. L'arcade permet à la porte de la cave, constituée d'un ou deux vantaux, d'être surmontée d'une imposte. L'arc peut prendre différentes formes : cintré, surbaissé, segmentaire, outrepassé... ce qui distingue esthétiquement les caves. La porte est presque toujours à claire-voie, gage d'une aération permanente qui peut être renforcée par une ou des petites baies. La claire-voie a permis aux artisans locaux de réaliser des pièces jouant sur les lignes, les diagonales, les croix… Elle est en bois ou en métal, tout comme la serrure, dont la clé est très grande et bien travaillée.

Certaines caves présentent une ou des dates gravées. L'inventaire exhaustif ne peut être réalisé mais ce qui a été vu n'est pas antérieur au début du XIXe siècle. Ces données ne résolvent pas la question de l'origine de la cave : la date correspond-elle à un nouveau percement, à un prolongement, à un changement d'usage ? L'intérieur des caves est rarement orné. Mais dans une cave de Poncé-sur-le-Loir, on lit quelques vers de Ronsard en lettres néo-gothiques du XXe siècle, agrémentés d'un portrait du poète dont la demeure natale, à Couture, est située à quelques kilomètres, en rive gauche du Loir.

L'équipement des caves troglodytiques : pressoir, puits, cheminée

Dans les caviers, la cour a pu être dotée d'équipements collectifs tels le pressoir et surtout le puits, remplacé à partir de la fin du XIXe siècle par une pompe à bras, avec droit d'usage et charge d'entretien et de réparation pour tous les propriétaires. À l'entrée de la cave, on repère parfois dans la pierre l'anneau de métal qui servait à attacher le cheval. Dans la cave, le sol est en terre battue. Certaines renferment des vestiges de matériel vinicole. À l'entrée peut subsister un pressoir ou le bac maçonné sur lequel il reposait. Dans les actes notariés du XIXe siècle, le pressoir ainsi que ses ustensiles, voire les chantiers (longs rails de bois sur lesquels reposent les fûts ainsi isolés de l'humidité du sol et qu'utilisent encore certains viticulteurs) sont vendus avec la cave.

La cave peut être dotée d'une cheminée qui servait à chauffer de l'eau pour nettoyer le pressoir, les fûts, les bouteilles, voire à cuisiner ; dans ce cas, elle peut être percé d'un four à pain ou accompagnée d'un potager, ancêtre du fourneau. Cette cheminée est en pierre de taille ou en brique. Le conduit est percé dans le roc et la souche ou le tuyau se dresse sur le coteau.

Le nombre de caves troglodytiques est sous-estimé. Elles ont été et demeurent très nombreuses, de l'ordre de plusieurs milliers aujourd'hui. À Vouvray-sur-Loir, à l'établissement du cadastre dit napoléonien en 1818, plus de 400 caves troglodytiques sont dessinées : on en compte 89 aux Coteaux, 45 au lieu-dit Goulard, 11 au Clos de Goulard, 37 à Courdamon… pour 163 hectares de vignes cultivés. À Chahaignes, 410 caves troglodytiques ont été dernièrement recensées.

La question du nombre de caves est liée à la chronologie des percements. Il apparaît que ces derniers et leurs prolongements ont été réalisés pendant des siècles. On trouve par exemple dans une vente de 1785 mention d'une petite cave en roc, nouvellement creusée et percée, sans aucune fermeture, située sous le clos de vignes des Châleries, paroisse de Poncé. Les caves étaient creusées et travaillées au pique, ce qui a laissé des traces. Certaines, au XIXe siècle, sont voûtées en pierre de taille de tuffeau.

Le droit de percement est couramment mentionné dans les actes notariés. Ainsi on relève dans une donation de 1865 le droit de creuser deux caves, l'une au nord et l'autre au midi de celle-ci-devant désignée dans la même direction et dans le même alignement à un mètre au moins de distance dans la largeur ne pourra dépasser 3,3 m mais dans la profondeur n'est pas limitée, en répondant toujours des dommages causés au sol supérieur.

De même, il existait un droit à prolonger la cave, dans la limite des propriétés voisines comme l'atteste une vente de 1834 : En considération de cette construction, les vendeurs concèdent à l'acquéreur le droit de faire creuser ou percer ladite cave jusqu'à concurrence de 15 m de profondeur. Ce droit peut être associés au devoir de voûter pour des raisons de sécurité : … à la charge de les voûter solidement de manière à éviter la chute du sol supérieur et à le conserver intact ; venant à périr par suite des excavations le sol supérieur sera rétabli et remonté à sa hauteur actuelle aux frais de l'acquéreur.

