La plus ancienne mention du toponyme de Mestré retrouvée à ce jour date de 1106, lorsque Pierre II, évêque de Poitiers, confirme la donation faite quelque temps plus tôt à Robert d'Arbrissel et à sa communauté par Gautier de Montsoreau d'un bois qui s'étend jusqu'à l'orme de Mestré ("usque ad ulmum de Maistre"). Plus tard, une donation-vente de Berlai de Montreuil (vers 1109-1125) évoque le domaine de Mestré ("curia de Maistreio") lorsqu'il concède à l'abbaye tous les biens fonciers agricoles qu'il y possède. Le seigneur de Montreuil-Bellay nomme Mestré en même temps que le Clos-Bellay (sans doute le Grand-Clos) et plus généralement Fontevraud et lorsqu'il exclut de sa donation les édifices qu'il y tient ("exeptis solummodo casamentis"), il n'est pas possible de savoir s'ils sont érigés à Mestré ou ailleurs sur le territoire fontevriste. Une incertitude pèse donc sur la possibilité qu'il ait pu y avoir, dès le premier quart du XIIe siècle, des bâtiments à Mestré.
La présence d'un moulin à Mestré est mentionnée en 1207 sans, là encore, que soit indiqué si d'autres bâtiments se trouvent au voisinage.
La première attestation explicite d'un "herbergement de Mestré" date de 1267, lorsqu'il est tenu par Jehan de Piremil, chevalier, et sa femme Agnès. En 1281, un texte précise que le seigneur de Montreuil-Bellay détient à Mestré le droit de justice haute, moyenne et basse. En 1287, le fief de Mestré est vendu par Pierre Dorée, bourgeois de Saumur qui le tient à foi et hommage du seigneur de Montreuil-Bellay, à Huguet Buet, valet, pour 1250 livres. En cette fin du XIIIe siècle, il est donc attesté clairement que Mestré est un fief avec siège manorial et, dans les décennies suivantes, l'abbaye de Fontevraud l'acquiert des seigneurs de Montreuil-Bellay. Tout en l'administrant, l'abbaye baille le domaine à un métayer.
Attribut féodal, on note la mention en 1468 d'une garenne, dont le nom est encore perceptible dans la toponymie locale au sud-ouest du manoir (sous le nom de Varannes-de-Mestré). Deux fours banaux dépendent aussi du fief de Mestré : l'un sur place et l'autre au Petit-Puits à 1 km au sud. Outre le domaine en faire-valoir direct du manoir exploité dès le XIIIe siècle par des métayers ou des fermiers, la seigneurie de Mestré possédait aussi des biens fonciers qui étaient dispersés, principalement dans le secteur nord de la paroisse de Fontevraud (la Desgrière, les Roches, le Petit-Puits, les Granges-Asnières, Le Coteau, la Socraie, la Loge, Monquartier), mais aussi plus au sud (l'Ânerie, la Saulaie), voire dans d'autres paroisses (Turquant, Montsoreau, Varennes). Les revenus de cette censive, versés par les tenanciers, étaient perçus par le fermier qui, sous le contrôle de l'abbaye, rendait aussi la justice de Mestré.
Le manoir jusqu'à la fin du XVIIIe siècle
Tel qu'il se présente de nos jours, le manoir de Mestré pourrait conserver des éléments du XIIIe siècle ou du XIVe siècle (plancher à poutres parallèles aux gouttereaux sur file de poteaux ; claveaux d'une baie arquée et, semble-t-il, vestiges d'une cheminée sur gouttereau).
Des documents comptables permettent de mieux connaître l'organisation du manoir à la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle où il est constitué d'un logis ("hôtel") et de dépendances agricoles. Le logis comprend alors des salles basses, dont celle à cheminée où mangent les moissonneurs ("la basse salle ou les mestiviers menguent") et deux salles hautes. La hiérarchie des espaces n'est pas précisée, mais est mentionnée "la petite chambre ou le mestoier couche" et on sait, par ailleurs, qu'une chambre est consacrée à "l'oste de Metré et de Beaurepère", qui visite le domaine pour le compte de l'abbesse. Outre le moulin situé en contrebas du site, les dépendances situées autour du logis sont constituées d'un puits, d'une cour avec aire à battre, d'une grange, d'un pressoir, d'un pigeonnier et de lieux de stockage pour les récoltes et le vin.
Les crises des XIVe et XVe siècles atteignent Mestré, puisque l'on y signale en 1395-1396 que des travaux aux champs n'ont pas pu être faits "pour faulte de gens au temps de la mortalité" et qu'en 1423-1424 des dépenses sont faites pour réparer des dégradations dues au passage d'une bande armée ("pour adouber les huys de l'oustel que les giens d'armes avoient quassez").
À la fin du XVe ou au début du XVIe siècle, le manoir connaît des transformations : les baies sont remaniées en deux temps, d'abord en façade principale, au sud, et plus tard en façade postérieure, au nord.
C'est sans doute au début du XVIe siècle qu'est construite la grange qui fait face au logis, sous l'abbatiat de René de Bourbon dont, semble-t-il, les armoiries étaient figurées sur le pignon (ces armes furent restituées récemment sur les traces de bûchage de celles qui y figuraient à l'origine).
