Dossier d’œuvre objet IM85000835 | Réalisé par
Suire Yannis (Rédacteur)
Suire Yannis

Conservateur en chef du patrimoine au Département de la Vendée à partir de 2017.

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  • inventaire topographique, Vallée de la Sèvre Niortaise, Marais poitevin
Cloche 2 dite Mélanie
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
  • (c) Conseil départemental de la Vendée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Vallée de la Sèvre Niortaise, Marais poitevin
  • Commune Damvix
  • Lieu-dit Bourg
  • Adresse rue du Centre
  • Cadastre 2022 AH 130
  • Emplacement dans l'édifice Dans le clocher.

L'affaire des cloches de Damvix

Les travaux de construction du nouveau clocher de l'église de Damvix sont adjugés le 19 juin 1877. Lorsque les premiers coups de pioche sont donnés, un vif et long contentieux est déjà en germe entre la municipalité et les autorités religieuses, locales et diocésaines, au sujet des cloches à placer dans le clocher et son beffroi. Elles deviennent le symbole des luttes politico-religieuses qui agitent Damvix en cette fin du 19e siècle, et qui avaient déjà secoué la commune lors de la reconstruction de l'église dans les années 1840-1850.

Dès le 19 avril 1877, lors d'une visite pastorale, l'évêque de Luçon évoque l'acquisition d'une nouvelle cloche, à ajouter à celle de 1732. Commande est finalement passée de deux cloches, en novembre 1878, auprès du fondeur Bollée, du Mans, pour 3200 francs, une somme payée par la fabrique paroissiale. En janvier 1879, les deux cloches arrivent à Damvix, entreposées provisoirement dans une dépendance du presbytère. Or le maire et son conseil municipal s'opposent vigoureusement à leur mise en place dans le clocher, estimant que le beffroi de celui-ci n'a été conçu que pour une seule cloche, et que la commande faite des deux cloches a été passée sans leur autorisation. Le 31 mars, le maire fait remonter l'ancienne cloche dans le beffroi, sans prévenir les autorités religieuses. Le 11, l'évêque écrit au préfet pour protester. Le 10 mai 1880, une expertise est menée par l'architecte départemental Georges Loquet. Il atteste que le beffroi peut supporter deux cloches, mais estime qu'il est trop petit. Il suggère alors que la fabrique paroissiale rembourse à la commune les frais de construction du beffroi, et prenne à sa charge son agrandissement, ce qu'elle accepte. Quelques jours plus tard, le 26 mai, le conseil municipal "proteste contre toute idée de descendre du clocher (...) la petite cloche qui s'y trouve actuellement" et s'oppose "à ce qu'on en monte trois". Le contentieux concerne aussi l'usage même des cloches : le curé entend en effet les utiliser différemment selon la classe de mariage, de baptême et d'enterrement, ce que rejette la municipalité. Le curé finit par y renoncer.

Un contentieux au coeur des luttes politico-religieuses d'avant 1914

L'affaire des cloches de Damvix est portée devant le préfet, et remonte même au ministère de l'Intérieur, alors que les luttes politico-religieuses font rage dans le pays. la question est d'autant plus sensible qu'elle se déroule à la veille des élections cantonales d'août 1880. Le préfet attire l'attention sur le contexte électoral dans le canton de Maillezais, où se présente Henri Bontemps, ancien notaire et maire de Vix, "républicain dévoué" : l'affaire des cloches de Damvix pourrait lui coûter des voix ! Le 3 avril 1883, le sous-préfet de Fontenay-le-Comte écrit encore au préfet de la Vendée : "Cette question de cloches ne manquera pas, si elle est reprise, en ce moment, de faire renaître d'anciennes divisions qu'il importe de ne pas exciter de nouveau avant les élections prochaines du conseil municipal." Dans le même temps, on se déchire à Damvix sur la place attribuée dans l'église, lors des cérémonies, aux filles de l'école privée et à celles de l'école publique. En 1881, le conseil municipal fait une nouvelle proposition : fondre les trois cloches, aux frais de la commune, pour n'obtenir qu'une seule cloche, mais la fabrique refuse. Le 17 juillet, le sous-préfet de Fontenay-le-Comte vient sur place pour abriter le contentieux, en vain.

L'affaire est toujours pendante en 1896 lorsque, le 5 juillet, le conseil de fabrique informe la municipalité de sa volonté de faire monter les deux cloches dans le clocher. Le 31, le conseil municipal renouvelle à la fois son opposition à cette opération, et sa proposition de fonte des trois cloches en une seule. La fabrique refuse de nouveau. Fin 1898, l'affaire est de nouveau portée au ministre de l'Intérieur et des Cultes, sans plus de résultat. Le 25 juin 1899, le conseil municipal propose à nouveau de faire fondre l'ancienne cloche et les deux nouvelles en une seule, "aussi grosse que possible", sans plus de succès auprès du conseil de fabrique.

