Dossier d’œuvre architecture IA53004407 | Réalisé par
Barreau Pierrick (Contributeur)
Barreau Pierrick

Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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  • enquête thématique départementale, rivière Mayenne
Bourg de Changé
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Pays de la Loire - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Mayenne - Saint-Berthevin
  • Commune Changé

Un bourg modeste aux origines anciennes

 Le site du bourg de Changé est vraisemblablement occupé depuis une époque reculée. Un faisceau d'indices plaide en faveur d'une agglomération ancienne, qu'aucune investigation archéologique ne vient pour l'instant confirmer. L'ancienne église paroissiale, détruite en 1869, présentait les vestiges d'une maçonnerie de la fin de l'Antiquité ou de la période mérovingienne : il pouvait s'agir d'un bâtiment antique remployé ou encore d'une des plus anciennes églises du Maine. Il n'en subsiste malheureusement aucun vestige. Par ailleurs, des sarcophages du haut Moyen Age ont été exhumés au XIXe siècle dans le bourg à l'occasion de travaux, notamment lors de la mise à niveau de la route de Laval en 1854. De récentes fouilles précédant l'aménagement d'un lotissement ont révélé l'existence d'un habitat protohistorique plus au sud, sur le site de la Coudre, où se trouve aujourd'hui un manoir de la fin du XVe siècle.

Le regroupement d'une population à cet endroit est à mettre en relation avec l'existence d'un franchissement sur la Mayenne. Le noyau de l'agglomération pourrait être une ancienne villa gallo-romaine, la villa Calgiacum donnée par Robert de Blois à l'abbaye d'Evron en 989 pouvant s'en faire l'écho. Dès 832, l'existence d'un bourg public, Cangiaco vico publico, est attestée dans un diplôme qui en confirme la possession à l'évêque du Mans par Louis le Pieux. Au moins dès le XIIe siècle, le bourg de Changé se développe autour de deux clochers voisins, celui de l'église paroissiale Saint-Pierre et celui de l'église prieurale Notre-Dame. Néanmoins, l'agglomération ne semble avoir jamais pris de grande ampleur, sans doute du fait de la proximité de la ville de Laval où se concentrait la population. Les vestiges d'habitat ancien y sont d'ailleurs presque absents, autant du fait de la modestie du village jusqu'au XXe siècle que des reconstructions et des modifications urbaines qui s'ensuivirent.

 

 Une évolution mesurée au XIXe siècle

Sur le plan cadastral napoléonien de 1814, l'espace du bourg de Changé est uniquement occupé, côté sud, par l'église, le cimetière qui l'entoure, le presbytère et le prieuré (dont l'église est démolie depuis la fin du XVIIIe siècle) ; c'est d'ailleurs toujours le cas aujourd'hui. Seules quelques maisons étaient agglomérées autour du carrefour principal ; d'autres étaient implantées autour de la fourche située un peu plus au nord (Beauregard), embranchement des chemins de Saint-Germain-le-Fouilloux et de la Baconnière, où il existait une maladrerie. En revanche, on ne trouvait en rive gauche, accessible à gué et par bac, qu'un modeste "port" sur la Mayenne et quelques fermes sans continuité avec le bourg. Le bac semble avoir existé au moins dès le XVIe siècle. Un logement était dévolu au pontonnier et attribué par l'assemblée des habitants. Un pré dit des Chalons (embarcations) était dévolu à l'entretien des bateaux.

Durant la plus grande partie du XIXe siècle, le bourg ne connait pas de véritable extension ; il change néanmoins considérablement de visage. L'église Saint-Pierre est reconstruite en 1869, tandis que le cimetière est transféré hors du bourg. L'ancien prieuré est totalement transformé et agrandi, si ce n'est reconstruit, par la famille d'Elva par campagnes successives au cours du XXe siècle. Des écoles communales sont construites, pour les garçons en 1835, pour les filles en 1821 puis 1874. Le pont sur la Mayenne est construit entre 1869 et 1872 (selon les matrices, le bac est supprimé en 1896). L'implantation de nouvelles maisons densifie l'espace autour du carrefour principal ; la plupart des maisons anciennes sont reconstruites ou totalement remaniées à cette époque.

