Dossier d’œuvre architecture IA85002630 | Réalisé par
Suire Yannis (Contributeur)
Suire Yannis

Conservateur en chef du patrimoine au Département de la Vendée à partir de 2017.

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  • inventaire topographique, Vallée de la Sèvre Niortaise, Marais poitevin
Passage de la Pichonnière puis ponts de la Croix des Mary
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Vallée de la Sèvre Niortaise, Marais poitevin
  • Commune Maillé
  • Lieu-dit Croix des Mary (la)
  • Adresse route D15
  • Cadastre 1835 D 846, 1781  ; 2020 OD 1073

Du passage de la Pichonnière à la Croix des Marie

Les ponts de la Croix des Mary ont succédé à un passage à travers les marais, très emprunté dès le Moyen Âge. Le passage de la Pichonnière, reliant les terres hautes de Maillé, en Poitou, et celles de La Ronde, en Aunis, et, au-delà, Fontenay-le-Comte et Surgères, est en effet mentionné dès 1232, dans un accord entre Geoffroi de Lusignan et l'abbaye de Maillezais. Le passage prend en fait la forme incertaine d'une chaussée submersible, encadrée par des cours d'eau (comme le montre les plans cadastraux du début du XIXe siècle, et comme aujourd'hui la route départementale de part et d'autre du site). Le tout converge depuis la Pichonnière, à Maillé, d'une part, et le Passage de La Ronde d'autre part. En 1578, l'évêque de Maillezais ordonne de "faire relever une terre sur les marais près le lieu de la Pichonnière, afin de faciliter le passage dudit lieu de la Pichonnière à La Ronde". En 1621, à l'occasion du passage par cet endroit de troupes protestantes soulevées contre le roi, l'axe est qualifié d'un "des principaux passages qui favorise la communication des provinces d'Anjou et de Poitou avec celles de Saintonge et de La Rochelle". Vers 1755, un état des péages exercés sur les cours d'eau de la généralité de Poitiers indique encore que le passage de la Pichonnière est "d'une nécessité absolue pour communiquer de l'Aunis en Poitou par la rivière de Sèvre". Au point de rencontre des deux directions, sur la Sèvre Niortaise, la carte de la région par Claude Masse en 1720 situe une des écluses ou pêcheries qui parsèment alors le fleuve, en l'occurrence l'écluse de la Croix (elle tire sans doute son nom de la configuration du lieu, au croisement entre la Sèvre et la chaussée). Le même Claude Masse précise cependant dans ses différents mémoires que le passage de la Pichonnière, bien que très fréquenté, est très mauvais et dangereux, étant formé d'une chaussée étroite formée avec de la terre et des roseaux.

Jusqu'au XVIe siècle, la propriété et l'exploitation du passage de la Pichonnière dépendent de l'évêque de Maillezais puis sont liées sous l'Ancien Régime au domaine de la Pichonnière, à Maillé, au nord. Le passage est ainsi compris dans la vente de ce domaine, le 8 mai 1680, par Messire Gabriel Dorin, écuyer, seigneur du Poiron, et Dame Catherine Carrel son épouse, demeurant au Poirou, à Pissotte, à Geoffroy Picoron, sieur de la Brenegoue, demeurant à La Rochelle. L'acte concerne en fait "la tierce partie des droits du passage, port, arrivage de la Pichonnière à La Ronde" (les époux Dorin conservant les deux autres tiers), ainsi que l'écluse et pêcherie dépendant également de la Pichonnière.

La Pichonnière et ses dépendances, dont le passage, restent dans les mains de la famille Picoron jusqu'en 1781. Le 24 juillet de cette année-là, Marie Picoron, veuve de Pierre Alexis Bonvallet des Brosses, demeurant à La Rochelle, vend, pour 24500 livres, à Anne Guérin veuve Quoy, demeurant à Maillé, la métairie et maison de la Pichonnière, ainsi que ses dépendances dont le port et passage de la Pichonnière à La Ronde, avec le droit de péage, et le fief de la Grande Bernegoue. Anne Guérin (1731-1784), veuve de Dominique Quoy (1729-1774), marchand, assoit ainsi son influence à Maillé où elle est déclarée "maîtresse chirurgienne" au décès de son mari, et où va naître, en 1790, son petit-fils, le chirurgien de marine et scientifique Jean René Constant Quoy.