Il semble que ce soit à partir du XVIe siècle que les baux de Mestré dissocient un domaine constitué autour du manoir et un autre autour du moulin.
Le logis manorial ne connaît que quelques modifications jusqu'à la fin de l'ancien régime (percement d'une baie, édification de contreforts).
Un inventaire après décès d'un fermier de Mestré, dressé en 1723, en donne la description à cette date. Le rez-de-chaussée comporte alors deux salles, l'une à cheminée sert de cuisine et de chambre, l'autre plus petite est une simple chambre. À l'étage-carré, la salle à cheminée qui surplombe la cuisine sert de chambre et peut-être aussi de salle de travail ou de réception, dotée de meubles de valeur, la seconde salle est une petite chambre. Un grenier coiffe le tout. À côté du logis, un atelier abrite un pressoir et, sans doute aussi à proximité, se trouvent le logement du palefrenier et une petite écurie (1 cheval). Outre la grange, d'autres dépendances servent de remise, et des étables accueillent des bovins (12), porcins (7) et ovins (87).
Le domaine de Mestré depuis la Révolution française
Lors de la Révolution française, le manoir est saisi au titre des biens nationaux comme bien relevant du clergé régulier ; c'est sans doute au cours des événements révolutionnaires que les armoiries qui figuraient sur la grange furent bûchées. Le domaine comprenant l'ancien manoir et un important ensemble foncier est acquis pour 52.600 livres lors d'enchères publiques, le 7 mars 1791, par un habitant de Turquant devenu receveur des douanes à Brest.
Le plan cadastral napoléonien de 1813 montre que l'habitation principale est encadrée de deux ailes de dépendances, sur le même axe, qui occupent tout le bord nord de la cour du manoir, la grange lui fait face au sud et une autre aile barre la cour à l'ouest ; l'organisation ne paraît en cela pas avoir été modifiée depuis le XVIIIe siècle.
Vers 1820, l'ensemble connaît d'importantes transformations : l'aile de communs à l'ouest est remplacée par une grande aile d'habitation d'un sobre néoclassicisme face à laquelle sont érigées, sans doute peu après et en deux temps, de nouvelles dépendances agricoles en L. La partie occidentale de la cour est désormais entièrement bordée de bâtiments et l'accès principal depuis la route, à l'ouest, se fait par un portail qui relie les nouveaux bâtiments.
En 1842, l'État prend à bail le domaine pour y installer une colonie pénitentiaire agricole de jeunes détenus de la Maison centrale de Fontevraud, inspirée des principes initiés dès 1839 à Mettray (Indre-et-Loire). Il s'agit de mettre les enfants incarcérés à l'écart des prisonniers adultes dans le but de faciliter leur réinsertion sociale par l'apprentissage des travaux agricoles, sensés amender l'individu et les préparer à un métier de manouvrier.
Le logis médiéval connaît des transformations (installation d'un escalier intérieur en charpente, nouveau cloisonnement des salles) et les jeunes colons travaillent à l'exploitation des plus de 65 hectares de terres et de bois du domaine de Mestré. Faute de place, tous les jeunes détenus à Fontevraud ne purent toutefois être accueillis au sein de la colonie pénitentiaire de Mestré et on n'en compte qu'une soixantaine sur les près de 300 enfants et adolescents alors emprisonnés. Le bail, passé de 1842 à 1856 est renouvelé jusqu'en 1870, puis la colonie agricole, distraite de Fontevraud en 1860 pour former la colonie agricole de Roiffé (Vienne), est transférée définitivement à Chanteloup et dans les fermes de la forêt de Fontevraud, moins à l'étroit sur un domaine de 400 hectares acquis par l'État.
En 1868, alors que la propriété est divisée entre deux héritiers, l'un d'eux fait ériger une extension à l'ouest du site pour former un pavillon qui prolonge l'habitation au-delà de l'ancien enclos. Au sud de ce pavillon, s'alignent dans les mêmes années plusieurs corps de bâtiment, une habitation et des dépendances, l'ensemble formant comme une nouvelle cour au sud-ouest. À la fin du XIXe siècle, l'ensemble des bâtiments, ainsi que le moulin de Mestré, sont de nouveau réunis aux mains d'un seul propriétaire. La cour sud-ouest vit l'édification de bâtiments agricoles supplémentaires, liés à un élevage bovin, vers 1960 puis au début des années 2000.
En 1974, le site voit naître une activité de savonnerie artisanale, dont les locaux sont agrandis au début du XXIe siècle (sur l'emprise d'une étable édifiée au XIXe siècle à l'est du logis et détruite à la fin des années 1950).
Le domaine accueille aujourd'hui diverses activités : un hébergement avec chambres d'hôtes, la savonnerie artisanale et sa boutique (au sein des espaces de l'enclos manorial), tout en conservant des bâtiments d'exploitation agricole (autour de la seconde cour, au sud-ouest).
Photographe auprès du Conseil départemental de Maine-et-Loire - Conservation départementale du patrimoine jusqu'en 2018.