Dossier thématique IA44005624 | Réalisé par
Orillard Marion (Contributeur)
Orillard Marion

Chargée de mission Inventaire - Syndicat mixte du SCoT et du Pays du Vignoble Nantais

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  • enquête thématique régionale, Villages à communs
Les "communs de village"
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Pays du vignoble nantais

1. Histoire des "communs de village" : état de la recherche

L'hypothèse communément admise concernant l'origine de création de ces biens communs correspond à établir une filiation de cette propriété collective avec des droits féodaux définis par « l'ancienne coutume de Bretagne » de 1330. Cette coutume de l'Ancien Régime appliquait une règle selon laquelle le seigneur d'une terre pouvait concéder un droit d'usage (« droit de communer ») sur des terres vaines et vagues aux habitants d'un ou plusieurs écarts implantés sur son fief.

La Révolution Française met fin aux droits féodaux au profit de la notion de droit de propriété privée. Le 28 août 1792, une loi-décret votée par l'Assemblée législative indique que toute terre dont la propriété ne pourra être prouvée par un titre sera adjugée par les Tribunaux.

L'article 10 précise l'avenir des biens pour lesquels était octroyé un « droit de communer » : « Dans les cinq départements qui composent la ci-devant province de Bretagne, les terres actuellement vaines et vagues, non arrentées, afféagées, ou acensées jusqu'à ce jour, connues sous le nom de communes, frost, frostages, franchises, galois, etc. appartiendront exclusivement soit aux communes, soit aux habitants des villages, soit aux ci-devant vassaux qui sont actuellement en possession du droit de communer, motoyer ou mener les bestiaux dans lesdites terres situées dans l'enclave ou le voisinage des ci-devant fiefs ».

C'est ainsi semble-t-il que s'opère le basculement entre le droit d'usage de ces biens communs et la propriété privée collective encore en vigueur d'un point de vue juridique sur ces biens communs.

Néanmoins, la question de l'origine de création de ces communs reste ouverte et il est fort probable que des écarts plus anciens aient déjà été dotés d’espaces à usage collectif.

Le travail de recherche en archives au cours de l'étude (aveux seigneuriaux, cahiers de doléances, registres de délibération municipales des trente communs du Pays du Vignoble Nantais) n'a pas permis de répondre à la multiplicité de questions posées : un communal a-t-il pu devenir "commun de village" à la Révolution Française ? Y avait-il déjà un attachement de la parcelle commune à l'échelle du village avant la Révolution Française ? A quoi correspondent les communs rattachés à plusieurs "villages" ?

Les documents consultés permettent uniquement d'identifier la difficulté, pour les nouvelles communes à se saisir de ces espaces relevant d'usages anciens. Dès le début XIXe siècle, il semble régner un flou administratif et juridique sur ces parcelles qui donne lieu à des gestions différenciées d'une commune à une autre, et plus ou moins difficiles donnant lieu parfois à des procédures juridiques longues de plusieurs dizaines d'années avant de statuer juridiquement sur l'identité du ou des propriétaires de ces "communs de village".

Cette recherche est de nature plus historique et juridique que patrimoniale et extrêmement chronophage. Elle mériterait le travail dédié d'un historien ou juriste.

2. Le référencement cadastral des communs de village

Dans le cadre de cette étude, on entendra par « commun » une parcelle qui est propriété collective et indivise des habitants d'un même écart et par « communal » une parcelle qui appartient à la totalité des habitants d'une ou plusieurs communes. Seuls les premiers ont été recensés de façon systématique.

2.1 Cadastre napoléonien

La première levée du cadastre napoléonien s'effectue sur les communes du Pays du Vignoble Nantais entre 1808 et 1830.

    • 1808 : la Boissière-du-Doré, la Remaudière, Saint-Julien-de-Concelles
    • 1809 : Boussay, Clisson, Gétigné, Gorges, le Landreau, le Loroux-Bottereau, Monnières, Saint-Hilaire-de-Clisson, Saint-Lumine-de-Clisson
    • 1810 : Barbechat, la Chapelle-Basse-Mer
    • 1811 : la Chapelle-Heulin, le Pallet
    • 1812 : Mouzillon, la Regrippière, Vallet
    • 1813 : Remouillé
    • 1814 : Saint-Fiacre-sur-Maine, Maisdon-sur-Sèvre
    • 1818 : Aigrefeuille-sur-Maine
    • 1822 : La Planche, Vieillevigne
    • 1830 : Château-Thébaud, la Haye-Fouassière, Vertou

L'inventaire des "villages à communs" s'est donné pour objectif l'étude de la structure et de l'architecture de ces hameaux. Par « structure villageoise » on entend : la disposition du bâti et de son parcellaire attenant.

