La maison de Bellevue et les anciennes carrières de tuffeau dont elle commande l'entrée sont situées en partie haute du coteau qui surplombe le secteur nord-est du bourg.
Il s'agit d'un site où l'extraction, vraisemblablement très ancienne, a dû se traduire par le décapage de pans entiers des strates sommitales du plateau pour constituer certaines des falaises calcaires que l'on y voit désormais et les aplats qui les précèdent. Cette exploitation, qui a ainsi contribué à la formation d'un paysage très artificialisé, put se faire à ciel ouvert ou bien résulte de l'effondrement et du dégagement des décombres d'une exploitation par galeries souterraines.
À l'articulation de ces éléments de relief, Bellevue présente donc, en surplomb du chemin du Coteau, des parcelles de jardin en terrasse qui précèdent une falaise rocheuse percée d'une bouche de cavage, entrée d'une galerie d'extraction souterraine. De part et d'autre de celle-ci, se trouvent des abris troglodytiques et une maison accolée au coteau.
Depuis la rue, une porte flamande, puis une rampe empierrée de moellons de « perrons » donnent accès à la propriété.
1. Les habitations
La maison située en tête de carrière intègre en partie postérieure certaines pièces semi-troglodytiques. Très haute, elle compte un rez-de-chaussée, deux étages-carrés et un étage en surcroît. À l'ouest, au premier étage-carré, la maison ouvre de plain-pied sur l'impasse du Coteau. Remaniée, elle conserve ses caractéristiques de la fin du XIXe siècle : une façade des plus sobres, une élévation intégralement en moyen appareil de tuffeau et un toit à longs pans couvert d'ardoises. Un large balcon en ferronnerie lui confère un point de vue sur la vallée de la Loire au sortir de sa confluence avec la Vienne.
À l'est de la bouche de cavage, se trouvent deux petits abris troglodytiques. L'un est à usage de resserre. L'autre, de plan très irrégulier, est une habitation et dispose d'une cheminée ; le couvrement en roche est ici habillé d'un lambris.
2. La carrière
La bouche de cavage de Bellevue n'était pas le seul accès à cette carrière et une large parcelle voisine, totalement décapée depuis au moins le début du XIXe siècle, donnait également sur les galeries souterraines à partir de la rue de la Bonnardière. De hauts murs élevés en moellons de tuffeau ferment désormais ces autres accès et la carrière qui forme la partie postérieure de la propriété de Bellevue se présente comme un itinéraire en partie sous roche qui traverse deux effondrements (fontis) successifs.
Les traces de l'activité d'extraction du tuffeau se lisent ici en négatif et on peut restituer une exploitation par tranches superposées (jusqu'à 5 par endroits) formant de grandes salles. La stabilité des strates supérieure était assurée par le maintien de piliers rocheux (méthode du pilier tourné). L'activité d'extraction dut cesser un temps, sans doute avant le XVIIIe voire le XVIIe siècle, peut-être en raison des effondrements à l'origine des fontis. Dans le dernier de ceux-ci, deux galeries relèvent d'une reprise d'exploitation du tuffeau usant, cette fois-ci, de techniques plus récentes (XIXe ?) : la progression continue et linéaire (méthode à piliers longs) sur un seule tranche, avec dégagement d'alcôves latérales. Cette activité dut rester ponctuelle et ces nouvelles galeries, relativement courtes, sont barrées par des éboulements qui contribuèrent probablement à l'abandon définitif de l'extraction.
3. Les fours à prunes
Après la première phase d'exploitation du site comme carrière, les fontis qui dès lors formaient autant de puits de lumière naturelle connurent l'installation de nouvelles activités.