En 1798, l'écluse appartient à Pierre Marie, sans doute Pierre Marie (1741-1807), époux de Jeanne Priou. Pêcheur, il possède et exploite l'écluse jusqu'à sa suppression par l'Etat vers 1800. Après lui, les différentes branches de la famille Marie continuent à habiter sur le site auquel elle donne son nom, la Croix des Marie. Son gendre et cousin notamment, Louis Marie dit Cartier ou l'aîné (1772-1850), époux de Marie Marie, pêcheur, possède, avec son cousin Louis Marie dit le jeune (1785-1854), époux de Jeanne Veillat, les deux habitations mentionnées à cet endroit sur le plan cadastral de Maillé en 1835, à l'emplacement des maisons et anciennes fermes présentes aujourd'hui sur l'îlot (juste en aval du pont). Cet îlot n'existe pas encore, le bras de dérivation de la Sèvre au nord n'ayant pas encore été creusé. A sa place, l'endroit est sillonné de fossés délimitant de petites parcelles en bois, roseaux ou jardins.

Passant à travers ces terrains, l'ancienne chaussée venant de la Pichonnière aboutit aux deux habitations de la famille Marie (comme les ponts actuels). C'est ce que montre non seulement le plan cadastral de 1835, mais aussi un plan du passage de la Pichonnière établi en 1825 par l'ingénieur Salomon. On y distingue nettement la chaussée, soit une levée de terre encadrée par des canaux que les bateaux peuvent utiliser. Salomon précise que cette levée "n'est praticable que dans l'été, le reste de l'année elle est couverte d'eau". Côté La Ronde, la configuration est la même, avec une rupture de charge au "bouchaud [ou pêcherie] de Brénégaud" (vers l'actuel pont de Bernaga, sur la canal de la Rabatière). Entre les deux, sur la rive droite de la Sèvre Niortaise, Salomon situe la "maison de la Croix", où vit la famille Marie. La chaussée, les canaux qui l'encadrent et le bouchaud appartiennent à François Simonneau, par ailleurs propriétaire de la Pichonnière.

La construction des ponts à partir de 1856 : le projet Maire

Au milieu du XIXe siècle, la Croix des Marie se trouve sur l'itinéraire de la route devant relier Rochefort (Charente-Maritime) à Faymoreau, site industriel en pleine expansion. Les autorités entendent développer cet axe afin de développer le commerce et les échanges d'une rive à l'autre de la Sèvre Niortaise, et pour cela, moderniser l'antique passage de la Pichonnière. La création de cette nouvelle route est décidée en 1838, mais sa mise en œuvre va prendre plusieurs années, voire plusieurs décennies, surtout pour ce qui concerne le franchissement de la Sèvre Niortaise. Concernant la route elle-même, le tracé de l'ancien passage est repris, de même que le principe de deux canaux encadrant la voie. La rupture de charge qui s'opérait au bouchaud de Brénégaud, côté La Ronde, est supprimée et le tracé du passage est rectifié, unifié.

Le 20 septembre 1846, le conseil municipal de Maillé approuve le projet de construction d'un pont en bois à la Croix des Marie. Le 6 août 1853, l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées Mesnager, auteur d'un vaste programme d'aménagement du bassin de la Sèvre Niortaise, présente, inclus dans celui-ci, un projet de construction de deux ponts là où aboutit l'antique chaussée de la Pichonnière. Modifié par décision ministérielle du 22 août 1855, et de nouveau présenté le 3 mars 1856, le projet consiste à créer d'une part un pont fixe, en pierre, sur la Sèvre Niortaise ; d'autre part un pont mobile, permettant le passage des bateaux, un pont jeté sur une dérivation à creuser sur la rive droite du fleuve, à travers les nombreuses petites parcelles situées en arrière des habitations de la famille Marie. Celle-ci occuperont donc une nouvelle île ainsi créée. Les deux ponts seront construits sur pilotis et grilles en bois de pin. En attendant leur réalisation, un bac géré par l'Etat est construit pour assurer la traversée de la Sèvre. Les plans en sont présentés le 10 juin 1854 par le conducteur principal Boubeau. Des rampes d'accès sont créées de part et d'autre de la rivière (juste en aval de l'actuel grand pont), notamment rive droite au pied des habitations de la famille Marie.