L'étude de cette disposition du bâti et du parcellaire s'est fondamentalement appuyée sur les documents cadastraux (plans, registres, matrices) qui marquent normalement les limites de toutes les parcelles et en indiquent la nature, le propriétaire, la surface et son imposition.

Lors de la confection de l'ancien cadastre, le mot parcelle désignait « toute portion de terrain non divisée par des séparations matérielles, située dans un même canton, triage ou lieu-dit, présentant une même nature de culture, et appartenant à un même propriétaire » (selon René Herbin et Alexandre Pebereau, Le cadastre français, Paris, F. Lefebvre, 1953, p 69).

De manière générale, le parcellaire des communes qui composent le Pays du Vignoble Nantais révèle deux types d'organisation :

- La propriété foncière issue des grands domaines seigneuriaux, qui se compose de larges parcelles unies (terres labourables, vignes) ;

- Le parcellaire environnant les écarts, qui est très fractionné avec un groupement logique par nature de culture du sol en fonction de la topographie : les zones de jardins sont aux abords directs des habitations, les prés et pâturages forment une zone tampon en bordure des affluents de la Sèvre et la Maine qui structurent le territoire, les vignes sont implantées sur les coteaux. Les terres labourables et les vignes font l'objet d'une propriété très morcelée : il s'agit d'un parcellaire laniéré, étroit qui s'explique en majeure partie par des subdivisions foncières suite à des héritages ou des ventes dans les familles du vignoble. A l'inverse, les prés, landes, pâtures - dont la culture est une ressource financière moindre – correspondent à des parcelles plus amples.

2.1.1 Le référencement des parcelles « communs de village »

Localisation sur les plans du cadastre

La zone du marais de Goulaine et le val ligérien correspond à une zone de très faible densité des communs. En effet, aucun commun n’a été recensé dans les communes de Basse-Goulaine et Haute-Goulaine. La commune de Saint-Julien-de-Concelles n’en possède qu'un – une pâture située au lieu-dit l'Anglesort – et le parcellaire des communes de Barbechat et la Chapelle-Basse-Mer, si elles sont pourvues de quelques communs, se compose majoritairement de pâtures et landes communales.

Excepté cette zone, les "communs de village" se retrouvent de façon homogène sur les autres communes qui forment le Pays du Vignoble Nantais, et quasi systématiquement dans tous les écarts.

Dénominations dans les états de section et matrices

Les dénominations des espaces communs indiquent une difficulté à nommer cet objet dont les limites semblent floues, déjà au XIXe siècle, par les différents arpenteurs chargés de réaliser la première levée du cadastre. Ainsi près de quinze appellations ont été recensées parmi les propriétaires des communs :

    • indivis entre tous les villageois
    • commun au village de [nom du village]
    • village de [nom du village]
    • commun à tous les propriétaires riverains, les propriétaires de [nom du village], commun aux propriétaires de [nom du village] autres que [noms de propriétaires]
    • commun aux habitants de [nom du village], les habitants de [nom du village]
    • commun aux teneurs du village
    • commun au bourg, aux villageois du bourg
    • commun aux villages de [noms de plusieurs villages]
    • commun

La dernière mention « commun » rend complexe l'identification entre le bien communal et le commun de village à partir de cette source cadastrale.

Du point de vue de leur nature, les différentes dénominations des communs renseignent sur la diversité de ces propriétés collectives. Sont ainsi recensés : des terres incultes (landes, pâtures, pâtis, vagues, sols, aires, rochers, grèves, boires, terres, terres vaines et vagues, cour, ruage, issue), des ressources en eau (mare, vivier, abreuvoir, étang four, eau, lavoir, puits), des fours (four à pain, four à tuiles, boulangerie).

