Dossier d’œuvre architecture IA85002705 | Réalisé par
Suire Yannis (Contributeur)
Suire Yannis

Conservateur en chef du patrimoine au Département de la Vendée à partir de 2017.

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  • inventaire topographique, Vallée de la Sèvre Niortaise, Marais poitevin
Fort du Dognon (disparu), actuellement hameau du Dognon
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
  • (c) Conseil départemental de la Vendée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Vallée de la Sèvre Niortaise, Marais poitevin
  • Commune Maillé
  • Lieu-dit Dognon (le)
  • Cadastre 1835 B 433, 434, 444, 445, 446, 447, 448, 456, 457  ; 2020 OB 1726, 1731

Agrippa d'Aubigné et le fort du Dognon

Le fort du Dognon, placé sur l'île du même nom, fait partie des sites fortifiés créés lors des guerres de Religion, dans la seconde moitié du XVIe siècle et au début du XVIIe, pour contrôler les marais et le cours de la Sèvre Niortaise. Sans doute a-t-il succédé à un site plus anciennement habité : des dépôts de monnaies des Xe-XIe siècles et d'armes (haches, poignards) sont signalés en 1872 et 1890 par Benjamin Fillon et Octave de Rochebrune. Sur l'îlot se trouvaient, comme l'indique un rapport établi à son sujet vers 1618-1619 (voir en annexe 1), une chapelle, un puits et "quelques caves comme d'un ermitage ancien." L'île et son fort constituaient, avec l'abbaye de Maillezais, la base principale à Agrippa d'Aubigné. Ce chef militaire protestant, compagnon d'armes d'Henri de Navarre puis Henri IV, s'empare de l'abbaye de Maillezais, dont dépendent Maillé et ses marais, le 31 décembre 1588. En récompense, Henri de Navarre le nomme gouverneur de Maillezais en janvier 1589.

Après l'abjuration d'Henri IV en 1593, qu'il vit comme une trahison, Agrippa d'Aubigné prend ses distances avec le roi et se retire à Maillezais dont il renforce la défense. En 1609, il achète l'île du Dognon, au coeur des marais de Maillé, d'où il peut contrôler le trafic sur la Sèvre Niortaise voisine. A partir de 1611-1612, définitivement tombé en disgrâce après la mort de son ancien protecteur, Henri IV, il prélève des taxes sur les bateaux qui naviguent sur le fleuve, de manière à financer la fortification du Dognon et aussi l'acquisition d'une maison à Maillé. Ce péage est vivement dénoncé, en 1611, par la municipalité de Niort, en vain. D'Aubigné se range en 1615 du côté du prince Henri de Condé, rebellé contre la régente Marie de Médicis. En 1616, malgré l'accord entre Condé et la régente, Agrippa d'Aubigné continue à se retrancher à Maillezais et au Dognon et à prélever des droits sur le commerce sur la Sèvre Niortaise. Par ailleurs poète et écrivain, c'est probablement au Dognon, au milieu du "désert" des marais, avec l'imprimeur niortais Jean Moussat, qu'il fait imprimer plusieurs de ses ouvrages dont la page de titre porte la mention "Imprimé à Maillé" (par exemple son Histoire Universelle, entre 1616 et 1618).

Ses différents choix le privent des subsides royaux qui lui permettaient d'entretenir ses places de Maillezais et du Dognon. La position, de plus en plus indépendante, qu'il tient au coeur des marais, dans l'arrière-pays de La Rochelle, déplaît de plus en plus au pouvoir royal mais aussi au camp protestant. En 1617, au cours de l'assemblée générale protestante, la Ville de La Rochelle propose de raser le Dognon. Le sujet est abordé à plusieurs reprises lors de négociations en 1618-1619. Les 29 avril et 25 mai 1619, d'Aubigné doit vendre ses places de Maillezais et du Dognon à Benjamin, duc de Rohan, autre chef du camp protestant, pour 100 000 livres, et il se retire à Saint-Jean-d'Angély puis, en 1620, à Genève. Le roi exige de Rohan, dès août 1619, la démolition du fort du Dognon. Engagée en janvier 1620, cette opération est interrompue fin mars par "les grandes eaux", et reprend durant l'été.

