Le toponyme de Maumenière, est diversement orthographié dans la documentation ancienne où l'on peut le voir également sous les formes de Mauménière, Moumonière, Monmenière, Momenière, Maumeunière, etc.
1. Le fief des Maumoine
Le site de la Maumenière est lié à la famille féodale de Maumoine ou Maumoyne (en latin Malus Monachus). Les Maumoine, vassaux des seigneurs de Montsoreau, apparaissent au XIIe siècle parmi les principaux donateurs de l'abbaye de Fontevraud et semblent posséder un domaine foncier important. Bien insérés dans l'élite locale, ils apparaissent alors comme témoins dans de nombreuses chartes. Au XIIIe siècle, ils tiennent du chapitre de Saint-Martin de Candes le moulin de Maumoine, à Montsoreau. Le plateau viticole qui coiffe la Maumenière présente, sur le cadastre de 1813, un grand clos de vigne, dit Les Maumenières, probable héritage des anciens domaines de cette famille et témoignage du lien ancien entre l'écart à mi-coteau et le haut du plateau.
On trouve mention de ce qu'au milieu du XIIe, cette famille disposait sur les coteaux montsoréliens d'une demeure dite Roche-Maumoine, description qui désigne très probablement une habitation troglodytique établie à la Maumenière.
L'ascension féodale des Maumoine, à qui les Montsoreau concédèrent dès 1147 la seigneurie de Chavigny (à Lerné, Haute-Vienne), pourrait être l'une des causes de l'abandon progressif de ce site manorial, qui n'était sans doute pas au niveau de confort des autres résidences qu'ils détinrent dès lors. Les droits féodaux, toutefois, étaient notables puisque le fief de la Maumenière était assorti d'un droit de péage sur la Loire, sans doute au droit de l'ancien manoir troglodytique. Surnommé le "petite péage de Montsoreau" il ne fut supprimé que par ordonnance royale du 20 novembre 1631. Ayant ainsi perdu de son importance, le "fief, terre et seigneurie de la Maumenière" est ensuite mis par les seigneurs de Chavigny entre les mains de la famille Meschine, dont les membres apparaissent comme sieurs de la Maumenière dans la seconde moitié du XVIIe et au XVIIIe siècles.
2. Activités et habitat à la Maumenière
Les activités liées au site de la Maumenière étaient dissociées en trois niveaux. Le bas du coteau que longeait l'ancienne route de Loire fut longtemps inondable en hautes eaux ; on n'y trouvait avant le milieu du XIXe siècle qu'un habitat très limité, lié à l'ancien péage et aux usages des berges du fleuve lesquelles étaient étroites puisqu'une boire les séparait de l'Île de Rest. Le haut du plateau fut consacré de longue date à la culture de la vigne et n'était pas habité. La rue établie à mi-coteau vit ainsi se concentrer l'essentiel de l'habitat, sous forme troglodytique ou plus rarement semi-troglodytique ; c'est là que se situent les activités liées à la vinification et surtout à l'extraction de tuffeau en de profondes carrières souterraines.
Le site de la Maumenière accueille en effet ce qui fut l'une des plus grandes et des plus notables carrières de tuffeau du Maine-et-Loire (voir la notice qui lui est plus spécifiquement consacrée), dont l'exploitation remonte au Moyen Âge. La pierre extraite ici était reconnue d'une qualité supérieure, ce qui lui valu d'être, au moins depuis le XVIe siècle, diffusée assez largement grâce à la batellerie de Loire, d'abord dans le Saumurois, puis très au-delà aux siècles suivants, dans les chantiers urbains de l'ouest de la France (Angers, Nantes) et de là jusque dans les Antilles. Cette exploitation se fait alors à partir de plusieurs entrées de carrières au long de la Maumenière jusqu'aux abords de Turquant.
Si cette activité d'extraction est donc ancienne, les vestiges médiévaux sont rares, à la Maumenière. Certains de ces éléments anciens, au 15, ruelle des Perreyeurs) pourraient correspondre à des dépendances troglodytiques du manoir des Maumoine. On trouve également un linteau chanfreiné à accolade, en réemploi au n°13 de cette ruelle. Des vues anciennes montrent qu'il y avait aussi là (en tête de la ruelle des Caves) la façade d'un abri disposant d'une grande croisée, peut-être du XVe siècle, disparue à la suite d'un effondrement survenu en 1982, mais dont les vestiges non éboulés témoignent d'une habitation troglodytique qui disposait de très vastes pièces creusées dans la roche sur plusieurs niveaux. L'aplomb rocheux connut, ainsi, plusieurs reculs lors de plus anciens éboulements, perceptibles aux vestiges d'habitations troglodytiques visibles en coupe par endroits dans la falaise, ce qui peut d'ailleurs être l'une des raisons de ce faible nombre de témoignages d'un peuplement ancien. Une autre explication tient à la nature même d'une habitation troglodytique, dont le remaniement se traduit souvent par un accroissement de la cavité ou une reprise de façade qui effacent les traces matérielles de l'abri antérieur.
