Dossier d’œuvre architecture IA53004465 | Réalisé par
Barreau Pierrick (Contributeur)
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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  • enquête thématique départementale, rivière Mayenne
Demeure de villégiature dite château
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Mayenne - L'Huisserie
  • Commune L'Huisserie
  • Lieu-dit la Bonne-Métrie
  • Cadastre 1810 C2 55  ; 2022 C 780 782 857
  • Dénominations
    demeure
  • Parties constituantes non étudiées
    dépendance, écurie, remise, cour, mur de clôture, portail, poulailler

La ferme avant le "château"

En 1895, on signale à la Bonne-Métrie la découverte d'un sarcophage en pierre coquillière ; celui-ci témoignerait de la voie ancienne qui franchissait la Mayenne un peu en aval du pont d'Entrammes, au droit de l'ancien oppidum du Port-Rhingeard. La commission historique et archéologique de la Mayenne devait alors voter une subvention pour la poursuite des fouilles, dont on ne sait toutefois si elles furent bien réalisées.

La Bonne-Métrie, simple closerie relevant de la seigneurie de Bonne, est citée dans un aveu de 1613 sous le nom "Bonhommetterie". Ainsi, le nom pourrait dériver de "métairie des Bonshommes" en référence aux moines du prieuré de Port-Rhingeard qui en sont peut-être les fondateurs ; par déformation, il serait devenu "métairie de Bonne" avec le rattachement au fief de Bonne. Un aveu est rendu au fief de Bonne en 1641 par Olivier-François Beloce pour "le lieu de la Bonne Mestrye", qui fait également l'objet d'un bail consenti en 1692 par Louise Ouvrard, épouse de Sébastien de la Porte, seigneur de Bonne. Dès la fin du XVIIIe siècle, la propriété appartient à Jean-Baptiste Bourlier, prêtre à Laval, signalé comme déporté à la Révolution. La "closerie de la Bonne Maiterie ou Métrie" fait l'objet d'une évaluation qui précise qu'elle comprend dix journaux deux tiers de terres labourables et deux hommées de prés. La ferme n'est pas vendue mais temporairement louée à un certain Rébillon, puis restituée à son propriétaire de retour en France après son exil, qui la possède toujours à la levée du cadastre napoléonien en 1810. Elle est ensuite vendue par ses héritiers à François Morin, meunier puis cultivateur célibataire. Les matrices cadastrales font état, en 1842, de l'omission de la construction d'un pavillon.

C'est ensuite Elisabeth Morin, fille du célèbre historien lavallois Louis-Julien Morin de la Beauluère et épouse de Joseph-Henri Letourneur, qui hérite de la Bonne-Métrie. Les matrices cadastrales signalent en 1857 qu'elle fait reconstruire le logis de ferme. Narcisse Morin, qui a posé son chevalet à cet endroit et peint la Bonne-Métrie ainsi que l'abbaye du Port-Rhingeard, livre une vue naïve des bâtiments sans doute peu après les travaux. On y reconnait la maison et les anciennes dépendances agricoles, ainsi que le potager clos d'un mur en pierre ; une porte est aménagée pour rejoindre la prairie qui borde la Mayenne où voguent quelques barques. Des bâtiments de cette époque, seuls demeurent le logis et sa dépendance adossée, placés perpendiculairement à la rivière, et l'enceinte du potager.

 

Une demeure originale

Vers 1874, sur les restes d'un bâtiment plus ancien qui est démoli, Marie-Joseph Outin, fabricant et négociant de tissus à Avesnières, et son épouse Claire-Victorine Bertron, font élever, contre la maison existante convertie en cuisine et remises, une grande demeure aux allures de petit château, complétés par de nouveaux bâtiments de ferme de plan symétrique. Les matrices cadastrales indiquent que la nouvelle maison devient imposable en 1877. L'architecte auquel le couple fait appel demeure inconnu faute de documents ; néanmoins, l'hypothèse d'une œuvre de jeunesse du lavallois Léopold Ridel a été avancée, sans qu'aucune preuve puisse être pour l'instant apportée. Les nombreuses anomalies et curiosités architecturales (distribution verticale incomplète, portes et fenêtre en trompe-l'œil, etc) peuvent en effet suggérer l'intervention d'un architecte peu expérimenté. 