Diversité de natures d'espaces communs au XIXe siècle : exemples d'une aire et d'une mareDiversité de natures d'espaces communs au XIXe siècle : exemples d'une aire et d'une mare Diversité de natures des communs au XIXe siècle : exemple d'un jardin à la Hyardière (La Remaudière)Diversité de natures des communs au XIXe siècle : exemple d'un jardin à la Hyardière (La Remaudière) Diversité des natures de communs au XIXe siècle : exemple d'un coteau à la Bordelière (Maisdon-sur-Sèvre)Diversité des natures de communs au XIXe siècle : exemple d'un coteau à la Bordelière (Maisdon-sur-Sèvre) Diversité de natures des communs au XIXe siècle : exemple des landes à la Grammoire (Vertou)Diversité de natures des communs au XIXe siècle : exemple des landes à la Grammoire (Vertou)

L'emprise foncière des communs dans les plans cadastraux

L'étude de l'emprise foncière des communs, au regard du parcellaire cultivé, sur les plans cadastraux révèle une forme spécifique. Si le parcellaire cultivé correspond à un parcellaire géométrique et régulier, les parcelles de communs généralement ouvertes et irrégulières indiquent des terres dont la nature est impropre à la culture.

Ces parcelles sont, dans la majorité des cas, des parcelles non délimitées, qui se confondent avec la voirie. Ce dessin imprécis illustre la probable difficulté à définir, pour les arpenteurs, les contours de ces parcelles du point de vue de leurs natures, usages et propriétaires.

Communs de villages repérés par les arpenteurs sur le cadastre napoléonien (panel d'exemples)Communs de villages repérés par les arpenteurs sur le cadastre napoléonien (panel d'exemples)

Parmi les formes de communs repérés, trois types sont recensés. Ils sont ainsi typologisés pour l'étude :

    • L'aire, de taille modérée, autour et sur lequel s'implante le bâti ; elle est utilisée pour le dépôt du fumier, ou comme aire de battage, pailler, gerbier. Cette aire accueille généralement le four commun et parfois la mare également commune aux habitants du lieu-dit.
    • L'étendue inculte, d'une vaste surface aux abords de laquelle s'implante le lieu-dit. Parfois cet espace est conquis par la construction d'habitations et dépendances et la récupération de terres en propriétés privées. Il s'agit de zones de marais ou de pâtures utilisées pour le pacage des bestiaux. Il accueille généralement la mare commune.
    • L'étendue inculte plurivillageoise. C'est une vaste surface de terrain commun aux habitants de plusieurs écarts, située au carrefour éloigné entre les lieux-dits propriétaires. Ce type de commun n'accueille pas de construction bâtie (ni habitation, ni dépendances). Sa nature, sa propriété et ses usages se rapproche des biens communaux.

Lande commune aux propriétaires des Chaboissières (Vallet)Lande commune aux propriétaires des Chaboissières (Vallet) Espaces communs à plusieurs écarts au XIXe siècleEspaces communs à plusieurs écarts au XIXe siècle

Cette typologie d'espaces communs est intimement liée à la topographie du territoire. (Voir le dossier thématique "les communs de village et l'eau" ).

D'autres formes de propriétés collectives

Les plans cadastraux napoléoniens témoignent également la présence d'autres formes de propriétés collectives qui côtoient les "communs de village" sur le territoire. Il s'agit d'espaces dits "communaux" qui appartiennent à la généralité des habitants d'une ou plusieurs communes, ou également d'usages collectifs temporaires.

    • Les prés communs après la fenaison

A ce titre, un nombre important de prés appartenant à des propriétaires privés mais portant la mention dans les états de section de « commun après la faulx » ont été identifiés sur les communes de la Chapelle-Basse-Mer et Saint-Julien-de-Concelles. Ces prés correspondent à une forme d'usage collectif temporaire. Après avoir été fauchés, ils sont ouverts à l'ensemble de la communauté afin que les habitants ne possédant que peu de terres puissent y emmener paître leurs bestiaux.