L'acquéreur peut être tenu de maçonner la paroi extérieure de la cave : cette vente est faite à la charge par ledit acquéreur qui s'y oblige (…) de faire d'ici le 24 juin prochain [1834] un mur en maçonnerie d'une épaisseur convenable et d'une hauteur d'un tiers de mètre au-dessus du sol, au long du terrain desdits B. et O. et au-dessus de ladite cave, en sa largeur, pour arrêter l'éboulement des terres et d'employer pour cet effet le sol dudit chemin ou sentier à partir de la grande route.

Cependant, malgré les aménagements, renforcements et terrassements réalisés jusqu'au XXe siècle, certains sites et caves sont menacés. Un rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) publié en 2013 pointe les risques d'effondrements, d'affaissements, de chutes de pierre ou de glissements de terrain.

Au cours des siècles, les caves à vin ont pu connaître d'autres fonctions que la fonction économique, outre celles de l'habitat et de la carrière évoquées. Elles ont notamment servi de refuge et de lieu de culte pendant les guerres, d'espace de sociabilité, comme en témoignent les cartes postales du début du XXe siècle immortalisant la « traditionnelle » partie de caves et les fêtes de la Saint-Vincent, patron des vignerons, le 22 janvier. Elles sont aussi devenues des lieux de repas, de repos, de loisirs.

Un très petit nombre de caves à vin (mais aussi d'anciennes carrières et de champignonnières) reste utilisé par des viticulteurs qui apprécient leur praticité, la constance de la température (autour de 12°C) et de l'hygrométrie : électrifiées, elles servent d'entrepôts, de lieux de visites et de dégustation. Les autres caves appartiennent comme autrefois à une multitude de propriétaires, parmi lesquels certains élaborent leur propre vin. On en trouve à acheter sur Internet pour quelques milliers d'euros.

  • Période(s)
    • Principale : Temps modernes, 19e siècle, 20e siècle

Documents d'archives

  • Archives départementales de la Sarthe ; 6 M 683. Fonds de la Préfecture, Statistiques, Statistiques complémentaires à la production agricole : Culture de la vigne dans le département (1809-1829).

  • Archives départementales de la Sarthe : 6 M 683. Population, économie, statistique, fonds de la Préfecture : limites de la culture de la vigne dans le département, 1806.

Bibliographie

  • BARIOZ-AQUILON, Stéphanie. Clos, loges, caves. Un petit patrimoine viti-vinicole enraciné dans la vallée du Loir. 303 arts, recherches, créations, nov. 2015, HS n° 139, De la vigne au vin.

    p. 96-103
  • BARIOZ AQUILON, Stéphanie. Le patrimoine viti-vinicole en vallée du Loir (Sarthe), révélateur des permanences et des mutations autour d’un petit. Dans Être petit dans l'univers vitivinicole Études et échelles d'un atout ; actes du colloque à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour sept. 2017 co-dir. Stéphane Le Bras et Laurent Jalabert, CAIRN, 2019.

  • CORDONNIER, Paul. Les vignes, les vins, les caves de Marçon. Revue historique et archéologique du Maine, 1947.

  • Des vignes, du vin, des hommes. La viticulture en Sarthe du XIIIe au XXe siècle. Conseil Général de la Sarthe / Archives départementales, Le Mans, 2012.

  • DUPÉ, André et Ginette. Cent maisons de vigne autour de La Chartre-sur-le-Loir. Association maisons de vigne : La Chartre-sur-le-Loir, 1995.

  • DUPÉ, André, FREYSSINET, Michel. Vins, vignobles et vignerons de la vallée du Loir. Éditions Cénomanes, Le Mans, 1996.

  • LEGOUY, François, GIROIR Guillaume, BOULANGER, Sylvaine & DALLOT,Sébastien (co-dir.), Terre des hommes terres du vin, actes du coll. d’Orléans Paysages, mises en scène paysagères, patrimoines vitivinicoles, valorisations touristiques et développement territorial du 13 au 15 oct. 2016, Tours, Presses Universitaires François Rabelais, coll. Tables des hommes, 2021. 528 p.

  • PERREAU, Alain. Le vin de Jasnières De la réputation à l'appellation, mémoire de master 2 Histoire de l'alimentation sous la direction de Marc de Ferrière Le Vayer, Université de Tours, juin 2014.

Périodiques

  • REBUT, Didier. Essai sur l'histoire de la culture de la vigne dans le département de la Sarthe. Bulletin de la Société d'Agriculture, des sciences et des arts de la Sarthe, 1901.

    p. 151-224
  • DUPÉ, André. Le pressoir de Bénéhard. Bonjour Chahaignes, oct. 1987.

Date(s) d'enquête : 2014; Date(s) de rédaction : 2014
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
(c) Pays Vallée du Loir
Aquilon Stéphanie
Aquilon Stéphanie

Chargée de mission Inventaire du Patrimoine PETR Pays Vallée du Loir

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