 

 Un quartier de villégiature en bord de Mayenne

L'évolution la plus intéressante du bourg de Changé est le développement d'un quartier de maisons de plaisance et de villégiature le long de la Mayenne, en direction du nord (route de Saint-Jean-sur-Mayenne, actuellement rue Berthe Marcou). L'élan est donné à la fin du XIXe siècle, notamment au début des années 1870 avec la construction de l'exubérante maison du médecin Louis Garreau des Pommiers (n°17), dite "le Cottage" : si son architecture est sans lien avec les cottages anglais, son inspiration de la villégiature et sa fonction de résidence d'agrément sont attestées par la correspondance entre le commanditaire et l'architecte.

A sa suite sont édifiées, sur un linéaire de près d'un kilomètre longeant la Mayenne, entre la fin du XIXe siècle et le milieu du XXe siècle, de nombreuses petites maisons de villégiature. Bien qu'il soit difficile voire impossible de leur restituer à chacune leur commanditaire, ceux-ci figurent au registre des matrices cadastrales de Changé. Il s'agit essentiellement de la classe moyenne lavalloise, petits artisans, commerçants ou ouvriers : boucher, charcutier, ferblantier, mécanicien, employé de chemin de fer, comptable, etc. Les maisons sont parfois nommées "chalets" ou "villas" en référence à leur fonction de plaisance, leur occupation temporaire et leur architecture pittoresque. Par exemple, le "petit cottage du Chalet-Vert" était propriétaire d'un certain Grisoni, médecin aide-major 2e classe, dont la presse relate en 1915 le décès tragique suite à un accident de canotage sur la Mayenne. Très modestes et inadaptées à une occupation permanente, ces maisons ont été largement remaniées et agrandies dans la 2e moitié du XXe siècle, perdant bien souvent tout leur cachet. Néanmoins, il subsiste quelques éléments de leur architecture pittoresque, balcons et galeries en bois, pignons couverts, décors, appellations et plaques nominatives : "chalet du Vert Buisson", "Ker des Roses". Ce quartier, dont la patrimonialisation est désormais impossible du fait de trop nombreuses transformations, demeure néanmoins un des rares témoignages d'une implantation d'une villégiature de la classe modeste le long de la Mayenne, qui doit tout autant à la rivière qu'à la proximité de Laval.

 

Un lieu de promenade et de délassement en périphérie de la ville

En 1897, Changé figure parmi les points d'intérêt pour le touriste du Guide de Laval et ses environs d'Isidore Guédon : "coquette bourgade, rendez-vous favori des promeneurs lavallois. On vient s'y délasser en bord de Mayenne, admirer le château et l'église nouvelle, arpenter l'escarpement rocheux du Saut-Gautier et de la Coudre, consommer l'eau très appréciée de la fontaine ferrugineuse à la sortie nord du bourg. Dans sa monographie de 1899, l'instituteur Rossignol décrit le site admirable dans lequel prend place le bourg de Changé : "en venant de Laval, le voyageur a sur sa droite la Mayenne qui, près du bourg, ressemble à un lac tant son cours est paisible ; sur sa gauche, les hauteurs escarpées du Saut-Gauthier et de la Coudre, les bois et la vieille châtaigneraie qui couronne le coteau à l'entrée du bourg. Il aperçoit, comme faisant le fond de ce tableau, la belle église paroissiale, le château de M. le comte d'Elva, avec ses toits aigus, ses fenêtres ornementées, son immense prairie parsemée de bosquets et, en outre, le pont en fonte jeté sur la rivière et donnant la vie à tout cet ensemble". A sa suite, Félix Désille se fait l'écho de l'atmosphère riante qui imprègne le village de Changé, "promenade préférée des Lavallois pour les dimanches et fêtes" où l'on trouvait une vingtaine de cafés et de cabarets. On y fréquentait l'auberge du Vatican (aujourd'hui détruite), "avec tonnelles aux amoureux, balançoires, pêche en eau… troublée". On montait jusqu'au moulin de Belle-Poule, "l'auberge et des tables sur le bord de l'eau, la passerelle en bois à côté de la place aux Tains, avec quelques cabines pour les baigneurs, rares". Les peintres lavallois viennent y poser leur chevalet, comme Pierre Charon.