Le projet de ponts est finalement entériné par une déclaration d'utilité publique du 10 mai 1856. Une enquête publique est menée en novembre. Elle fait apparaître des difficultés avec les riverains et propriétaires des terrains et des habitations concernés, qui doivent être expropriés. On discute ferme sur le tracé du canal de dérivation, réclamé tantôt au nord, tantôt plus au sud. C'est finalement la version sud, la plus proche de la Sèvre Niortaise et du pont fixe, qui est retenue par les autorités.

L'opération, cofinancée par les deux départements de la Vendée et de la Charente-Inférieure, est adjugée dès le le 29 novembre 1856, par décret impérial, à Félix Lebreton, entrepreneur de travaux publics à Niort. Il se voit confier non seulement la construction des ponts et le creusement du canal de dérivation, pour 86 000 francs, mais aussi la concession gratuite du péage à prélever sur le passage pendant cinquante ans. Le 14 mars 1857, Lebreton présente les plans et mémoires de son projet, adaptés du projet Maire, et établis par son frère, Egysthe Lebreton. Celui-ci en profite pour proposer de construire sur l'îlot (actuellement 5, la Croix des Mary, ancienne auberge) un logement pour le préposé au péage (ou pontonnier), idée pour l'instant écartée. Le reste de son projet est approuvé sous condition par l'Etat, après que l'ingénieur Maire a relevé de nombreuses imprécisions et différences avec son projet initial.

Un chantier très chaotique : l'affaire Lebreton-Laprade (1857-1859)

De fait, le chantier va connaître de nombreux soubresauts. Commencés au printemps 1857, les travaux n'ont que peu avancé quand vient l'automne et la saison des inondations. En octobre, le canal de dérivation a été en partie creusé, et on a commencé à construire les pilotis du pont mobile, rien de plus. 40 800 francs ont déjà été versés aux frères Lebreton. Les difficultés se multiplient avec les riverains, notamment pour le tracé du chemin de halage et le dépôt des matériaux. Le 26 décembre, Egysthe Lebreton prend la fuite, suivi par son frère Félix et leur commis, M. Mayer, le 7 janvier 1858. Ils emportent avec eux les registres de comptabilité de leur entreprise, les mémoires des fournisseurs et les carnets du chef d'atelier, M. Dallet qui y notait les journées de travail des ouvriers, et qui ignore maintenant où sont ses patrons ! Le 15 janvier, le chantier est abandonné, les ouvriers l'ayant déserté faute d'être payés. Le 1er février, ils sont définitivement dispersés, recevant des bons de pain pour paiement de leur dû.

Le 12 février, l'ingénieur chargé de la surveillance de l'opération informe le préfet de la Vendée de tous ces événements et fait le point sur l'état du chantier : les terrassements et déblais du canal de dérivation ne sont exécutés qu'aux deux tiers, les culées du pont mobile ont été construites mais celle de la rive droite montre des signes inquiétants de malfaçons (lézardes, écartement...), les terres de comblement ayant été ramenées derrière l'ouvrage en trop grande quantité et de façon trop précoce, alors que la maçonnerie n'était pas bien sèche. Pour ce qui est du pont fixe, sa construction n'a pas commencé. On a juste fait livrer 350 pieux de 12 mètres de long chacun pour les pilotis de fondations, ainsi que les deux tiers de la pierre de taille nécessaire, provenant de Gourgé et de Saint-Hilaire-des-Loges. Pour éviter qu'elle ne gèle, on l'a recouverte de paille. Il manque encore les deux tiers des moellons ainsi que le bois pour les cintres d'échafaudage. Il reste aussi sur place une partie du matériel et des outils des ouvriers, placés sous la surveillance de Dallet et du garde-rivière François Chessé. Les frères Lebreton ont manifestement quitté le pays.

Le 15 février, le préfet de la Vendée demande de nouvelles explications à l'ingénieur : "Ma responsabilité est déjà trop engagée. J'espère donc qu'un rapport de votre part ne se fera pas attendre." Las, rien ne bouge pendant encore plusieurs mois. Félix Lebreton redonne signe de vie le 30 octobre 1858. Depuis Paris, il écrit au préfet de la Vendée pour démissionner et transmettre sa concession du chantier et du péage à Xavier Laprade, propriétaire à Civaux (Vienne). Déjà concessionnaire de ponts à Coulon et la Garette (Sansais), celui-ci s'engage à achever les travaux de la Croix des Marie dans un délai d'un an, tout en demandant des ajustements au projet, notamment sur la largeur du pont fixe. Le 29 novembre, une visite des lieux est organisée. Convoqué, Félix Lebreton ne se présente pas. Malgré tout, le 6 janvier 1859, une décision ministérielle entérine la passation du chantier au profit de Laprade.