Les souvenirs du fort du Dognon jusqu'au XIXe siècle

Le fort du Dognon, "ruiné", est indiqué par Claude Masse sur sa carte de la région en 1720, et décrit dans le mémoire qui l'accompagne (voir en annexe 2), ainsi que dans un autre rédigé dès 1714. Entouré de fossés, le fort est relié par ces voies d'eau à la Sèvre Niortaise, à travers les marais "presque toujours inondés". Une écluse ou pêcherie, appelée écluse de Cherbot, est alors située sur la Sèvre, au droit de l'ancien fort. Peut-être s'agit-il du bouchaud ou pêcherie à anguilles, située au marais de Millé, et dont l'évêque de La Rochelle autorise la construction à Nicolas Pierseau, marchand au bourg de Maillé, le 4 novembre 1693. La pêcherie devra être construite "le long de la rivière de Sèvre et au bout de la terrée de Millé" et "vis-à-vis le fort Doignon". Dans son mémoire de 1714, Claude Masse précise que l'île du Dognon "a environ 60 toises de long sur 50 de large", qu'elle est "élevée environ 18 pieds au-dessus des marais", et qu'il "y avait anciennement des logements pour une garnison".

Annexé à la carte de 1720, Claude Masse nous livre un plan particulier du fort. Le périmètre central, enserré d'une digue en terre et au centre duquel se trouve un bâtiment, avec accès par le sud, est entouré par trois ceintures bastionnées successives, en étoile. Les deux ceintures extérieures sont bordées de fossés en eau. Sur le plan, Claude Masse précise : "Il ne paroist de ce fort quand les eaux sont hautes que le gros carré du centre et le donjon, et les enceintes basses estant couvertes d'eau." Tout autour s'étendent des "marais les trois quarts de l'année innondés".

L'ancien fort du Dognon apparaît sur le plan cadastral de 1835, avec son périmètre hexagonal correspondant peu ou prou à l'îlot. On devine aussi sur ce plan, vers le nord-est, une avancée en éperon, probable vestiges d'un des bastions du fort en étoile représentés par Claude Masse en 1720. Le plan montre l'existence à cette époque d'une seule habitation, à l'emplacement de l'ancienne ferme actuelle à l'ouest.

Au début du XIXe siècle, le site de l'ancien fort appartient à Louis-Gabriel Godet de la Riboullerie, (1760-1821), lieutenant général de police à Fontenay-le-Comte avant la Révolution, puis magistrat, fait baron d'Empire en 1813. Lors du partage de ses biens entre ses héritiers, le 1er février 1827, la division dite le fort Doignon, comprenant le fort (soit 1,86 hectares) et 27 hectares de marais, est attribuée, au 1er lot, à Julien Godet, propriétaire à Luçon, qui la vend aux enchères le 7 octobre suivant. Ces biens sont distribués en 9 divisions. L'essentiel du site du fort est acquis par différents membres de la famille Gaudin, cultivateurs ou huttiers dans les marais environnants.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 16e siècle, 1er quart 17e siècle

L'île du Dognon sur laquelle était situé le fort, se trouve au nord-ouest du bourg de Maillé. Il s'agit d'un ancien îlot calcaire, de faible altitude, qui se trouve dans les marais mouillés, au nord de la Sèvre Niortaise et au sud de la digue ou Grande levée de Vix. De forme circulaire, l'île est accessible par un chemin au sud. Elle accueille deux anciennes fermes. Aucun vestige du fort n'est visible à la surface.

  • Couvrements
  • Statut de la propriété
    propriété privée

Documents d'archives

  • Bibliothèque nationale de France ; Fonds Clairambault, Ms 1066. 1614-1621 : correspondance au sujet d'Agrippa d'Aubigné et du fort du Dognon (analysée par Jean-Raymond Fanlo et Marie-Madeleine Fragonard sur le site internet agrippadaubigne.org [consulté le 16 avril 2021]).

  • Service historique de la Défense ; 4° 133, pièce 10. Mémoire en forme de table qui a été dressé par Masse du mois d'aoust 1714 en levant la carte du cours de la rivière de Sèvre et de la petite rivière de Mauzé avec leurs environs.

  • Service Historique de la Défense ; 1 VD 60, pièce 51. 1719 : Mémoire sur la carte du 46e quarez de la généralle des côtes du Bas Poitou, païs d'Aunix, Saintonge et partie de la Basse Guyenne, par Claude Masse.