En janvier 1901, celui-ci décide de faire placer les deux cloches dans le jardin du presbytère, pourtant propriété communale. C'est chose faite le 2 mars, lors d'une cérémonie de bénédiction. Le matin même, le maire a pourtant pris un arrêté interdisant la sonnerie des deux cloches, et la cérémonie se déroule sous le regard des gendarmes qui dressent procès-verbal contre le curé et le président du conseil de fabrique. Voilà qui vaut, en décembre 1901, à la question des cloches de Damvix d'arriver devant le tribunal civil de Fontenay-le-Comte, lequel est ensuite saisi par le conseil de fabrique contre la commune au sujet de la propriété et de l'usufruit de l'église et du presbytère ! Le 19 mars, le tribunal déclare non recevable la demande de la fabrique qui, de plus, n'est pas autorisée par le conseil de préfecture à former appel de cette décision. Le 10 septembre, elle forme un pourvoi au Conseil d'Etat contre ce refus d'autorisation ! Le 18 novembre, le Conseil d'Etat donne raison à la fabrique qui se tourne alors vers la cour administrative d'appel de Poitiers. En avril 1903, celle-ci condamne la commune aux frais d'appel et renvoie l'affaire devant le tribunal de La Roche-sur-Yon.

En 1910, au moment de commencer la transformation du presbytère en logements pour les enseignantes de l'école publique de filles, la question des cloches revient sur le devant de la scène. Entre temps, en 1907, conformément à la loi de séparation des Eglises et de l'Etat de 1905, la commune a repris possession du presbytère et de son jardin, où se trouvent les cloches et leur beffroi, et elle projette d'y établir l'école publique des filles. Le 30 novembre 1910, le conseil municipal décide de faire enlever les cloches et de les remettre dans une servitude de l'ancien presbytère. : la commune prend ainsi possession des cloches dont la paroisse revendique pourtant la propriété. Les 14 juin 1911 et 16 février 1913, le conseil municipal décide de faire fondre les deux cloches inutilisées, et d'utiliser la recette qui en résultera à des travaux de réparations à l'église. Une décision qui reste sans suites.

Une affaire qui ne trouve son épilogue qu'en 1971

Si la guerre 1914-1918 porte les regards ailleurs, le sujet redevient d'actualité aussitôt après, la commune et la paroisse continuant à se quereller sur la propriété des cloches et leur emplacement. En 1921, le diocèse exprime de nouveau son opposition à la vente des cloches. En 1923, alors que deux cloches sont toujours entreposées dans une servitude de l'école publique des filles, le curé propose de les faire installer dans le clocher à ses frais. Le maire s'y oppose à nouveau, estimant, comme ses prédécesseurs depuis 1877, qu'une seule cloche, l'ancienne, suffit. En 1929-1930, le curé, le préfet, le maire et le député M. de Tinguy du Pouet entretiennent une abondante correspondance au sujet des cloches de Damvix, sans davantage de résultats, chaque camp continuant à revendiquer la propriété des cloches.

L'imbroglio juridique ne prend fin que dans les années 1970, soit près d'un siècle après la fonte des deux cloches litigieuses ! En 1971, à l'occasion de l'électrification du mécanisme de l'ancienne cloche, l'une des deux cloches de 1879, la plus grosse, appelée Mélanie, la rejoint dans le beffroi du clocher qui est reconstruit, avec pose d'une nouvelle horloge. La commune et la paroisse partagent les frais de l'opération. Quant à la seconde cloche de 1879, la plus petite, elle est finalement vendue.

  • Catégories
    fonderie de cloches
  • Matériaux
    • bronze
  • Mesures
    • d : 95 cm
    • pds : 501 kg
  • Iconographies
    • ornement à forme végétale
    • rinceau
    • croix
    • armoiries
    • Sacré-Coeur
    • Immaculée Conception
  • Précision représentations

    Deux frises végétales encadrent les lignes d'inscription sur le cerveau de la cloche, tandis que sa robe est ceinturée d'une troisième, formée de rinceaux. La cloche présente par ailleurs une croix, des armes pontificales, une Immaculée Conception, et un Sacré-Cour dans un médaillon.

  • Précision inscriptions

    Sur le cerveau, sur deux lignes, on lit ceci : "J'AI ETE ACHETEE PAR LA FABRIQUE DE DAMVIX L'AN 1879 MONSIEUR L. GOGUET ETANT CURE ON M'A NOMMEE MELANIE. MON PARRAIN A ETE LOUIS BOURNEAU ET MA MARRAINE MELANIE TEXIER."

    Sur la robe, on lit : "BOLEE ET SES FILS FONDEURS ACCORDEURS AU MANS."

  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents d'archives

  • Archives paroissiales de Maillé. 1841-1895 ; 1921-1967 : registre des délibérations du conseil de fabrique puis du conseil paroissial de Damvix.

  • Archives paroissiales, Maillé ; Paroisse de Damvix, carton 3. 1878-1942 : cloches (constaté vacant en 2022, contenu décrit par l'inventaire d'archives de l'abbé Louis Delhommeau en juin 1986).

  • Archives paroissiales, Maillé ; Paroisse de Damvix, carton 4. 1971-1975 : cloches (constaté vacant en 2022, contenu décrit par l'inventaire d'archives de l'abbé Louis Delhommeau en juin 1986).

Bibliographie

  • Damvix, regards sur le passé. Société d'histoire locale de Damvix, Geste éditions, 2006.

    p. 75-88
Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2021
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
(c) Conseil départemental de la Vendée
Suire Yannis
Suire Yannis

Conservateur en chef du patrimoine au Département de la Vendée à partir de 2017.

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