L'affaire n'est pourtant pas terminé ! Dès le 9 avril 1859, on constate que le chantier est une nouvelle fois en état d'abandon. Laprade fait savoir qu'il a découvert l'existence d'un traité secret passé le 20 janvier 1857 par Félix Lebreton avec un certain Eugène Léopold Crevet, clerc de notaire de son état, demeurant à Meaux (Seine-et-Marne). Par cet accord, Lebreton a promis à Crevet la moitié des recettes du péage. Laprade dénonce cet accord secret et déclare ne se sentir nullement engagé envers Crevet. Le 12 juillet, le ministre de l'Intérieur, saisi du dossier, demande si on ne devrait pas procéder à une nouvelle adjudication des travaux. Le 6 septembre, un arrêté préfectoral entérine le désistement de Laprade. Pour la seconde fois en deux ans, les ponts de la Croix des Marie, en partie commencés, se retrouvent donc sans entrepreneur.

L'affaire Lebreton connaîtra un dernier rebondissement quelques années plus tard. En 1863, Félix Lebreton se manifeste de nouveau, pour exiger cette fois le versement d'une somme de 3582 francs. Quinze ans plus tard, en 1878, son frère Egysthe réclame au ministère de l'Intérieur la restitution ou le paiement compensatoire du matériel qu'il a laissé sur le chantier fin 1857, accusant l'ingénieur en chef Sallebert d'avoir promis à son frère de le lui restituer. Il demande aussi une indemnisation à la suite de la résiliation de la concession du péage. Niant avoir pris la fuite, il explique que ses affaires l'ont accaparé à Paris, dans des travaux menés pour l'Etat, la Ville de Paris et de grands propriétaires, avant d'être enrôlé dans l'armée comme officier pendant la guerre de 1870. Il affirme demeurer désormais à Paris, boulevard Voltaire, ou chez ses parents, Auguste Lebreton (entrepreneur comme ses fils) et Virginie Sureau, route de Grange, à Niort. Réitéré en 1881, vingt quatre ans après le début des travaux à la Croix des Marie, sa réclamation est rejetée par l'Etat. En 1886, au décès de leur père, les frères Lebreton, entrepreneurs, habitent encore à Niort, chemin des Chaboissières.

L'affaire Crevet et l'achèvement du chantier (1859-1884)

Entre temps, à l'automne 1859, le chantier des ponts de la Croix des Marie restant en attente, l'Etat lance un nouvel appel à soumission. Le 19 novembre, le conseil de préfecture de la Vendée se réunit pour examiner les propositions. L'une d'elles est portée par... Eugène Léopold Crevet, demeurant 56 boulevard Beaumarchais, à Paris, l'un des protagonistes de l'accord secret de janvier 1857 ! Mais le conseil de préfecture relève qu'il n'a fourni qu'une partie des pièces demandées pour le dossier, et attribue donc le chantier aux frères Aubert, entrepreneurs à Niort. Crevet n'en reste toutefois pas là... Pour une raison inconnue, le ministère des Travaux publics déjuge le conseil de préfecture le 6 décembre et, le 21 janvier 1860, un décret impérial confirme l'attribution de l'opération à Crevet ! Celui-ci prend en mains le chantier le 24 avril suivant. Il se fait représenter par Maxime Frager, son homme de chantier, également chargé de lever le péage.

Les travaux, interrompus depuis un an, peuvent dès lors enfin reprendre en ce printemps 1860. Un an plus tard, ils sont pourtant toujours en cours. Le 20 juin 1861, un arrêté préfectoral enjoint Crevet d'utiliser des moellons "proprement équarris" pour construire les voûtes du pont fixe. En septembre, les cintres d'échafaudage de celui-ci sont encore en cours de construction.

Comme Lebreton l'avait envisagé en 1857, Crevet souhaite établir sur place son agent chargé de la manoeuvre du pont mobile et de la perception du péage. Le 12 février 1862, il demande l'autorisation de construire pour lui un logement de fonctions sur la rive droite du canal de dérivation, à l'angle formé par la route venant de la Pichonnière et le chemin de halage (actuellement 3, la Croix des Mary). Le terrain appartient alors à Louis Marie époux Bouchet, dit Desmarest, qui devra être exproprié. L'administration hésite, d'autant qu'un autre riverain, François Simonneau, propriétaire de la Pichonnière et de l'ancien passage, propose une autre maison, récemment construite sur l'îlot (actuellement 5, la Croix des Mary), là où Lebreton l'envisageait déjà en 1857. Un plan des lieux, établi le 28 mars 1863 par l'ingénieur ordinaire Brésillac, de Marans, montre les deux options. IL sera finalement décidé en 1866 d'établir le passagier dans une maison située sur l'îlot, appartenant aux héritiers Girard.