Autre forme de pratiques collectives : les prés communs après la fenaison (exemple de Saint-Julien-de-Concelles)Autre forme de pratiques collectives : les prés communs après la fenaison (exemple de Saint-Julien-de-Concelles)Autre forme de pratiques collectives : les prés communs après la fenaison (exemple de la Chapelle-Basse-Mer)Autre forme de pratiques collectives : les prés communs après la fenaison (exemple de la Chapelle-Basse-Mer)

    • Les communaux

Le Pays du Vignoble Nantais est également traversé par un phénomène de biens « communaux », identifié au XIXe siècle, par le biais du cadastre napoléonien. Les communaux sont des propriétés collectives privées appartenant à la généralité des habitants d'une ou plusieurs communes. II s'agit de biens fonciers de grande superficie : landes, pâtures, marais. Selon les données du cadastre napoléonien, ces communaux sont très présents dans les communes de Basse-Goulaine, Haute-Goulaine, Saint-Julien-de-Concelles, la Chapelle-Basse-Mer et Barbechat.

Ces biens semblent relever d'un phénomène différent de celui des "communs de village" et qui pourraient faire l'objet d'un traitement du point de vue de la géographie et de l'histoire sociale plus qu'architectural (voir notamment l'ouvrage d'Alain Bergerat, Histoire de Basse-Goulaine - Un village entre Loire et Goulaine, Ville de Basse-Goulaine, 1994).

2.2 Cadastre actuel

L'étude des matrices du cadastre actuel a permis de recenser l'ensemble des biens tenus encore aujourd'hui par les habitants d'un même lieu-dit sur les trente communes du Pays du Vignoble Nantais. Au total, 596 communs de villages répartis sur 288 villages ont été recensés.

Ces communs actuels sont d'une nature similaire aux communs recensés sur le cadastre napoléonien. Il s'agit à 95 % d’espaces non bâtis (dont 15% sont des plans d'eau) et le bâti correspond à des édicules anciens que sont les fours à pain. Quelques édicules (calvaires, puits) sont recensés.

2.2.1 Évolution des communs

La comparaison des plans cadastraux napoléoniens et actuels pour identifier la cohérence entre les parcelles de communs indique que le phénomène des "communs de villages" est extrêmement vivace en Pays du Vignoble Nantais. Plusieurs évolutions notables ont ainsi été repérées :

Recul et morcellement de l’espace commun

- Le transfert de propriété des espaces communs à la commune ou à des propriétaires privés.

Ce transfert de propriété concerne les aires situées au cœur de l'écart : pour des raisons d’usages (commun en bordure d'une habitation privée est transformé en jardin attenant), ou pour des raisons de modernisation urbanistique (les communs sont cédés à la commune pour qu'une route puisse être aménagée par exemple). Mais il concerne également et de façon systématique les communs qui correspondaient à de grandes étendues incultes sur le cadastre napoléonien. Ces grandes landes sont partagées en parcelles géométriques afin d'accueillir de nouvelles habitations ou cultures.

- Un nombre important de communs identifiés sur le cadastre napoléonien disloqués en plusieurs parcelles de communs avec l'instauration de la voirie moderne qui passe au cœur des écarts.

Evolution des communs au Bas Briacé (Le Landreau) selon les données cadastralesEvolution des communs au Bas Briacé (Le Landreau) selon les données cadastrales

Apparition de nouveaux communs

- Une régularisation du statut en propriété commune aux habitants pour certaines parcelles avec la réfection totale du cadastre.

L'analyse des plans cadastraux napoléoniens avait soulevé l'hypothèse, pour un certain nombre de lieux-dits, qu'un espace commun aux habitants existait bel et bien dès le XVIIIe siècle, mais n'avait pas été signalé par l'arpenteur sur les plans et dans les matrices. Les écarts présentaient des organisations foncières autour d'espaces similaires mais rien n'indiquait qu'il y avait un bien foncier tenu en commun par l'ensemble des habitants. Or, la superposition des plans cadastraux a permis d'identifier des espaces aujourd'hui communs dont l'emprise foncière correspond partiellement ou strictement au dit espace non numéroté sur le plan napoléonien.

Espace non identifié par l'arpenteur au XIXe siècle, relevé comme commun au XXe siècle : exemple de la Grossière à Saint-Lumine-de-ClissonEspace non identifié par l'arpenteur au XIXe siècle, relevé comme commun au XXe siècle : exemple de la Grossière à Saint-Lumine-de-Clisson Espace non identifié par l'arpenteur au XIXe siècle, relevé comme commun au XXe siècle : exemple de la Bodinière au LandreauEspace non identifié par l'arpenteur au XIXe siècle, relevé comme commun au XXe siècle : exemple de la Bodinière au Landreau

- L'apparition de communs dans d'anciens domaines dont la propriété ancienne individuelle est aujourd'hui morcelée en plusieurs propriétaires privés.