Les nouveaux bâtiments regardent vers la rivière ; il s'agit d'une architecture de prestige destinée à afficher la réussite et la fortune de la famille Outin-Bertron. Selon l'oralité, la demeure aurait été élevée grâce au bénéfice d'une seule année de l'entreprise, au cours de laquelle aurait été mis au point un nouveau procédé de teinture ayant connu un franc succès. Il s'agit véritablement d'une villégiature de bord de ville et de rivière, conçue pour une occupation saisonnière (grande ouverture sur l'extérieur, absence de cheminées dans toutes les pièces). Un petit escalier était aménagé sur le chemin de halage avec un anneau pour l'amarrage d'une barque permettant de traverser la Mayenne, moyen encore utilisé par les propriétaires au début des années 2000. Les archives indiquent également que M. Outin-Bertron s'était rendu acquéreur de l'île Sainte-Apollonie où il demande en 1874 l'autorisation d'établir un engin d'irrigation de type balancier localement appelé "vergne", établi sur un pilier en maçonnerie, destiné à l'arrosage d'un jardin situé sur l'île.

La fortune des Outin-Bertron connaît un revers en 1876, date à laquelle la presse relate un violent incendie aux ateliers de fabrication, quai d'Avesnières, dans la nuit du 18 au 19 mars : "les pertes sont considérables, on les évalue à 100 000 francs", soit 18 à 20 000 tonnes de cotons filés prêts à tisser partis en fumée, une partie des marchandises prêtes à expédier ainsi que les dommages aux bâtiments et machines. Le feu serait parti accidentellement d'une cheminée mal conçue (L'Indépendant de l'Ouest, 21 mars 1876). M. Outin décède moins d'un an plus tard, en janvier 1877, laissant la gestion de l'affaire à sa veuve. En 1896, le "château" de la Bonne-Métrie est signalé par un guide de Laval et ses environs aux touristes qui se rendent au Port-Rhingeard. Dans les années 1900, il figure dans les annuaires des châteaux comme propriété de Mme Outin-Bertron, qui réside toujours quai d'Avesnières à Laval. Dans la presse des années 1930, il est proposé à la location. L'armée allemande occupe la demeure pendant la Seconde guerre mondiale sans trop l'endommager, à l'exception d'un parquet détérioré par l'installation d'un grand poêle métallique.

  • Période(s)
    • Principale : 3e quart 19e siècle
  • Dates
    • 1874, daté par tradition orale

La demeure, campée sur le coteau de la Mayenne, est construite parallèlement à la rivière qu'elle domine. Orientée au sud-est, elle possède un plan en L. La composition générale est d'esprit néo-Renaissance. Les élévations sont construites ou parementées en briques, avec l'utilisation du tufeau pour les chaînages d'angles, les encadrements des baies et les décors ; on constate néanmoins la présence de moellons enduits à l'étage de l'élévation postérieure. La façade principale à trois travées est symétrique et s'organise autour d'une travée centrale en léger avant-corps, dont la toiture simule un pavillon. Les angles de la maison sont ponctués par deux courtes tourelles en encorbellement sur des culs-de-lampe moulurés, coiffées de poivrières. On constate également la présence, sur une carte postale des années 1900, d'un curieux clocheton à l'angle sud-ouest, aujourd'hui disparu. Les chaînages d'angles et les encadrements des baies sont harpés ; une corniche moulurée couronne la façade. Les lucarnes présentent des ornements d'inspiration néo-gothique : gables triangulaires, trilobes, fleurons. Une étroite terrasse devance la maison, de laquelle on descend dans le jardin par un remarquable escalier en pierre à volées symétriques. Adossée à la demeure se trouve la cuisine, aménagée dans l'ancien logis de la ferme initiale orienté au sud-ouest. Celui-ci est en rez-de-chaussée et possède une dépendance adossée en appentis.