Sous les corniches rocheuses formées par les vestiges de la carrière, les bas-côtés des fontis abritent ainsi plusieurs de fours, deux dans le premier et sept dans le second. Il s'agit d'un atelier de fourniers produisant des prunes séchées, opération qui est réalisée dans ces fours (comparables à des fours à pain), où un feu très vif est allumé, puis éteint avant que l'on y enfourne les fruits pour plusieurs heures, afin qu'ils soient desséchés sans cuire. Les plates-formes qui surplombent les ensembles de fours du second fontis, à l'abri des précipitations, devaient à la préparation des fruits ou à leur stockage. L'environnement minéral du site évite, en outre, tout risque de propagation d'incendie.
La disposition par nombre pair des fours et l'abandon du seul four isolé, pour en décaisser la sole et en faire une petite cave (le « caveau » signalé en 1789), semblent révéler un système de rotation des tâches dans les opérations de cuisson des fruits et ainsi, de recherche d'une meilleure productivité. L'agencement en équerre des deux batteries doubles, qui doit limiter la manutention entre les bouches des fours, renforce cette impression.
L'activité des fourniers à prunes de Bellevue peut donc être élevée au rang d'une proto-industrie agro-alimentaire.
À moins qu'il ne s'agisse d'entrepôts construits pour abriter les stocks des tisserands et marchands qui occupent le site au XIXe siècle, c'est peut-être dès le XVIIIe siècle, dans le cadre de l'activité des fourniers à prunes que furent édifiées, sur ce site, d'amples entrepôts. Cette dernière hypothèse semble plus probable, du fait que ces entrepôts sont surélevés, sans doute pour que les fruits, avant ou après séchage, soient hors de portée d'animaux nuisibles. Immédiatement au revers de la bouche de cavage, dans le premier fontis, est conservé l'un de ces entrepôts fait de planches de bois assemblées et accessible par une échelle. Arrimé aux parois de la carrière et à l'abri des précipitations avec la roche pour couvrement, cet entrepôt est supporté par une poutre reposant sur des piliers de tuffeau (l'un d'eux ayant été supprimé, la partie nord de la poutre est aujourd'hui suspendue). Les ateliers maçonnés établis sous ce lieu de stockage sont des ajouts du XIXe siècle. Un second entrepôt probablement du même type existait sous l'arche menant du premier au second fontis. Désormais disparu, il en reste toutefois des vestiges : les traces des poutres autrefois fichées dans les parois rocheuses et surtout l'escalier droit en maçonnerie qui lui donnait accès.
4. Vinification
Les cavités et abris latéraux de ces fontis ont accueillis d'autres activités.
Bellevue connut une activité de vinification, attestée au XVIIIe siècle et poursuivie au XIXe siècle et on trouve ainsi les vestiges de pressoirs dans une cavité latérale du premier fontis. En fond de cavité, on trouve les traces de deux anciens pressoirs casse-cou. Au-devant, sont visibles les ancrages dans la roche d'un plus important pressoir à roue, sans doute plus récent (XIXe siècle ?), avec maie carrelée et enchère. À l'emplacement des pressoirs casse-cou, enfin, la maie fut rénovée au XIXe siècle et un pressoir plus moderne fut installé, à vis et à cage, conservé en place. On peut noter la préservation, ici, de planches de bois à fixation de métal, qui couvrent les bords de la maie pour en éviter l'usure. Les galeries de reprise d'extraction de tuffeau du second fontis furent réemployées en caves à vin, fermées de portes à claire-voie : le long des parois on y trouve des « chantiers », alignements de blocs de tuffeau sur lesquels étaient entreposées barriques et bouteilles.
5. La villégiature
Le panorama qu'offre ce site et son pittoresque contribuèrent dès la fin du XIXe siècle à sa reconversion en résidence de villégiature. Les terrasses devinrent jardins d'agrément et une fabrique de jardin en belvédère sur le village et la Loire fut aménagé sous la forme d'un petit kiosque métallique, aujourd'hui très dégradé.
Photographe auprès du Conseil départemental de Maine-et-Loire - Conservation départementale du patrimoine jusqu'en 2018.