Ces domaines, qui ne possèdent jamais d'espaces communs au XVIIIe siècle, voient leur cour et mare attenantes devenir des biens communs.Espace en propriété individuelle au XIXe siècle, devenu commun au XXe siècle selon les données cadastrales : exemple de la Petite Masure au LandreauEspace en propriété individuelle au XIXe siècle, devenu commun au XXe siècle selon les données cadastrales : exemple de la Petite Masure au Landreau Espace en propriété individuelle au XIXe siècle, devenu commun au XXe siècle selon les données cadastrales : exemple de la Barbonnière au LandreauEspace en propriété individuelle au XIXe siècle, devenu commun au XXe siècle selon les données cadastrales : exemple de la Barbonnière au Landreau

Les communs restés « communs »

L'analyse du cadastre et le travail de terrain ont permis conjointement d'identifier également des évolutions en termes de propriétés collectives pour ces espaces qui sont liées à la volonté des habitants de trouver des solutions de gestion adaptées. Ainsi, d'anciens communs de villages sont aujourd'hui la propriété des habitants réunis en association foncière urbaine. Mare commune aux habitants de la Cognardière depuis au moins 1811 (levée du cadastre napoléonien)Mare commune aux habitants de la Cognardière depuis au moins 1811 (levée du cadastre napoléonien)

3. Les usages des communs

Les "communs de village" sont par essence des espaces faisant l’objet d’usages collectifs. Lieux de vie quotidiens ou ponctuels pour les habitants d’un même lieu-dit, ils connaissent des destinations diverses selon les modes de vie et les activités économiques des habitants du hameau au fil des siècles.

3.1 L’évolution des usages des communs : du XIXe au XXIe siècle

L'étude menée n'a pas la prétention d'identifier de façon exhaustive les usages et surtout les modes de mise en œuvre des activités dont ont fait l'objet les espaces communs aux XIXe et XXe siècles. Ces usages sont extrêmement variés et parfois bien spécifiques à une communauté d'habitants.

Il est également impossible, au vu de l'état de la recherche, de borner chronologiquement ces usages diversifiés. Les usages identifiés comme ayant existé au XIXe siècle, ont fort probablement eu cours durant les siècles précédents et ont, pour certains, perduré au XXe siècle. Il s'agit donc bien ici de dresser des tendances générales propres au territoire étudié.

3.1.1 Les terres incultes : de l'aire de battage à la piste de jeu de boules

Dans les états de section du cadastre napoléonien, sont recensés entre autres comme communs, des « pâtures », « landes », « aires » et « terres vagues ». Ces espaces s'étendent sur une superficie plus ou moins étendue (de 50 m² à plus de 35 hectares) et sont l'objet d’usages différenciés. Ces natures de communs sont les plus répandus sur le territoire au XIXe siècle.

Parmi ces biens, les communs de modeste superficie (« aire », « cour », « pâture »), situés à proximité directe des habitations et qui se confondent avec le réseau de voirie, sont en premier lieu des cours de desserte qui permettent l'accès à l'ensemble des bâtiments implantés autour. Ces communs servent régulièrement à l'ensemble des habitants comme espace de stockage pour des matériaux produits de l'activité agricole (gerbiers, paillers, fumiers) ou comme lieu de travail collectif (aire de battage). Les animaux y demeurent, afin de pouvoir pâturer, à proximité directe de l'étable ou l'écurie qui les abritent. Sa position centrale, au cœur de l'écart, fait vraisemblablement de cet espace, le lieu où les habitants se réunissent pour la fête annuelle célébrée à l'occasion des vendanges ou des battages du blé.

Les communs de grande superficie (« landes », « pâture », « vague », « pré ») situés sur des zones de plateaux ou des zones inondables en bordure de l'écart, sont voués au parcours et au pacage des bestiaux. Les landes communes sont une ressource en produits naturels (bois, fougère, bruyère, ajoncs) qui servent tout autant aux bestiaux comme nourriture ou litière, que de combustible pour les foyers des habitants ou d'engrais pour les cultures. Ces communs sont de façon très certaine des moyens de survie à une population paysanne très modeste.

Aucune de ces grandes landes n'existe encore au XXIe siècle : elles sont probablement défrichées et partagées, en même temps que les landes communales au XIXe siècle, dans un souci de rendement agricole.