Le rez-de-chaussée de la demeure accueille salon et salle à manger ainsi que le hall avec l'escalier en bois à rampe en fer forgée situé dans l'angle sud-ouest. A l'étage, les quatre chambres sont desservies par un couloir et communiquent pourtant entre elles si bien qu'on peut en faire le tour sans emprunter le couloir : cette curiosité semble refléter une hésitation entre la tradition prestigieuse des enfilades et la distribution moderne à couloir. D'autres anomalies sont à signaler : vantaux de porte dissimulés ou en trompe-l'œil, volet masquant une fausse fenêtre.

Le bâtiment de ferme, bien plus grand que la demeure dont il est aujourd'hui séparé, présente une composition symétrique avec deux bâtiments parallèles reliés par un troisième disposé à la perpendiculaire. Les ouvertures en arc segmentaire sont encadrées de briques et les pignons couverts sont ajourés d'oculi. Il devait abriter un logement, des remises et des écuries. Le petit bâtiment à proximité correspond vraisemblablement à un ancien poulailler/volière. Un petit potager clos possède, dans un angle, un édicule carré coiffé d'un toit en pavillon. Un accès direct sur le chemin de halage, face à l'ancien escalier aménagé sur la rive de la Mayenne, est aménagé en bas du jardin.

L'accès à la cour se fait en enjambant un petit ruisseau qui traverse le parc arboré, lequel prend sa source environ 1,4 km plus haut : une succession d'étangs est aménagé sur son cours, le plus vaste est inclus dans les bâtiments de ferme.

  • Murs
    • brique
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    étage de soubassement, rez-de-chaussée surélevé, 1 étage carré, étage de comble
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Escaliers
    • escalier de distribution extérieur : escalier symétrique en maçonnerie
    • escalier intérieur : escalier en vis avec jour en charpente
  • État de conservation
    bon état
  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée
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Documents d'archives

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 E 2/813. Inventaire des titres, papiers et enseignements produits par Jean Beloce seigneur de Bonne en L'Huisserie, 1662.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 13 J 17. Bail de la closerie de la Bonne-Métrie, en L'Huisserie, par l'épouse du seigneur de Bonne, 1692.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 14 J 287. Aveu et déclaration de la seigneurie de Bonne en L'Huisserie, 1613.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 198-199, 595, 1508. Matrices cadastrales, registres des augmentations et diminutions de construction de la commune de L'Huisserie, XIXe-XXe siècles.

  • Archives départementales de la Mayenne ; Q 585. Etats de consistance et d’évaluation des biens de 2e origine du district de Laval, 1792-an II.

  • Archives départementales de la Mayenne ; Q 643 et 644. Baux de biens nationaux saisis dans le district de Laval, 1791-1793.

  • Archives départementales de la Mayenne ; Q 650. Etat des biens d’émigrés du district de Laval donnés à ferme par adjudication.

  • Archives départementales de la Mayenne ; S 510. Autorisation donnée à M. Outin-Bertron d'établir un engin pour puiser l'eau dans la Mayenne sur l'île Sainte-Apollonie d'Entrammes, 1874.

Bibliographie

  • ANGOT, Alphonse (abbé). Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne. Laval : Goupil, 1902.

  • GUEDON, Isidore. Laval et ses environs, guide de l'étranger, 1897.

  • Le patrimoine des communes de la Mayenne. Paris : Éditions Flohic, 2002.

  • RIBAUT, Anne-Antide. L'avenir s'appuie sur le passé : L'Huisserie. Mairie de L'Huisserie, 1998.

    p. 11

Documents figurés

  • Collection de cartes postales anciennes des communes de la Mayenne. (Archives départementales de la Mayenne ; 5 Fi).

  • Plans cadastraux napoléoniens de L'Huisserie, 1810. (Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 2714 et 2884).

  • Dessin de la Bonne-Métrie en L'Huisserie par Narcisse Morin, milieu du XIXe siècle. (Service des musées de Laval).

Date(s) d'enquête : 2022; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Conseil départemental de la Mayenne
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Barreau Pierrick
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Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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