Pendant ce temps, le 6 mai 1862, pressé de pouvoir lever le péage et d'en percevoir les recettes, Crevet demande l'ouverture du pont au public dès le 10, mais le service des Ponts et Chaussées indiquent que les travaux ne sont pas tout à fait terminés : la rampe d'accès sur la rive gauche est inachevée, de même que les parapets du pont fixe, et des tassements sont observés dans les maçonneries. Par arrêté du 22 mai, le préfet de la Vendée autorise pourtant l'ouverture du pont le 26, sous réserve de terminer en urgence ces opérations. Le bac utilisé depuis 1854 pour le franchissement de la Sèvre Niortaise, désormais inutile à la Croix des Marie, est remployé au passage du Rouleau, entre Maillé et Taugon (futur pont du Sablon).

Or, moins d'un an plus tard, le 2 février 1863, le préfet informe l'ingénieur en chef Evrard que Crevet est à son tour en faillite qu'il a pris la fuite ! Le pont fixe se tasse et menacerait ruine. Egalement pressé de rendre son avis par le préfet de Charente-Inférieure, Evrard se veut toutefois rassurant sur l'état du pont, qui reste donc ouvert à la circulation. En 1866, Crevet refait surface et réclame une indemnité et le versement du solde qui lui est dû. En 1869, il est mis en demeure d'achever les travaux, ce qu'il est évidemment incapable d'assurer. La construction des ponts de la Croix des Marie et l'aménagement du site sont finalement achevés en régie par les Ponts et Chaussées, suivant le projet présenté les 13 avril et 5 juin 1870 par l'ingénieur Espitallier. Quant à Crevet, le Journal officiel des 9 décembre 1893 et 18 mars 1895 le déclare absent, "disparu en 1867, date de son départ pour l'Amérique où il a résidé à New-York", "d'où il n'a plus donné de nouvelles depuis 1882".

Dès janvier 1880, on constate que le pont mobile sur le canal de dérivation a besoin de réparations urgentes, notamment parce que ses bois sont pourris. Les travaux sont aussitôt engagés mais, le 11 juin 1883, sa traversée est interdite. En tout état de cause, la navigation fluviale sur la Sèvre est alors en déclin, et le besoin de disposer d'un pont mobile pour laisser passer les plus gros bateaux se fait moins pressant. En décembre 1883, le pont mobile est alors remplacé par un pont fixe, avec tablier en métal appuyé sur les culées en maçonnerie. Le canal de dérivation reçoit des riverains le surnom de "canal inutile". En 1912, à la suite des inondations catastrophiques qui ont frappé les marais, la transformation du grand pont et de ses trois travées en un pont métallique à une seule travée (à l'image du pont du Sablon), est réclamée par les cultivateurs des environs, en vain.

De l'ancien passage de la Pichonnière reliant le Passage de La Ronde et la Pichonnière de Maillé, les routes départementales D15 (en Vendée) et D116 (en Charente-Maritime), aménagées au milieu du XIXe siècle, ont conservé le principe d'une chaussée encadrée par des canaux. Le site de la Croix de Mary comprend deux ponts qui se succèdent du nord au sud, de part et d'autre d'une île longiligne. Au nord, le petit pont, long de 23 mètres, enjambe un bras de dérivation de la Sèvre Niortaise. Son tablier droit repose sur deux culées en pierre (moellons avec parement en pierre de taille). Après être passée entre des habitations, la chaussée arrive au pont sud, le plus grand. Long de 60 mètres et large de 8,5, il franchit cette fois le cours principal de la Sèvre Niortaise. Entièrement construit en pierre (moellons avec parement en pierre de taille), il est le seul ouvrage de ce type sur la Sèvre avant Marans. Il comprend trois arches en plein cintre. Leurs deux piles sont renforcées par des musoirs. Les garde-corps, à croisillons en fonte, prolongent de courts parapets en pierre de taille. Rive gauche, le pont est encadré par des perrés et par des escaliers en pierre qui descendent au bord du fleuve.

