Dossier d’œuvre architecture IA53004379 | Réalisé par
Barreau Pierrick (Contributeur)
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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  • enquête thématique départementale, rivière Mayenne
Bourg de Couptrain
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Mayenne - Villaines-la-Juhel
  • Commune Couptrain

Un passage stratégique sur la Mayenne

Peu de documents viennent éclairer les origines du bourg de Couptrain, qui se lisent davantage dans le parcellaire, notamment le plan cadastral de 1813, que dans les maigres archives conservées. En effet, l'agglomération s'est développée dans un réseau de paroisses alors déjà en place, sur le territoire de Saint-Aignan. Néanmoins, son emplacement revêtait un intérêt tel que le bourg de Couptrain devait rapidement éclipser Saint-Aignan : il se trouve en effet sur une hauteur, au niveau d'un franchissement de la Mayenne, à la frontière normande, à l'intersection des chemins de Mayenne, Alençon, Domfront, Carrouges. Hippolyte Sauvage, juge de paix du canton, suggérait d'ailleurs que le toponyme Couptrain, anciennement Corputragium (acte de fondation du prieuré de Montguion de 1198), sans doute dérivé de corpus trajectum, renvoyait à un rassemblement ou une étape en un lieu de traverse ou de passage. En revanche, il ne faut pas faire remonter l'origine du lieu à la période antique, puisque aucune voie romaine ne semble passer par Couptrain, contrairement aux hypothèses formulées par Sauvage ; la voie d'Avranches à Chartres passait, semble-t-il, légèrement plus au nord.

Pour la mise en défense de ce lieu stratégique sous la coupe des seigneurs de Mayenne, un "château" avait été élevé vers le XIe ou le XIIe siècle, plus exactement une importante motte féodale, aujourd'hui arasée et qu'il est difficile de dater avec plus d'exactitude. Cette motte aurait occupé une parcelle irrégulière dominant la rivière, effectivement dénommée "le Château" dans les documents cadastraux ; cette parcelle a été éventrée par l'aménagement de la nouvelle route de Lignières-Orgères qui descend dans la vallée en effectuant un lacet. On note toutefois la présence très lisible, sur le cadastre de 1813, d'un fossé dit "l'Enclos" enserrant un espace semi-circulaire autour de l'église et du cimetière : s'agit-il d'une partie de cette motte ou bien d'une basse-cour ? Ce fossé n'est aujourd'hui plus lisible in situ, mais la courbure du chemin de Saint-Julien en est l'empreinte. L'impasse longeant l'église n'est autre que l'ancien chemin de Lignières et de Carrouges, qui passait au cœur de cet ilot.

Une histoire inscrite dans le parcellaire

Couptrain devait ainsi constituer pour quelques temps une des clés de la frontière nord du Maine en contact avec la Normandie. Si le "château" semble n'avoir jamais été reconstruit en maçonnerie (la description fantasmée par Sauvage est sans fondement archéologique), il devait néanmoins devenir rapidement le noyau d'une agglomération. L'abbé Angot écrit que le bourg de Couptrain aurait été, "d'après une tradition dont les témoignages sont très vagues, ville close". Comme il le rappelle ensuite, et malgré les tours et murailles imaginés par Sauvage, il ne faut pas chercher la trace de murs autour du bourg ; le cadastre révèle néanmoins là aussi les indices d'une ceinture de fossés, si ce n'est deux. Le tracé des rues de la Cour-Cordon et de la rue du Jeu-de-Paume évoque par sa forme une première enceinte, tandis que celui de la rue du Coufrier forme une seconde ligne englobant la première. Au sud, un fossé en eau dit "le Canal" toujours existant, est un vestige de ces aménagements. Aucune chronologie ne peut être établie faute de documents, mais en 1273 Guillaume de Doucelles, seigneur de Couptrain, évoquait ses "bourgeoys de ladicte ville", indiquant que celle-ci avait déjà pris une certaine importance.

