Au pied du Sillon de Bretagne, le quartier constitue le plus ancien îlot d'habitations du Bas-Chantenay implanté sur d'anciennes prairies inondables. Il se situe au sud d'un lieu-dit "la Chaussée", puis "la Grenouillère". À proximité des chantiers de constructions navales initiés par les frères Crucy (dits aussi Chantiers de la Piperie) dans les années 1790, le chemin de Chantenay (actuelle rue de Bougainville) prolonge naturellement le port de Nantes, à la limite des communes de Nantes et de Chantenay. Bien que les quais du port de Nantes (quais Saint-Louis) ne trouvent pas de continuité à Chantenay, cette banlieue de Nantes est plus une excroissance de son port qu'un véritable quartier de développement des agglomérations humaines du Bas-Chantenay de l'église Saint-Martin et de la place du Rebondu (actuelle place Jean Macé). L'îlot semble constituer un lotissement dont les bâtiments, appartenant tous à Crucy en 1835, sont construits suivant un alignement strict. Ces habitations et immeubles, tournant le dos au fleuve, qui en inonde régulièrement le pied, profitent sur la rue d'une vie de quartier ouvrière et commerçante. La première ligne du tramway nantais, prolongée en 1880 jusqu'au passage à niveau de Chantenay, emprunte la rue de la Grenouillère. Progressivement, à la fin du XIXe siècle, un front bâti s'érige au nord de la rue. En 1883, des activités de fabrication de mâtures pour navires (Mouraud), de chaudronnerie pour la Marine (chantiers Blasse), de fabrique d'engrais (Coché Frères) y sont déclarées. En 1901, la rue de la Grenouillère perd son toponyme hérité d'une géographie humide. Elle acquiert de la noblesse en adoptant le nom de Bougainville, navigateur et écrivain français du XVIIIe siècle, premier Français à avoir réalisé un tour du monde, qu'il fait au départ de Nantes, entre 1766 et 1769. Dans la première moitié du XXe siècle, cet ensemble urbain de deux îlots, construits quasi en continu de part et d'autre de la rue, compte une activité commerçante importante et variée : tabac, boulangerie, épicerie, atelier de photographie, bazar, quelques cafés et débitants, et petites alimentations, puis des restaurants, une poissonnerie, un magasin de meubles. Il abrite une population très dense d'environ 550 personnes réparties dans 39 immeubles, soit 185 logements. Proche des usines du Bas-Chantenay, des chantiers de construction et de chaudronnerie d'Alfred Blasse, de la menuiserie Lechat ou de l'usine d'engrais chimiques Delafoy, des ateliers de réparation pour la Compagnie Nantaise de Navigation à vapeur, il est le lieu de résidence de nombreux ouvriers. La construction du boulevard maritime, au début des années 1940, profitant du déplacement de la voie ferrée plus au nord, impose la destruction du front bâti nord de la rue (dit de la Grenouillère), surhaussant et élargissant la chaussée. La disparition de la ligne de tramway finit d'isoler l'îlot Bougainville. Après une désaffection de quelques décennies, le commerce, de restauration principalement, y est redevenu important. Des restaurations de façades, récentes, témoignent d'un intérêt renouvelé pour le quartier.