  • Murs
    • calcaire moellon parement
    • calcaire pierre de taille
    • fonte
  • Couvrements
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents d'archives

  • Archives Nationales ; H4 2935-2. Vers 1755 : état des péages exercés sur les cours d'eau de la généralité de Poitiers.

  • Service historique de la Défense. 1VD 60, pièce 16. 1702 : Mémoire sur la carte des environs de Marans qui enferme le pays du troisième carré de la carte généralle de partie du Bas Poitou, d’Aulnis et Saintonge, par Claude Masse.

  • Service Historique de la Défense ; 1 VD 60, pièce 51. 1719 : Mémoire sur la carte du 46e quarez de la généralle des côtes du Bas Poitou, païs d'Aunix, Saintonge et partie de la Basse Guyenne, par Claude Masse.

  • Archives départementales des Deux-Sèvres ; 3 S 493. 1853-1884 : construction des ponts de la Croix des Marie.

  • Archives départementales des Deux-Sèvres ; 3 S 494. 1912-1913 : pétition de propriétaires et de cultivateurs auprès du ministère de l'Agriculture pour la reconstruction du pont de la Croix des Marie.

  • Archives départementales de la Vendée ; B 664-2, fol. 34. 1781, 27 juillet : enregistrement de l'acte de vente du domaine de la Pichonnière, à Maillé, par Marie Picoron, veuve de Pierre Alexis Bonvallet des Brosses, à Anne Guérin, veuve Quoy.

  • Archives départementales de la Vendée ; 3 E 36 D (en ligne, vue 337/492). 1680, 8 mai : vente du domaine de la Pichonnière, à Maillé, par Gabriel Dorin, écuyer, sieur du Poiron, à Geoffroy Picoron, sieur de la Brenegoue, devant Elie Train, notaire à Fontenay-le-Comte.

  • Archives départementales de la Vendée ; 3 P 1460 à 1465, 3578, 3579 (complétés par les registres conservés en mairie). 1836-1914 : état de section et matrices des propriétés du cadastre de Maillé.

  • Archives municipales de Maillé ; 1 D 1 à 15. Registres des délibérations du conseil municipal depuis 1821.

Bibliographie

  • "Actes de l'assemblée générale des églises réformées de France et souveraineté de Béarn (1620-1622)", Archives historiques du Poitou, t. V, 1876.

    p. XLIII
  • CLOUZOT, Etienne. Les marais de la Sèvre Niortaise et du Lay du Xe à la fin du XVIe siècle. Paris : H. Champion éditeur ; Niort : L. Clouzot éditeur, 1904, 282 p.

    p. 175, 176
  • SUIRE, Yannis. L'histoire de l'environnement dans le Marais poitevin, seconde moitié du XVIe siècle - début du XXe siècle. Thèse d'Ecole nationale des Chartes, 2002.

    p. 512

Documents figurés

  • 1720, 29 octobre : Carte du 46e quarré de la generalle des costes du Bas Poitou, païs d'Aunis, Saintonge et partie de la Basse Guienne..., par Claude Masse. (Service Historique de la Défense de Vincennes ; J10C 1293, pièce 17).

  • Plan du passage de la Pichonière depuis la métairie du sieur Simonneau jusqu'à la levée de Taugon-La Ronde, par l'ingénieur des Ponts et Chaussées Salomon, 4 mai 1825 (Archives départementales de la Vendée ; 11 Fi 477).

  • Plan terrier du passage de la Croix des Mary sur la Sèvre Niortaise pour la construction d'un bac, de cales d'abordage et de rampes d'accès, par le conducteur principal Loubeau, 10 juin 1854 (Archives départementales de la Vendée, 11 Fi 525).

  • Plan, coupe et détails du bac à construire au passage de la Croix des Mary, par le conducteur principal Boubeau, 10 juin 1854 (Archives départementales de la Vendée, 11 Fi 526).

  • Plan cadastral de Maillé, 1835. (Archives départementales de la Vendée ; 3 P 132 ; complété par l'exemplaire conservé en mairie).

  • Plan cadastral rénové de Maillé, vers 1950. (Archives départementales de la Vendée ; 1741 W 132).

Date(s) d'enquête : 2020; Date(s) de rédaction : 2021
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
(c) Conseil départemental de la Vendée
Suire Yannis
Suire Yannis

Conservateur en chef du patrimoine au Département de la Vendée à partir de 2017.

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