Depuis la motte initiale jusqu'à l'enceinte extérieure, le déploiement de ces fossés concentriques rend compte sans doute du développement rapide du bourg, mais aussi du déplacement du modeste carrefour initial, sans doute au pied de l'église, à son emplacement actuel un peu plus au sud. On y trouve une vaste place – ou plutôt un élargissement des rues - où se trouvait la halle, aujourd'hui disparue mais toujours visible sur le cadastre de 1813. Plus que le "château", probablement abandonné très rapidement, c'était le centre économique et administratif du bourg, lieu de commerce et de justice de la châtellenie où officiait un bailli. Couptrain bénéficiait sous l'Ancien Régime de deux foires annuelles qui se tenaient dans les prés autour de la chapelle de la Madeleine, en direction de Saint-Aignan ; le marché hebdomadaire, sous la halle, avait lieu le mardi et est attesté dès 1506. Miromesnil écrivait, parlant de la localité : "ce n'est qu'un gros bourg où il se tient un gros marché", rejoignant le constat de Davelu qui trouvait également ce bourg "assez beau". Les foires, réactivées en 1867, furent finalement étouffées par celles de Pré-en-Pail, de même que le marché, dès la fin du XIXe siècle.

Un bourg important et cossu au XIXe siècle

Quelques rares demeures, remaniées à de multiples reprises, présentent encore des éléments antérieurs au XIXe siècle : ouvertures chanfreinées ou segmentaires, toiture pentue ou en pavillon. Il ne reste rien en revanche des éléments les plus importants qui devaient se distinguer du reste du bâti, saisis et vendus comme biens nationaux à la Révolution ou supprimés pour le remodelage urbain : la motte, la chapelle de la Madeleine, le prieuré Saint-Denis avec sa chapelle, la halle en bois… La Révolution fait de Couptrain une paroisse et une commune indépendante, dont le territoire, taillé sur celui de Saint-Aignan, est toutefois très modeste – à peine 70 hectares (c'est aujourd'hui la plus petite commune de Mayenne en superficie). Elle devient également chef-lieu de canton, de trois puis de onze communes. A ce titre, le bourg est pourvu de nombreux services au cours du XIXe siècle, mairie, écoles de garçons et de filles, poste, perception, justice de paix, gendarmerie, lavoir, pour lesquels de nouveaux bâtiments sont progressivement construits dans la 2e moitié du XIXe siècle et le 1er quart du XXe siècle. Étape importante sur la route de Pré-en-Pail à Domfront, ouverte dès 1772, Couptrain accueille de nombreux hôtels et auberges pour les voyageurs et marchands.

Les fronts de rue assez harmonieux aux façades à travées régulières témoignent de l'ampleur des reconstructions du XIXe siècle, qui va de pair avec le passage d'une route importante et une certaine vitalité économique de la petite cité. Les plans d'alignement de 1824, 1852 et 1889, ainsi que les matrices cadastrales permettent de documenter ces importantes transformations qui renouvellent totalement le visage du bâti. Le bourg se reconstruit sur lui-même plus qu'il ne s'étend. Seul l'axe principal (Domfront-Pré-en-Pail) se développe, en direction de l'est et de l'ouest ; s'y implantent la mairie-école de garçons, la poste et la gendarmerie, ainsi que certaines demeures bourgeoises non mitoyennes plutôt opulentes, de trois à cinq travées, parfois semble-t-il à usage de villégiature. L'ouverture de la voie ferrée Domfront-Alençon par Couptrain en 1881 n'y est pas étrangère (elle sera fermée aux voyageurs en 1938). Néanmoins, un exode de la population amorcé dès le milieu du XIXe siècle se poursuit tout au long du XXe siècle. D'abord commerçant, le bourg ne compte pas véritablement d'industrie, tout au plus peut-on signaler la blanchisserie de cires et fonderie de suifs Fresnais, citée en 1899 par l'instituteur Louis Roussin, qui n'occupait que quelques ouvrières. Reconstruit vers 1950, le bâtiment (aujourd'hui scierie) est toujours visible sur le territoire de la commune de Saint-Aignan. Couptrain, qui comptait environ 530 habitants en 1850, n'en compte aujourd'hui plus que 130. Singulièrement, c'était la commune la moins peuplée de son canton, avant qu'il soit absorbé par celui de Villaines-la-Juhel suite à la réforme de 2013. Dans la 2e moitié du XXe siècle, seul un lotissement de quelques maisons sera aménagé rue du Coufrier.