Le long du chemin établi à mi-coteau, les vestiges commencent ainsi à être plus nombreux pour les XVIe et XVIIe siècles et surtout pour le XVIIIe et le début du XIXe siècle. Au cours de cette dernière période, en effet, le peuplement connaît son apogée : l'extraction de tuffeau atteint son niveau d'activité maximal et sur le cadastre de 1813, on compte 54 habitations (dont 48 abris troglodytiques et 6 maisons semi-troglodytiques) le long des actuelles ruelle des Perreyeurs et chemin des Caves. Le chemin bas, actuelle rue de la Maumenière, au pied du coteau, qui est alors exposé aux grandes crues et loin des entrées de carrières, compte, quant à lui 6 maisons et 8 caves demeurantes, dont l'une établie sur l'une des rampes très pentues qui mènent de la voie basse au chemin de mi-coteau. La Maumenière est donc, au début du XIXe siècle, un écart qui se caractérise par un habitat en balcon sur la Loire et qui s'étire d'une manière assez régulière le long du chemin de mi-coteau sur près de 700 mètres. Parmi les 31 chefs de famille, dont l'état des sections du cadastre de 1813 livre les métiers, plus de la moitié sont liés à l'extraction du tuffeau (16 carriers et 1 charretier), un gros quart à la viticulture (8 vignerons et 1 tonnelier) ; on note également 3 mariniers.
L'extraction cesse toutefois dès les années 1840, lorsque la carrière communale, au coeur de l'écart, est brutalement fermée pour des raisons de sécurité, puis quand les autres galeries connaissent progressivement un certain épuisement des veines ou des coûts d'exploitation trop lourds, par rapport à d'autres carrières à Montsoreau même et surtout ailleurs en Saumurois.
Ce net repli des activités se répercute largement sur le peuplement et les abris troglodytiques sont abandonnés les unes après les autres. En 1856, l'écart comptait 141 habitants ; ils ne sont plus que 50 en 1891 (pour 20 habitations). Le haut de la Maumenière fut bientôt déserté.
Le bas de la Maumenière, par contre, vit sa population nettement augmenter : ce secteur a profité du fait de ce qu'il est mieux desservi depuis la construction de la route de Loire entre 1829 et 1833 (dont la levée est aussi une protection contre les inondations), puis de celle du pont, en service depuis 1917. Plusieurs maisons y ont été construites, à partir des années 1835-1850, et dès lors s'y installèrent des établissements liés aux activités commerciales ou industrielles (caves viticoles, hangars de stockage), puis à la route (garage) et dans la seconde moitié du XXe siècle, au tourisme (camping). Ce secteur de Montsoreau bénéficie en effet des axes de communication qui traversent la commune et de la proximité de la nouvelle centralité du village autour de la place du Mail.
L'abandon du quartier troglodytique s'accompagna d'un abandon de l'entretien environnemental : au fil du XXe siècle, une végétation rampante et arbustive se développe le long du chemin, mais aussi sur le bord du plateau, en surplomb. Parallèlement, la surveillance des ruissellements d'eau sur ce plateau viticole s'amenuise. En quelques décennies, le paysage évolue et l'érosion s'accélère sous l'effet conjoint de l'eau et des racines pour frapper fortement le haut de la Maumenière. Des effondrements se produisent, notamment en 1982, et le secteur commence à poser des problèmes de sécurité. En plusieurs points, les services publics et les propriétaires engagent des travaux de confortement, mais, faute de moyens, ceux-ci demeurent aujourd'hui encore insuffisants.
Depuis quelques années, pourtant, l'on assiste à quelques réhabilitations d'habitations délaissées et l'habitat troglodytique ou semi-troglodytique se maintient encore à la Maumenière où l'on compte en 2012 une petite dizaine de propriétés encore habitées, même si les résidents à l'année sont rares. Depuis la fin du XXe siècle, le haut de la Maumenière dans sa partie ouest, autour du Saut-aux-Loup, connaît également une reprise d'activités, essentiellement liée à la mise en tourisme de galeries de carrière et d'abris troglodytiques (espace muséographique, restauration, commerce de vin de Loire).
Photographe auprès du Conseil départemental de Maine-et-Loire - Conservation départementale du patrimoine jusqu'en 2018.