Aux XXe et XXIe siècles, les petits communs situés au cœur des noyaux villageois ne servent quasiment plus à l'activité de polyculture, car celle-ci a quasiment disparu des hameaux. Ils sont toujours des cours de desserte, souvent morcelés par l'installation du réseau de voirie modernes. Les reliquats de ces parcelles initialement homogènes, sont de très modestes superficies et reclus en bordure de route. Exceptées certaines démarches individuelles ou collectives de fleurissement ou d'entretien herbeux, ils sont abandonnés.

Les communs qui subsistent encore au cœur des écarts aux XXe et XXIe siècles, font quant à eux l'objet d'usages divers par les habitants.

Ils sont tout d'abord des espaces utilitaires dont les usages ont évolué avec les modes de vie. Souvent, ces aires de stockage correspondent à des usages privés, c’est-à-dire que chacun des habitants entrepose sur le commun qui borde son habitation, son matériel de jardinage (ou agricole et viticole pour les professionnels en activité), son combustible pour le chauffage. Ils sont aussi très utilisés comme aire de stationnement des véhicules des habitants dont les habitations anciennes remaniées n’offrent aucun espace de garage.

Ces communs sont aussi utilisés comme aire récréative sur laquelle un équipement spécifique est parfois installé (piste de jeu de boules, portique à balançoire, tables de pique-nique). Ces communs favorisent la rencontre des plus jeunes – les enfants qui viennent jouer – comme des adultes qui s'y retrouvent de façon plus ponctuelle. C'est le lieu où se déroule la "fête du village", lorsque celle-ci est encore organisée. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, la pratique collective des loisirs de plein air semble devenir ponctuelle. Seulement neuf "fêtes de village" se déroulant sur les espaces communs ont été identifiées parmi les 288 "villages à communs" actuels (l'Orsellière au Loroux-Bottereau ; la Bigotière à Maisdon-sur-Sèvre ; le Fresne à Saint-Lumine-de-Clisson ; Bonne Fontaine, la Pommeraie, la Gobinière, la Métairie, les Courrères, le Coudray et les Laures à Vallet).Portique sur l'espace commun au Champ Ménard (La Remaudière)Portique sur l'espace commun au Champ Ménard (La Remaudière) Piste de jeu de boules sur l'espace commun au Champ Ménard (La Remaudière)Piste de jeu de boules sur l'espace commun au Champ Ménard (La Remaudière) Piste de jeu de boules commune aux habitants de la Grossière (Saint-Lumine-de-Clisson), ZW01-49, cadastre 2018.Piste de jeu de boules commune aux habitants de la Grossière (Saint-Lumine-de-Clisson), ZW01-49, cadastre 2018. Espace commun avec cabane dans un arbre et balançoire artisanales à la Vesselière (Saint-Hilaire-de-Clisson), ZB01-181, cadastre 2018.Espace commun avec cabane dans un arbre et balançoire artisanales à la Vesselière (Saint-Hilaire-de-Clisson), ZB01-181, cadastre 2018. Espace commun avec cabane dans un arbre et balançoire artisanales à la Vesselière (Saint-Hilaire-de-Clisson), ZB01-181, cadastre 2018.Espace commun avec cabane dans un arbre et balançoire artisanales à la Vesselière (Saint-Hilaire-de-Clisson), ZB01-181, cadastre 2018. Pistes de jeu de boules communes aux habitants de la Roseraie (La Chapelle-Heulin), vue extérieure. Cadastre 2015, parcelle BW 203.Pistes de jeu de boules communes aux habitants de la Roseraie (La Chapelle-Heulin), vue extérieure. Cadastre 2015, parcelle BW 203. Pistes de jeu de boules communes aux habitants de la Roseraie (La Chapelle-Heulin), vue intérieure. Cadastre 2015, parcelle BW 203.Pistes de jeu de boules communes aux habitants de la Roseraie (La Chapelle-Heulin), vue intérieure. Cadastre 2015, parcelle BW 203. Espace commun aux habitants du Ronzeray (Château-Thébaud) utilisé comme ressource collective en bois, B02-354, cadastre 2018.Espace commun aux habitants du Ronzeray (Château-Thébaud) utilisé comme ressource collective en bois, B02-354, cadastre 2018.