  • Période(s)
    • Principale : Temps modernes, Epoque contemporaine

Le bourg de Couptrain occupe une éminence schisteuse dominant la rivière Mayenne, qui n'est encore ici qu'un très modeste cours d'eau. L'axe principal du bourg, est-ouest, est l'actuelle départementale n°176 (anciennement n°5) reliant Pré-en-Pail à Domfront. Il forme un carrefour élargi, au centre de bourg, avec la départementale n°3, de Javron-les-Chapelles à Lignières-Orgères. L'essentiel du bâti se concentre de manière souvent linéaire sur ces deux axes. Un réseau de rues et ruelles traversant les ilots, semble-t-il en partie hérité d'anciens fossés de défense, vient étoffer la densité bâtie du bourg, lui donnant un aspect urbain, renforcé par la mitoyenneté des maisons à étage carré et à travées régulières. Cœur du bourg, le carrefour-place était occupé par la halle, démolie vers le milieu du XIXe siècle. C'est ici que sont encore visibles les maisons les plus anciennes et les plus pittoresques, toutefois largement remaniées à diverses époques. A mesure que l'on s'écarte du centre, la densité bâtie diminue et les anciennes fermes se mêlent aux maisons. Quelques grandes demeures du XIXe siècle, placées aux entrées du bourg, bénéficient d'un parc ou jardin plus ou moins important, d'une façade sur la route et d'une vue sur la vallée. La recherche d'une perspective a présidé au choix de l'emplacement de la mairie-école de garçons, placée dans un virage à la sortie ouest du bourg. Les autres bâtiments publics, loués pour la plupart, aujourd'hui redevenus maisons, n'ont pas fait l'objet d'un même soin. Le cimetière, remodelé à plusieurs reprises, est demeuré accolé à l'église.

  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents d'archives

  • Archives départementales de la Mayenne ; B 1799. Ordonnance du bailli de Couptrain déclarant que le demeau qui sert de mesure à la halle de Couptrain est le même que celui de la châtellenie, 1750-1752.

  • Archives départementales de la Mayenne ; E-Dépôt 58 1 O 1. Plan d’alignement de la traverse de Couptrain, 1852.

  • Archives départementales de la Mayenne ; MS 80/12-3. Monographie communale de Couptrain, par l'instituteur Louis Roussin, 1899.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 314 N 91. Location de la gendarmerie de Couptrain, 1832-1940.

  • Archives départementales de la Mayenne ; O 360/4. Bâtiments communaux de Couptrain, écoles et mairie, 1875-1913.

  • Archives départementales de la Mayenne ; O 361. Bâtiments communaux de Couptrain, église, presbytère, cimetière, 1850-1921.

  • Archives départementales de la Mayenne ; O 362. Plans d’alignement des rues secondaires du bourg de Couptrain, 1889.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 128, 129, 546. Matrices cadastrales, registres des augmentations et diminutions de construction de la commune de Couptrain, XIXe-XXe siècles.

  • Archives départementales de la Mayenne ; S 295. Route départementale n°5 de Pré-en-Pail à Domfront, alignements, 1835-1906.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 445 W 62. Dommages de guerre, reconstruction de l’usine Fresnais-Debois à Couptrain, 1945-1952.

Bibliographie

  • ANGOT, Alphonse (abbé). Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne. Laval : Goupil, 1902.

  • DAVELU, Pierre-François. Répertoire topographique et historique du Maine. [Ouvrage manuscrit]. 1766-1774

  • LE PAIGE, André-René. Dictionnaire topographique, historique, généalogique et bibliographique de la province et du diocèse du Maine. Le Mans : Toutain, 1777.

  • Le patrimoine des communes de la Mayenne. Paris : Éditions Flohic, 2002.

Périodiques

  • SAUVAGE, Hippolyte. "Histoire du canton de Couptrain et de ses communes". Bulletin de la Société d'Archéologie, Sciences, Arts et Belles-Lettres de la Mayenne, 1865.

    p. 64-80

Documents figurés

  • Collection de cartes postales anciennes des communes de la Mayenne. (Archives départementales de la Mayenne ; 5 Fi).

  • Plans de la mairie-école de garçons de Couptrain, par l'architecte Godin, 1879. (Archives départementales de la Mayenne ; O 360/4).

  • Plan cadastral napoléonien de Couptrain, 1813. (Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 2676).

Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2021
(c) Conseil départemental de la Mayenne
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Barreau Pierrick
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Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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