L'extension de l'agglomération lavalloise a entrainé de grands bouleversements pour l'ensemble du bourg de Changé à partir du 4e quart du XXe siècle. Celui-ci a connu une forte croissance par la construction de vastes lotissements et de zones d'activités qui s'étalent désormais aussi bien en rive gauche qu'en rive droite. De nombreux équipements et aménagements ont été réalisés pour le confort des résidents, comme les plans d'eau ou les établissements sportifs et culturels. La mairie occupe désormais l'ancien château d'Elva et le parc est devenu public pour l'agrément des habitants. Le centre-ville près de l'église a fait l'objet d'importants travaux de réhabilitation dans les années 2000, renforçant son caractère urbain par la construction d'immeubles. Etablie entre la rocade lavalloise, l'autoroute et la ligne LGV, Changé apparait aujourd'hui comme une banlieue prisée de Laval. Le bourg reste un but de promenade via le chemin de halage désormais dévolu à la flânerie et à la randonnée.

  • Période(s)
    • Principale : Temps modernes, Epoque contemporaine

Le bourg de Changé, situé au centre du territoire communal, est situé au bord de la Mayenne, sur la rive droite. La morphologie du bourg ancien est liée au franchissement de la rivière et au croisement de l'ancien chemin de Laval et de celui venant de la Baconnière. Il est aujourd'hui traversé d'ouest en est par la départementale 561, qui fait la jonction entre les voies rapides d'Ernée et de Mayenne à Laval. L'axe nord-sud relie, via la rive droite de la Mayenne, Laval à Andouillé. Le noyau ancien, largement remanié par d'importants travaux urbains, se trouve au croisement de ces routes au niveau du pont, près de l'église et du château. La rue Berthe Marcou, qui longe la Mayenne vers le nord, apparait comme une excroissance liée à l'implantation d'une petite villégiature à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Le bourg de Changé est aujourd'hui cerné de vastes lotissements construits en lien avec le développement de l'agglomération lavalloise.

Documents d'archives

  • Archives départementales de la Mayenne ; 191 J : fonds Desille.

  • Archives départementales de la Mayenne ; MS 80/5-2. Monographie communale de Changé, par l'instituteur Rossignol, 1899.

  • Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 81-83, 518, 1446. Matrices cadastrales, registres des augmentations et diminutions de construction de la commune de Changé, XIXe-XXe siècles.

Bibliographie

  • ANGOT, Alphonse (abbé). Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne. Laval : Goupil, 1902.

  • ANGOT, Alphonse. La Mayenne : sites, monuments et souvenirs du département.

  • DAVOUST, Louis. Changé, dix siècles d'histoire. Siloë, 1995.

  • GUEDON, Isidore. Laval et ses environs, guide de l'étranger, 1897.

    p. 182-183
  • GUILLER, Louis. Recherches sur Changé-les-Laval. Laval : S. Chailland, 1882, 1883, 1885.

  • VALAIS, Alain. Les églises rurales du premier Moyen Age (Ve-XIe siècle) dans l’ancien diocèse du Mans et à ses confins. Thèse de doctorat d’histoire et archéologie, Université Paris-Nanterre, 2021.

Documents figurés

  • Collection de cartes postales anciennes des communes de la Mayenne. (Archives départementales de la Mayenne ; 5 Fi).

  • Plan cadastral napoléonien de Changé, 1814. (Archives départementales de la Mayenne ; 3 P 2651).

Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2021
(c) Conseil départemental de la Mayenne
(c) Région Pays de la Loire - Inventaire général
Barreau Pierrick
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Chercheur auprès du Pays du Perche sarthois jusqu'en octobre 2020. Depuis novembre 2020, chercheur auprès du Conseil départemental de la Mayenne.

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