3.1.2 Les édicules communs : fours à pain et puits

Le patrimoine bâti présent sur l'espace commun (que ce soit le four ou le puits) est souvent l'occasion de réactiver la collectivité des habitants dans sa temporalité. Ces équipements qui ne peuvent traverser les affres du temps sans un soin particulier obligent les habitants à une concertation et une responsabilité collectives dans le choix de se mobiliser, ou non, pour la conservation de ces édicules.

Le recensement des communs réalisé en 2014 a permis d'identifier 32 fours communs. Ces fours sont soit déjà communs dans le cadastre napoléonien, soit sont des équipements privés devenus communs au XXe siècle. Utilisés de façon ponctuelle et festive aujourd'hui, il semble que leur usage collectif régulier ait disparu avec l'essor des moyens de transport ayant facilité l'accès aux boutiques d'artisan-boulanger. (Voir le dossier «Les fours communs »).

Concernant les puits communs, le recensement réalisé en 2014 a permis d'en identifier 29. Ces édicules anciens ne sont quasiment jamais recensés sur le cadastre napoléonien et donc difficilement datables. Initialement utilisé pour puiser de l'eau potable, l'usage des puits communs se limite aujourd'hui à un puisage ponctuel pour arroser les jardins privés ou abreuver quelques bestiaux sur le lieu-dit. Leur construction et leur usage se sont raréfiés dans la première moitié du XXe siècle avec le raccordement des hameaux en eau courante. Certains puits font parfois l'objet de restauration, mais cette démarche reste marginale. (Voir le dossier « les communs et l'eau»).

3.1.3 Les plans d'eau

99 plans d'eau communs sont recensés à partir des données cadastrales de 2014. Décorées et fleuries, les mares ne servent quasiment plus à l'activité domestique, agricole ou artisanale. Elles sont surtout des agréments paysagers et le lieu de rencontres entre les habitants autour d'une activité de détente et de loisirs (pêche, promenade, pique-nique). (Voir le dossier « les communs et l'eau »).

3.1.4 Les édicules religieux

Les croix, crucifix et calvaires sont très présents en Pays du Vignoble Nantais et jalonnent le paysage. Parfois, ils sont implantés sur des espaces communs. L'initiative de construction et le financement de ces édicules peuvent être privés ou collectifs (à l'initiative de missions notamment).

Le cadastre napoléonien réalisé au XIXe siècle ne recense par ces édifices ; il est donc impossible d'en identifier le nombre implanté sur les espaces communs à cette période.

Le recensement des communs réalisé en 2014 a permis d'identifier 17 croix monumentales ou calvaires implantés sur un espace commun (à la Gaubertière, la Heurnière, les Forges, les Mortiers à Gorges ; la Brégeonnière à la Boissière-du-Doré ; la Rairie à la Haye-Fouassière ; la Rinière des Landes au Loroux-Bottereau ; La Mare et la Brouardière au Pallet ; la Bourchinière, la Pétière et la Hautière à Saint-Fiacre-sur-Maine ; la Grossière et le Fresne à Saint-Lumine-de-Clisson ; les Mortiers à Vertou ; la Planche à la Mauvillonnière ; le Mortray à Monnières).

Sept sont gravés d'une date ; ils sont érigés entre 1866 et 1945. Dix de ces édifices religieux ne font l'objet d'aucun entretien par les habitants des hameaux. Les sept autres ont été restaurés au cours du XXe siècle par une association locale ou les habitants eux-mêmes.

Les processions religieuses, anciennement en lien avec ces croix et calvaires, ne sont plus organisées.

Calvaire et puits commun à la Grossière (Saint-Lumine-de-Clisson), ZW01-74 et 49, cadastre 2018.Calvaire et puits commun à la Grossière (Saint-Lumine-de-Clisson), ZW01-74 et 49, cadastre 2018. Édicule religieux commun, dit "la grotte", à la Rairie (La Haye-Fouassière), cadastre 2015, parcelle AS 254.Édicule religieux commun, dit "la grotte", à la Rairie (La Haye-Fouassière), cadastre 2015, parcelle AS 254. Edicule religieux commun aux habitants de la Rinière des Landes (Le Loroux-Bottereau), BM01-143, cadastre 2018.Edicule religieux commun aux habitants de la Rinière des Landes (Le Loroux-Bottereau), BM01-143, cadastre 2018. Édicule religieux commun aux habitants de la Rinière des Landes (Le Loroux-Bottereau), BM01-143, cadastre 2018. Édicule religieux commun aux habitants de la Rinière des Landes (Le Loroux-Bottereau), BM01-143, cadastre 2018. Calvaire commun à la Bourchinière (Saint-Fiacre-sur-Maine, cadastre 2015, parcelle A 786)Calvaire commun à la Bourchinière (Saint-Fiacre-sur-Maine, cadastre 2015, parcelle A 786)