  • Archives départementales de la Vendée ; 3 E 40/7-2. 1693, 4 novembre : autorisation accordée par l'évêque de La Rochelle à Nicolas Pierseau, marchand à Maillé, de construire un bouchaud ou pêcherie à anguilles au marais de Millé.

  • Archives départementales de la Vendée ; 3 E 63/85. 1827, 7 octobre : vente aux enchères d'une portion de la cabane de Millé, dite le fort Dognon, à Maillé.

  • Archives départementales de la Vendée ; 3 P 1460 à 1465, 3578, 3579 (complétés par les registres conservés en mairie). 1836-1914 : état de section et matrices des propriétés du cadastre de Maillé.

  • Archives départementales de la Vendée ; 2 Q 3306. 1827, 5 février : enregistrement et transcription de l'acte de partage des biens de Louis-Gabriel Godet.

Bibliographie

  • AILLERY, E., abbé. Chroniques paroissiales, tome 5, 1903-1904, p. 441-553 (Maillé).

    p. 464-478
  • FILLON, Benjamin. L'Indicateur, 23 mai 1872 (note sur la découverte d'un dépôt monétaire au Dognon, à Maillé).

  • FILLON, Benjamin. "Notes de B. Fillon pour servir à l'histoire de l'imprimerie en Bas-Poitou", Annuaire départemental de la Société d'émulation de la Vendée, 1894, 4e s., vol. 4, p. 145-210.

    p. 197-208
  • POIRIER, A.-D. "Echos et glanes. Maillezais et Agrippa d'Aubigné", Archives du diocèse de Luçon, 3e série, Mélanges, tome 1, 1925-1933, p. 253-275.

    p. 264-272
  • POTON, Didier. Maillezais, "place de sûreté" huguenote. Le gouvernement d'Agrippa d'Aubigné, in TREFFORT, Cécile, et TRANCHANT, Mathias (dir), L'abbaye de Maillezais. Des moins du marais aux soldats huguenots, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2005, 485 p., p. 401-416.

  • ROCHEBRUNE, Octave de. "Carnet archéologique, excursion à Montreuil, Doix et Maillé", Revue du Bas-Poitou, n° 3, 1890, p. 223-225.

    p. 224-225
  • SCHRENCK, Gilbert. Documents inédits sur Agrippa d'Aubigné. Albineana, Cahiers d'Aubigné, n° 5, 1993.

    p. 119-142
  • SURGET, Erick. Le gouvernement de Maillezais, haut lieu de l'édition protestante en France (1615-1620), in TREFFORT, Cécile, et TRANCHANT, Mathias (dir), L'abbaye de Maillezais. Des moins du marais aux soldats huguenots, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2005, 485 p.

    p. 135-151
  • TARRETE, Alexandre. Agrippa d'Aubigné à Maillezais. Un poète au désert, in TREFFORT, Cécile, et TRANCHANT, Mathias (dir), L'abbaye de Maillezais. Des moins du marais aux soldats huguenots, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2005, 485 p.

    p. 63-76

Documents figurés

  • 1720, 29 octobre : Carte du 46e quarré de la generalle des costes du Bas Poitou, païs d'Aunis, Saintonge et partie de la Basse Guienne..., par Claude Masse. (Service Historique de la Défense de Vincennes ; J10C 1293, pièce 17).

  • Plan cadastral de Maillé, 1835. (Archives départementales de la Vendée ; 3 P 132 ; complété par l'exemplaire conservé en mairie).

Annexes

  • Rapport secret sur d'Aubigné et le Dognon, vers 1618-1619 (Bibl. nat. de France, Fonds Clairambault, Ms 1166, fol. 40-44), reproduit dans SCHRENCK, Gilbert. Documents inédits sur Agrippa d'Aubigné. Albineana, Cahiers d'Aubigné, n° 5, 1993, p. 119-142.
  • Les ruines du fort du Dognon décrites par Claude Masse en 1719 (SHD. 1 VD 60, pièce 51. 1719 : Mémoire sur la carte du 46e quarez de la généralle des côtes du Bas Poitou, païs d'Aunix, Saintonge et partie de la Basse Guyenne).
Date d'enquête 2020 ; Date(s) de rédaction 2021
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
(c) Conseil départemental de la Vendée
Suire Yannis
Suire Yannis

Conservateur en chef du patrimoine au Département de la Vendée à partir de 2017.

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