3.2 Le mode d’appropriation des espaces communs actuels en quelques chiffres

Le recensement des communs réalisé en 2014 permet d'identifier une forme certaine de vivacité dans le vécu de ces espaces collectifs. Parmi les 596 communs recensés dans 288 hameaux :

- 76% connaissent toujours des usages communs ponctuels ou quotidiens.

- Seulement 5% des communs sont appropriés par un habitant de l'écart. Le commun est alors entretenu et utilisé par un seul foyer qui en restreint parfois l'accès physique par le biais de clôtures. Il s'agit surtout de communs aux abords directs des habitations transformés en jardins privés.

- 19% des communs sont délaissés. Ces communs correspondent au reliquat de parcelles éclatées par l'installation de la voirie moderne. Reclus en bordure de route, souvent d'une très faible superficie, ils sont abandonnés par les habitants et ne font l'objet d'aucun entretien.

3.3 La gestion administrative et physique des communs

Le questionnement systématique des habitants (lors du recensement des espaces communs en 2014) sur la détention d'archives écrites privées témoignant de la gestion de lespace commun a mis en lumière une gestion administrative et physique qui repose essentiellement sur une pratique orale.

Seul un cahier de gestion d’un commun (situé au Ronzeray à Château-Thébaud) a été identifié. Ce petit carnet dont l'écriture débute en 1889, regroupe des informations concernant les ressources produites du commun (contenance de la récolte de bois, répartition entre les habitants), la liste des contributeurs à l'impôt sur le commun, mais aussi du rôle social de cet espace partagé avec le récit des "fêtes de village" qui s'y sont déroulées.

Les échanges avec les habitants de ces hameaux indiquent que les décisions concernant la gestion des communs sont basées sur un accord tacite ou sont parfois votées à main levée, sans trace écrite de cette décision. Et ces décisions de gestion recouvrent toutes sortes de réalités : l'entretien annuel des parcelles végétales, la construction de bâtiments sur l'espace commun, la cession d’un morceau d’espace commun à un habitant ou bien encore la restauration d'un édicule patrimonial implanté sur le commun.

De façon logique, ces décisions ne valent que pour une période et une communauté d'habitants données. Elles reposent sur le caractère collectif inaliénable de la propriété du bien commun qui implique par conséquent que les propriétaires de ces espaces évoluent au gré des décès, naissances, installations et départs au sein de l'écart.

D'un point de vue statistique, le recensement des communs actuels indique que 19% des communs ne font l'objet d'aucun entretien régulier. Ces bribes d'espaces communs sont souvent les reliques d'un espace commun ancien homogène morcelé avec l'installation du réseau de voirie moderne. Reclus en bordure des routes, ces communs ne sont pas vécus et donc pas entretenus par la collectivité des habitants. 8% des communs sont quant à eux entretenus par la commune de rattachement du lieu-dit. Cet accord entre les habitants et la commune vaut pour les communs dont l'emprise foncière se confond avec le réseau routier actuel (entretien de la route et des parcelles herbeuses en bordure de celle-ci).

Commun décoré à la Goulbaudière (Le Landreau), AS01-16, cadastre 2018.Commun décoré à la Goulbaudière (Le Landreau), AS01-16, cadastre 2018. Commun décoré à la Goulbaudière (Le Landreau), AS01-16, cadastre 2018.Commun décoré à la Goulbaudière (Le Landreau), AS01-16, cadastre 2018.

Date(s) d'enquête : 2015; Date(s) de rédaction : 2015
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
(c) Syndicat Mixte du SCoT et du Pays du Vignoble Nantais
Orillard Marion
Orillard Marion

Chargée de mission Inventaire - Syndicat mixte du SCoT et du Pays du Vignoble Nantais

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